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mai 2019  I  Article  I  Efese  I  Biodiversité et agriculture

Les écosystèmes agricoles : une évaluation dans le cadre du programme EFESE

Auteurs : Hélène Soubelet (docteur vétérinaire et directrice de la FRB) et Marilda Dhaskali (chargée de mission “politiques publiques” à la FRB)
Relecteurs : Anais Tibi (INRA), Olivier Thérond (INRA), Julie de Bouville (FRB)

Entre le maintien de la production agricole et la préservation de la biodiversité, peut-on trouver un compromis ? L’Evaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (EFESE) rend compte dans son rapport sur les écosystèmes agricoles de cette double contrainte. À travers les services rendus par des espaces intégrant une grande diversité de cultures, de paysages et d’espèces auxiliaires de cultures, des pistes existent pour atteindre ce double objectif.

Les écosystèmes agricoles :  une évaluation dans le cadre du programme EFESE

Depuis son émergence au Néolithique, l’agriculture modèle les écosystèmes afin de les rendre plus productifs et de couvrir les besoins croissants de la population humaine en produits végétaux et animaux. Les écosystèmes agricoles se caractérisent donc par un fort degré d’anthropisation qui résulte des actions de reconfiguration des milieux et de gestion des sols et de la biomasse par les agriculteurs. La tendance constatée depuis les années 1950 en France est à l’agrandissement de la taille moyenne des exploitations, à la réduction du nombre d’espèces cultivées et à la simplification des structures paysagères. Tous ces facteurs entrainent une baisse de la diversité biologique et de l’abondance des espèces associées aux écosystèmes agricoles.

Quelle biodiversité préserver pour quels services ?

Des travaux scientifiques, notamment sur les prairies, montrent qu’une grande biodiversité est indispensable pour maintenir les services écosystémiques. La biodiversité contribue notamment à déterminer la résilience de la fourniture des services écosystémiques rendus par les systèmes soumis à des perturbations régulières ou aléatoires. Certains services particuliers peuvent cependant être assurés par un petit nombre d’espèces, voire même des espèces non indigènes ou domestiquées comme les auxiliaires de culture (par exemple les coccinelles) ou les animaux d’élevage (par exemple les herbivores qui « nettoient » les parcelles).

 

L’étude coordonnée par l’Inra, dans le cadre de l’Évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (EFESE), a permis d’intégrer les connaissances multidisciplinaires disponibles sur 14 services écosystémiques. Parmi eux, les services de régulation fournis aux agriculteurs qui correspondent aux processus écologiques déterminant la production agricole comme la structuration des sols, la fourniture de nutriments et d’eau aux plantes, la stabilisation des sols et le contrôle de l’érosion, le contrôle biologique des adventices et de ravageurs des cultures ou la pollinisation des cultures. L’étude s’est aussi attachée à évaluer le potentiel récréatif des écosystèmes agricoles.

 

Cette étude a également permis d’estimer le niveau de production agricole de biens animaux ou végétaux total et la part de la production végétale imputable aux services de fourniture d’azote et de stockage et restitution de l’eau aux plantes cultivées. Faute de données, la quantification des niveaux de fourniture ainsi que l’évaluation économique n’a pas été possible pour l’intégralité des 14 services étudiés. Par exemple, l’évaluation biophysique des services écosystémiques de contrôle biologique n’a pas permis d’estimer les dommages causés par les bioagresseurs.

Évaluation économique des services écosystémiques

Affecter une valeur économique à un service écosystémique demande de préciser l’avantage qui lui est propre. En pratique, cela a conduit à envisager soit la disparition du service, soit à évaluer les coûts des dommages évités grâce au service écosystémique considéré.
Dans le premier cas, la valeur du service est estimée par le coût de la mise en œuvre de technologies alternatives artificielles visant à remplacer le service (par exemple la pollinisation à la main, la dépollution des eaux, etc.). Dans le second cas, il s’agit d’estimer le coût des pertes de production à déplorer en cas de disparition du service. Trois services ont pu faire l’objet d’une évaluation économique dans le cadre de cette étude : le service de fourniture d’azote minéral, le service de restitution de l’eau aux plantes cultivées et le service de pollinisation des cultures. Des approfondissements restent néanmoins nécessaires pour envisager l’utilisation de telles valeurs pour l’action publique.

 

À l’échelle de la France, sur la période 2010 à 20121 et pour sept cultures majeures couvrant 89% de la surface en grandes cultures, la valeur moyenne annuelle de la part de la production permise par les deux services écosystémiques de fourniture d’azote et de restitution de l’eau aux plantes cultivées est de l’ordre de 9,8 milliards d’euros, soit 50% de la valeur moyenne de la production totale. Déclinée culture par culture, cette estimation varie fortement.

 

Donc, l’écosystème fournit aux plantes une quantité d’azote non négligeable, dont il faudrait tenir compte car, considérant les hypothèses et méthodes utilisées, la quantité totale d’azote minéral disponible2 est supérieure au besoin des cultures dans toutes les situations analysées. Il semble donc qu’une partie de l’azote minéral épandu sur les surfaces considérées pourrait être économisée.

 

Certaines cultures sont dépendantes à 95% des pollinisateurs qui sont par ailleurs en fort déclin. Une actualisation d’un travail mené antérieurement par le Commissariat général au développement durable (CGDD)3 , estime que la valeur de la production agricole permise par l’action des insectes pollinisateurs s’élève à près de deux milliards d’euros par an en moyenne sur la période 2010-2012. Cette valeur a été estimée grâce à la méthode des dommages évités.

Concilier préservation de la biodiversité et production agricole : un compromis réalisable

De nombreux travaux scientifiques menés depuis les années 1990 confirment que la biodiversité est le déterminant biophysique central des services écosystémiques et que la diversité est souvent associée à un fonctionnement plus efficace de l’écosystème. Le choix de pratiques permettant de préserver le plus de services écosystémiques possible est cependant complexe.
L’étude a identifié plusieurs composantes clefs sur lesquelles les agriculteurs peuvent agir, via leurs pratiques :

  • La distribution spatio-temporelle des cultures et la diversité des couverts végétaux gérés (incluant la flore adventice) ;
  • L’abondance des auxiliaires de culture, de la faune et des microorganismes du sol ;
  • La quantité et la qualité de la matière organique du sol ;
  • La composition et configuration du paysage.

 

Selon leur nature, les pratiques agricoles combinées à la configuration spatiale et temporelle des couverts végétaux constituent des leviers pour favoriser la fourniture de certains services écosystémiques et augmenter ou maintenir le niveau de production agricole.

 

Si certaines pratiques ont ainsi été identifiées comme modulant négativement le niveau des services écosystémiques – notamment les traitements phytosanitaires ou le travail du sol – d’autres ont des effets plus équilibrés – comme les fertilisations minérales et organiques ou l’irrigation. Enfin, certaines pratiques peuvent avoir des effets positifs, tels que celui des successions de cultures sur la régulation des graines d’adventices dans les zones de grandes cultures en France. Or un tel service bénéficie directement à l’agriculteur en contribuant à l’économie de produits phytosanitaires ou à la limitation des opérations de désherbage mécanique.

 

Pour accéder au rapport complet : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/EFESE

 

Encadré sur les services écosystémiques instruits dans cette étude :

 

 

À l’occasion de la publication des rapports de l’Évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (EFESE) consacrés aux six grands types d’écosystèmes présents à l’échelle nationale, la FRB a synthétisé les principaux biens et services associés à chacun d’eux. A l’échelle de la France, le programme EFESE, porté par le ministère en charge de l’environnement, constitue une démarche analogue à celle de l’IPBES, la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques

___

1. Synthèse du rapport p.83
2. Somme des quantités d’azote minéral fournies par l’écosystème et par la fertilisation
3. CGDD, Théma novembre 2016 « EFESE : Le service de pollinisation »
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