Pesticides en France : dix ans d’exposition aux substances actives
Auteur : Stanislas Rigal (INRAE) et Thomas Perrot (FRB)
Relectures par : Robin Goffaux , Thomas Perrot, Fanny Lavastrou et Pauline Coulomb
Référence : Rigal, S., Perrot, T. Pesticides in France: ten years of combined exposure to active substances in land, air and surface water. Sci Data 12, 512 (2025). https://doi.org/10.1038/s41597-025-04864-6
L’agriculture industrielle se caractérise par un recours accru aux pesticides. Ces derniers se retrouvent dans l’environnement et leurs impacts sur la biodiversité sont de plus en plus documentés. Mais où sont ces pesticides dans l’environnement ? Malheureusement, la disponibilité des données permettant de réaliser des analyses temporelles à grande échelle spatiale, nécessaire pour l’évaluation de l’impact de ces molécules sur la biodiversité et la santé humaine, reste insuffisante. Pour combler ce manque, des chercheurs de l’INRAE et de la FRB proposent un indice d’exposition inédit ainsi qu’une carte de répartition des pesticides les plus toxiques à l’échelle française entre 2013 et 2022.
L’omniprésence des pesticides dans l’environnement est attestée par de nombreuses analyses. Mais leur distribution, leur rémanence ou leur simple présence n’est pas toujours facile à documenter. Les données sont éparses, non disponibles ou manquantes. Nous aurions pourtant besoin d’analyses temporelles à grande échelle pour mieux déterminer les risques associés à leur utilisation sur nos territoires. Des experts de l’INRAE et de la FRB ont compilé des données sur l’achat de plus d’une centaine de substances actives ainsi que des mesures de pollution de l’air et des eaux de surface par ces substances. Ces informations ont permis de proposer une carte de répartition des pesticides les plus toxiques entre 2013 et 2022 en France métropolitaine (cf ci-après). Ces données spatiales et temporelles sur l’exposition aux pesticides dans l’environnement sont essentielles pour une prise de décision éclairées en matière de politiques agricole, de conservation de la biodiversité et de santé humaine.
Afin d’exprimer le risque potentiel sur le territoire français, un indice d’exposition combinée aux pesticides a été construit à partir de données standardisées sur l’exposition aux substances actives les plus nocives pour l’environnement (c’est-à-dire substances toxiques ou cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques). Cet indice, fondé sur les usages locaux et la présence de ces substances dans l’air et les eaux de surface en France métropolitaine, permet de fournir une estimation de l’exposition globale aux pesticides dans les écosystèmes sur 10 ans. À notre connaissance, il s’agit du premier ensemble de données disponible en Europe à l’échelle nationale avec une précision spatiale à l’échelle communale et une couverture temporelle de 10 ans. Ces informations offrent une avancée significative dans la dynamique de l’évaluation de l’exposition aux pesticides.
Cet indice prend en compte :
- les quantités vendues de 183 substances actives à l’échelle de chaque municipalité, disponibles à partir de la Banque Nationale des Ventes distributeurs (BNV-d), parmi lesquelles l’acétamipride ou le fluxapyroxad, respectivement un insecticide néonicotinoïde et un fongicide SDHI faisant l’objet de préoccupation environnementales.
- la pollution de l’air, grâce à la base de données Phytatmo,
- la pollution des eaux de surface par les bases de données NAIADES et SANDRE.
Cet indice permet de produire des cartes sur la pression d’utilisation et les concentrations en pesticides dans l’air et les eaux de surface. En combinant ces trois métriques, il fournit une carte globale du niveau moyen auquel les êtres vivants, dont les humains, sont exposés.
Carte : Niveau moyen d’exposition combinée aux pesticides par l’utilisation de substances actives et la concentration dans l’air et l’eau entre 2013 et 2022. Échelle standardisée entre 0 et 1,5
L’article dont sont issues ces informations, dit « datapaper », vise à porter à connaissance et mettre à disposition de la recherche des jeux de données, facilitant leur reprise et utilisation dans d’autres travaux. Ces cartes pourront par exemple être interprétées ou intégrées dans d’autres analyses. Un processus de validation technique a été appliqué afin de renforcer la solidité de ce travail. Une note d’utilisation donne également des indications pour la réutilisation de ces données lors de travaux ultérieurs.