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[Décryptage] Un véritable tournant en faveur de la synthèse de connaissances dans le domaine des sciences de l’environnement

De la curiosité scientifique à l’élaboration d’une politique spécifique, le recours à ces méthodes intervient lorsqu’est identifié un besoin de disposer de “preuves”, d’un état des connaissances relatif à une question préoccupante, d’intérêt sociétal ou scientifique. Les questions peuvent alors se présenter sous des formes diverses, dépendant de la réponse recherchée : quels sont les impacts de l’exposition aux facteurs de stress anthropogéniques ? Quelle est l’efficacité d’une intervention de gestion ? Quelle est la pertinence d’une méthode donnée ? Quelles options de gestion optimales existent ?

 

Dernièrement, la Collaboration for Environmental Evidence (CEE) – un réseau de structures et d’experts individuels créé en 2007 – a fait un grand pas en faveur d’une plus grande acceptation des différentes méthodes de synthèses de connaissances. Pour mieux comprendre le rôle de cette instance et cette actualité : entretien avec Joseph Langridge, chargé de mission à la FRB, spécialiste des “synthèses de connaissances”.

 

 

Avant de parler de la CEE et des dernières actualités, pouvez-vous nous en dire plus sur les enjeux liés à la synthèse de connaissance ?

 

La quantité d’articles scientifiques et de connaissances disponibles n’a jamais été aussi importante. Face à ce constat et au besoin de réunir un maximum d’informations sur une pathologie, c’est par la médecine que les méthodes de synthèse de connaissances ont émergé (Cochrane Collaboration). Elles ont d’abord trouvé un écho du côté des sciences sociales (The Campbell Collaboration), puis des sciences de l’environnement (Collaboration for Environmental Evidence).

Il est aussi intéressant de noter que ces diverses méthodes sont particulièrement plébiscitées par les parties prenantes. Entre leur besoin d’éclairage scientifique sur des sujets précis et dans un temps relativement court, et le temps de la recherche qui se compte lui en années, certaines de ces méthodes peuvent permettre un compromis en apportant parfois en quelques mois seulement des éléments solides, basés sur l’existant, répondant à la fois aux exigences de la rigueur scientifique et aux besoins d’éclairages des acteurs et décideurs.

 

 

Alors, quelles sont ces deux avancées ?

 

La première nouvelle importante est la publication par la CEE de guidelines, lignes directrices, pour la réalisation de revues rapides de la littérature. C’est une avancée majeure puisque pour arriver à ce document, cela a nécessité des débats au sein du réseau afin d’interroger les risques de biais, la pertinence, la nécessité de ce format, etc. Jusqu’à présent, la méthode était utilisée, mais sans standard stricto sensu. Désormais, le document publié par la CEE va permettre d’harmoniser les pratiques et faire référence pour garantir la légitimité des résultats obtenus.

 

La deuxième avancée majeure est la création, par la CEE en partenariat avec l’Institut Julius Kühn, d’une base de données nommée Proceed qui a pour but de recenser et de publier les protocoles simplifiés dont font parties les revues rapides de la littérature. Là encore, jusqu’à présent, le processus de publication dans la revue Environmental Evidence était long et relativement décourageant pour certains scientifiques qui devaient dans un premier temps faire évaluer leur méthode dans une revue puis recommencer le processus pour l’article dans cette même revue.

 

À présent, Proceed – qui est un service gratuit – donne l’opportunité aux auteurs d’enregistrer des protocoles pour tout type de synthèse de connaissances, des revues systématiques aux cartes systématiques, en passant par les revues rapides de la littérature et d’autres formes de revues agrégées (comme les méta-analyses) et configuratives (comme le mapping ou le scoping c’est-à-dire des méthodologies structurées par étapes, pour décrire l’état de l’art de la littérature). C’est dans le but d’améliorer la rigueur des synthèses de connaissances, où qu’elles soient publiées, que la CEE a mis en place ce nouveau service. Il n’y a donc ensuite aucune restriction quant à la revue dans laquelle les résultats des synthèses de connaissances peuvent être publiés. Par ailleurs, les auteurs peuvent soumettre des protocoles à Proceed en utilisant les modèles fournis pour chaque méthode de synthèse. Ainsi, les soumissions ne font pas l’objet d’une évaluation par les pairs stricto sensu, mais seront tout de même vérifiées par une équipe d’experts, et pourront être renvoyées pour révision avant acceptation. Enfin, autre point intéressant : tous les protocoles acceptés recevront un DOI et seront téléchargeables et citables.

 

 

En résumé, ces avancées vont changer les pratiques des chercheurs et des chercheuses. Elles vont leur permettre de promouvoir leurs travaux plus confortablement, en renseignant leur méthode sur la base de données et proposant leur article à la revue de leur choix. 

 

En savoir plus sur Proceed

La base Proceed fournira une ressource en libre accès de titres et de protocoles de tout type de méthodes (cartes systématiques, revues systématiques, méta-analyses, rapid reviews, etc.). Les auteur·es peuvent s’inscrire et télécharger leurs titres et protocoles en utilisant les modèles. Tout est réfléchi pour que le processus soit accéléré pour tous (auteur·es et évaluateur·trices). L’atout majeur permis par la création de cette base de données, c’est que l’on pourra publier son protocole dans Proceed puis publier son article scientifique dans la revue de son choix… ce qui était jusqu’à présent difficile, méthode et article devant chacun passer l’étape de l’évaluation par les pairs au sein d’un même journal.

 

Avec Proceed, plusieurs options existent en réalité :

1. Enregistrer un protocole dans Proceed, puis soumettre un protocole et un article de résultats évalués par les pairs à Environmental Evidence.

2.Enregistrer un protocole dans Proceed, puis soumettre votre article de résultats (c’est-à-dire carte, revue, revue rapide, etc.) à Environmental Evidence.

3. Enregistrer un protocole dans Proceed, puis soumettre l’article sur les résultats dans la revue de votre choix.

4. Enregistrer un protocole dans Proceed, puis publier dans un format de rapport technique non commercial (i.e. littérature grise).

 

Comme indiqué dans l’interview, les protocoles simplifiés de Proceed sont évalués, et une fois acceptés, un DOI leur est attribué.

 

C’est un vrai bond en avant en faveur de la synthèse de connaissances dans les sciences de l’environnement !