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août 2018  I  Article  I  FRB  I  Autres sujets

Action n°7 : Je jardine sans pesticides

Agir en faveur de la biodiversité ? C’est bien ! Avec l’appui de la science ? C’est mieux !

Les travaux de recherche en écologie, en botanique ou encore en biologie marine nous fournissent des informations précieuses pour préserver au quotidien la biodiversité. À travers une dizaine d’articles, la FRB propose de mettre en avant des études scientifiques pour éclairer une nouvelle thématique.

Action n°7 : Je jardine sans pesticides

Près des ¾ des Français possédant un terrain jardinent régulièrement (Ifop / MEEDDM, 2010). Or, depuis janvier 20171, les collectivités locales et les établissements publics n’ont plus le droit d’utiliser de pesticides de synthèse pour entretenir les espaces verts dont ils ont la responsabilité2. Ainsi, en attendant l’interdiction de l’usage de ces substances par les jardiniers amateurs en 2019, ces derniers constituent la principale source de pesticides en milieu urbain. Une étude basée sur des données de sciences participatives s’est intéressée aux insectes qui visitent les fleurs des jardins privés. Selon celle-ci, les insecticides et les herbicides ont un impact négatif sur l’abondance des papillons et bourdons : les premiers atteignent directement les pollinisateurs, tandis que les seconds agiraient de façon indirecte en diminuant la disponibilité en ressources – nectar et pollen (Muratet & Fontaine, 2015).

 

« Les pesticides bio nuisent moins à la biodiversité, mais tout dépend des doses utilisées »

 

Pour préserver la biodiversité, serait-il alors préférable d’utiliser des pesticides autorisés en agriculture biologique ? Si ces produits nuisent moins à la biodiversité par rapport à leurs équivalents conventionnels, cela dépend toutefois étroitement des doses utilisées. Le cuivre de la bouillie bordelaise, par exemple, s’accumule dans les sols. Si l’on manque encore d’études sur son utilisation dans les jardins des particuliers, des travaux existent dans le cas des territoires agricoles. D’après l’expertise scientifique collective (ESCo) menée par l’Inra et par l’Institut technique de l’agriculture biologique (Inra / Itab, 2018), les sols viticoles européens contiennent jusqu’à 500 mg/kg de cuivre, contre 3 à 100 mg/kg dans les sols naturels. Les plantes cultivées peuvent alors en pâtir, de même que la biodiversité des sols : le cuivre fortement concentré nuit aux communautés de microbes et aux collemboles, des hexapodes proches des insectes.

 

Alors comment vaincre les ravageurs des cultures sans pesticides ? Le contrôle biologique peut faire partie des solutions, en utilisant des substances naturelles, comme le pyrèthre, insecticide extrait des chrysanthèmes, ou en favorisant des espèces « auxiliaires » qui parasitent ou consomment les ravageurs. Coccinelles, chrysopes, syrphes (mouches à bandes jaunes et noires), micro-guêpes, hérissons, vers nématodes sont d’utiles auxiliaires de culture. Il est possible d’en élever certains, comme les coccinelles, puis de les relâcher, mais sans certitude qu’ils resteront dans un lieu donné. En revanche, adapter le jardin et sa gestion pour qu’il leur soit favorable permet d’inciter les auxiliaires à venir chez soi et à y rester. Reste alors à diversifier les plantes de nos espaces extérieurs, et à former des réseaux de balcons et de jardins entre lesquels les organismes circulent librement.

 

« Des espèces « auxiliaires », coccinelles, chrysopes, syrphes ou hérissons, parasitent ou consomment les ravageurs »

 

D’autres solutions fondées sur l’observation des milieux s’avèrent aussi prometteuses. Des chercheurs suédois (Ninkovic et al., 2013) ont illustré la façon dont le comportement des ravageurs varie en présence de leurs prédateurs. Ainsi, les pucerons se laissent tomber au sol pour échapper aux coccinelles. En effet, ces dernières laissent derrière elles une trace chimique, telle une odeur, que détectent leurs proies. Les scientifiques ont donc placé des pucerons du merisier à grappes (Rhopalosiphum padi, un ravageur de céréales) au centre de boîtes de pétri dont seul un côté avait été mis en contact avec une ou plusieurs coccinelles à sept points (Coccinella septempunctata, l’espèce la plus commune en Europe). Il y avait alors significativement moins de pucerons du côté fréquenté par les coccinelles, un comportement d’évitement plus ou moins fort selon le nombre et le sexe des coccinelles ayant laissé leur odeur dans la boîte. La perspective de ce résultat permettrait d’envisager un jour de traiter les jardins et les cultures avec des odeurs de prédateurs.

 

Des techniques agricoles innovantes comme la permaculture visent également à cultiver autrement, sans produits de synthèse et sans utilisation de carburants fossiles (Guégan & Leger, 2015). Le concept de permaculture, développé dans les années 1970 par les australiens Mollisson et Holmgren, est issu de l’écologie scientifique et s’applique de façon concrète sur le terrain. Ses méthodes consistent à aménager et à piloter les écosystèmes dans une vision globale du site, de son fonctionnement et de sa dynamique, et ce en accord avec des aspirations sociales, écologiques et économiques. Des outils tels que ceux de la permaculture pourraient être adaptés aux jardins ou espaces verts urbains, afin d’élargir encore le champ des possibles pour jardiner sans pesticides.

 

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1 Plan français Ecophyto II, loi Labbé du 06 février 2014 et article 68 de la loi de transition énergétique.

2 Avec une exception pour certains espaces à contraintes particulières comme les installations électriques.

La science infuse

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Sources