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octobre 2020  I  Article  I  FRB  I  Biodiversité et océans

#ScienceDurable – À Toulon, habitats artificiels à la rescousse des poissons

Auteure :  Julie de Bouville, experte en communication

Relecteur : Marc Bouchoucha, responsable du projet et membre du laboratoire Environnement Ressources Provence-Azur-Corse de l’Ifremer

Dans la rade de Toulon chercheurs, entrepreneurs et gestionnaires s’affairent sur le quai océanographique de l’Ifremer. Tous sont venus assister à l’installation des premières nurseries à poissons. Ce projet de restauration écologique grandeur nature est testé pour la première fois dans la ville de Toulon par l’Ifremer et la start-up Seaboost, en partenariat avec la Métropole de Toulon et la Chambre de commerce et d’industrie du Var.

#ScienceDurable – À Toulon, habitats artificiels à la rescousse des poissons Port de Toulon
Les ports sont aussi des écosystèmes

 

Contre la paroi du quai, des plongeurs font descendre dans les profondeurs trois murs végétaux de roselières de 150 mètres carrés. Ces herbiers artificiels reproduisent les habitats des espèces marines locales en imitant les caractéristiques des herbiers de posidonie méditerranéens. Ils ont été conçus pour abriter les juvéniles de plusieurs espèces locales de poissons. Au pieds de ces herbiers, des blocs de bétons, réalisés en impression 3D, sont accrochés pour recréer des cavités dans lesquels les poissons devenus un peu plus grands s’abriteront. Marc Bouchoucha, responsable du projet et membre du laboratoire Environnement Ressources Provence-Azur-Corse de l’Ifremer explique : « Les ports ont rarement été perçus comme des écosystèmes, ils ont été très souvent envisagés sous l’angle économique ou culturel, mais peu sous l’angle écologique. Or, ce que nous constatons, c’est qu’ils ont majoritairement été construits sur des petits fonds côtiers abrités, qui ont, pour les poissons, des fonctions écologiques très importantes. »

 

 

Comprendre le cycle de vie des poissons

 

Le cycle de vie des poissons est en effet tel qu’ils pondent au large, voient leurs œufs flotter et être portés par les courants, puis éclore. Au niveau des côtes, les larves trouvent abri dans les herbiers. Les juvéniles s’y développent et, avant d’atteindre le stade adulte, quittent les roselières pour s’abriter, un peu plus bas, dans de petits rochers. Une fois arrivés à maturité, les poissons rejoignent le large pour y accomplir le reste de leur cycle.

 

« Aujourd’hui, ce cycle de vie est particulièrement bousculé par les taux d’artificialisation du pourtour méditerranéen qui ne cesse de croitre depuis les années 1950. Dans certaines zones comme Monaco, on atteint même des taux d’artificialisation à 90 % souligne Marc Bouchoucha. »

 

 

Restaurer les fonctions écologiques des ports

 

Le chercheur et son équipe ont donc pour objectif de limiter l’impact de l’artificialisation sur le cycle de vie des poissons en réparant certaines fonctions écosystémiques dégradées . « Mais avant cela, il a fallu nous assurer que les conditions environnementales étaient satisfaisantes ». Une attention particulière a été portée à la contamination chimique en Méditerranée. « Sur ce point, les réseaux de surveillance et les études mis en œuvre par l’Ifremer sur les masses d’eau côtières au cours des 20 dernières années ont montré que la tendance globale est à l’amélioration. » Les indicateurs sont donc « au vert » : pas de hausse significative des niveaux de contamination ; des niveaux constants en contaminants et inférieurs aux normes de qualité environnementale pour la grande majorité des sites suivis ; certes il reste quelques foyers de contamination historique dans certains secteurs identifiés, mais globalement les efforts d’assainissement des dernières décennies ont porté leurs fruits. « Les conditions étaient donc réunies pour restaurer efficacement le milieu. »

 

 

Un suivi de grande précision

 

En s’inspirant des habitats naturels, la société Seaboost a recréé les habitats des juvéniles. Pour s’assurer de leur efficacité, les scientifiques ont prévu de réaliser des suivis à grande échelle. Ceux-ci sont effectués à différents niveaux. Tout d’abord dans les ports, pour s’assurer que ces habitats ne soient pas colonisés par des espèces envahissantes issues des bateaux provenant du monde entier. Puis sur les espèces elles-mêmes, pour comprendre comment ces populations s’adaptent à ce milieu pollué et sonore. Enfin, dans les zones naturelles, pour voir comment les poissons se développent : «Nous devons pouvoir scientifiquement prouver que de telles installations contribuent à l’amélioration des populations naturelles, souligne Marc Bouchoucha ». Tous les moyens sont mobilisés pour assurer le suivi « On a installé à demeure des caméras sur les récifs pour filmer en continu les poissons, on a couplé cela avec des logiciels de reconnaissance automatique issus de l’intelligence artificielles pour nous permettre d’identifier et de compter les poissons. L’ADN environnemental est aussi utilisé pour étudier la biodiversité difficilement observable à l’œil nu, comme les espèces dites cryptiques qui, sur le plan morphologique, ne présentent aucune différence, mais qui, d’un point de génétique, présentent des différences notables. »

 

Dans les années à venir, d’autres ports devraient mettre en place ces nurseries de poisson. Cette nouvelle est accueillie avec prudence par Marc Bouchoucha : « La restauration est un outil qui ne doit pas servir à justifier la dégradation d’habitats naturels. Il est important de rappeler qu’elle est en général utilisée lorsque l’on n’a plus d’autres solutions. La protection doit toujours primer sur la restauration. »

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Chercheur

Marc Bouchoucha, responsable du projet et membre du laboratoire Environnement Ressources Provence-Azur-Corse de l’Ifremer