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mai 2019  I  Article  I  Efese  I  État et tendance

Les écosystèmes urbains : une évaluation dans le cadre du programme EFESE

Auteur : Nicolas Baylé, chargé de mission scientifique en appui aux politiques publiques à la FRB
Relecteurs : Cécile Vo Van (Cerema), Rémi Suaire (Cerema), Séverine Hubert (Cerema), Hélène Soubelet (FRB), Julie de Bouville (FRB), Marilda Dhaskali (FRB)

La nature en ville est un enjeu fort du 21e siècle. Pour améliorer le bien-être des citadins, protéger les populations face aux risques naturels ou encore atténuer le changement climatique, concilier densification urbaine et espaces de nature devient nécessaire. Le rapport de l’EFESE sur les écosystèmes urbains ouvre des pistes pour mieux intégrer la biodiversité et ses services au sein des villes.

Les écosystèmes urbains :  une évaluation dans le cadre du programme EFESE
Les écosystèmes urbains, mosaïque d’espaces de nature terrestres ou aquatiques en interaction avec le milieu urbanisé

En France, 77% de la population vit dans des villes dont les surfaces s’accroissent au détriment des milieux environnants moins anthropisés. Cette expansion réduit la surface des milieux naturels, agricoles ou forestiers aux pourtours des villes. Parallèlement, des écosystèmes, appelés espaces de nature en ville, sont présents dans l’espace urbain et sont fortement influencés par celui. Les espaces de nature y prennent des formes très diverses selon leurs tailles et leurs degrés de naturalité ou d’artificialité : bois, milieux humides, potagers, squares privés, etc. Selon l’atlas urbain européen, ces espaces représentent en moyenne 39 m2 par habitant pour 28 villes françaises de 200 000 habitants mais cette superficie s’affaiblit nettement en zone dense, particulièrement à Paris. Or ces écosystèmes fournissent de nombreux services aux citadins et dont, pour certains, la demande citadine s’accroît.

 

L’étude coordonnée par le Cerema, dans le cadre de l’évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques, a permis d’identifier principalement des services culturels et de régulation, d’approvisionnement dans une moindre mesure. La ville reste fortement dépendante d’écosystèmes voisins pour son approvisionnement en nourriture et son alimentation en eau potable. Cependant, ces espaces naturels restent menacés par l’imperméabilisation majoritairement des sols et sous-sols, ce qui a une incidence sur la biodiversité urbaine.

Les services écosystémiques dont les citadins bénéficient sont principalement de régulation et culturels

Dans ce rapport, cinq services de régulation ont été évalués : la régulation du climat local et global, la régulation de la qualité de l’air, l’auto-épuration des milieux aquatiques et la régulation des inondations. Les services culturels récréatifs, d’éducation et esthétique ont complété l’étude mais il est important de noter que la quantité et la qualité des services écosystémiques dépend de la conception de l’espace naturel public qui, malgré sa surface réduite, peut offrir un grand bouquet de services.

 

Par exemple, les espaces arborés et végétalisés contribuent à l’amélioration de la qualité de l’air en interceptant et/ou absorbant certains polluants et particules atmosphériques, tout en atténuant la température au sein d’îlots-de-chaleur urbains. Cette influence favorable est particulièrement appréciée par les citadins en période caniculaire. D’ailleurs, l’Institut de veille sanitaire (InVS) préconise, entre autres, l’augmentation des espaces verts afin d’atténuer les îlots-de-chaleur et leur impact sanitaire1.

 

De plus, les surfaces végétalisées, les sols perméables et les espaces de nature tels que les zones aquatiques participent à la régulation du cycle de l’eau grâce à leurs rôles d’épuration des polluants et de rétention des eaux de ruissellement, diminuant ainsi le risque d’inondation. À titre d’exemple, les toitures végétalisées peuvent constituer une option intéressante pour la régulation des inondations, dans un contexte où l’espace est rare. D’ailleurs, une étude pour la ville de Paris a montré que sur 460 hectares, 80 pourraient être rapidement végétalisés2. De même, une collectivité a diminué ses coûts d’exploitation des réseaux d’eaux pluviales et usées de près d’un million d’euros en créant un réseau alternatif naturel pour 25% des eaux pluviales collectées. Les phénomènes de saturation des réseaux ont également été divisés par trois.

 

Par sa capacité de séquestration du carbone, la végétation urbaine contribue à l’atténuation du changement climatique. Ce service a fait l’objet d’une évaluation biophysique pour la ville de Strasbourg dans le cadre des travaux de Wissal Selmi3. S’appuyant sur l’outil i-Tree, l’étude évalue ainsi à 128 000 tonnes, la quantité de carbone stockée par les arbres gérés par la ville de Strasbourg. À titre de comparaison, l’émission de CO2 en 2014 en France était de 6,9 tonnes par personne4.

 

À ces services de régulation s’ajoutent les services récréatifs, éducatifs et de loisirs sportifs qu’offrent les espaces de nature en ville. Pour plus de 8 Français sur 10 la proximité d’un espace vert est un critère important dans le choix de leur lieu d’habitation. D’ailleurs, les services écosystémiques culturels d’éducation constituent un enjeu fort pour sensibiliser à la biodiversité, par exemple à la biodiversité patrimoniale urbaine, et, pour les scolaires, la proximité d’espaces de nature est essentielle en tant que support d’éducation : des actions de renaturation des cours d’école pourraient s’insérer dans un projet pédagogique.

 

Certaines villes ont engagé des projets de collecte de données plus poussées afin de pouvoir mobiliser des outils de modélisation de services écosystémiques en appui à la décision comme i-Tree Eco à Strasbourg à l’échelle du bassin versant. Cependant, la collecte des données nécessaires peut s’avérer coûteuse.

L’évaluation des services écosystémiques en ville permet d’adopter une approche intégrée de projets de territoire

Certaines pratiques peuvent favoriser le développement de solutions fondées sur la nature en milieu urbain, notamment la gestion écologique des parcs, friches ou espaces temporairement vacants, la fauche tardive et raisonnée ou encore l’aménagement des espaces de nature à des fins de prévention d’aléas naturels (inondations, glissements de terrain, sécheresse, etc.) ou de bien-être, d’éducation et de développement économique.

 

Le génie écologique est en mesure d’enrichir qualitativement les espaces publics en contribuant à l’intégration de critères d’ordre écologique dans la planification urbaine à toutes les échelles (schémas de cohérence territoriale, plans locaux d’urbanisme intercommunaux, bâti, espaces publics, etc.). Les auteurs préconisent même de considérer systématiquement les solutions fondées sur la nature5 dans la conception de tout projet d’aménagement urbain.

 

La nature en ville est un enjeu fort du 21e siècle. Elle peut être source de solutions en matière d’atténuation du changement climatique et de ses effets ; de cadre de vie favorable au bien-être voire à la santé ; d’approvisionnement en eau ; de nourriture (jardins partagés, agricultures urbaines) ; de protection des populations face aux risques naturels ; et enfin, en matière de dynamisme territorial. Il incombe aux acteurs de ces territoires de prendre ces paramètres en compte pour garantir la résilience des écosystèmes urbains face au changement climatique. Il s’agit de concilier densification urbaine et nature en ville, tout en limitant l’étalement urbain pour préserver les écosystèmes aquatiques, agricoles et forestiers en zone périurbaine.

 

Pour accéder au rapport complet : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/EFESE

 

Encadré : Les services écosystémiques urbains instruits dans cette étude :

 

 

À l’occasion de la publication des rapports de l’Évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques (EFESE) consacrés aux six grands types d’écosystèmes présents à l’échelle nationale, la FRB a synthétisé les principaux biens et services associés à chacun d’eux. A l’échelle de la France, le programme EFESE, porté par le ministère en charge de l’environnement, constitue une démarche analogue à celle de l‘IPBES, la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques

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1. Voir le rapport p.640
2. Voir le rapport p. 817
3. Selmi Wissal. 2016. « Évaluation des services écosystémiques rendus par les arbres urbains. Étude de l’effet des arbres sur l’environnement urbain. Résultats de l’application du modèle i-Tree Eco à la ville de Strasbourg ».
4. https://www.gouvernement.fr/indicateur-emprunte-carbone
5. Voir le e-rapport « Ecosystèmes urbains », p. 701
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