[Actualité] Cap sur la Cop ! Le carnet de bord
La Cop15 de la CDB, c’est maintenant ! À travers différentes missions, la FRB est mobilisée à Montréal. Retrouvez régulièrement sur cette page, les témoignages “à chaud” de l’équipe présente sur place.
- Par Hélène Soubelet et Denis Couvet, directrice et président de la FRB
On y est, le cadre mondial sur la biodiversité est adopté ! Un accord qui, malgré certains reculs, contient aussi des avancées notables par rapport au projet de juillet 2021 sur lesquels nous revenons ci-dessous.
L’ambition du cadre a été réduite sur certains sujets importants, comme la suppression des subventions néfastes ou la réduction des impacts du secteur privé, et augmenté sur d’autres points comme la prise en compte du potentiel adaptatif, de l’intégrité écologique, la restauration des fonctions écosystémiques, mais également, l’inclusion des diverses valeurs de la biodiversité et une gouvernance plus inclusive, multilatérale.
Certains ajouts restent peu explicites et exigeront des précisions sur leur signification, comme l’intensification durable de l’agriculture (cible 10) – quel sens pour l’Afrique, l’Europe ? -, les activités, services et produits basées sur la biodiversité (cible 9).
Des avancées notables…
Le projet est plus ambitieux sur un certain nombre de visions écologiques et sociales.
En termes écologiques, il faut saluer l’apparition de l’objectif de restauration de la diversité génétique pour le maintien du potentiel adaptatif des espèces sauvages et domestiques (cible 4), du renforcement de la notion d’intégrité écologique qui a été introduite dans les cibles 1 (planification écologique territoriale), 2 (restauration des écosystèmes dégradés), 12 (zones urbaines), la comptabilité nationale des impacts avec intégration progressive dans toutes les activités (cible 14).
En termes de justice sociale et d’inclusivité, ce nouveau cadre intègre la nécessité de ne pas compromettre la capacité des générations futures à subvenir à leurs besoins (objectif C et section E). Il multiplie les références aux droits des peuples autochtones et des communautés locales (cibles 1, 3, 5, 9, 19, 21, 22), aux droits des femmes, en créant une cible dédiée (cibles 22 et 23).
En termes de changement systémique, le cadre inclut, et c’est nouveau :
- la conservation in situ,
- la modification des valeurs sociales, comportements individuels ou styles de vie comme moteurs du changement,
- l’intégration explicite des diverses valeurs de la biodiversité (alors que le cadre de 2021 focalisait plus sur les valeurs économiques),
- le maintien, la restauration des fonctions et des services écosystémiques dans l’objectif B, la cible 10 (relative aux agrosystèmes), la cible 12 (relatives aux zones urbaines),
- les droits et l’accès équitable aux ressources naturelles et des terres (cible 23),
- l’ajout explicite du recours aux solutions fondées sur la nature, ou approches basées sur les écosystèmes pour restaurer, augmenter les contributions de la nature (cible 11),
- le rôle de la science (section C) et l’accès aux données (cible 21) sont également explicitement mentionnés à plusieurs reprises comme outils essentiel d’appui à la décision.
Par ailleurs, le cadre proposé par la Chine renforce certaines cibles par rapport à 2021. C’est le cas de l’arrêt de la perte des zones à haute intégrité écologique d’ici 2030 (cible 1) ; de la restauration d’au moins 30 % des écosystèmes terrestres, des écosystèmes d’eau douce, des écosystèmes côtiers et marins, contre 20 % en 2021 (cible 2) ; de la réduction de 50 % du taux d’introduction des espèces exotiques envahissantes d’ici 2030, alors qu’aucune date n’était mentionnée en 2021 (cible 6).
La cible 16 est, elle, plus explicite sur le rôle de la consommation avec un objectif (réduire l’empreinte de la consommation et réduire significativement la surconsommation) et des moyens pour y arriver (établir des réglementations, politiques, cadre réglementaire, améliorer l’éducation et l’accès à des informations pertinentes et des alternatives).
Le cadre est également plus ambitieux sur le financement (cible 19), à la demande des pays en développement, avec un flux financier des pays développés vers les pays en voie de développement de 20 milliards de dollars par an d’ici 2025 puis 30 milliards par an en 2030.
Une grande satisfaction également sur la cible 3 qui contient à présent un mention indiquant que, dans ces aires protégées, il convient de s’assurer que tout usage durable soit compatible avec les objectifs de conservation.
De son côté, la cible sur les pesticides a quant à elle été atténuée en termes de chiffrage (en 2021, la réduction visée était de deux tiers) mais l’introduction de la notion de “réduction des risques liés aux pesticides de 50 %” pourrait être en réalité plus ambitieuse, car ce qui compte en termes de pollutions c’est plus la dangerosité de la substance active que la quantité de substance épandue.
Enfin, deux cibles ont été ajoutées :
- La première (cible 20) sur le renforcement de capacité, propose de favoriser le développement et le transfert de technologies, de promouvoir le développement et l’accès à l’innovation et à la coopération technique et scientifique, les programmes de recherche scientifique conjoints.
- La seconde (cible 23) concerne l’égalité des sexes avec la reconnaissance d’un droit d’accès équitable à la terre et aux ressources naturelles et d’une participation et d’un leadership complets, équitables, significatifs et informés à tous les niveaux d’action, d’engagement, de politique et de prise de décision liés à la biodiversité.
… malgré certains reculs
Dans les points moins ambitieux, il faut noter l’affaiblissement du texte sur la théorie du changement qui était assez innovante dans la proposition de 2021. Cet affaiblissement a notamment fait disparaitre l’évocation du coût de l’inaction. Certaines des notions qui était présentes dans ce paragraphe sont à présent réparties dans l’ensemble du cadre, notamment : changement transformateur, nécessité de transformation économique, sociale et des modèles financiers, reconnaissance de l’égalité des genres, de l’accès au pouvoir des femmes, des jeunes et la participation entière et effective des peuples autochtones et des communautés locales.
La cible 15 a été particulièrement atténuée, avec des termes comme « encourage et appuie le business à (…) évaluer et rapporter leurs dépendances et risques », alors qu’en 2021 il était écrit que “toutes les entreprises (…) évaluent et rapportent sur leurs dépendances et risques en matière de biodiversité”.
La cible 18, sur l’élimination des subventions néfastes perd aussi complètement sa force par l’ajout de deux termes : “proportionné” et “progressivement”.
Notons aussi l’atténuation, voir la disparition de certains indicateurs :
- Les indicateurs de l’objectif A :
- l’augmentation d’au moins 15 % de la surface, la connectivité et l’intégrité des écosystèmes naturels ;
- le risque d’extinction d’espèces dans tous les domaines taxonomiques et groupes fonctionnels, est divisée par deux ;
- la diversité génétique des espèces sauvages et domestiquées est sauvegardée, avec au moins maintien d’au moins 90 % de la diversité génétique au sein de toutes les espèces ;
- le gain net de superficie, de connectivité et d’intégrité des systèmes naturels d’au moins 5 % ;
- le risque d’extinction réduit d’au moins 10 % ;
- l’augmentation de la proportion d’espèces qui conservent au moins 90 % de leur diversité génétique ;
- La réduction de 50 % des déchets a disparu du cadre 2022 (cible 16).
- Par ailleurs, la cible chiffrée de réduction de moitié des impacts négatifs des entreprises a disparu (cible 19).
Enfin, la cible 13 contient à présent la mention des séquences numériques en matière de partage des avantages, légèrement atténuée par la mention “lorsqu’approprié”, mais avec un engagement d’ici 2030 à favoriser l’augmentation des bénéfices issus des ressources génétiques et séquences numériques.
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- Par Robin Goffaux, pôle Coordination européenne et internationale
| Co-point focal national pour le SBSTTA de la CDB
Ce matin, la Présidence chinoise, après consultation des délégations dans la journée de samedi, a publié un texte nettoyé pour adoption dans son intégralité par les chefs de délégation. Il comprend 6 documents :
- Le cadre global avec ses 4 objectifs et 23 cibles d’action : disponible ici (ENG) ;
- Le jeu, partiel, d’indicateurs qui permettrait son suivi : disponible ici (ENG) ;
- Une proposition sur la question des Données de séquençage : disponible ici (ENG) ;
- La mobilisation des ressources : disponible ici (ENG) ;
- Le renforcement de capacité et la coopération scientifique et technique : disponible ici (ENG) ;
- Les mécanismes de planification, suivi, rapportage et de revue des avancées du cadre : disponible ici (ENG).
Les délégations étudient actuellement cette proposition, vérifiant sa compatibilité avec leurs positions nationales et étudiant les propositions chiffrées ou non chiffrées.
Les chefs de délégations commenceront à se réunir, ici à Montréal, à partir de 18h pour s’exprimer sur l’adoption de ces six documents en l’état. En cas de refus de la part d’une ou plusieurs délégations, aucun accord ne pourrait ressortir de cette Cop 15. Anticipant des dernières discussions potentiellement difficiles, une seconde plénière de discussion est envisagée lundi matin.
- Par Denis Couvet, président de la FRB
En bref, et dans l’ordre des interventions, retour sur les déclarations qui marquent le début du sprint final des négociations :
- La Chine se félicite de la richesse des discussions, de la pertinence de la notion de “civilisation écologique”, des perspectives offertes par un véritable multilatéralisme.
- Le Canada insiste sur la gravité de la crise, l’importance de mobiliser les populations.
- Le maire de Kunming (Chine) se félicite de la mobilisation collective des villes.
- La communauté scientifique insiste sur l’inclusivité, la place des peuples autochtones et communautés locales, des jeunes et des femmes.
- Le représentant des peuples autochtones et communautés locales rappelle qu’il faut dépasser la séparation nature-culture.
- Le représentant des ONG chinoises rappelle l’importance de la convergence des efforts, d’atteindre un consensus.
- Business for nature demande aux gouvernements de leur donner une certitude politique sur le fait que les entreprises vertueuses soient récompensées, les autres découragées, que les réglementations environnementales soient plus strictes, les subventions dommageables soient supprimées.
- Le représentant du secteur financier réclame que les modalités de divulgation des risques environnementaux soient précisées de manière urgente.
- Par Denis Couvet, président de la FRB ; Hélène Soubelet, directrice de la FRB ; et Robin Goffaux, pôle Coordination européenne et internationale, co-point focal national pour le SBSTTA de la CDB
De la comparaison des messages portés par les pavillons nationaux
Une petite excursion au sein des pavillons de différents pays, du Nord au Sud, en passant par l’Amérique, l’Asie, l’Afrique ou encore l’Europe, permet de découvrir les messages qui sont mis à l’honneur, et peut être de mieux comprendre les positionnements des négociateurs.
Certains États choisissent de mettre en avant la protection de la biodiversité, via des solutions phares :
- France = Stopper et inverser la perte de biodiversité en France et dans le monde en protégeant 30 % de la planète ;
- Allemagne = Engagés pour la biodiversité (chaînes de valeurs durables, solutions fondées sur la nature, monitoring, transformation, agriculture, etc.) ;
D’autres choisissent de développer une vision du futur :
- Chine, Botswana = Civilisation écologique : bâtir un futur partagé pour toute vie sur Terre ;
- Japon = Vivre en harmonie avec la nature ;
- Cameroun = Bâtir un avenir collectif pour toute vie sur Terre ;
D’autres encore mettent l’humain au cœur de leurs préoccupations :
- Costa Rica = Nous sommes essentiels ;
Certains encore ne mettent pas en avant d’objectif, mais présentent des faits :
- Brésil = Nous hébergeons 20 % de la biodiversité de la planète.
Il y est intéressant de voir, par exemple, que la civilisation écologique de la Chine fait des adeptes, notamment en Afrique ; de comprendre que les Européens gardent une vision analytique des problèmes auxquels nous faisons face ; et que les pays asiatiques ont une vision plus holistique, intégrée, des rapports Humains – Nature.
Photos de certains stands nationaux avec, de gauche à droite et de haut en bas :
ceux du Japon, de la France, de l’Allemagne et du Botswana © Denis Couvet
Tensions autour de l’agriculture
L’agriculture est très concernée par la Cop15, puisqu’associée aux pressions majeurs pesant sur la biodiversité. Elle est présente notamment au travers de la cible 3 sur la réduction des pesticides, de la cible 10 sur l’avenir de l’agriculture, ainsi que de l’objectif B en ce qui concerne la valorisation des services écosystémiques.
Comme déjà mentionné les jours précédents, deux courants se dégagent dans les propositions : celui de l’agroécologie face à celui de l’intensification durable. Cette tension étant d’ailleurs déjà présente à la FAO ou à l’Ipbes.
Leurs différences entre les deux ne sont pas toujours évidentes, chacune promettant de préserver la biodiversité, de mieux nourrir les humains, d’améliorer le niveau de vie des agricultrices et agriculteurs.
- La première insiste plus sur le rôle de la biodiversité sauvage en agriculture, les questions sociales associés à la « petite » agriculture, la réduction des impacts sur la biodiversité.
- La seconde insiste plus sur les avantages des techniques modernes, la maximisation des rendements par unité de surface et le droit au développement des pays concernés.
(cf également les retours du 14 décembre, sur « des points de divergences clarifiés en vue du segment de haut niveau »)
Des négociations ardues sur les enjeux liés au climat, à la biologie de synthèse ou encore à la santé
Le texte sur la biologie de synthèse a été négocié à travers trois groupes de contacts. La décision essentielle est de demander la mise en place d’un processus élargi et régulier d’analyse prospective, de suivi et d’évaluation des dernières avancées technologiques dans le domaine de la biologie de synthèse. Processus qui doit faire le point sur les impacts positifs ou négatifs sur la biodiversité. Le texte a été validé ce 16 décembre pour passage en plénière.
De son côté, le texte sur le changement climatique n’a pas pu être toiletté. Deux blocs s’affrontent sur l’ajout ou le retrait des termes « responsabilité commune, mais différentiée » dont la formulation est rejetée par les pays occidentaux (Norvège, Canada) et dont l’intégration constitue une ligne rouge pour les pays du Sud. La tractation a lieu avec l’ensemble des mentions des « solutions fondées sur la nature ». L’Argentine indique notamment qu’elle pourrait l’accepter sous réserve que les transferts des ressources et leur mobilisation soient explicitement basés sur le principe de « responsabilité commune mais différentiée », avec la mention que les pays développés devait fournir des ressources aux pays en voie de développement.
Le bloc du Sud a mentionné le droit à garantir le développement national, leur préférence de voir indiquer « Approches basées sur les écosystèmes » plutôt que « Solutions fondées sur la nature ». Le blocage s’est accentué sans que des groupes d’amis de la présidence n’ait pu être mis en place, en raison de la difficulté pour les petites délégations d’y être représentées.
Par ailleurs, le texte sur biodiversité et santé a été validé après plusieurs aller et retour sur les crochets qui persistaient depuis le groupe de travail du 14 décembre, notamment sur les DSI et les principes de solidarité et d’égalité. Le Brésil ayant accepté la suppression de « principe », le texte a pu être validé.
- Après-midi – Par Hélène Soubelet, directrice de la FRB et Robin Goffaux, pôle Coordination européenne et internationale, co-point focal national pour le SBSTTA de la CDB
Suite des déclarations, de grandes organisations…
Le segment de haut niveau s’est poursuivi l’après-midi. En ouverture de cette session, se sont exprimés le président de l’Organisation internationale pour l’aviation civile, la présidente de l’Ipbes et le président du Forum international pour les peuples autochtones.
- Juan Carlos Salazar a présenté l’organisation de l’aviation civile et a cité leurs engagements pour lutter contre le changement climatique, citant l’aviation durable et l’usage de la biomasse respectueuse de la biodiversité. On peut se demander ici comment ceci va être possible, considérant que les carburants alternatifs recourent principalement à la biomasse. Le secteur “devrait investir 480 milliards de dollars pour les carburants durables d’aviation [en anglais, sustainable aviation fuel – SAF] produits à partir de biomasse d’ici 2050 (afin de couvrir 19 % de la consommation d’énergie de l’aviation internationale en 2050), 710 milliards de dollars pour les SAF produits à partir de déchets gazeux (8 %) et 50 milliards de dollars pour les carburants d’aviation à moindre émission de carbone (LCAF) LTAG (7 %).”
- La présidente de l’Ipbes a rappelé l’urgence à agir et les secteurs clés à transformer pour enrayer l’érosion et notamment l’agriculture et le système alimentaire, le système financier. Les mesures sont connues, comme la protection de 30 % de la nature, la diminution des pesticides, la suppression des subventions néfastes.
- Enfin, le président du Forum international pour les peuples autochtones a exprimé la demande de ces peuples pour que leurs terres soient reconnues comme une catégorie distincte des aires protégées, arguant que bien qu’ils constituent moins de 6 % de la population, ils protègent déjà 80 % de la biodiversité. Il est à noter que, du 17 au 28 avril, aura lieu un grand colloque sous l’égide des Nations unies : “peuples autochtones santé humaine, santé de la planète, une approche fondée sur les droits”.
Le choix de ces interventions illustre les tendances de cette Cop : la biodiversité au cœur du sujet, mais qui reste une question complexe, scientifique ; l’importance donnée aux voix et valeurs des peuples autochtones qui illustrent la difficulté de parler tout à la fois d’écologie et de justice sociale ; et le rôle des secteurs économiques qui doivent placer la biodiversité au même niveau que le climat, ce qui n’est pas gagné dans un modèle qui ne parle pas de sa transformation (renvoyant à la soutenabilité) mais seulement de prise en compte et de réduction des impacts (renvoyant à la durabilité).
…et des Parties
La séance s’est ensuite poursuivi par les déclarations nationales des Parties présentes. Les discours ont été globalement très généraux, les États ont rappelé l’urgence et la nécessité d’adopter le Cadre mondial ambitieux avec des cibles et des objectifs clairs et ont fait part de leurs avancements au niveau national. Beaucoup ont rappelé leur attachement au 30×30, au renforcement des capacités, à un système de mise en oeuvre et de suivi à un meilleur transfert des connaissances ainsi qu’un financement à la hauteur des enjeux de la mise en oeuvre de ce cadre pour ne pas réitérer l’échec précédent.
À noter dans les interventions, les éléments particulièrement marquants :
- la Côte d’Ivoire qui demande un fonds représentant 1 % du PIB mondial, abondé notamment par les bénéfices retirés des DSI, la Zambie a également insisté sur l’APA et les DSI ;
- le lien fait par le Royaume-Uni entre la santé des écosystèmes et notre économie ;
- quelques États dont la Nouvelle-Zélande et le Costa Rica ont insisté sur la bonne prise en compte des peuples autochtones et communautés locales ;
- le Japon est revenu sur l’initiative Satoyama actuellement en cours pour le soutien à la protection de la biodiversité locale ;
- l’Uruguay et la Hongrie ont tous deux insisté sur les enjeux liés à l’agriculture et à la sécurité alimentaire ;
- l’Argentine a fortement insisté sur le principe de “responsabilités communes mais différenciées”, estimant en séance que la crise de la biodiversité n’était pas le fait de toute l’humanité mais de seulement quelques-uns qui devaient désormais payer leur dette envers les autres pour avoir concentrer les richesses par l’accaparement des ressources d’Afrique, d’Amérique du sud et d’Asie. Ils ont insisté sur le fait qu’il y avait besoin de revoir nos ambitions de croissance d’une part et d’un plus grand financement d’autre part à hauteur de 100 milliards de dollars par an de la part des pays développés ;
- quelques Parties ont insisté sur l’utilisation des Solutions fondées sur la nature : Macédoine du nord, la Slovénie, Monaco.
L’Ukraine a dénoncé l’invasion russe et les dégâts que cela cause à la biodiversité et à la nature en Ukraine. Elle demande aux Parties de limiter la participation de la Russie dans l’adoption des décisions et appelle la Russie à cesser son agression. Aucune mention du conflit en Ukraine n’a été entendue dans le discours de la Russie qui appelle les Parties à faire preuve d’un esprit constructif et de souplesse afin qu’un texte ambitieux soit adopté afin de concrétiser les ODD et les objectifs du Cadre.
- Matin – Par Denis Couvet, président de la FRB
Le segment de haut niveau démarre : les messages introductifs
Le segment de haut niveau, c’est maintenant, et c’est le passage de relai aux représentants de haut niveau des Parties. Leur rôle ? Trancher sur les points qui restent à négocier pour, on l’espère, arriver à un accord pour un cadre mondial, qui plus est ambitieux.
Les premières interventions ont permis de rappeler un certain nombre de notions primordiales comme l’importance du cadrage systémique du cadre mondial en discussion, la nécessité d’un véritable multilatéralisme. Elles ont insisté sur le fait que la qualité de l’environnement est au cœur des droits humains, que la biodiversité est indispensable à l’adaptation au changement climatique, à l’agriculture, à la sécurité et la santé, à la beauté du monde, que le monde économique a une responsabilité fondamentale.
Toutefois, les exemples et initiatives citées restent très classiques, peu transformatives du point de vue des logiques et systèmes économiques et techniques. Elles paraissent malheureusement en contradiction avec le discours général porté.
Pavillons du 2e étage – Diversité des visions
Un des aspects les plus fascinants des Cop est la diversité des messages et visions que les États mais aussi le monde économique, la société civile, les organisations non gouvernementales et intergouvernementales choisissent de mettre en évidence.
Ainsi, l’organisation même des lieux est à remarquer avec d’une part les pavillons de ces institutions au 2e étage, tandis que la plénière, où sont discutés les textes de la Convention, où sont arbitré les dissensus, où les régions (Europe, Afrique, etc.) décident de leurs positions, se situe dans un lieu distinct, au 5e étage.
Parmi les propositions marquantes, je citerai celle de « solutions fondées sur la culture » par la délégation des peuples autochtones, la mise en avant du rôle de la finance par la Thaïlande ou la Chine (sous forme d’un petit livre rouge pour ce dernier pays).
Coexistence avec la grande faune, vivre avec les jeunes éléphants du Yunnan
En Chine, comme ailleurs, coexister avec la grande faune peut être problématique.
Au Yunnan, l’exemple frappant est celui de la relation des humains et des éléphants. Les jeunes Pachydermes apprécient le riz, cultivé par les agriculteurs, et, d’une année à l’autre, se souviennent des cultures visitées. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, cette consommation serait bien acceptée par les populations locales. Ceci parce que l’État verse des subventions en contrepartie et assure des compensations et la sécurité de ces populations.
L’oratrice, représentant des jeunes du Yunnan, a conclu sur la responsabilité fondamentale des États pour assurer une coexistence harmonieuse entre les humains et la nature, ceci en se préoccupant du niveau de vie des populations locales … de quoi inspirer l’Europe ?
- Par Robin Goffaux, pôle Coordination européenne et internationale
| Co-point focal national pour le SBSTTA de la CDB
Des avancées significatives…
Sur le marin, la question des Zones marines d’importance écologique ou biologique a été repoussée à la Cop 16, compliquée par le fait que certains pays ne reconnaissent pas la CNUDM, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.
La cible 30×30 sur la biodiversité marine et côtière fait encore débat. Toutefois un langage ambitieux a pu être maintenu sur le recours à des instruments internationaux juridiquement contraignants concernant : la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, et visant à mettre fin à la pollution plastique. Le langage sur l’exploitation des fonds marins est également nettement plus ambitieux en comparaison de la décision de la Cop 14. Il appelle les décideurs à veiller à ce que, avant toute activité d’exploitation minière des grands fonds marins, des études d’impact sur l’environnement marin et la biodiversité appropriées soient réalisées, que les risques soient compris, que les technologies et pratiques opérationnelles n’aient pas d’effets nuisibles sur l’environnement marin et la biodiversité.
Les négociations sur la cible 14 relative au mainstreaming (intégration) de la biodiversité dans les politiques publiques et activités économiques, ont permis de grandes avancées si bien que tous les crochets ont été enlevés. La liste des secteurs économiques a notamment pu être ajoutée dans le glossaire.
S’agissant de la cible 15, sur l’alignement du secteur privé et le cadre de reporting, les négociations ont permis de simplifier l’architecture générale de la cible. Cependant le rapportage obligatoire pour les grandes entreprises quant à l’effet de leur activité sur la biodiversité et leur dépendance à celle-ci n’a pas encore aboutie et pourrait être renvoyée en l’état aux Ministres.
La cible 16 sur les modes de consommation à faire évoluer au bénéfice de la biodiversité a été l’objet de deux points de vue divergents : d’un côté certaines Parties souhaitent traiter des problèmes liés à la surconsommation et de l’autre des Parties estiment que leurs populations sont plutôt en sous-consommation, que leur priorité est de faire sortir ces populations de la nécessité.
… et des points de divergences clarifiés en vue du segment de haut niveau
Cette dernière journée avant le segment de haut niveau voit les divergences de vue être mises en avant pour leur traitement par les ministres à partir du 15 décembre. Le débat de fond sur l’ambition du cadre versus la mobilisation des ressources pour son financement se retrouve dans tous les sujets discutés mais il n’est pas le seul sujet à trancher :
- Protection versus développement, ou sur versus sous-consommation : les pays développés insistent davantage sur le besoin de protéger la biodiversité et les services écosystémiques en renforçant la protection, tandis que les pays en voie de développement axent leurs besoins sur l’exploitation durable de la nature pour répondre à leur besoin.
- L’agroécologie versus l’intensification durable : la vision plutôt européenne de l’agroécologie est confrontée à la vision de certains pays sud-américain notamment pour lesquels l’intensification durable permettrait de produire davantage sur de plus faibles surfaces, renvoyant également au débat scientifique du land sparing versus le land sharing,
- En lien avec la question agricole la mention des biotechnologies fait l’objet de deux visions radicalement opposées : menace pour la biodiversité pour certain, matérialisée par le protocole de Carthagène, et opportunité pour la conservation et l’utilisation durable pour d’autres, notamment associée à certaines approches de l’intensification durable,
- La notion de Responsabilité commune mais différenciée continue également de soulever des discussions sur le rôle de chacun (pays, secteurs ou autres) autour de la conservation, l’utilisation durable et le partage des avantages, et des efforts à faire porter par chacun,
- Les Solutions fondées sur la nature versus les approches basées sur les écosystèmes, et notamment au travers de la lutte contre le changement climatique, qui pourraient amener à des bénéfices différents pour la biodiversité, les populations et le changement climatique.
La suite appartient désormais aux Ministres.
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- Par Robin Goffaux, pôle Coordination européenne et internationale
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Toujours la mobilisation des ressources
Comme depuis le début des discussions, la question de la mobilisation des ressources financières a émergé à chaque endroit du texte où des moyens seraient nécessaires. Les pays en voie de développement ont exprimé leur demande de soutien financier pour les dépenses liées à la conservation, à la mise en œuvre du protocole de Carthagène, et pour la mise en place du système de monitoring (indicateurs) et de reporting.
On note toutefois des avancées sur la question des DSI qui pourrait trouver une issue par la mise en place d’un système multilatéral même si, en parallèle, la demande de nouveau fonds d’aide publique au développement (autre que le FEM, fonds pour l’environnement mondial) persiste.
D’autres pays conditionnent leur acceptation d’intégrer la question du changement climatique dans ce cadre global pour la biodiversité à la création d’un fonds « perte et préjudices » tandis que les pays ayant augmenté leur contribution au FEM continuent de pousser leur préférence pour ce dernier.
Les points d’étapes du cadre mondial d’ici 2030
Des discussions tardives se sont également tenues hier soir concernant les échéances des étapes de reporting des pays sur leurs progrès dans la mise en œuvre national du cadre mondial. Des évaluations censées entrainer la révision des stratégies nationales en 2026 (Cop 17) puis 2029 (Cop 19) ont été proposées par les pays poussant l’ambition du cadre et opposées par les pays les moins prêts et tributaires des moyens alloués pour la mise en œuvre du cadre sur leurs territoires.
Une avancée partielle sur le jeu d’indicateurs
La question des standards pour le rapportage des pays a été abordée avec également la volonté de bénéficier d’indicateurs opérationnels dès 2025. Un premier lot d’indicateurs est susceptible d’être adopté dès cette fin de Cop15 sur les deux premiers objectifs (A, concernant la conservation et B, concernant l’utilisation durable). Ils portent sur l’état de la biodiversité. Toutefois, dans l’objectif B, l’empreinte écologique est toujours entre crochets. Les indicateurs pour les objectifs C (partage juste et équitable) et D (mise en œuvre), dont les méthodologies ne sont pas encore établies, seraient à adopter pour la Cop 16 après la mise en place d’un groupe d’experts dédié.
Contribuant aux objectifs du cadre, certaines des cibles d’action pourraient également voir leurs indicateurs potentiellement adoptés en fin de cette Cop 15. Dans ce premier lot, certains reprennent en partie ceux des objectifs A et B, ainsi que des indicateurs sur les surfaces protégées, les populations de poissons restant dans des niveaux durables, l’eutrophisation côtière, les surfaces en agriculture productive et durable et les forêts gérés durablement. Côté financement, un indicateur sur les sommes mises en jeux pour la conservation et l’utilisation durable, ainsi qu’un second sur les sommes de soutiens et autres subventions néfastes pour la biodiversité réformées pourraient également être adoptés à cette Cop.
À côté de cela, l’adoption des indicateurs binaires (oui/non) couvrant la mise en place de stratégies, réglementations et autres mesures par chaque pays, serait elle aussi renvoyée à la Cop 16. D’autres indicateurs resteraient aussi à retravailler comme ceux portant sur les espèces exotiques envahissantes, le reporting des entreprises quant à leurs impacts et leur dépendance envers la biodiversité, le financement de la conservation et de l’utilisation durable par le privé, sur la protection des droits à la terre, sur les espaces bleus et verts en ville, sur l’APA ou les questions de genre.
Certaines des propositions d’indicateurs ne faisant pas l’objet d’un accord pourraient être retirés de la liste des indicateurs principaux, à savoir ceux que tous les parties sont censées adopter. Ils seraient alors placés dans la liste des indicateurs complémentaires, qui eux, seraient facultatifs pour les pays.
Des sujets encore sensibles
Sur la conservation des écosystèmes marins, une remise en question du chiffrage de la cible 30×30 (cible 3) pourrait faire reculer l’ambition du cadre.
Concernant la cible 10 sur l’agriculture, le compromis autour des pratiques favorables à la biodiversité (biodiversity friendly practices) fait encore débat. Cette appellation pourrait couvrir l’agroécologie et d’« autres approches innovantes » qui, d’après la définition de la FAO, pourrait couvrir des méthodes d’intensification durable pouvant aller de la permaculture, plutôt durable, à d’autres méthodes comme la Climate smart agriculture sur laquelle la recherche questionne encore les bénéfices pour la biodiversité. La perte d’une proposition de chiffrage de 25 % des surfaces sous agriculture durable d’ici 2030 pourrait menacer l’ambition du cadre sur ce sujet.
Des blocages sont aussi susceptibles de survenir sur la question de la planification spatiale (cible 1) et de la restauration (cible 2).
Sans autres suppressions de crochets dans les textes d’ici demain ce soir, ce sera aux Ministres de trancher l’ensemble de ces points pour la dernière phase de la Cop 15.
- Par Robin Goffaux, pôle Coordination européenne et internationale
| Co-point focal national pour le SBSTTA de la CDB
Après les compromis trouvés en fin de semaine dernière sur les sujets secondaires, les négociations touchent désormais les points essentiels pour chaque délégation et risquent de se retrouver face à de réels blocages qui devront être levés par les représentants de haut-niveau des Parties qui arrivent à Montréal pour le dernier segment de la Cop15.
Concernant la protection de la biodiversité, alors même qu’aucune discussion n’a eu lieu sur un objectif chiffré pour les pesticides, la mention même des pollutions est contestée par certains pays. L’objectif visant à réduire l’impact du changement climatique sur la biodiversité a fait l’objet de vifs échanges, notamment du fait qu’il existe une Convention dédiée au climat et qu’il importe pour certains pays de bien compartimenter les sujets. Les discussions portent principalement sur le refus de mentionner des solutions fondées sur la nature (concept non reconnu par certains pays), sur l’inclusion du concept de responsabilités communes mais différenciées et l’insertion des « pertes et dommages » en lien avec la demande de nouveau fonds dédié, sur le modèle de ce qui a été obtenu sur le climat lors de la Cop27.
Sur le point de l’utilisation durable de la biodiversité et la gestion durable de systèmes productifs, l’opposition se poursuit entre les concepts d’agroécologie, porté notamment par la France et l’UE, et l’intensification durable poussée par le Brésil.
- Par Mariem El Harrak, pôle Coordination européenne et internationale
| Chargée de mission scientifique pour le partenariat européen Biodiversa+, sur les activités liées aux solutions fondées sur la nature et à la valorisation de la biodiversité dans les secteurs privés.
Focus sur le Business and Biodiversity Forum
Les 11 et 12 décembre s’est tenu à la Cop15 le Forum Business and Biodiversity. Son objectif ? Engager un dialogue sur la manière de soutenir la mise en œuvre des objectifs et des cibles du futur cadre mondial pour la biodiversité par le secteur privé.
Ce forum a permis d’aborder de nombreux sujets, allant des liens entre le secteur énergétique et la biodiversité à la prise en compte de la protection de la biodiversité dans le monde de la finance, en passant par l’exemple du tourisme régénératif.
Le forum s’est terminé par un appel de nombreuses entreprises à une plus forte mobilisation du secteur privé dans la mise en place du futur cadre mondial pour la biodiversité. De nombreuses entreprises ont aussi apporté leur soutien à l’adoption dans le cadre mondial post-2020 d’une obligation de divulguer les dépendances et impacts des entreprises sur la biodiversité pour permettre une meilleure prise en compte de la biodiversité par tous les acteurs privés (cible 15).
De nombreux participants présents durant ces deux jours assistaient pour la première fois à une Cop biodiversité ce qui montre (peut-être) un plus fort intérêt du secteur privé pour la biodiversité ?
Plénière du Forum Business and Biodiversity © Flickr – UN Biodiversity
- Par Robin Goffaux, pôle Coordination européenne et internationale
| Co-point focal national pour le SBSTTA de la CDB
Les négociations se poursuivent. L’objectif : lever un maximum de points, supprimer un maximum de crochets avant l’arrivée des Ministres le 15 décembre et afin qu’ils ne leur restent à discuter que des sujets profondément politiques.
Un des points de négociation important concerne la mobilisation des ressources pour le financement de cette stratégie. Une approche générale basée sur la mobilisation des secteurs publics et privés, mais sur du renforcement de capacités et de la coopération scientifique et technique semble être soutenue d’une façon générale. Toutefois, cela s’oppose à la demande de certains pays de créer un nouveau fonds dédié à la biodiversité, en plus du Fonds pour l’environnement mondial (FEM), basé sur le modèle « pertes et préjudices » de la Cop27, avec 100 milliards de dollars supplémentaires ou 1 % du PIB global jusqu’en 2030.
En parallèle, des discussions se tiennent sur la formulation des quatre objectifs du projet de cadre, et notamment sur la notion d’empreinte écologique non soutenue par de nombreux pays. Des inquiétudes sur le manque d’ambition des propositions autour de la question de l’exploitation des fonds marins se font également sentir. La notion de biologie de synthèse occupe par ailleurs une partie des négociations, étant vu comme une opportunité pour certains, une menace pour d’autres, pour la conservation de la biodiversité.
Enfin, quelques points de négociation semblent tout de même aboutir, comme ceux sur les recommandations techniques pour le cadre ou encore, et malgré quelques oppositions ponctuelles, le plan d’action sur le genre.
La plénière du 10 décembre a permis d’adopter 23 décisions sur les 60 discutées au sein de la COP, sur les sujets « Cop15 », « MOP 10 du protocole de Carthagène » et « MOP 4 du protocole de Nagoya ».
- Par Marie-Claire Danner, pôle Coordination européenne et internationale
| Responsable scientifique au sein de la TSU (Unité de support technique) de l’évaluation Ipbes sur l’utilisation durable des espèces sauvages
Le groupe de travail II a examiné une longue série de points relatifs à la CDB et à ses protocoles, comprenant, entre autres l’évaluation et la gestion des risques (discuté la veille dans un groupe de contact et dont les délégations sont arrivées à un consensus), les mécanismes financiers et ressources, les aires protégés, la gestion durable des espèces sauvages, la coopération avec d’autres conventions, etc. et le deuxième programme de travail de l’Ipbes. Plusieurs délégations sont alors intervenues pour proposer des nouvelles évaluations (sur les indicateurs notamment), en plus de celles proposées dans le document de travail, ou pour souligner le fait que le choix devrait être dans les mains des délégations travaillant avec l’Ipbes. Des délégations ont également appelés à une collaboration plus étroite des points focaux nationaux au sein d’un même pays. Étant donné les divergences, un groupe de contact a été établi et se réunira dans les prochains jours.
Groupe de travail II – © Photo by IISD/ENB | Mike Muzurakis
Les groupes des contacts établis dans le groupe de travail I ont commencés à se tenir. Celui sur l’information sur les séquences numériques (DSI) a procédé à un échange de vues général dans une atmosphère constructive avant de créer un groupe de travail (Friends of the chair). Celui sur le cadre mondial pour la biodiversité (GBF) a réalisé des progrès très modestes sur les premières sections du cadre. D’autres groupes de contact ont abordé le renforcement des capacités et la biologie synthétique. Dans la soirée, les négociations du groupe sur le cadre mondial se sont poursuivies, tandis que d’autres ont abordé la mobilisation des ressources, l’agriculture et la biodiversité marine et côtière.
Entre les sessions, sur l’heure du midi et du dîner, plusieurs événements se sont tenus dont un événement de l’Ipbes pour présenter les rapports approuvés en juillet dernier. Lors de cet événement, les auteurs des rapports sur l’utilisation durable des espèces sauvages et sur les valeurs de la nature, ont officiellement lancé ces deux rapports, en présentant leurs principales conclusions et leurs implications pour le cadre mondial de la biodiversité post-2020. Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de l’Ipbes, a souligné le dixième anniversaire de la plateforme, insistant sur son rôle dans l’établissement d’évaluations scientifiquement robustes sur la biodiversité et sur l’importance de l’inclusion des connaissances traditionnelles dans ces rapports.
Marla R Emery, co-chair du rapport sur l’utilisation durable des espèces sauvages de l’Ipbes
et Mike Christie, co-chair du rapport sur les valeurs de la natures de l’Ipbes – © Photo by IISD/ENB | Mike Muzurakis
- Par Marie-Claire Danner, pôle Coordination européenne et internationale
| Responsable scientifique au sein de la TSU (Unité de support technique) de l’évaluation Ipbes sur l’utilisation durable des espèces sauvages
Les Parties de la Cop15 se sont réunies en plénière mercredi 7 décembre pour aborder des questions d’organisation, de budget, de rapport sur les pouvoirs, rappeler la date et le lieu des futures réunions, et rapporter les résultats de réunions préparatoires. Deux groupes de travail se sont partagés les missions l’après-midi pour passer rapidement en revue tous les points à l’ordre du jour et établir des groupes de contact pour la suite des travaux.
Deux points ont été rappelés par quelques délégations. Contrairement aux plénières et groupes de travail, traduits dans les six langues de l’ONU, les groupes de travail n’échangent qu’en anglais, entrainant des difficultés pour certains à participer aux négociations. D’autre part, des délégués se trouvent toujours en attente de visa.
Dans la soirée, les groupes de contact se sont réunis, notamment pour travailler sur le cadre mondial pour la biodiversité. Les discussions menées dans ces groupes sont confidentielles et rapportées en plénière dans les jours qui suivent.
- Par Robin Goffaux, pôle Coordination européenne et internationale
| Co-point focal national pour le SBSTTA de la CDB
Déclarations préalables aux négociations
Lors de la plénière d’ouverture, le président de la Cop15 Huang Runqiu, ministre chinois de l’écologie et de l’environnement, Inger Andersen, directeur exécutif du PNUE, et Elisabeth Maruma Mrema, secrétaire exécutive de la CDB, ont rappelé le constat de la perte de biodiversité et le besoin de faire la paix avec la nature, et ont appelé les Parties de la Convention à mettre la biodiversité sur la voie du rétablissement.
Les différents groupes régionaux se sont ensuite exprimés, le groupe Afrique et celui d’Amérique latine et Caraïbes appelant à la création d’un nouveau fond pour la conservation et d’un système multilatéral pour les DSI, auxquels le groupe Asie-Pacifique a ajouté le besoin en transfert de technologies, le renforcement de capacités et l’APA.
L’UE a elle reconnu que le projet actuellement en discussion constituait une bonne base de discussion mais a insisté sur les mécanismes de suivi et de rapportage des avancées de ce cadre mondial au travers de cibles mesurables, ambitieuses et établies dans le temps.
Le groupe formé notamment par le Japon, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande ont également avancé le besoin de synergies entre les différents processus en lien avec la biodiversité, les solutions fondées sur la nature et les travaux trans-sectoriels.
Les petits États insulaires ont rappelé leur vulnérabilité de premier rang face à la perte de biodiversité, et le groupe des pays mégadivers (ensemble de pays recouvrant plus des deux tiers de toute la biodiversité) ont rappelé leur rôle clé dans les objectifs de conservation au niveau mondial.
L’heure des groupes de travail
Suite à la plénière d’ouverture, deux groupes de travail ont été annoncé.
Un premier groupe se penche sur le projet de cadre et les connaissances scientifiques et techniques le soutenant, le système de rapportage de cette stratégie, la communication, les questions de genre, des peuples autochtones et communautés locales, ainsi que le rôle des gouvernements infra-nationaux. Des sous-groupes, appelés groupes de contact, vont se réunir pour finaliser le projet de décision autour des enjeux des DSI, de la mobilisation des ressources et du mécanisme financier, du renforcement de capacités et de la coopération scientifique et technique, la gestion des connaissances, et les mécanismes de planification, suivi, rapportage et de revue des avancées de cette stratégie, ainsi que le mainstreaming de la biodiversité (comprendre l’intégration de la biodiversité dans la société).
Un deuxième groupe de travail a été établi afin de traiter des questions liées aux risques couverts par le protocole de Carthagène et la biologie de synthèse. Il s’intéressera également aux modalités de renforcement de capacités et de mise en œuvre de ce protocole, et aux questions de biodiversité marine et côtière.
Des discussions ont eu cours sur le nombre de groupes de contact, qui parait trop élevé pour certains et peut poser problème pour les pays moins en capacités de suivre en anglais, ou sur les types d’organismes génétiquement modifiés concernés par ces discussions. La question du soutien du fond mondial pour l’environnement pour la préparation des rapports nationaux a été évoquée ainsi que l’échéance, à 2025 ou 2026, des prochains rapports nationaux visant à faire le point sur l’avancée de la stratégie mondiale.
- Par Marie-Claire Danner, pôle Coordination européenne et internationale
| Responsable scientifique au sein de la TSU (Unité de support technique) de l’évaluation Ipbes sur l’utilisation durable des espèces sauvages
Science Day
Les décideurs se sont réunis le jour de l’ouverture de la Cop15 pour une “Journée de la science” afin de s’informer et discuter avec des experts sur des questions de biodiversité en cours de négociation pour le nouveau cadre mondial pour la biodiversité.
Dès l’ouverture de l’événement, David Cooper, secrétaire exécutif adjoint de la CDB, a souligné l’importance de la compréhension scientifique pour éclairer les négociations de la Cop15.
Les travaux de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes) ont largement été mis en avant à cette occasion. Les scientifiques ont en effet discuté des résultats des rapports de l’Ipbes et de leur pertinence pour le cadre mondial pour la biodiversité post-2020 de la Cop15. Le fil conducteur des présentations était la nécessité d’un changement transformateur dans la manière dont les décideurs abordent la biodiversité.
- Sandra Díaz, co-chair de l’évaluation mondiale de l’Ipbes, a souligné l’importance de se concentrer sur les aspects économiques et sociaux de la perte de biodiversité – en plus des éléments environnementaux – pour qu’un changement transformateur se produise.
- Mike Christie, co-chair de l’évaluation Ipbes sur la diversité des valeurs, a souligné qu’un changement total des valeurs sociétales était également nécessaire pour protéger la biodiversité.
- Parmi les personnes identifiées comme des parties prenantes clés dans les questions de biodiversité figurent les peuples autochtones. Marla R. Emery, co-chair du rapport Ipbes sur l’utilisation durable des espèces sauvages (et dont le groupe de soutien technique est hébergé par la FRB), a expliqué que leur utilisation des espèces sauvages (notamment par la chasse, la cueillette et l’exploitation forestière) contribue à maintenir une biodiversité élevée.
“Les pratiques des peuples autochtones et des communautés locales sont fondées sur des connaissances et des visions du monde. Elles sont diverses […], mais elles ont quelque chose en commun en ce qui concerne les utilisations des espèces sauvages et les relations entre humains et nature, basés sur le respect, la réciprocité et la responsabilité dans tous ces engagements.”
Les scientifiques ont également discuté du cadre mondial et souligné certains problèmes dans le projet de cadre, notamment les lacunes pour certains indicateurs et la nécessité de collecter des données supplémentaires sur la biodiversité.
Cérémonie d’ouverture
La cérémonie d’ouverture de la Cop15 était composé d’une cérémonie de bienvenue, de déclarations de représentants de haut niveau et de spectacles culturels. La cérémonie a débuté par un mot de bienvenue du chef traditionnel de la nation Onondaga, Tadodaho Sid Hill, qui a souligné la nécessité de “rassembler nos esprits comme un seul homme et d’agir ensemble comme un seul homme.”
La tortue sur l’habit de Tadodaho Sid Hill représente l’Amérique du Nord et porte l’arbre de la vie.
Les plumes de dinde sauvage et les bois de cerfs rappellent l’importance des peuples autochtones dans l’utilisation des espèces sauvages
© Photo by IISD/ENB | Mike Muzurakis
« Le travail que nous faisons maintenant, ce n’est pas assez » a ensuite rappelé le Premier ministre canadien Justin Trudeau et « si nous ne pouvons pas nous entendre en tant que monde sur quelque chose d’aussi fondamental que la protection de la nature, alors rien d’autre ne compte ». Des militants indigènes ont interrompu son discours, réclamant des droits fonciers et la justice pour les peuples indigènes du Canada.
António Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a insisté sur la nécessité de s’attaquer aux causes profondes de la perte de biodiversité, comme une production et une consommation non durable. Il a notamment insisté sur le rôle du secteur privé, qui doit être un allié de la nature et non contre celle-ci, appelant à des modèles de production durables et à un partage juste et équitable des bénéfices.
Huang Runqiu, ministre de l’écologie et de l’environnement de la Chine et président de la Cop15, a attiré l’attention sur la déclaration de Kunming adoptée lors de la première partie de la Cop15 qui s’est tenue en octobre 2021 à Kunming, en ligne, et a insisté sur la nécessité de maintenir un sentiment d’urgence pour répondre aux attentes élevées de la communauté internationale.
François Legault, premier ministre du Québec, a attiré l’attention sur les efforts du Québec en matière de soutien au leadership autochtone en matière de conservation de la biodiversité. Il a appelé les délégations à faire preuve de courage et d’audace pour parvenir à un cadre mondial sur la biodiversité fort.
Valérie Plante, maire de Montréal, et Liu Jiachen, maire de Kunming, ont clôturé les discours d’ouverture en appelant les Parties à travailler en étroite collaboration avec les gouvernements locaux pour soutenir la mise en œuvre de la Convention et du cadre mondial renouvelé pour la biodiversité par des actions locales.