[Aires marines protégées] Des rares opportunités cartographiées à l’échelle globale

Les facteurs socio-économiques ayant plus d’influence que les facteurs environnementaux dans la mise en place des aires protégées, identifier les zones favorables et défavorables à l’implémentation de nouvelles aires protégées en tenant compte de ces critères permettra une stratégie de conservation plus réaliste et efficace.  

 

Pour obtenir ces cartes d’opportunités et de contraintes locales en conservation, le groupe de chercheurs comprenant des scientifiques de l’Université de Montpellier, de l’EPHE-PLS, du CNRS et du CEA a divisé la surface du globe en près d’un million de cellules de 10 x 10 km. Pour chacune de ces cellules ils ont obtenu des données relatives à des facteurs environnementaux mais aussi socio-économiques, en se basant sur plus de 18 bases de données mondiales différentes. Ces données ont servi à construire un modèle prédictif qui estime la probabilité qu’une zone du globe soit protégée en fonction des différents facteurs étudiés, qu’ils soient environnementaux (température, altitude, précipitations par exemple) ou socio-économiques (PIB, indice de développement humain, présence d’ONG locales etc.).

 

 

Résultats :

 

Même sans information sur la biodiversité d’une zone, il est possible d’inférer de manière très fiable la probabilité de présence d’une aire protégée en n’utilisant qu’un petit groupe de facteurs socio-environnementaux. Les facteurs socio-économiques montrent même une plus grande importance que les facteurs environnementaux dans ces modèles prédisant la mise en place de futures aires protégées. Par exemple l’indice de développement humain et le nombre d’ONG favorisent la présence d’aires protégées terrestres alors qu’en mer l’accessibilité et la dépendance aux stocks de poissons sont les principaux obstacles de blocage à la mise en place de nouvelles aires marines protégées.   

 

 

Ce modèle a ensuite été utilisé pour cartographier les zones où les besoins en conservation des vertébrés (poissons, mammifères et oiseaux) sont les plus urgents mais aussi celles où les facteurs socio-économiques limiteraient ou favoriseraient la mise en place d’une aire protégée. 

 

 

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Pour aller + loin

 

Quid du devenir des zones de conservation prioritaires mais qui cumulent également les critères socio-économiques défavorable au statut d’aires protégées ? Bien souvent, les enjeux sociaux-économiques et les besoins des populations locales sont indissociables de la mise en place d’aires protégées. Ainsi, en Afrique et en Asie, certaines zones à haute valeur de conservation restent impossibles à protéger, face aux enjeux liés à l’utilisation des ressources naturelles. Implémenter les facteurs socio-économiques s’avère donc primordial pour optimiser la mise en place des zones de protection, dont les décisions actuelles se concentrent majoritairement sur les facteurs environnementaux qui influencent la biodiversité. Encore une preuve qu’assurer des conditions sociales et économiques minimales est un prérequis pour la mise en place de stratégies de conservation efficaces et durables.  

 

 

Aux acteurs et décideurs politiques maintenant de prendre pleinement la mesure des actions nécessaires pour parvenir à l’objectif de 30% d’aires protégées d’ici à 2030.  

 

Cette étude est le fruit d’un travail collaboratif animé par la FRB et son Cesab (Centre de synthèse et d’analyse sur la biodiversité) au sein des groupes Pelagic et Parsec. Ce travail a été permis grâce aux financements de la ZSL, du WWF, de l’Université de Montpellier et aux Cesabbatic de Jessica Meeuwig et Tom Letessier.   

Restaurer la biodiversité : quels rôles pour le secteur financier ? Les enjeux d’une finance durable

Derrière le terme de finance durable s’affiche l’ambition d’une finance qui intègre dans ses logiques les défis environnementaux et sociaux. En reprenant les concepts de l’Ipbes portant sur les changements transformateurs, il s’agit de combiner amélioration du bien-être humain et respect des limites planétaires, notamment maintien et restauration de la biodiversité. En cela, la finance a un rôle majeur dans le devenir des systèmes de production, économiques, en relation avec l’ensemble des parties prenantes.

La finance durable doit en particulier contribuer à optimiser le potentiel de solutions fondées sur la nature, se préoccuper de l’intégrité des écosystèmes, à soutenir les pratiques les moins impactantes et son corollaire, ne plus soutenir les pratiques les plus destructrices, avec des mécanismes de financement innovants. Les crédits biodiversité en sont un exemple, intégrés dans le Cadre mondial de la biodiversité, en particulier au sein de la cible 19 dédiée à l’augmentation sensible et progressive des ressources financières permettant la mise en œuvre des stratégies et plans d’action nationaux pour la diversité biologique. Ils sont d’ailleurs à l’ordre du jour de la 16e Conférence des Parties (Cop16) de la Convention pour la diversité biologique (CDB) d’octobre 2024.

 

Plus d’informations sur le cadre mondial pour la biodiversité

Adopté en décembre 2022 dans le cadre de la Cop15 de la Convention sur la diversité biologique, le Cadre mondial de la biodiversité Kunming-Montréal vise à inverser la tendance de déclin du vivant d’ici 2030. À travers 4 objectifs et 23 cibles, il définit les pistes d’action :

  • d’une part en restaurant l’intégrité écologique de tous les écosystèmes, naturels et anthropisés ;
  • d’autre part, en réduisant les pressions sur la biodiversité, en réorganisant les systèmes de production, économiques et technologiques, en partageant plus équitablement les ressources naturelles et les contributions de la nature et en rendant durable la consommation.

Accéder au cadre mondial

 

Crédits ou certificats biodiversité : de quoi parle-t-on ?

 

Les crédits biodiversité ont été définis comme un instrument financier qui représente une unité certifiée, mesurée et fondée sur des preuves de résultat positif en matière de biodiversité, durable et additionnel par rapport à ce qui se serait produit autrement (d’après BCA, 2024). Cette définition nécessite d’être adaptée ou précisée en fonction des cas d’usages des crédits : par exemple la conservation ou la restauration.

Pour éclairer la mise en place de ce type de mécanisme, la FRB, le MNH et Carbone 4 ont publié un rapport sur les risques et opportunités associés aux certificats biodiversité. Le terme certificat est lié à un gain positif constaté pour la biodiversité. Il nécessite un processus de certification (non abordé dans le cadre du programme de recherche présenté ci-après).

Les marchés volontaires de crédits biodiversité sont en cours de développement. Sur le plan international, ils font l’objet d’une attention politique croissante. 

 

 

Un programme de recherche sur les certificats biodiversité 

 

Le MNHN, la FRB et Carbone 4 ont lancé en novembre 2023 un programme de recherche sur les certificats biodiversité.

 

L’économie moderne et ses dogmes jouent un rôle majeur dans l’effondrement de la biodiversité.

Dans une opinion publiée sur le site de la FRB en juin 2020, le chercheur Harold Levrel préconisait de passer d’une “économie de la biodiversité” à un “projet économique de conservation de la biodiversité”. Il recommandait que les objectifs légaux de conservation de la biodiversité soient envisagés comme le point de départ des réflexions en matière de transition écologique des secteurs économiques.

Dans ce nouveau contexte, un acteur économique “emprunte” à la biodiversité – qui est un bien commun – de quoi développer ses activités et doit se préoccuper des modalités de “remboursements” de ces “emprunts”. Au-delà de la “nécessité d’une certaine refonte” des outils de régulation et d’évaluation économique selon Harold Levrel, ce changement de paradigme impose aussi la recherche de nouveaux mécanismes financiers comme les certificats biodiversité. Ces derniers peuvent présenter des risques et des opportunités et doivent faire preuve d’une gouvernance adéquate.

 

Pour fiabiliser le mécanisme, le programme de recherche FRB-MNHN-C4 sur les certificats biodiversité comprend deux volets complémentaires :

Axe 1 : méthode d’évaluation des pratiques favorables à la biodiversité

Plus précisément, cet axe s’intéresse à l’évaluation des gains biodiversité obtenus par des pratiques favorables à la biodiversité. La méthode est basée sur l’hypothèse que, sur la base du partage de leur expertise en matière de biodiversité, des chercheurs peuvent aboutir à un consensus pour interclasser des pratiques favorables à la biodiversité et leur affecter un gain biodiversité. La méthode est donc basée sur une taxonomie des pratiques pour un socio-écosystème donné et la possibilité d’affecter à chacune de ces pratiques un gain biodiversité relatif attendu.

Le livrable de ce programme de recherche sera une grille de référence des gains biodiversité attendus associés à chacune des pratiques identifiées pour deux socio-écosystèmes test : les écosystèmes agricoles et les écosystèmes forestiers en milieu tempéré.

Un projet favorable à la biodiversité est décomposé en une somme de pratiques bénéfiques par socio-écosystème.

 

  • Périmètre actuel : polyculture élevage / forêts tempérées
  • Les pratiques concordent à la réalité du terrain
  • Les pratiques sont rédigées par les communautés d’acteurs (ONG, porteurs de projets, communauté d’agriculteur, IP&LC, etc.)
  • Les gains associés aux pratiques sont basés sur les connaissances écologiques
  • Connaissances scientifiques ou indigènes, l’évaluation est prescriptrice des recommandations et doit se baser sur les savoirs (pas la monétisation)
  • La méthode d’évaluation doit être transparente et robuste
  • Les différents éléments constitutifs de l’évaluation ainsi que les résultats et publications seront disponibles en open-source et auront été revus par des comités scientifiques
  • Les décisionnaires possèdent une grille de lecture simple des actions favorables à la biodiversité
  • Les résultats sont hiérarchisés et évoluent suivant les différentes catégories de contextes
Axe 2 : risques et opportunités liés au mécanismes de certificats biodiversité

La FRB a réalisé une revue de la littérature scientifique sur les risques et opportunités qui découlent de la mise en place d’un mécanisme de crédits ou certificats biodiversité. Cette revue a été intégrée à un travail plus global, publié en septembre 2024, afin de pouvoir être communiqué à la Cop16 de la CDB.

L’approche scientifique contribue ainsi à une meilleure compréhension de ces mécanismes, dans la perspective de mettre en œuvre des crédits biodiversité qui contribuent de façon crédible et significative aux objectifs globaux pour la biodiversité, tout en étant juste sur le plan socio-économique.

Focus sur les principaux risques (et opportunités) :

  • Risques liés au caractère compensatoire du mécanisme : la compensation des impacts entraine une moindre réduction ou un moindre évitement des impacts lorsque la hiérarchie des actions i) “éviter d’abord”, ii) “réduire ce qui n’a pas pu être évité” et iii) “compenser ce qui n’a pas pu être réduit” n’est pas respectée.
  • Risques de “greenwashing” : la communication autour de bonnes pratiques vient occulter des impacts négatifs générés par ailleurs.
  • Risques liés au caractère volontaire du mécanisme : un mécanisme volontaire prédominant pourrait réduire ou ralentir le recours à la réglementation et rendre moins homogènes, moins rapides ou moins efficaces les trajectoires de réduction des impacts des acteurs.
  • Risques liés à la méthode d’évaluation : l’absence de méthode fiable, robuste et fondée sur la science peut atténuer les impacts positifs du mécanisme sur la biodiversité.
    • Risques liés à une métrique unique
    • Risques de surestimation des gains de biodiversité
    • Risque de double comptabilité des gains de biodiversité
    • Risques liés à l’absence de standardisation, de transparence sur les liens d’intérêts, de contrôle du processus
  • Risque lié à l’absence de valorisation des acquis et éléments du paysage déjà favorables à la biodiversité.
  • Risques liés à la non-permanence dans le temps des gains de biodiversité.
  • Risques liés aux déplacements des impacts hors du territoire certifié.

 

 

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