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[Interview croisée] Un nouveau projet conjoint dédié aux risques liés à la perte des bénéfices que nous retirons de la biodiversité

Bonjour à tous les deux, pouvez-vous nous en dire plus sur le pourquoi de ce programme ?

 

Hélène Soubelet (HS) – Face à la conscience croissante que l’humanité a atteint et dépassé plusieurs limites planétaires qui maintiennent, pour l’instant encore, de bonnes conditions de vie sur la majorité de la Terre, le besoin de compréhension des enjeux et de recommandations pour l’action, n’a jamais été aussi pressant. Les acteurs se tournent alors vers la recherche afin qu’elle leur apporte des clés pour agir. Plusieurs outils existent : financer des projets de recherche, solliciter l’expertise de groupes de chercheurs et chercheuses, analyser l’état de la connaissance déjà disponible.

 

La question qui est posée dans le programme de connaissance en partenariat avec la Fondation Crédit Mutuel Alliance Fédérale est l’une des plus complexes et des plus cruciales : peut-on avoir une idée des risques que nous, nos activités, notre économie, notre bien-être, encourons en raison de la perte des bénéfices, gratuits, invisibles, que nous retirons de la biodiversité ?

 

Nous savons déjà que la perte de biodiversité entraine la perte de nombreuses contributions que nous retirons de la nature. En particulier, les scientifiques documentent la décroissance inquiétante de la fertilité des sols, la diminution de la capacité des écosystèmes à réguler les pathogènes, la perte des pollinisateurs, la simplification de nos paysages qui détruisent des habitats naturels, mais aussi des identités culturelles. Mais nous manquons d’une vision globale : qu’est-ce qui diminue, en quelle quantité, quelles en sont les conséquences à court ou moyen termes ? Répondre à ces questions est essentiel pour faire avancer la connaissance et accompagner la transition nécessaire à notre avenir et à celui des générations futures : des changements s’imposent, encore faut-il savoir lesquels en portant une attention particulière aux « fausses solutions » qui peuvent s’avérer délétères. C’est un programme aussi ambitieux qu’exploratoire !

 

Christophe Salmon (CS) – De notre côté, lorsque la Fondation Crédit Mutuel Alliance Fédérale s’est créée, elle s’est donnée comme domaine d’action l’Environnement. Avant d’agir, la Commission Environnement, qui est composée d’élus et de collaborateurs du groupe, a eu pour première mission de définir des axes stratégiques pertinents et ayant un impact réel et concret. Naturellement, la préservation de la biodiversité s’est rapidement imposée comme un enjeu majeur étant donné les pressions qu’elle subit menaçant directement le développement durable de l’ensemble des êtres vivants. Et c’est un membre de cette même Commission Environnement, Virginie McGetrick, Responsable ingénierie et montages structurés au CIC, qui nous a proposé ce projet ambitieux et innovant de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité. Avoir une vision globale des risques liés au déclin des services que les humains retirent de la biodiversité, c’est ce que nous recherchons au travers de ce projet.

 

 

Concrètement, comment la FRB s’empare-t-elle de cette question ?

 

HS – Un des outils les plus efficaces pour explorer les connaissances est la revue systématique de la littérature scientifique. Elle permet, en posant une question précise, de capter dans les bases de données de publications scientifiques tous les articles qui répondent totalement ou partiellement à la question et de les sélectionner par une démarche rigoureuse. Le processus est long, avec un protocole précis qui doit être suivi, mais il permet de capter la majorité des preuves scientifiques déjà publiées sur la question. C’est cet outil qui a été choisi dans le cadre de ce programme, car le sujet est assez diffus : il fait appel à de nombreuses disciplines scientifiques – écologie, économie, sociologie, géographie, agronomie – qui ne publient pas nécessairement ensemble. Au travers de plusieurs sous-questions centrées sur les activités connues pour être les plus impactantes (agriculture, pêche, foresterie, mines, économie, tourisme, urbanisation), le programme ambitionne de décrypter ce que dit aujourd’hui la science sur les conséquences économiques, sociales, environnementales de la perte des services écosystémiques. La FRB analysera aussi, au travers des exemples issus de la littérature, les mécanismes, en particulier les « fausses bonnes idées », qui ralentissent le développement d’alternatives durables, conduisent à une destruction du vivant et, in fine, d’un environnement favorable à une bonne qualité de vie sur Terre.

 

CS – Et c’est ce qui nous a tout de suite parlé dans ce projet : son caractère innovant ! Déjà par cette volonté manifeste des équipes de la FRB de vouloir donner cette vision globale. On s’est rendu compte qu’il y a des milliers de recherches et de publications scientifiques sur des domaines et des questions spécifiques, mais peu, jusqu’à présent, vont jusqu’aux relations de causalité, de manière transverse et dans le but d’agir.

Par ailleurs, nous avons également beaucoup apprécié la démarche de co-construction qui s’est installée avec les équipes de la FRB. Avant de lancer concrètement cette étude, nous avons travaillé avec eux pour affiner les contours de ce projet et identifier les sous-thématiques qui nous semblaient les plus impactées par l’érosion de la biodiversité. L’objectif est de faire ressortir les solutions qui permettront d’obtenir des résultats concrets tout en s’écartant des « fausses bonnes idées » qui peuvent favoriser le fait de ne s’attaquer qu’à un seul maillon de la chaîne sans voir le problème dans sa globalité.

 

 

Ce programme s’inscrit dans la recherche partenariale science-action, en quoi cela consiste ?

 

HS – Oui, il en est un excellent exemple. Tout d’abord par la co-construction de la question de recherche. Ensuite, par le financement pluriannuel qui donne du temps à la synthèse de connaissances. Enfin, par le partage de rôles et la confiance réciproque entre nos deux fondations : cela permet un travail concerté et fructueux ainsi qu’une large diffusion au sein de nos sphères respectives. Il me parait illustrer parfaitement d’une part le dialogue et la collaboration science-société portés par la FRB et d’autre part la prise de conscience de la responsabilité sociale et environnementale d’un acteur économique, ces deux axes étant essentiels pour notre avenir et celui des générations futures.

 

CS – Cela se résume en un mot : la CONFIANCE. Nous ne sommes pas des experts de la biodiversité. Comme tout un chacun, nous souhaitons agir pour faire face au défi climatique actuel. Mais pour cela, encore faut-il savoir comment agir efficacement. Et c’est tout l’intérêt de cette étude qui souhaite mettre en lien et traduire, concrètement et simplement, les impacts de l’érosion de la biodiversité et des services qu’elle nous rend sur notre vie de tous les jours. Pour bien le faire, cela nécessite de créer une véritable relation partenariale qui conjugue confiance en l’expertise des scientifiques de la FRB, soutien de long terme permettant de donner de la sécurité et de la perspective et partage de points de vue constructifs et complémentaires au sein d’un Comité de pilotage commun. Nous tenons à cette méthode, car c’est elle qui nous permet d’affiner au fur et à mesure l’approche scientifique de cette étude. Faire confiance, s’impliquer, partager : c’est en définitive l’ADN de notre fondation.

[Projet européen Bison] Les résultats présentés le 6 juin prochain à l’occasion d’un séminaire international

Les infrastructures de transport sont l’un des moteurs du développement économique mondial. C’est aussi l’une des principales causes du changement climatique et du déclin de la biodiversité. Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, de lourds investissements sont actuellement réalisés pour rendre les infrastructures plus résilientes et durables. En revanche, l’impact sur la biodiversité est beaucoup moins bien connu et compris par le secteur. Compte tenu de l’inquiétude croissante que suscite l’érosion de la biodiversité au niveau mondial, de nouvelles réglementations et approches prévoyant des normes plus strictes en matière de biodiversité sont attendues dans le sillage de la négociation de la Cop15.

Pour répondre aux préoccupations de prise en compte de la biodiversité dans le développement des infrastructures de transport, il n’existait jusqu’à présent pas de consensus général sur la manière de créer un secteur des transports respectueux de la biodiversité fondées sur la recherche.

 

Au terme de deux ans et demi de travail, sous les auspices conjoints de la Commission européenne, du Conseil de l’Europe et du Partenariat pour des infrastructures durables (SIP) dirigé par le Programme des Nations unies pour l’environnement, les membres du consortium Bison organisent un séminaire international du 6 au 9 juin (les journées du 6 et 7 sont ouvertes à toute et tous) qui réunira divers acteurs et parties prenantes aux niveaux national, régional et international dans le but d’engager un dialogue sur le thème des infrastructures et de la biodiversité.

Les principaux résultats du projet Bison seront présentés le 6 juin. Une journée entière sera consacrée aux liens entre les résultats du projet Bison et la communauté élargie des infrastructures durables.

En collaboration avec le SIP et des partenaires internationaux, le séminaire conjoint du 7 juin explorera les moyens d’intégrer les résultats de la recherche dans l’élaboration des politiques et les décisions d’investissement, et de catalyser les prochaines étapes.

 

L’événement se déroulera dans un format hybride pour faciliter la diffusion, mais les orateurs seront présents. Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site du projet Bison.

[Appel à projets FRB-MTE-OFB 2022] Neuf projets sélectionnés suite à l’appel “Impacts sur la biodiversité terrestre dans l’anthropocène”

Dans le cadre de la mise en place du  programme national de « surveillance de la biodiversité terrestre » porté par l’Office français de la biodiversité (OFB) visant à mesurer, identifier et suivre l’influence des activités humaines sur la biodiversité et les pratiques les plus vertueuses à valoriser, le ministère de la Transition écologique (MTE) et la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) ont lancé un appel à projets de recherche en 2022 « Impacts sur la biodiversité terrestre dans l’anthropocène », sur la caractérisation des impacts positifs, négatifs ou l’absence d’impacts des activités humaines et des pressions induites sur l’état et la dynamique de la biodiversité terrestre.

 

Trois types de projets sont financés par l’appel de 2022 :

 

DES PROJETS SYNTHÈSE

  • Discar – Population consequences of human DISturbance on small CARnivores ; Olivier Gimenez (CNRS) et Sandrine Ruete (OFB),
  • DragonDragonflies as bellwether for the human impact on interface ecosystems ; Colin Fontaine (CNRS) et Reto Schmuki (UK Centre for Ecology and Hydrology),
  • Motiver – Developing agri-environmental Indicators to MOnitor The Impact of human-driven landscape changes on biodiVERsity in European farmland ; Gaël Caro (Univ de Lorraine) et Ronan Marrec (Univ de Picardie)

Ces projets, d’une durée de trois ans, devront développer des synthèses d’idées et/ou de concepts, des analyses de données existantes, et devront s’intéresser aux facteurs affectant l’état, l’évolution et la dynamique de la biodiversité.

 

DES PROJETS SYNERGIE 

 

  • ComepiCOmprendre les patrons de biodiversité et leurs impacts fonctionnels, MEsurer des indicateurs pour PIloter les habitats par la gestion anthropique ; Anne BONNIS (CNRS)
  • IndicatorsPlant reproductive strategies as new diversity indicators – proof of concept in agricultural landscapes ; Sylvain GLEMIN (CNRS)
  • PppirecPollinisateurs, Pesticides, et Paysages : Indicateurs de Réponses, des Espèces aux Communautés ; Nicolas DEGUINES (CNRS, Université de Poitiers)
  • RodexpoAnticoagulant rodenticides in rodent communities sampled along a gradient of forest anthropisation : exposure and resistance ; Virginie LATTARD (Vet-Agrosup)

 

Ces projets, d’une durée d’un an, apporteront apporter des réponses complémentaires sur une question qui émerge d’un projet de recherche finalisé ou en cours de réalisation, et permettront d’éclairer les porteurs d’enjeux sur les indicateurs de mesures et les pratiques à promouvoir pour préserver la biodiversité.

 

DEUX PROJETS REVUE SYSTÉMATIQUE

 

  • DesybelA SYstematic review on the impact of anthropogenic noise on terrestrial biodiversity ; Yorick REYJOL (MNHN)
  • Tres-PraticTrait-based responses of soil fauna to agricultural practices & agricultural management strategies: a systematic review and meta-analysis ; Mickael HEDDE (Inrae)