Modification des écosystèmes et zoonoses dans l’Anthropocène
Référence : B. J. McMahon, S. Morand, J. S. Gray (2018) Ecosystem change and zoonoses in the Anthropocene. Zoonoses Public Health. 65 : 755–765. https://doi.org/10.1111/zph.12489
Synthèse par Hélène Soubelet (docteur vétérinaire et directrice de la FRB)
Relectures par Serge Morand (directeur de recherche au CNRS) et Jean-François Silvain (président de la FRB)
Avec près de 60 % des maladies infectieuses émergentes classées comme zoonotiques, ces pathologies représentent un enjeu croissant de santé publique au niveau mondiale. La facilité par laquelle elles se propagent dans la population humaine dépend à la fois de la zoonose et du contexte écologique. Dans un article paru dans la revue scientifique Zoonoses and public health, une équipe de scientifiques illustre la nécessité de prendre en compte les exigences écologiques des agents pathogènes zoonotiques, l’impact des interventions humaines, mais aussi les types d’écosystèmes concernés (urbain, péri-urbain et forestier) pour se préparer à leur émergence et les gérer efficacement.
À l’heure de l’Anthropocène, les changements d’usage des terres, les populations animales et le climat entraînent l’apparition de maladies transmises des animaux à l’Homme, autrement appelées zoonoses.
Avec près de 60 % des agents pathogènes humains et environ 60 % des maladies infectieuses émergentes classés comme zoonotiques, c’est-à-dire transmises des animaux à l’homme (Jones et al., 2008 ; Woolhouse & Gowtage-Sequeria, 2005), ces pathologies (grippe aviaire, VIH SIDA, SRAS et Ebola, etc.) représentent un enjeu croissant de santé publique au niveau mondial (Jones et al., 2008).
Les maladies, dont les zoonoses, sont des processus écologiques naturels au sein des écosystèmes. Leur éradication peut ne pas avoir que des effets positifs car d’autres parasites ou pathogènes sont susceptibles d’occuper les niches laissées vacantes (Lloyd-Smith, 2013).
En raison de la multiplicité des espèces et des échelles impliquées (Johnson, de Roode et Fenton, 2015), l’écologie des communautés associée à l’épidémiologie peut amener à une meilleure compréhension des processus et des dynamiques impliqués dans les épidémies de zoonoses et faciliter une meilleure gestion des risques liés aux maladies zoonotiques (Cunningham et al., 2017 ; Johnson et al., 2015 ; Young et al., 2017).
Par le biais d’exemples, les auteurs illustrent la nécessité de prendre en compte, en plus des exigences écologiques des agents pathogènes zoonotiques, d’une part, l’impact des interventions humaines et d’autre part les types d’écosystèmes concernés (urbain, péri-urbain et forestier) pour se préparer à l’émergence de ces zoonoses dans l’Anthropocène et les gérer efficacement.
En raison de la dynamique de transmissionparfois complexe de nombreux agents pathogènes zoonotiques (incluant l’écologie des réservoirs animaux et de leurs vecteurs), leurs facteurs d’émergence ou de propagation sont multiples et très dépendants de l’environnement et ont ainsi été reliés à une série de variables environnementales, écologiques et géographiques (Jones et al., 2008 ; Plowright et al., 2017).
Les politiques de santé publique, pour être efficaces, doivent pouvoir anticiper les risques et, pour cela, il est nécessaire de disposer d’indicateurs pertinents. L’un d’entre eux est la force de l’infection d’une maladie, qui, associée à la susceptibilité de la population humaine à cette maladie déterminera si l’infection se produit ou pas.
La force de l’infection (modifié de Davis, Calvet & Leirs, 2005) est une mesure de la capacité du pathogène à infecter les humains, elle est dépendante de la zoonose considérée et de son contexte écologique et culturel.
Elle représente le [nombre de contacts pouvant potentiellement générer une transmission sur une période donnée] x
x [probabilité que la transmission ait lieu après contact]. Elle correspond au taux auquel les individus sensibles (c’est-à-dire susceptibles d’être malades) sont infectés par unité de temps (par exemple 50 % de la population sensible infectée en un an).
La force de l’infection est utilisée pour :
- comparer différentes maladies ou leur transmission dans différents groupes à risque,
- mesurer la facilité avec laquelle une infection se transmet à la population humaine à partir d’une origine animale et ce dans différents écosystèmes,
- estimer la capacité de l’environnement à diffuser les maladies,
- mesurer l’efficacité de l’intervention des services de santé par la différence entre la force de l’infection avant l’intervention (qualifiée « d’intrinsèque » et après l’intervention (qualifiée de « réelle »).
En pratique, il est très difficile d’estimer avec précision la force de l’infection d’une maladie en raison du grand nombre de variables dont elle dépend et notamment des facteurs suivants :
- perturbations écologiques induites par le changement d’usage des terres,
- climat et météo,
- nature des parasites et de leurs hôtes intermédiaires,
- nature de vertébrés et des hôtes réservoirs,
- nature des arthropodes vecteurs,
- efficacité des stratégies d’intervention (prévention et contrôle).
Par exemple, une modélisation mathématique a démontré que la force de l’infection de l’échinococcose chez le renard roux était périodique, d’amplitude variable, différant nettement en fonction des saisons et des habitats urbains et périurbains.