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Cultiver la biodiversité pour récolter des denrées alimentaires, la sécurité alimentaire et la durabilité

Dans un contexte agricole et alimentaire tendu, la transition du système alimentaire vers des processus et pratiques plus soutenables est souvent remise en question. Une série de découvertes en écologie et en agriculture suggère que la biodiversité, tant spécifique que génétique, peut aider à résoudre les problèmes de durabilité auxquels est confrontée l’agriculture intensive moderne. De la parcelle au pays, cette étude démontre les avantages apportés par une diversification des cultures (variétale, spécifique, paysagère) par rapport à l’agriculture intensive conventionnelle

 

La modernisation de l’agriculture a entraîné une réduction de la diversité génétique des espèces utilisées. Celle-ci est pourtant la clé pour une agriculture plus adaptée au changement climatique, à une nutrition plus équilibrée, à des pratiques plus durables pour l’environnement et la santé humaine. Cette diversification permet des rendements plus élevés et plus stables, un moindre recours aux engrais et aux pesticides, un besoin moins important en terres cultivables et des apports nutritionnels plus équilibrés.

 

 

Les messages-clés de la publication

 

La sélection moderne  favorisé l’uniformité pour une productivité maximale en monoculture, elle a ainsi délaissé les caractères permettant à des espèces ou variétés de coexister. La production alimentaire mondiale est dominée par quelques espèces dont l’effondrement serait catastrophique pour la sécurité alimentaire, en plus des impacts environnementaux et sanitaires que leur culture entraîne.  Face à cette uniformisation, que retenir de la diversification des cultures

 

  • La diversification des cultures dans l’espace et dans le temps (rotations, cultures de couvertures, intercalaires, pièges ou répulsives, paysages) a le potentiel d’augmenter considérablement la stabilité, la sécurité et la fiabilité de la production alimentaire, tout en réduisant les risques de pollutions (moindre utilisation d’engrais et de pesticides) et les risques pour la santé humaine (pollutions, régimes alimentaires). 

 

  • Comparé aux autres solutions la diversité des espèces cultivées présente l’effet le plus important pour stabiliser la production. Vient ensuite l’irrigation. La fertilisation, quant à elle, n’a pas démontré d’effet significatif sur la stabilité des rendements. 

 

  • De très nombreux travaux démontrent les avantages de cette diversification des cultures : stabilité de la production, meilleure nutrition, réduction du besoin de nouvelles terres cultivables, amélioration de la fertilité des sols, renforcement du biocontrôle sur ravageurs, moindre recours aux pesticides et engrais, meilleurs rendements, gain de productivité beaucoup plus rapides que la sélection génétique conventionnelle, etc. et meilleure compétitivité par rapport aux monocultures.  

 

  • Toutefois cette diversification est limitée à cause d’un manque d’investissements. Il semble donc important de faciliter la formation des agriculteurs, poursuivre la recherche sur les meilleures combinaisons spécifiques et variétales et les meilleures échelles spatio-temporelles et proposer de nouvelles machines agricoles adaptées à cette diversité. 

 

 

Trajectoires d’utilisation des terres pour des transformations durables des territoires : Identifier les points de levier dans un hotspot mondial de biodiversité

Pour évaluer l’impact des différents usages des sols sur la biodiversité, les services écosystémiques et l’agriculture, les scientifiques comparent généralement divers types d’utilisation des sols. Cependant, ces comparaisons négligent souvent les conversions réalistes, nécessaires pour les politiques à long terme.

 

Dans cette étude, des chercheurs ont utilisé diverses méthodes pour analyser les trajectoires d’utilisation des terres à Madagascar, visant des équilibres entre biodiversité et activités humaines, comme l’agriculture. L’île de Madagascar a perdu 44 % de ses forêts entre 1953 et 2014, sans répondre aux besoins des populations rurales. L’urgence de transitions vers des systèmes fonciers durables est donc bien réelle.

 

L’agriculture de subsistance, notamment la culture itinérante, c’est à dire un système d’agriculture où de petites parcelles sont défrichées, brûlées et utilisées pendant une seule année, puis laissées en jachère pendant plusieurs années, reste la principale cause de déforestation dans le nord-est de l’île. Madagascar est également la plus importante zone de culture de la vanille au niveau mondial, constituant le moyen de subsistance d’environ 70 000 à 80 000 agriculteurs. L’agriculture du pays se traduit donc par une trajectoire d’utilisation des terres qui prend son origine dans les forêts anciennes et s’étend des fragments de forêt à la riziculture itinérante en colline et aux agroforêts de vanille. 

 

Dans ces paysages, les leviers potentiels pour transformer les systèmes fonciers se situent aux lisières de la déforestation, préservant d’anciennes forêts, et au sein de mosaïques paysagères. Ces dernières offrent une sécurité alimentaire accrue, des revenus plus élevés et une meilleure résistance aux chocs économiques et environnementaux.

 

 

Les messages-clés de la publication

 

Le compromis inévitable identifié dans cette publication est qu’aucune décision d’utilisation des terres ne peut maximiser simultanément tous les indicateurs, notamment les espèces, les services écosystémiques et la productivité.

 

Plusieurs points de levier sont identifiés pour orienter les décisions d’utilisation des terres :

  • Compenser les compromis entre la conservation des forêts anciennes et les rizicultures de subsistance, en reconnaissant l’importance de préserver les forêts anciennes pour la biodiversité ;
  • Conserver les fragments de forêt et privilégier l’agroforesterie dérivée de la forêt par rapport à la culture itinérante, en mettant en avant les avantages pour la biodiversité et les services écosystémiques ;
  • Exploiter les co-bénéfices de la conversion des jachères en agroforêts de vanille, en soulignant les avantages pour la biodiversité, les services écosystémiques et la productivité agricole.
  •  

 

Recommandations politiques primordiales :

  • Protection des forêts anciennes : Il est essentiel de protéger strictement les forêts anciennes pour préserver la biodiversité et les services écosystémiques, tout en tenant compte des petits exploitants.
  • Favoriser l’agroforesterie de vanille dérivée de jachère : Encourager l’agroforesterie de vanille issue de jachères pour ses avantages en termes de services écosystémiques, de biodiversité et de productivité agricole.
  • Restrictions sur l’agroforesterie dérivée de la forêt : Limiter l’agroforesterie dérivée de la forêt à une alternative à la déforestation complète, sans contribuer à la dégradation des forêts anciennes.
  • Soutenir une agriculture de subsistance durable : Favoriser des pratiques agricoles durables pour les petits exploitants, y compris la culture itinérante avec de longues périodes de jachère, tout en fournissant un soutien aux ménages défavorisés pour établir des agroforêts de vanille et des rizières productives.

Journée FRB 2023 sur les recommandations – Les actes

Omniprésents et en première ligne de l’interface science-société, les sujets biodiversité font face aux difficultés de répondre à la fois aux exigences de la recherche et aux besoins de la société. À l’occasion de la Journée FRB 2023, la FRB a invité chercheurs, décideurs et acteurs de la société à se réunir pour confronter leurs besoins, leurs attentes et leurs possibilités d’action autour des recommandations.

 

 

Impacts du changement climatique sur les écosystèmes et les services écosystémiques en France et recommandations pour l’adaptation de la biodiversité

Dans le cadre du volet « Adaptation au changement climatique » de la Stratégie française Energie-Climat (Sfec) l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc) propose des niveaux de réchauffement de référence auxquels la France devra s’adapter et qui seront à décliner dans l’ensemble des politiques publiques. Ces orientations doivent s’appuyer sur les éléments scientifiques disponibles sur les impacts du changement climatique des différents secteurs d’activités et sur le coût de ces impacts.

 

Ce travail, en partenariat avec le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires (MTECT) constitue une synthèse des connaissances scientifiques les plus récentes sur l’impact du changement climatique sur la biodiversité en France, les mécanismes de réponse de la biodiversité, le devenir de la biodiversité en fonction de différents scénarios d’évolution des températures, les impacts sur les services écosystémiques à l’échelle du territoire national et des éléments pour l’adaptation des filières économiques et des écosystèmes.

Malgré la persistance de lacunes de connaissances sur les réponses des espèces et des écosystèmes, sur les interactions entre les différentes pressions qui portent sur la biodiversité, et leurs rétroactions, ainsi que sur les phénomènes de seuils ou de points de bascule des écosystèmes, l’étude identifie des recommandations pour conjuguer les différents enjeux et favoriser les synergies entre lutte contre le changement climatique et conservation de la biodiversité.

 

Traiter conjointement les enjeux climat et biodiversité permet d’identifier les actions doublement vertueuses et d’évaluer les risques de mal-adaptation et d’aggravation que certaines solutions uniquement centrées sur le climat peuvent entrainer sur la biodiversité, questionnant leur durabilité dans une vision plus holistique et à plus long terme.

 

Pour cela la synthèse met en avant les Solutions fondées sur la nature (SFN) ou autres approches basées sur les écosystèmes propres à conjuguer ces deux enjeux, mais également des recommandations sur les besoins d’adaptation, naturelle ou assistée, de la biodiversité face aux changements à venir, ainsi que sur les dimensions législatives et réglementaire à faire évoluer pour que la politique française « s’adapte » elle-même à ces enjeux croisés.

 

La synthèse de connaissances est disponible dans les ressources téléchargeables ci-dessous.

 

 

 

MESSAGES CLÉS

 

  • Des lacunes de connaissances sur les réponses et dynamiques de la biodiversité ne doivent pas être un frein à l’action mais au contraire une indication sur les précautions à prendre permettant d’anticiper l’amplitude des changements potentiels à venir. Des dégradations des conditions sont déjà observables et risquent de s’aggraver avec l’évolution de la pression climatique : hausse des évènements climatiques extrêmes, changement des conditions régionales ou locales, acidification des océans, perturbations des relations trophiques.

 

  • La perte de biodiversité aggrave le changement climatique qui en retour dégrade la biodiversité qui perd ses facultés d’adaptation, y compris aux autres fluctuations de l’environnement. La pression de sélection sur les espèces réduit également leur diversité génétique. Et s’il y a ici un cercle vicieux évident, on peut aussi percevoir le cercle vertueux des co-bénéfices entre biodiversité et climat : la biodiversité n’en est pas seulement une victime, elle peut, et doit, aussi être une solution pour atténuer le changement climatique et s’y adapter.

 

  • Le changement climatique exacerbe les défis de conservation si les espèces perdent les conditions climatiques appropriées dans les zones actuellement protégées et qu’aucun remplacement pour ces zones protégées ne peut être crée ou si des espèces à valeur économique subissent la double pression de la demande humaine et du climat. L’absence ou la pauvreté des continuités écologiques est ainsi la première cause limitant l’adaptation des espèces au changement climatique.

 

  • La France, qu’elle soit métropolitaine ou ultramarine, est et sera affectée par les effets du changement climatique sur la biodiversité et les services écosystémiques : augmentation des évènements extrêmes, hausse des dommages annuels et du nombre de personnes exposés aux conséquences du changement climatique et de la perte de services. La relation biodiversité-services n’est pas linéaire et la perte de services peut être amplifiée par rapport à cette perte de biodiversité.

 

  • Parmi les différentes recommandations opérationnelles identifiés dans la littérature scientifique, 3 actions sans regret majeur peuvent servir de principes pour soutenir l’adaptation des écosystèmes au changement climatique :

    • Assurer la préservation des espaces à fort enjeu de biodiversité par un réseau d’aires protégées connectées ;

    • Maintenir et restaurer les processus qui génèrent l’hétérogénéité dans les habitats, les gènes et les communautés pour maintenir des options écologiques pour l’avenir ;

    • Diminuer les pressions anthropiques qui aggravent les effets du changement climatique.

Prospective scientifique pour la recherche française sur la biodiversité – 2023

Le paysage de la connaissance et de la recherche a fortement changé ces dernières années avec la publication des grandes évaluations de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes), la mise en place du Partenariat européen cofinancé sur la biodiversité, Biodiversa+, ou encore le développement du Groupe d’observation de la Terre, Geo. À cela s’ajoute le besoin de plus en plus affirmé par les citoyens, par les acteurs publics et privés, de mieux protéger la biodiversité sous toutes ses facettes.

 

Le point de vue adopté dans cette prospective est d’explorer les avancées et perspectives des études et sciences de la biodiversité à la lumière des trois objectifs de la Convention sur la diversité biologique (CDB) liés à la biodiversité : préservation ; utilisation durable ; accès et partage des avantages. Ces objectifs et leur combinaison difficile, mais nécessaire, concernent la recherche la plus fondamentale comme la plus impliquée : de l’écologie aux sciences de l’évolution en passant par l’économie, la sociologie et l’anthropologie. Ils impliquent d’aborder de concert la biodiversité et les sociétés, d’envisager leurs relations en termes de systèmes dynamiques, d’interconnexions, de rétroactions et d’évolution.

 

Les axes structurant de la prospective impliquent de manière très différente les disciplines scientifiques, leurs relations avec les savoirs vernaculaires et partagent les mêmes exigences intellectuelles, chacun combinant des enjeux de connaissances à la fois très fondamentaux et très pratiques.

 

L’ambition de cette prospective pilotée par la FRB : que les parties prenantes françaises disposent d’une vision intégrative et inclusive des problématiques de recherches sur la biodiversité. Elle est en conséquence fondée sur les recommandations mondiales, européennes, les plus récentes. Au-delà de la résonnance qu’il trouvera auprès d’un public académique, ce texte s’adresse aux acteurs publics et privés en mesure d’appuyer la programmation et le financement de la recherche sur la biodiversité.

 

Les prélèvements des Espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (Esod) réduisent-ils les dégâts qui leur sont imputés ?

En France, la notion « d’Espèces susceptibles d’occasionner des dégâts » (Esod), anciennement « d’espèces nuisibles », désigne des espèces qui ont potentiellement des impacts négatifs sur la santé humaine ou celle du bétail, sur la faune et la flore, sur les activités agricoles ou forestières ou encore sur les biens matériels. L’un des groupes de cette classification rassemble des espèces dites “indigènes”, c’est-à-dire originaires de la région où elles sont présentes. Parmi elles, on retrouve la belette, la fouine, la martre des pins, le renard roux, le corbeau freux, la corneille noire, la pie bavarde, l’étourneau sansonnet ou encore le geai des chênes.

 

Une synthèse des connaissances de la littérature scientifique a été réalisée afin de déterminer si les prélèvements, soit la destruction d’individus, de ces Esod ont un effet sur la réduction des dégâts qui leur sont imputés. Pour cela, 47 publications de différents pays européens ont été sélectionnées et analysées. 

 

Cette synthèse a permis de mettre en évidence que :

 

  • Seuls les effets des prélèvements des Esod sur la réduction des dégâts sur la santé humaine et des troupeaux, et sur la prédation sur la faune sauvage et cynégétique font l’objet d’évaluation dans la littérature scientifique. Aucune étude portant sur l’effet de ces prélèvements sur les dégâts relatifs aux activités agricoles ni à la propriété privée n’a été retrouvée, alors qu’ils représentent une part importante des déclarations de dégâts, et entrainent le classement de ces espèces jugées comme responsables.

 

  • En ce qui concerne les dégâts sur la faune, la majorité des études portent sur les effets des prélèvements du renard roux, de la corneille noire ou de la pie bavarde et plus minoritairement de la belette. À l’inverse, la recherche bibliographique n’a pu mettre en évidence aucune publication sur l’effet de l’élimination de la martre des pins et de l’étourneau, pourtant bien qu’inscrits sur la liste Esod actuelle.

 

  • 70 % des études portant sur les dégâts sur la faune montrent que le prélèvement d’Esod n’a pas d’effet significatif sur la réduction de leur prédation sur la faune.

 

 

Cette synthèse de la littérature scientifique démontre donc que dans la majorité des études, recourir aux prélèvements d’Esod afin de réduire les dégâts sur la faune qui leur sont imputés, n’est pas une solution efficace.

 

Par ailleurs, la modalité de gestion consistant à focaliser les prélèvements sur une espèce à laquelle est attribuée un type de dégâts pose question. En effet, cette synthèse montre également qu’il est difficile d’attribuer un dégât à une espèce, notamment en raison de la complexité des réseaux trophiques.

 

Enfin, dans un contexte d’effondrement de la biodiversité, recourir aux destructions d’espèces devrait être justifié par l’urgence à agir pour empêcher un dégât que des critères objectifs et mesurables évalueraient comme grave. Mais, également justifié par l’absence de mesures alternatives, et après avoir fait la preuve de l’efficacité de la destruction sur la réduction des dégâts.

 

La publication est disponible dans les ressources téléchargeables ci-dessous.

 

 

En France, le Code de l’environnement, prévoit que le Ministère de la Transition écologique fixe par arrêté triennal la liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (Esod). Durant l’été 2023, le ministère a présenté sa liste d’Esod, pour le prochain arrêté, composée d’un dizaine d’espèces.

 

En partenariat avec la LPO et l’Aspas, la Fondation pour la recherche sur la biodiversité a ainsi interrogé la recherche académique par le biais de cette synthèse de connaissances, afin d’évaluer les effets des prélèvements des espèces sur la réduction des dégâts qui leur sont imputés.

Conservation de la biodiversité dans les territoires : appréhender les dynamiques

Alors que les enjeux de biodiversité montent en puissance auprès des citoyens, des acteurs et des décideurs publics et privés, il est important de rappeler deux évidences.
D’abord la biodiversité n’est pas figée, elle est intrinsèquement dynamique : compositions, structures, fonctions évoluent dans le temps et l’espace – mais aussi au sens « darwinien » et elle croise les grands cycles d’énergie et de matière. Ensuite, nous, humains, coexistons avec cette biodiversité sur les territoires, à des échelles également multiples, territoires eux-mêmes changeants, façonnés par les processus démographiques, politiques, sociologiques, économiques, mais aussi écologiques.

 

Ainsi, tenir compte des dynamiques de biodiversité dans la gouvernance des territoires humains est un impératif et un défi de tous les instants pour engager des politiques et des pratiques de conservation ambitieuses. Cela ouvre la voie à un changement transformateur indispensable pour une réelle coexistence entre humains et non-humains.

 

Découvrez au travers de cette publication, les principales conclusions et pistes de recherche issues du Club recherche-action “Conservation de la biodiversité dans les territoires : comment appréhender les dynamiques ?” de la FRB. En croisant leurs visions et pratiques, décideurs, entrepreneurs, gestionnaires et chercheurs de ce groupe de travail se sont notamment intéressés à la naturalité, à la séquence « Éviter, réduire, compenser » et aux métriques de dynamiques de biodiversité ; ils ont échangé autour d’exemples de mise en œuvre dans différents types d’écosystèmes, et pour différents niveaux d’anthropisation.

 

La publication est disponible dans les ressources téléchargeables ci-dessous. 

Utilisation durable des espèces sauvages – Les principaux messages de l’évaluation Ipbes

Pêche, cueillette, observation : nombreuses sont les pratiques humaines à travers le monde en lien direct avec les espèces sauvages de plantes, d’animaux, de champignons et d’algues. Pour tendre vers des pratiques plus durables, 85 experts issus des sciences naturelles, humaines et sociales et 200 auteurs collaborateurs ont travaillé conjointement pendant 4 ans.

 

En s’appuyant sur plus de 6 200 sources provenant de la littérature scientifique et des savoirs autochtones et locaux, les auteurs proposent une analyse et des outils et identifient cinq catégories d’utilisation des espèces sauvages : la pêche, la cueillette, l’exploitation forestière, le prélèvement d’animaux terrestres et les pratiques non extractives. 

 

La FRB propose dans la brochure (téléchargeable dans les ressources ci-dessous) les principaux messages à retenir ainsi qu’une analyse critique de ce travail unique.

Les différentes valeurs de la nature – Les principaux messages de l’évaluation Ipbes

Bien que l’humanité fasse partie et dépende de la biodiversité, nos actions conduisent majoritairement à l’extinction du tissu vivant et nous échouons à vivre en harmonie avec la biodiversité. Identifier et comprendre les différentes valeurs accordées à la nature et s’intéresser à leurs rôles dans les prises de décisions est un travail de longue haleine. C’est toutefois une étape fondamentale pour mieux comprendre, gérer, protéger et utiliser la biodiversité. C’est également une étape nécessaire pour atteindre une bonne qualité de vie pour tous, humains et non-humains. 

 

Cette évaluation de l’Ipbes s’est intéressée à ces valeurs qui reflètent les relations des êtres humains avec la nature et sont très liées à la façon dont hommes et femmes interagissent entre eux. Ainsi, les valeurs de certains acteurs peuvent dominer dans les prises de décisions tandis que d’autres peuvent être marginalisées, conduisant souvent à des décisions inéquitables, des conflits et l’aggravation de la perte de biodiversité.

 

La FRB propose dans la brochure (téléchargeable dans les ressources ci-dessous) les principaux messages à retenir ainsi qu’une analyse critique de ce travail unique.

Les espèces exotiques : quels enjeux pour la biodiversité ?

Au cours du siècle dernier, le nombre d’introductions d’espèces exotiques a fortement augmenté dans le monde. Près de 20 % de la surface terrestre est soumise aux invasions biologiques qui peuvent être nuisibles aux espèces endémiques, aux fonctions écosystémiques, aux contributions de la nature aux humains ainsi qu’aux systèmes socio-culturels et à la santé. Des milieux terrestres aux milieux marins, tous les écosystèmes sont concernés. Depuis le début du 19e siècle, le taux d’introduction de nouvelles espèces exotiques s’accélère et ne montre aucun signe de ralentissement. Aujourd’hui, du nord au sud, tous les pays sont concernés par ce phénomène.

 

 

Espèces exotiques, de quoi parle-t-on ? À quoi sont-elles dues ? Comment diminuer cette pression ? C’est ce qu’explore le dépliant disponible dans les ressources téléchargeables. 

Ipbes 10 – Espèces exotiques envahissantes

Fourmi électrique, huitre creuse ou frelon asiatique etc. Sur la planète, plus de 40 000 espèces exotiques envahissantes sont recensées. Que ce soit sous forme végétale ou animale, ces espèces ont été introduites par les humains en dehors de leur aire de répartition naturelle, volontairement ou accidentellement. Appelées aussi invasions biologiques, elles impactent les écosystèmes et les espèces, les contributions de la nature tout en pouvant dans certains cas avoir des effets positifs. Dans son prochain rapport à paraitre le 4 septembre, l’Ipbes présente les données les plus récentes sur le statut et les tendances des espèces exotiques envahissantes dans le monde.

 

Afin d’offrir une bonne compréhension du sujet la Fondation pour la recherche sur la biodiversité et le Museum national d’Histoire naturelle vous proposent une série d’articles, destinés au grand public et donnant la parole aux meilleurs spécialistes français du sujet.

 

 

Espèces exotiques envahissantes, un défi environnemental, économique et éthique

 

Plus de 40 000 espèces exotiques envahissantes se propagent sur la planète, mettant en danger la biodiversité. Selon l’Ipbes, elles sont considérées comme une des principales causes d’extinction des espèces et l’une des grandes causes globales de perte de biodiversité. Franck Courchamp, l’un des auteurs du rapport de l’Ipbes, insiste sur la gravité des impacts économiques et environnementaux de ces invasions biologiques et appelle à une prise de conscience urgente pour préserver les écosystèmes.

 

Consulter l’article :

 

 

 

La prévention des invasions biologiques :
un enjeu crucial pour l’environnement

 

Yohann Soubeyran est coordinateur “espèces exotiques envahissantes” au Comité français de l’UICN. Il pilote l’animation du Centre de ressources sur ces espèces et d’un réseau dédié à la thématique à l’échelles des outre-mer françaises. Ces dispositifs visent à améliorer l’efficacité des démarches de prévention et de gestion des invasions biologiques et à accompagner les politiques et stratégies nationales et locales sur le sujet. Aujourd’hui, le coût des invasions biologiques s’élève à près de 116 milliards d’euros dans l’Union européenne sur les 60 dernières années, dont 20 % pour les mesures de gestion. Yohann Soubeyran revient sur la meilleure option pour endiguer cette menace : la prévention. 

 

Consulter l’article :

 

 

 

Défis climatiques et espèces exotiques envahissantes :
un dangereux combo pour la biodiversité

 

Les conséquences du changement climatique sur les écosystèmes marins peuvent se révéler à l’origine de l’essor rapide d’invasions biologiques. Les températures plus chaudes ou le manque de précipitation dû au changement climatique permettent à certaines espèces de se répandre, menaçant l’équilibre écologique et la biodiversité marine. Dans les régions polaires, par exemple, le réchauffement climatique a ainsi ouvert de nouvelles voies maritimes accessibles aux hommes, drainant avec eux volontairement ou non tout un cortège d’espèces. Bien que des réglementations émergent pour contrôler ces introductions, la sensibilisation du public et des décideurs reste essentielle pour préserver nos écosystèmes marins.

 

Consulter l’article :

 

 

 

De l’invasion au déclin :
les mystères de la crépidule dans la rade de Brest

 

Antoine Carlier, biologiste écologue du Laboratoire d’écologie benthique côtière, est spécialiste de la crépidule, un mollusque gastéropode, originaire de la côte est des États-Unis, introduit en Europe dès la fin du XIXe siècle. Depuis 40 ans, cette espèce répertoriée comme espèce exotique envahissante, a colonisé plusieurs baies de la façade Manche-Atlantique. Des suivis récents ont pourtant montré que certaines populations de crépidule commencent à décliner, notamment en rade de Brest. Si la cause n’a pas été clairement identifiée, le suivi de cette espèce invasive aura montré qu’elle aura pu avoir quelques effets bénéfiques pour l’écosystème. Un phénomène aujourd’hui étudié de près par les scientifiques.

 

Consulter l’article :

 

 

 

DU CÔTÉ DU MNHN

 

Le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) propose des ressources complémentaires, en lien avec les différents sujets traités dans les articles présentés ci-dessus :

 

 

 

Retrouver l’ensemble des ressources du Muséum sur la page :

Espèces exotiques envahissantes : un défi pour la planète

 

 

Contact presse MNHN :
Isabelle Coilly, responsable relations presse
isabelle.coilly@mnhn.fr – +33 (0) 1 40 79 54 40

De l’invasion au déclin : les mystères de la crépidule dans la rade de Brest

Comment est arrivée la crépidule sur les côtes françaises ?

 

La crépidule est arrivée par différents biais, mais majoritairement avec le commerce de l’huitre creuse. En important ces huitres, on a importé avec elles tout un cortège d’espèces exotiques qui étaient à l’état larvaire ou juvénile, cachées dans leurs coquilles. L’établissement de la crépidule date des années 70. Mais elle devient vraiment envahissante dans les années 80 et 90. On la retrouve sur tout le littoral français, notamment dans la rade de Brest.

 

 

 

Quand la crépidule s’est multipliée quels impacts notables a-t-elle eu sur l’écosystème ?

 

La crépidule est un gastéropode qui a besoin d’un substrat dur et lisse pour se fixer, un rocher plat ou un débris de verre par exemple. Au début de son introduction, elle en a eu besoin mais comme elle s’est mise à proliférer, elle s’est étendue sur des fonds qui étaient meubles et s’est auto-entretenue du fait que les jeunes individus se fixent préférentiellement sur les chaines d’adultes, empilés les uns sur les autres. Elle a ensuite servi de support à des espèces qui aiment les substrats durs comme les ascidies, les éponges et certains bivalves comme le pétoncle noir, lequel est par ailleurs une espèce actuellement en déclin.

 

 

Outre le fait de servir d’habitat à d’autres espèces, la crépidule a-t-elle eu d’autres effets positifs ?

 

Les crépidules sont des organismes filtreurs qui se nourrissent en filtrant l’eau pour capturer des particules de nourriture, notamment des micro-algues. En filtrant activement l’eau, elles peuvent contribuer à réduire la turbidité, limitant ainsi les efflorescences de certaines espèces du phytoplancton, en particulier des dinoflagellés.

 

 

Inversement, en quoi la crépidule a déstabilisé les écosystèmes ?

 

Pour arriver à déstabiliser un écosystème entier, il faut dépasser un certain seuil en termes de densité ou de biomasse. C’est ce qu’il s’est passé dans certaines zones où sur un mètre carré, il a pu y avoir plusieurs milliers d’individus. Or, la crépidule est un animal filtreur qui, pour se nourrir et s’oxygéner, filtre une grande quantité d’eau de mer et produit beaucoup de fèces : dans ces conditions, elle a déstabilisé l’écosystème avec un envasement des fonds, y compris les fonds sableux qui sont devenus des fonds vaseux. Plusieurs espèces de fonds sableux comme la coquille Saint Jacques ou les juvéniles de soles ont donc reculé.

 

 

Il semblerait qu’après avoir prospéré sur nos côtes ses populations diminuent.

 

Depuis le milieu des années 2000, on constate effectivement un recul de la crépidule. En rade de Brest des investigations menées entre 2013 et 2018, des prélèvements sur le terrain et des vidéos sous-marines ont permis de démontrer clairement que le stock avait très significativement diminué en particulier dans tout le bassin sud de la rade. Elle semble néanmoins s’être maintenue dans le secteur nord de la rade. Si on ne sait pas exactement pourquoi elle recule, on a suspecté néanmoins des polluants arrivés du bassin versant du sud de la rade pour expliquer son déclin. Mais souvent, un déclin est multifactoriel et prend du temps.

 

 

Le fait que la crépidule décline en fait-elle une exception parmi les espèces exotiques envahissantes ?

 

Il semblerait que d’autres espèces comme la caulerpe (Caulerpa taxifolia) en méditerranée, considérée elle aussi comme envahissante, décline naturellement. Il y a plusieurs pistes d’investigation pour chercher à comprendre pourquoi. Il y a comme un cycle qui s’observe, où au bout de 20-30 ans, on voit des espèces proliférantes décliner. Sans doute parce que petit à petit d’autres interactions avec d’autres espèces s’opèrent. Elles sont alors contrôlées soit par des parasites soit par des prédateurs qui permettent à ces espèces exotiques envahissantes de trouver une place régulée dans l’écosystème.

 

 

Est-ce une loi ?

 

Non, car en milieu marin ou terrestre, il y a plusieurs exemples d’espèces proliférantes qui ont fait basculer irréversiblement l’écosystème dans un état différent. Par exemple des oursins, qui sont des herbivores, peuvent dévorer intégralement d’immenses champs d’algues qui laissent place à des fonds complètement nus. C’est vrai aussi dans des milieux tropicaux où des étoiles de mer ont décimé des récifs de coraux. Donc parfois, passé ce « point de bascule », on assiste à l’établissement d’un tout autre écosystème.

 

 

Quel est l’état aujourd’hui de la rade de Brest ?

 

La rade n’a pas retrouvé son état écologique d’avant l’arrivée de la crépidule. Il reste toujours des traces à commencer par les amas de coquilles de crépidules mortes dans la partie sud. Certes, elles servent encore de support à certaines espèces, mais la biodiversité y est beaucoup moins luxuriante que lorsque l’on avait des bancs de crépidules vivantes. La rade est par ailleurs impactée par diverses pollutions et par des activités humaines, comme la pêche aux engins trainants qui dégradent les habitats et remettent en suspension des particules. L’écosystème évolue sans cesse, s’adapte parfois, et il reste heureusement des zones dans cette rade où les écosystèmes fonctionnent toujours bien.

Espèces exotiques envahissantes, un défi environnemental, économique et éthique

Fourmi électrique, écrevisse américaine ou frelon asiatique, sur la planète, plus de 40 000 espèces exotiques sont recensées. Que ce soit sous forme végétale ou animale, ces espèces ont été introduites par l’homme en dehors de leur aire de répartition naturelle, volontairement ou accidentellement. Leur propagation menace la biodiversité et peuvent avoir des impacts négatifs sur l’économie ou la santé humaine. Elles sont considérées par l’Ipbes comme une des principales d’extinction des espèces et l’une des cinq grandes causes globales de perte de biodiversité.

 

 

 

Défis climatiques et espèces exotiques envahissantes : un dangereux combo pour la biodiversité

Il aura fallu quelques années seulement à l’huitre creuse pour se répandre le long des côtes françaises. Originaire du Pacifique Nord-Ouest, cette huître introduite dans les années 70 en France ne se reproduisait qu’en Sud Loire. Mais à la faveur du changement climatique, sa population a explosé jusqu’à développer des populations dans les fjords norvégiens. Les températures de l’eau, plus chaudes, lui ont permis de se développer et de se reproduire bien plus efficacement, au point d’entrainer une concurrence pour les ressources alimentaires avec les huîtres indigènes et de perturber l’équilibre écologique. Pour Philippe Goulletquer, directeur de recherche à l‘Ifremer « à l’échelle marine, le changement climatique influe, sur la propagation d’espèces exotiques envahissantes en créant les conditions favorables à leur développement ».

 

La prévention des invasions biologiques : un enjeu crucial pour l’environnement

En quoi consiste la prévention ?   

 

Elle vise à mettre en place des mesures de contrôle des importations aux frontières et de biosécurité pour limiter l’arrivée de nouvelle espèces exotiques et leur déplacement. Cela nécessite un cadre réglementaire et une surveillance biologique organisée du territoire. La surveillance doit se concentrer sur les points chauds d’introduction tels que les ports et les aéroports, les voies de communication, comme les routes ou les voies ferrées, qui constituent des corridors de dispersion. Une vigilance particulière doit aussi être portée aux espaces prioritaires, tels que les espaces naturels et les aires protégées abritant des espèces patrimoniales, endémiques ou en danger qui pourraient être menacées par ces espèces exotiques envahissantes.

 

 

Combien d’espèces arrivent sur le territoire ?   

 

D’après l’indicateur de l’observatoire national de la biodiversité, depuis 1983, un département de métropole compte en moyenne 11 espèces exotiques envahissantes de plus tous les dix ans. Le cas du frelon asiatique est emblématique. Détecté pour la première fois en 2004 en France, il a depuis colonisé presque toute l’Europe. Le coût de la lutte contre cette invasion en France se chiffre à plusieurs millions d’euros par an, et s’accroit avec le temps. L’éradication aurait été possible au début de l’installation de l’espèce. Aujourd’hui ce n’est plus envisageable, on est obligé de vivre avec.   

 

 

Y a-t-il régulièrement des alertes ?

 

La pression aux frontières est permanente. Il y a déjà eu plusieurs alertes nationales d’invasions biologiques potentielles. Entre 2019 et 2021, quatre nouvelles espèces exotiques d’écrevisses problématiques pour nos cours d’eau ont été découvertes en France. Originaires d’Amérique du Nord, elles ont sans doute été introduites accidentellement, mais on ne peut pas exclure des relâcher intentionnels. En 2022, la petite fourmi de feu ou fourmi électrique a été découverte à Toulon. Cette espèce originaire d’Amérique du Sud est l’une des cinq espèces de fourmis les plus envahissantes au monde. On peut supposer qu’elle est arrivée par des bateaux militaires ou par le commerce des plantes. Bien que nous parvenions à les identifier et les détecter, il y a encore peu de réponses efficaces face à ce problème.

 

 

Lorsque l’espèce exotique envahissante est déjà installée sur le territoire comment limite-t-on son déplacement ?   

 

 Il existe des listes réglementaires et scientifiques. La liste règlementaire permet par exemple d’interdire l’importation ou la commercialisation des espèces identifiées. Pour la France métropolitaine, 94 espèces sont aujourd’hui réglementées et interdites de commerce, transport ou encore colportage. Mais on est bien loin du nombre des espèces pouvant s’installer sur le territoire. A côté de cela, il existe des listes scientifiques qui se fondent sur des inventaires, des évaluations et la caractérisation du risque. Bien que parfois soumises à discussion et débat sur la méthodologie, ces listes permettent d’orienter des actions de surveillance et de gestion sur le territoire.

 

 

Qui est en charge de construire ces listes scientifiques ?   

 

Pour la flore, se sont notamment les conservatoires botaniques nationaux qui sont en charge de produire ces listes. Aujourd’hui, on arrive à inventorier entre 600 et 900 plantes naturalisées dans chaque région. Une centaine sont considérées comme espèce exotique envahissante. Mais ce statut peut varier avec l’espace et le temps. Une espèce peut être considérée comme envahissante dans le sud par exemple, mais pas dans le nord. Elle peut l’être ou le devenir puis disparaitre. C’est par exemple le cas de la Caulerpe (Caulerpa taxifolia) qui a envahi les côtes de plusieurs pays méditerranéens dans les années 1990-2010, mais dont les populations sont aujourd’hui en forte régression. Des espèces exotiques problématiques sur le moment peuvent , après de nombreuses années, trouver leur place dans l’écosystème et fournir par exemple des services écosystémiques qui avaient disparus. Les acteurs confrontés aux invasions biologiques s’interrogent de plus en plus sur les évolutions possibles vers des « néo-écosystèmes », définis comme des assemblages hybrides et fonctionnels d’espèce indigènes et d’espèces exotiques. C’est un sujet émergent pour la recherche.

 

 

Les politiques publiques nationales sont-elles cohérentes pour répondre à cet enjeu ?

 

Pas toujours… Par exemple, dans un contexte de changement climatique, un enjeu majeur pour la forêt française est d’accroître ses capacités de résilience pour garantir la qualité et la quantité de l’ensemble des services fournis. Parmi les solutions proposées, le recours à des essences exotiques au sein « d’îlots d’avenir », plus tolérants à la chaleur et à la sécheresse, est encouragé par les pouvoirs publics. Or une part importante des espèces préconisées sont des espèces exotiques comme le robinier, le chêne rouge ou le noyer noir dont le caractère envahissant pour certaines est bien documenté en France et ailleurs dans le monde. A l’heure où les scientifiques n’ont de cesse d’alerter sur les impacts négatifs des invasions biologiques, la question de la cohérence entre nos politiques publiques nationales se pose d’autant plus.

 

 

Avons-nous en France les moyens de prévenir les invasions biologiques ?

 

Depuis quelques années, des réseaux et des groupes de travail se sont constitués et des stratégies régionales en métropole et en outre-mer ont été élaborées pour définir un cadre d’action collectif. Les résultats sont là en termes d’amélioration des connaissances, de stratégie collective, de réglementation. On sait ce qu’il faut faire. Reste la question des moyens humains, financiers et d’une volonté politique pour mettre en œuvre la prévention. Il nous faut aujourd’hui accentuer la sensibilisation des citoyens, des élus et professionnels, renforcer notre biosécurité avec plus de personnels formés aux frontières et sur le terrain et une surveillance biologique coordonnée du territoire. Enfin, il nous faut soutenir davantage la recherche pour développer des outils d’aide à la décision afin de mieux anticiper les prochaines invasions.

La biodiversité : concepts, tendances, menaces et perspectives

À travers un article de vulgarisation et de synthèse, les auteurs, Sandra Diaz et Yadvinder Malhi, travaillant respectivement en Argentine et au Royaume Unis, proposent d’interroger le concept de biodiversité : comment la définir ? Comment l’évaluer, combien y a-t-il d’espèces vivantes : plusieurs millions ou plusieurs milliards ?

 

>> Le saviez-vous ?  Près de 90 % des espèces connues sont terrestres.

 

 

Les auteurs discutent également l’ampleur des impacts humains sur la biodiversité, en particulier les vitesses d’extinction, qui peuvent être 100, 1000, 10 000 voire 100 000 fois plus rapides, en fonction des groupes d’espèces vivantes que lors des 5 grandes extinctions de masse connues. Ou encore les périodes pendant lesquelles les impacts massifs ont commencé.

 

>> Le saviez-vous ? Plus de 98 % de la biomasse des mammifères a déjà disparu il y a 10 000 ans en raison de la chasse, de l’occupation de l’espace et de la transformation des paysages.

 

 

Enfin, les auteurs examinent les causes profondes de l’extinction moderne en lien avec les facteurs directs et indirects de pression.

 

>> Le saviez-vous ?  23 % du déclin de la biodiversité est dû à l’exploitation directe des espèces, comme la chasse, la pêche, la foresterie, l’agriculture, et non pas seulement à la surexploitation comme on entend souvent ?

Écosystèmes marins des façades maritimes françaises : une revue rapide des “solutions possibles” pour minimiser les impacts environnementaux

L’activité anthropique a considérablement modifié la structure et le fonctionnement de tous les écosystèmes de la planète notamment en mer et sur littoral. Néanmoins, des solutions existent pour faire face à ces impacts. S’appuyant sur les résultats de la recherche, l’Ipbes a identifié cinq pressions directes sur la biodiversité ayant les incidences les plus lourdes à l’échelle mondiale. Il s’agit de la modification de l’utilisation des terres et des mers, de la surexploitation des ressources sur terre comme en mer, des changements climatiques, qui affectent tous les compartiments de l’environnement, des pollutions et des espèces exotiques envahissantes, qui perturbent les équilibres, notamment aux échelles locales.

 

Cette étude se focalise sur la réduction des principales pressions directes exercées sur la biodiversité pour renforcer l’efficacité des mesures proposées dans le cadre des documents stratégiques de façade qui définissent les objectifs de la gestion intégrée de la mer et du littoral. Pour ce faire, la FRB a effectué une extraction des solutions à partir d’articles de recherche récents afin de fournir une perspective récente sur des priorités pour trois principales pressions directes s’exerçant sur la biodiversité.

 

Les trois pressions directes présentées dans ce dossier  sont la modification de l’utilisation des mers, les pollutions et les espèces exotiques envahissantes. Les résultats de cette analyse ont été regroupés par pression et sont disponibles à travers trois fiches thématiques.

 

Réduire les impacts des changements d’usage des mers

On assiste à une augmentation des activités offshore telles que la production d’énergie, l’aquaculture, le tourisme, le développement des biotechnologies et l’exploitation minière (Stuiver et al., 2016) ou encore l’installation de plateformes multi-usages (MUPs). Ces activités font des mers européennes le théâtre d’une croissance massive des infrastructures maritimes et d’une compétition spatiale (Stuiver et al., 2016).

 

Parmi les activités offshores, la pisciculture en cages flottantes pose la question, à l’échelle européenne, des évasions (Arechavala-Lopez et al., 2018) qui recouvrent l’échappée de poissons isolés, de groupes de poissons (de quelques-uns au million), d’œufs viables et fécondés (Arechavala-Lopez et al., 2018). Elles se produisent en raison de défaillances techniques et opérationnelles (Arechavala-Lopez et al., 2018) :

  • morsure de filet par les poissons à l’intérieur ou par attaque de prédateurs à l’extérieur – environ 50 % des causes, particulièrement pour les daurades ;
  • contraintes mécaniques entrainant des trous dans les filets ou la rupture d’amarrage des cages – environ 40 % des causes, notamment lors de tempêtes ou de présence de grands mammifères marins ;
  • échappement lors des manipulations pour la collecte, le calibrage, etc. – environ 10 % des causes.

 

 

Le développement des énergies marines renouvelables (EMR) est également notable. Celles-ci peuvent fournir jusqu’à 7 % de la demande mondiale en électricité : la plupart via l’éolien offshore, l’énergie marémotrice pourrait répondre, quant à elle, à environ 0,75 % de cette demande (Fox et al., 2018). Si extraire l’énergie des courants de marées, prévisibles, est une idée séduisante, peu de sites conviennent pour les installations. Cependant, un grand nombre de dispositifs marémoteurs sont actuellement en cours de développement (Fox et al., 2018). En France, un déploiement expérimental a eu lieu au niveau du raz Blanchard, lieu de passage d’un intense courant de marée. Les principales préoccupations environnementales liées à ces dispositifs ciblent les perturbations physiques, les risques de collision, les modifications hydrographiques et la génération de bruits et de champs électromagnétiques (Fox et al., 2018). En termes de risques de pollution, on dispose de peu d’informations sur les revêtements anti-biofouling, c’est à dire contre l’encrassement biologique, qui devront être utilisés pour protéger les turbines, transformateurs et autres appareils (Fox et al., 2018).

 

 

L’augmentation du trafic maritime en général menace particulièrement les populations de cétacées, dites “espèces parapluie”, qui sont également confrontées à la perte d’habitat et aux pêcheries commerciales (Pennino et al., 2017). Le trafic maritime engendre des perturbations physiques et acoustiques qui peuvent provoquer, à court terme, des changements physiologiques et de comportement et, à long terme, des changements dans la distribution des cétacés. En outre, les collisions avec les navires sont régulièrement signalées. Des preuves de collisions ont été décrites pour 11 espèces de grandes baleines, pour lesquelles le rorqual commun (Balaenoptera physalus), était le plus fréquemment impliqué (Pennino et al., 2017). En particulier, la navigation de plaisance, en développement à travers le monde, est d’autant plus impactante, qu’elle est un des piliers de « l’économie bleue » ou la Blue Economy de l’Union européenne et a donc vocation à se développer : aujourd’hui, 36 millions de citoyens européens participeraient régulièrement à des activités de plaisance, le secteur du tourisme nautique de l’Union européenne créerait jusqu’à 234 000 emplois et génèrerait 28 milliards d’euros de recettes annuelles (Carreño et Lloret, 2021).

 

 

Enfin, du fait de l’augmentation de la population urbaine et du tourisme de masse, les zones côtières sont particulièrement touchées par une urbanisation rapide. À titre d’exemple, en région Provence-Alpes Côte d’Azur (Paca), un quart des zones qui ont été urbanisées au cours de la période 1990-2012 se trouvent dans les 15 premiers kilomètres de la côte (Doxa et at., 2017). Cette urbanisation entraine la perte d’habitats naturels. De plus, les habitats côtiers se distinguent souvent par une diversité végétale unique et une spécialisation élevée au sein de forts gradients écologiques à de petites échelles spatiales telle que l’adaptation à des niveaux stressants de salinité, de sécheresse et de température par exemple (Doxa et at., 2017). De nombreuses plantes sont donc très vulnérables à la diminution de leurs habitats : cela rend la priorisation des actions de conservation au sein des zones côtières particulièrement urgente (Doxa et at., 2017).

 

 

Les réponses des espèces à ces perturbations sont variables : un changement de comportement comme la modification des directions de nage, une augmentation de la durée de nage, une augmentation de la cohésion de groupe, des changements physiologiques telle que la respiration chez les dauphins, voire un évitement saisonnier de certaines zones (Carreño et Lloret, 2021).

 

Réduire les impacts des pollutions

Le transport des macro-déchets est aérien, fluvial ou par déversement direct. Il existe une grande variété de sources de déchets tant terrestres que marines. Les sources identifiées comme étant d’origine terrestre comprennent les décharges municipales et sauvages, les détritus des plages et zones côtières, le tourisme, les rivières et autres émissions industrielles et agricoles, les rejets provenant des égouts pluviaux et municipaux non traités. On estime que les sources terrestres contribuent actuellement à 80 % des déchets marins (Compas et al. 2019 ; Sinopli et al., 2020, Scotti et al. 2021, Madricardo et al. 2020, Grelaud et Zivery, 2020 ; Sharma, 2021). Les sources importantes d’origine maritime incluent le fret, la navigation de plaisance et militaire (notamment les croiseurs), la pêche industrielle et les installations aquacoles, mais aussi l’industrie de l’énergie.

 

Dans l’Atlantique Nord-Est, les principales sources de déchets sont liées aux activités maritimes telles que la navigation, la pêche, l’aquaculture et les installations offshore, ainsi que le tourisme côtier (e.g. bateaux de plaisances, pêche amateur) (Ospar, 2009). Aussi, la perte, l’abandon volontaire ou l’élimination des engins de pêche est la cause principale de la production de déchets par la pêche professionnelle / industrielle (Compas et al. 2019 ; Sinopli et al., 2020, Scotti et al. 2021, Madricardo et al. 2020, Grelaud et Zivery, 2020 ; Sharma, 2021). 

 

Réduire les impacts des espèces exotiques envahissantes

Le trafic maritime et l’aquaculture jouent un rôle clé important et prépondérant dans l’introduction des espèces envahissantes à l’échelle mondiale et régionale. Les différentes infrastructures existantes liées à ces activités tels que les marinas et les ports maritimes forment des réseaux denses le long des côtes et sont capables d’abriter de nombreux taxons d’espèces envahissantes. Ces infrastructures sont susceptibles d’être une source importante de propagules permettant par ailleurs la colonisation des milieux naturels voisins. Les fermes aquacoles sont également une autre source importante d’espèces envahissantes. L’algue comestible Undaria pinnatifida, originaire d’Asie et introduite en Europe dans les années 1970, est un exemple phare d’une EEE qui se développe dans les habitats avoisinants des sites aquacoles (Rotter et al. 2020). Les évènements d’introduction, dits “spillovers”, peuvent se produire à partir des sites d’aquaculture, comme illustré aussi par l’huître creuse Crassostrea gigas, une espèce originaire du nord-ouest de l’océan Pacifique. La propagation de ces espèces dans les sites naturels entraînent des modifications importantes de l’habitat, mais aussi du fonctionnement des écosystèmes. Elles peuvent également participer au développement de nouvelles maladies et de nouveaux parasites entraînant alors des modifications génétiques suite à des phénomènes d’hybridation avec les taxons indigènes (Rotter et al. 2020).

 

En mer Méditerranée, la création et l’ouverture de canaux artificiels, tel que le canal de Suez, est parmi les voies d’introduction les plus significatives, permettant la colonisation progressive des espèces, notamment d’origine indo-pacifique. Une espèce de décapode, Charybdis longicollis, a été introduite passivement, en mer Méditerranée via le canal de Suez par les courants marins, et a depuis largement établi des populations dans le bassin Levantin, la subdivision du bassin oriental de la mer Méditerranée. Une analyse prospective (cf. Tsiamis et al. 2019) a classé la gestion des populations de cette espèce comme “impossible”. Ces espèces introduites ont principalement affecté les parties orientales du bassin.

 

Le trafic maritime est une des sources importantes d’introduction. Sa particularité est qu’il touche des zones généralement plus étendues, en raison du déplacement des navires, que les introductions dues à l’aquaculture, les canaux artificiels ou les courants marins (Katsanevakis et al. 2016). Cette introduction, principalement “accidentelle”, se fait généralement par le biais des navires (navires de charge, navires rouliers, caboteurs, etc.) via les réservoirs d’eau de ballast, ou l’encrassement biologique dit  “biofouling” de la coque des bateaux (Rotter et al. 2020). Dans l‘étude de Tsiamis et al. 2019, 26 espèces sont classées comme étant prioritaires et principalement introduites par les navires (biofouling des coques et eaux de ballast) empruntant le canal de Suez comme accès à la Méditerranée. L’étude de Katsanevakis et al. 2016 recense, de son côté, les espèces introduites par la navigation maritime présentant les scores d’impact les plus élevés. En Méditerranée, les espèces introduites par les voies de navigation maritime sont celles ayant le plus d’impacts dans de nombreux sites du centre et du nord-ouest du bassin méditerranéen, y compris le littoral oriental français, comme en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, et la Corse (Katsanevaki et al. 2016).

S’il participe très largement à l’introduction et l’établissement pérenne des espèces non-indigènes en mer méditerranéenne (Guzinski et al. 2018), le trafic maritime est également une des sources majeures de propagation des EEE dans d’autres régions océaniques à travers le monde.

 

Aujourd’hui, les habitats les plus à risques sont les fonds durs sublittoraux peu profonds, les fonds mous sublittoraux peu profonds et l‘espace intertidal rocheux (Katsanevaki et al. 2016).

 

Considérations juridiques sur les nouvelles relations entre l’Homme et l’abeille

La raréfaction des pollinisateurs en général et de l’abeille domestique en particulier ont mis en évidence leur importance dans la production agricole et la protection de biodiversité.La mise en œuvre d’instruments juridiques propres à garantir une bonne gestion de la pollinisation n’est pas des plus évidentes, en raison de la difficulté qu’il y a à gouverner les essaims et, surtout, à en fixer les termes d’un point de vue juridique. S’il y a bien service écosystémique, la légitimité d’un paiement à l’apiculteur interroge, comme interrogent les conventions de pollinisations, à la finalité aléatoire. Des conventions à l’objet inédit (fauche tardive, jachère fleurie, etc.) permettent sans doute d’asseoir un service environnemental au profit des pollinisateurs, mais elles peinent à compenser les atteintes (épandage de pesticides par exemple) qui les affectent.

Dix principes pour améliorer l’équité et la justice dans la gouvernance et l’usage des terres

Atteindre la durabilité à travers les systèmes fonciers est un défi pour de multiples raisons. Précisément parce que de multiples significations et valeurs sont associées à la terre. Également parce que les systèmes terrestres sont complexes, que les dommages peuvent être irréversibles et interconnectés avec des trajectoires de développement, qu’il peut exister des impacts importants liés aux petites empreintes foncières, que les retombées négatives des usages des terres peuvent être lointaines. Mais aussi parce que nous vivons sur une planète où les compromis sont fréquents, parce que les revendications se chevauchent et sont contestées, parce que les avantages et les bénéfices de la terre sont inégalement répartis. Enfin, parce que les acteurs ont des visions multiples, parfois contradictoires, de la justice.

 

Éviter les impacts négatifs irréversibles est toujours préférable, mais au-delà de ça, progresser vers la durabilité par l’utilisation des terres consiste souvent à négocier des compromis et des compensations justes et acceptables, plutôt que d’obtenir des résultats optimaux ou une paix stable entre les acteurs. À travers une approche multidisciplinaire, les auteurs exposent ici 10 principes clé, sous-tendus par un ensemble de preuves scientifiques solides, qui représentent l’état actuel des connaissances des sciences du système Terre et qui mériteraient d’être acceptées et comprises des scientifiques, des décideurs et des praticiens travaillant sur l’usage des sols. Ces principes n’apportent toutefois pas de réponses simples aux débats actuels sur la gestion des compromis et des synergies, sur comment organiser la multifonctionnalité des systèmes fonciers à travers les lieux et les échelles, ni sur comment mettre en place des procédures et une distribution équitable des bénéfices fonciers. Cependant, ils peuvent aider à adapter la gouvernance des systèmes fonciers pour réaliser un développement juste et durable, fournir un terrain commun pour la science et la politique et donner des pistes pour un agenda de recherche. Six propositions (encadrés) sont détaillées au fil du texte pour permettre aux décideurs et aux praticiens de collaborer pour relever les défis urgents liés aux changements d’usage des terres.

 

 

Les dix principes

 

1. La terre est le foyer de significations et de valeurs multiples.

2. La dynamique du système terrestre est complexe, avec des rétroactions et des interactions qui conduisent à la fois à des changements brusques et à la stabilité.

3. Certains changements d’utilisation des terres ont des impacts sociaux et environnementaux irréversibles à l’échelle de décennies ou de siècles.

4. Certaines utilisations du sol ont une faible étendue spatiale, mais des répercussions importantes.

5. Les systèmes terrestres sont interconnectés à l’échelle mondiale.

6. Les humains utilisent ou gèrent plus des trois-quarts de la surface non glacée de la Terre, mais c’est l’ensemble des terres, même celles qui sont apparemment inutilisées qui sont bénéfiques aux sociétés humaines.

7. L’utilisation des terres implique plus souvent des compromis que des gains ; maximiser un usage de la terre, comme l’atténuation du changement climatique, réduit presque toujours d’autres avantages pour d’autres utilisateurs.

8. Une grande partie des terres dans le monde fait l’objet de multiples chevauchements et revendications foncières.

9. Les avantages et les risques liés à l’utilisation des terres sont inégalement répartis et le contrôle des ressources foncières est de plus en plus concentré par un nombre réduit d’acteurs.

10. La justice sociale et environnementale liée à l’utilisation des sols comprend des formes multiples de reconnaissance et de justice procédurale, distributive et intergénérationnelle.

L’échec du dissensus est essentiel pour que l’écologie scientifique influence les politiques de développement

La falsification des hypothèses et le changement de paradigmes sont deux des nombreux modèles qui expliquent la manière dont les théories, les expériences et les observations façonnent la compréhension. Cependant, l’écologie a également une histoire de débats verrouillés, dans lesquels les positions se figent et la progression vers un consensus consolidé est entravé, voire empêché, par l’absence de discours efficace et synthétique.

 

Les conséquences néfastes du verrouillage des débats en écologie et, plus largement, des sciences de l’environnement dépassent le cadre universitaire car les dissensus ont un impact sur la prise en compte de la connaissance scientifique dans l’élaboration des politiques environnementales qui font intervenir de multiples disciplines et parties prenantes. Pourtant, l’essor récent des plateformes scientifiques et politique d’évaluations et de synthèse, telles que le Giec et l’Ipbes, devraient améliorer le transfert des résultats scientifiques vers les décideurs, l’élaboration d’avis et faciliter leur transformation en réglementations, en objectifs et actions de gestion. Lorsque des désaccords scientifiques atteignent l’arène sociétale, ils peuvent nuire à la fois à la crédibilité scientifique et à la diffusion de la connaissance. Lewandowsky et al. (2021) a ainsi démontré que l’acceptation de la science comme moteur de la politique – et l’acceptation des politiques elles-mêmes – augmentent si les déclarations scientifiques sont consensuelles.

 

L’objet de cette publication est d’examiner les débats non consensuels en écologie, d’identifier pourquoi ils se produisent et de trouver des mécanismes pour en sortir.

La conservation plus efficace quand les peuples autochtones et les communautés locales sont inclus dans la gouvernance

Ces questions sont pourtant cruciales pour permettre une conservation efficace de la biodiversité. Cette étude présente une revue systématique de 169 publications examinant comment différentes formes de gouvernance influencent les résultats de la conservation, en accordant une attention particulière au rôle joué par les peuples autochtones et les communautés locales.

 

L’étude met en avant un contraste frappant entre les résultats d’une conservation contrôlée de l’extérieur et ceux produits par des efforts contrôlés localement. La plupart des cas présentant des résultats positifs à la fois pour le bien-être et la conservation proviennent de cas où les peuples indigènes et les communautés locales jouent un rôle central. C’est le cas, par exemple, lorsque ces communautés ont une influence substantielle sur la prise de décision. En revanche, lorsque les efforts de conservation sont contrôlés par des organisations externes et impliquent des stratégies visant à modifier les pratiques locales, elles tendent à aboutir à une conservation relativement inefficace, tout en produisant des résultats sociaux négatifs.

 

Une conservation équitable, qui renforce et soutient l’intendance (stewardship) environnementale des peuples autochtones et des communautés locales, représente la principale voie vers une conservation efficace à long terme de la biodiversité, en particulier lorsqu’elle est soutenue par des lois et des politiques plus larges. Cette étude explique en détail comment mettre en œuvre des transitions de gouvernance progressives par le biais de recommandations pour la politique de conservation, avec des implications immédiates pour la réalisation des objectifs de conservation dans le cadre de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique.

La démographie, une des pressions indirectes identifiées par l’Ipbes

Ce travail s’appuie sur une brève synthèse de la littérature scientifique publiée entre 2019 et début 2021 et a bénéficié de relectures par les membres du Conseil scientifique de la FRB. Il est original en ce qu’il est focalisé sur le réseau des liens entre la biodiversité et le facteur indirect sans doute le moins exploré de ce point de vue : la démographie humaine.

 

Première approche de mise en évidence des impacts entre démographie humaine et biodiversité, fondée sur les résultats de travaux de recherche, il a vocation à se poursuivre et à être enrichi par des échanges en interne et l’ensemble des partenaires de la Fondation. Les fiches présentées ci-après approfondissent les éléments de connaissance autour de la démographie humaine (FICHE 1) et de la manière dont elle peut influencer les facteurs directs et certains facteurs indirects façonnant la biodiversité (FICHES 2 à 11). La quantification de l’effet de la croissance de la population humaine sur l’érosion de la biodiversité, par rapport à d’autres facteurs de pression, comme le changement climatique par exemple, reste, quant à elle, un aspect peu abordé dans la littérature et constitue à ce titre un « front de science », une question appelant à des recherches inédites.

 

Dans son récent rapport sur l’état et les tendances de la biodiversité mondiale (années 1970-2050), l’Ipbes dresse le constat de l’impressionnante détérioration de la biosphère à toutes les échelles spatiales, ainsi que de l’exceptionnelle rapidité de l’érosion de la biodiversité – des gènes aux communautés d’espèces – la dégradation des écosystèmes.

 

Parallèlement :

  • le nombre d’humains a triplé au cours du demi-siècle écoulé ;
  • en sept décennies, de 1950 à 2019, le produit intérieur brut (PIB) global par habitant a presque quintuplé, passant de 3 500 à 17 000 dollars internationaux (réf. prix 2011) alors que la population mondiale passait de ∼2,5 à 7,7 milliards d’humains ; l’activité économique s’est alors construite sur l’exploitation de ressources finies rendant ce modèle non soutenable (Barrett et al., 2020) ;
  • les besoins en énergie et matières premières se sont accrus de concert avec l’intensification du commerce international (Gephart & Pace, 2015 ; Wiedmann & Lenzen, 2018 ; Liu et al., 2019 ; Scheffers et al., 2019 ; Green et al., 2019 ; Xu et al., 2020) ;
  • la superficie des zones urbaines et du réseau de leurs infrastructures a doublé en trois décennies (Johnson & Munshi-South, 2017 ; Weiss, 2018) : plus d’une personne sur deux vit aujourd’hui en ville et ce chiffre devrait être porté à deux sur trois en 2050 ; la taille des villes a augmenté de manière exponentielle depuis 1950 et les 28 premières agglomérations dans le monde, en 2030, auront des effectifs proches ou supérieurs à 20 millions d’habitants (United Nations, 2018) créant une demande en infrastructures et approvisionnements (énergie, alimentation, etc.) ;
  • les terres consacrées à l’agriculture et à l’élevage occupent désormais plus du tiers des surfaces continentales (Ipbes, 2019) et, si une grande partie des terres a historiquement été utilisée par les humains, l’intensification de l’utilisation a concouru à l’érosion de la biodiversité (Ellis et al., 2021).

 

 

La plupart des « objectifs d’Aichi », définis par la Convention sur la diversité biologique (CDB), ne sont pas atteints (Ipbes 2019, fig. SPM6). Les trajectoires actuelles du développement des sociétés humaines sont incompatibles avec l’accomplissement des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, spécialement ceux relatifs à la pauvreté, la faim, l’eau, l’urbanisation, les océans et les terres (Ipbes 2019, fig. SPM7). L’extraordinaire essor de la production de nourriture, d’aliments pour animaux, de matériaux et d’énergie est accompli au détriment de services écosystémiques tels que la régulation du climat, la qualité des eaux continentales et marines, de l’air et des sols (Steffen et al., 2015, 2018 ; Springmann et al., 2018 ; Jouffray et al., 2020). Nombre de ces activités impriment à la surface de la planète une signature caractéristique de l’Anthropocène1 (Lewis & Maslin, 2015 ; Waters et al., 2016), dont le changement d’usage des terres (artificialisation, etc.) et la transformation des écosystèmes.

 

 

L’enrichissement des bases de données et l’analyse des flux d’information permettent aujourd’hui d’appréhender ces bouleversements à l’échelle pluri-décennale, et de porter à connaissance des synthèses globales de l’intensité de l’exploitation (et des projets de mise en exploitation) des ressources de la planète. Sans prétendre à l’exhaustivité, des constats avérés sont établis en ce qui concerne les ressources alimentaires (FAO, 2020 ; IPCC, 2019), biologiques (par ex. génétiques, Blasiak et al., 2018 ; FAO, 2019a), mais aussi minières (par ex. celles des fonds océaniques, Miller et al., 2018), ou encore les ressources en eau douce, indispensables aux services écosystémiques (Pekel et al., 2016 ; Abbott et al., 2019 ; Immerzeel et al., 2019 ; Schyns et al., 2019), sans méconnaître ni les risques afférents (Liu et al., 2019 ; Nienhuis et al., 2019), ni la percolation des activités humaines dans les espaces réservés à la préservation de la biodiversité (Ramirez-Llodra et al., 2011 ; Dureuil et al., 2018 ; Kroner et al., 2019 ; Martin et al., 2020). Quant aux stocks halieutiques, ils sont soit exploités au maximum de leur potentiel de renouvellement, soit surexploités pour un tiers d’entre eux (FAO, 2019b, 2020 ; Taconet et al., 2019).

 

 

Au-delà de ces constats, l’Ipbes a élaboré un modèle conceptuel qui distingue, d’une part, les « moteurs directs » de l’érosion de la biodiversité (amplification des usages de l’océan et des terres, exploitation des écosystèmes, changement climatique, pollutions, espèces exotiques envahissantes) et d’autre part les « moteurs indirects », c’est-à-dire les causes profondes des atteintes à la biodiversité, dont la démographie humaine, la consommation, l’économie, les échanges commerciaux, les progrès technologiques, les institutions, la gouvernance, etc. étayés par un système de valeurs et de choix de comportement (Ipbes, 2019, fig. SPM2, SPM9). Ces moteurs indirects rétroagissent et aggravent les pressions directes exercées sur la biodiversité.

Les interactions entre la biodiversité et les moteurs directs ont été – et demeurent – l’objet de nombreuses recherches. En revanche, l’étude des relations entre la biodiversité et les moteurs indirects, notamment la démographie, semble moins fréquente.

 

Quels niveaux de référence pour la biomasse des grands herbivores dans le cadre de la restauration écologique ?

Proclamée par les Nations unies, la « décennie de restauration des écosystèmes » 2021-2030 appelle à des objectifs fondés sur des preuves pour restaurer la diversité naturelle et la biomasse des grands herbivores. C’est dans ce cadre que des chercheurs ont analysé les relations consommateur-producteur de biomasse naturelle sur un ensemble de données mondiales dans les zones naturelles.

 

Leurs analyses révèlent que les écosystèmes africains ont généralement une biomasse de grands herbivores beaucoup plus élevée que les écosystèmes du reste de la planète et que les relations consommateur-producteur y sont plus fortes.

 

Pour l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Sud, il n’y a pas de relations significatives entre la productivité primaire nette et la biomasse des grands herbivores, signe de faunes appauvries et considérablement plus faibles que prévu au regard des résultats dans les écosystèmes africains.

 

La restauration écologique et le ré-ensauvagement impliquent la restauration des processus de pâturage naturel. Les résultats indiquent qu’à l’aune de leur productivité primaire, de nombreuses réserves naturelles sont appauvries en biomasse de grands herbivores.

 

Néanmoins, sans références scientifiquement établies, les niveaux naturels de biomasse des grands herbivores sont mal compris et rarement ciblés. Alors que la surexploitation par le pâturage saisonnier du bétail domestique s’intensifie, il est urgent, quoique difficile, de parvenir à un consensus scientifique sur ce niveau de référence.

 

En attendant, les chercheurs de l’étude recommandent de gérer, ou de ré-ensauvager, les pâturages presque naturels sans objectifs de densité prédéfinis en terme de grands herbivores, mais en suivant la disponibilité des ressources naturelles fluctuantes avec une intervention de gestion minimale. La mise en place de sites expérimentaux de ré-ensauvagement avec une gestion réactive des herbivores peut faire progresser notre compréhension des processus, des seuils et niveau de référence relatifs à la densité de pâturage naturel.

 

Pour compléter cette étude, des niveaux de référence sur la densité des carnivores et la productivité primaire nette pourraient utilement compléter cette analyse.

 

La synthèse est disponible dans les ressources téléchargeables ci-dessous. 

 

 

Une science de la conservation qui franchit la frontière entre la connaissance et l’action

Générer une science qui informe effectivement les décisions de gestion exige ainsi que la production de l’information (ce qui constitue la connaissance) remplisse les trois critères d’être à la fois :

1. Pertinente (notable, intéressante pour la décision et opportune, fournie au moment où elle est nécéssaire) ;
2. Crédible (faisant autorité, digne de confiance) ;
3. Légitime (élaborée par un processus tenant compte des valeurs et des perspectives des parties prenantes) – aussi bien pour les chercheurs que pour les décideurs.

 

 

Pour cela, trois difficultés sont à surmonter :

1. Premièrement, les communautés de recherche et de gestion peuvent avoir des perceptions contrastées de l’importance d’une recherche.
2. Deuxièmement, la volonté de crédibilité scientifique peut s’effectuer au détriment de la pertinence et de la légitimité aux yeux des décideurs.
3. Troisièmement, différents acteurs (politiques, scientifiques, etc.) peuvent avoir des points de vue contradictoires sur ce qui constitue une information légitime.

 

 

Au travers de cet article, les auteurs mettent en évidence quatre cadres institutionnels qui peuvent faciliter un processus scientifique informant la gestion :

  • les organisations environnementales d’interface, situées à la frontière entre la science et la gestion ;
  • les agences de moyens au profit de la conservation qui intègrent des chercheurs ;
  • les institutions de recherche qui établissent des liens formels entre décideurs et chercheurs ;
  • les programmes de formation pour les professionnels de la conservation.

 

 

Bien que ces cadres ne soient pas les seuls à permette à la science de dépasser la frontière entre connaissance et action, ni qu’ils soient exclusifs les uns des autres, ils constituent des moyens efficaces de communication, de traduction et de médiation.
En dépit des défis à relever, les sciences de la conservation doivent s’efforcer d’être des « sciences de l’interface » qui font progresser la compréhension scientifique et contribuent à la prise de décision.

 

 

 

 

Présentation du Cesab de la FRB

Programme phare de la FRB, le Cesab (CEntre de Synthèse et d’Analyse sur la Biodiversité) est une structure de recherche au rayonnement international dont l’objectif est de mettre en œuvre des travaux innovants de synthèse et d’analyse des jeux de données déjà existants dans le domaine de la biodiversité.

 

Découvrez, dans les ressources ci-dessous, la plaquette de présentation du Cesab.

Plan d’action 2022-2025

Afin de réaliser ses potentialités, la FRB propose de s’organiser entre 2022 et 2025 selon trois types d’actions présentées dans le document téléchargeable, à savoir :

  • éclairer la complexité de la biodiversité ;
  • prôner, renforcer, appuyer une recherche partenariale ;
  • se projeter vers un monde plus durable.

 

Ces derniers sont profondément liés les uns aux autres, notamment à travers les capacités, complémentaires, des trois pôles thématiques de la FRB – science, société et international – et des deux pôles transverses – communication et gestion-administration.

Intensité de pressions anthropiques dans les territoires ultramarins

Les territoires ultramarins sont à la fois riches en biodiversité mais également exposés et fragiles face à l’incidence des changements globaux du fait de l’insularité de la plupart de ces territoires et des caractéristiques de leurs systèmes socio-économiques. Afin de mieux comprendre ces pressions, un Club FRB Recherche-action « Changements globaux et gestion durable de la biodiversité dans les territoires ultramarins » a vu le jour et permis cette étude. 

 

Ce travail s’est concentré sur six territoires distribués sur trois bassins océaniques (Atlantique, Pacifique et Indien) : la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, Mayotte, La Réunion et la Nouvelle-Calédonie. Il a permis d’explorer l’intensité de deux des cinq pressions directes identifiées par l’Ipbes, la pollution des cours d’eau et les espèces végétales exotiques envahissantes (EEE), à l’échelle de ces sites sous forme de cartographie et de dresser des liens de causalité entre chacune des pressions et différents facteurs naturels ou anthropiques.

 

La taxation des terres agricoles en Europe : approche comparative

Dans le cadre de l’Union européenne (UE), l’agriculture fait l’objet d’une politique commune ancienne, bien établie, très connue et bénéficiant du budget le plus important (386,6 milliards d‘euros pour la période 2021-2027, soit 32 % du budget européen ). Elle est également concernée par la politique du marché intérieur. En outre, diverses directives de l’UE relatives à l’environnement s’appliquent aux terres agricoles. C’est notamment le cas en matière de biodiversité (Directive Oiseaux, Directive Habitats, Directive sur la responsabilité environnementale), en matière d’évaluation environnementale (Directive Projets, Directive Plans et programmes), en matière d’eau (Directive cadre sur l’eau, Directive nitrates, Directive boues d’épuration, Directive inondations, etc.). L’UE est également partie à plusieurs conventions internationales dans le domaine de la biodiversité qui concernent les terrains agricoles (Convention sur la diversité biologique, Convention de Berne, Convention de Bonn, Convention de Ramsar, etc.).

 

Bien que l’agriculture européenne soit soumise à ce triple processus d’harmonisation, les règles de taxation des terres agricoles semblent assez différentes d’un État à l’autre. Pourtant, cette taxation influe sur plusieurs aspects des politiques agricoles et environnementales. Elle peut favoriser ou défavoriser la rentabilité de l’agriculture, inciter à pratiquer tel ou tel type d’agriculture plus ou moins favorable à la biodiversité, encourager ou désinciter à un changement de destination des terres agricoles. La taxation des terres agricoles entraine donc des effets multiples, aussi bien sur les terres agricoles elles-mêmes qu’envers les politiques agricoles, d’aménagement du territoire, d’urbanisme, d’environnement . En outre, au sein même des débats sur les stratégies possibles en matière de politique de la biodiversité la taxation des terres agricoles et ses modalités peuvent favoriser telle ou telle option.

 

Pour ces différentes raisons, une analyse comparative de la taxation des terres agricole en Europe a paru utile à la Fondation pour la recherche sur la biodiversité. 

 

La note est disponible dans les ressources téléchargeables. 

 

La Cour européenne des droits de l’Homme et le droit à un environnement sain

À travers un décryptage de plusieurs décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme, l’article de Lucie-Anne Soubelet démontre que les pollutions, nuisances, catastrophes naturelles ou industrielles constituent l’essentiel des jurisprudences environnementales de la Cour européenne des droits de l’Homme.

 

Cet article donne matière à réflexion pour que la convention européenne des droits de l’homme intègre comme quatorzième liberté fondamentale le droit à un environnement sain, et reconnaisse la perte d’intégrité des écosystèmes, l’érosion de la biodiversité et la perte des services écosystémiques comme des atteintes aux droits de l’Homme.

 

L’article complet est disponible dans les ressources téléchargeables.

Les membres de l’Assemblée des parties prenantes de la FRB

Face à la destruction de la biodiversité, tissu du vivant et des sociétés humaines, les lieux d’interface apparaissent aujourd’hui comme des espaces indispensables pour enrayer son déclin. Ils sont ceux de réflexions portées par des expertises multi-acteurs s’appuyant sur la recherche académique, mais aussi en favorisant l’intégration des enjeux d’acteurs de la société dans l’élaboration des questions de recherche.

 

l’Assemblée des parties prenantes de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité rassemble de nombreuses structures (entreprises, syndicats, ONG, collectivités territoriales, etc.) qui sont toutes concernées par les besoins de connaissances et de recherche sur la biodiversité. Ces différents acteurs sont regroupés en 3 collèges : Public, parapublic et institutions / Secteur économique et industries / Société civile. Découvrez la liste des différents acteurs de l’Assemblée des parties prenantes de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité.

 

 

Rejoindre l'Assemblée des parties prenantes

 

 

 

Liste des membres de l’Assemblée des parties prenantes : 

 

 

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  • Direction générale des Finances publiques (DGFP) -Antenne Île-de-France

 

 

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Rapports d’activité de la FRB

 

Retrouvez ci-dessous, l’ensemble des rapports d’activité de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), de 2010 à 2021.

 

Rapport d’activité – 2022

Rapport d’activité – 2021

Rapport d’activité – 2020

Rapport d’activité – 2019

Rapport d’activité – 2018

Rapport d’activité – 2017

Rapport d’activité – 2016

Rapport d’activité – 2015

Rapport d’activité – 2014

Rapport d’activité – 2012-2013

Rapport d’activité – 2010-2011

Privatiser pour mieux conserver : quelles sont les limites ?

Depuis quand une certaine tendance à la privatisation des espaces naturels s’est-elle développée ?

 

La privatisation est une idée très présente dans les politiques de conservation depuis les années 1980. Cette idée est liée au tournant néo-libéral dans les campagnes de conservation de l’environnement. Dans les pays du sud, elle était associée à des injonctions faites par les bailleurs de fonds à développer des droits de façon systématique, à la fois sur le foncier et sur les ressources. Dans l’imaginaire associé aux politiques de conservation, l’idée selon laquelle on ne peut conserver ou gérer que ce que l’on possède était très présente. Pour cela, il devait alors exister des droits de propriété sur les ressources sauvages pour qu’elles soient gérées de façon adéquate. De plus, dans ces années-là, s’opposer au marché ne semblait pas efficace. Il était plus judicieux d’envisager une exploitation durable des ressources. L’idée qu’on peut sauver la nature en l’exploitant relevait d’une question de pragmatisme. Quand on constate qu’on ne parvient pas à s’opposer aux pratiques illégales comme le braconnage, il relève du bon sens de se tourner vers des efforts de traçabilité des ressources sauvages exploitées plutôt que de tenter de prohiber ces marchés.  

 

 

Quelles ont été les premières applications de ce modèle de gestion ?    

 

Les premiers projets, très débattus, concernaient les espèces menacées de la faune et de la flore. Ces débats étaient liés à la Convention de Washington de 1973 (la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction – Cites) ou à des aspirations à déclasser certaines populations, notamment celles d’éléphants d’Afrique australe. Certains pays considéraient qu’après les efforts engagés pour le développement d’aires protégées, des populations d’éléphants étaient trop importantes au regard de la superficie des aires. Ainsi, accorder la gestion des droits de chasse à des communautés en périphérie des parcs nationaux pouvait être une solution. Or, si les populations d’éléphants ont pu augmenter, c’est avant tout grâce aux parcs nationaux.  

 

 

La mise en place de ce modèle de gestion est-il efficace ?  

 

Du point de vue de l’efficacité, la privatisation est difficilement justifiable. Il est difficile d’isoler ces effets de celles des politiques passées. Et on ne dispose pas d’évaluations de l’efficacité intrinsèque de l’outil consistant à développer des droits de propriété, cependant, il a été mis en avant pour d’autres critères. Par exemple, pour des questions d’équité et pour répondre à des mouvements sociaux. De nombreuses ONG s’élèvent contre des politiques de conservation publiques excluant les populations locales, les privant d’accès à un certain nombre de ressources. Le modèle privé propose d’accéder à des ressources économiques en échange de ressources biologiques. Malgré tout, il existe dans l’imaginaire économique dominant d’inspiration libérale l’idée selon laquelle la propriété est associée à la responsabilité et à la bonne gestion. Mais il n’existe pas de démonstration théorique de la supériorité de la propriété privée sur d’autres formes d’appropriation : cette idée est purement idéologique.  

 

 

Le modèle privé peut-il remplacer une gestion publique de l’environnement ?

 

Bien souvent, la privatisation est envisagée en complément d’efforts mis en place à travers des politiques publiques. Le but est de les prolonger sur de nouveaux espaces, car les réserves foncières allouées à la conservation sont limitées et s’appuyer sur des intérêts privés est un moyen de conserver plus de territoires. C’est ce qui est mis en avant pour justifier les projets de banques de conservation.  

 

 

Cela peut-il favoriser le développement local et les valeurs locales associées à la nature ?   

 

Exclure les populations locales des politiques et des espaces dédiés à la conservation est injustifiable d’un point de vue éthique et politique. Il existe de plus en plus de lectures décoloniales des politiques de conservation qui accusent les parcs nationaux de fonctionner sur des représentations de la conservation occidentales. Ces nouvelles lectures rejettent le principe qu’au nom de la préservation de la biodiversité, qui est un patrimoine commun de l’humanité, on impose des restrictions d’usages à des populations locales dans des États souverains. C’est une forme d’impérialisme vert.  

 

 

Il y a eu un engouement certain il y a une dizaine d’années pour ce modèle de gestion. Pourquoi cet élan s’est-il essoufflé aujourd’hui ?    

 

Comme tout ce qui touche à l’exploitation des ressources dans la perspective de les sauver ou de les conserver, il existe des limites qui sont celles des marchés. Si on décide de s’appuyer sur l’exploitation économique d’un écosystème pour en tirer des revenus suffisants utiles à une conservation à grande échelle, il faut qu’il y ait de la demande. Lorsque ces modèles ont été mis en place, les marchés n’étaient pas forcément au rendez-vous, aucune étude de marché n’ayant réellement été réalisée en amont. Pour que l’économie puisse être un argument, il faut de vrais revenus. 

 

 

Que pensez-vous des prises de positions fortes quant à la direction à prendre pour la gestion de l’environnement ? 

 

Le danger de telles propositions, c’est de les préconiser d’un point de vue globale et d’en faire des solutions. Si on associe la conservation de la forêt tropicale à l’exploitation des produits non ligneux ou des molécules naturelles qu’elle contient et qui pourraient être utilisées pour la cosmétique ou l’industrie pharmaceutique, cela signifie que des marchés doivent se développer. Il faut que la demande en ressources issues des milieux naturels soit suffisant pour devenir un levier afin de conserver l’environnement. Or, il existe des écosystèmes ayant un grand intérêt biologique en termes de diversité mais qui ne recèlent pas pour autant de produits d’intérêt pour les marchés. Il n’existe pas de corrélation entre les deux. 

 

 

Existe-t-il des exemples d’évolution de programmes basés sur un tel modèle de gestion ? 

 

Je pense au programme de gestion Gelose (Gestion localisée et sécurisée), mis en place à Madagascar et qui visait à donner aux communautés locales des droits sur la forêt et sur les ressources naturelles. Les difficultés de mettre sur pied des institutions de gestion locale se sont multipliées. Il y a eu des problèmes de gouvernance et de capture par des élites avantagées. C’est aussi ce qu’il s’est passé avec le programme Campfire qui visait à associer à la gestion de droits de chasse des populations vivant en périphérie de parcs nationaux au Zimbabwe. Le programme a fait beaucoup parler de lui, mais les résultats n’ont pas été probants. Généralement, lorsque les financements cessent, les projets disparaissent. On pourrait dire que c’est un prolongement de ce rapport colonial qu’un certain nombre d’ONG contestaient dans la gestion publique. Donner des droits d’un genre nouveau sur des usages nouveaux encadrés de manière très spécifique par des populations qui n’ont pas forcément les formes d’organisation et les instances pour se saisir efficacement de tout ça, c’est souvent difficile.  

 

 

Vers quel modèle devrions-nous nous tourner à l’avenir ?  

 

C’est difficile de renoncer à un modèle unique. L’important, c’est de ne pas tout miser sur l’économie, qui a été très présente. Il faut arrêter de penser que les arguments et incitations monétaires sont les seuls arguments perceptibles par les acteurs, qu’il s’agisse du grand public ou des politiques. Les choix d’aménagement du territoire et de conservation de l’environnement sont des questions complexes. Il faut remettre l’économie à sa place en prenant conscience que les représentations qu’on s’en fait dans le monde de la conservation sont plus idéologiques que théoriques et ne correspondent pas toujours à la réalité des pratiques économiques.

Pour sauver les baleines, levez les yeux vers le ciel

Les populations de baleines sont menacées par de nombreux facteurs de pression comme le bruit anthropique, la pollution, la chasse dans certaines régions du monde, mais surtout les enchevêtrements accidentels dans les engins de pêche et les collisions avec les navires. On estime à plusieurs milliers par an le nombre d’individus morts par collision dans le monde (sur la seule côte ouest des États-Unis, les collisions tuent environ 80 baleines par an).

Alors que des mesures simples, comme des dispositifs de séparation du trafic maritime, sont connues depuis plusieurs années et pourraient réduire ces dommages, celles-ci ne sont pas encore systématisées. 

 

S’intéresser au ciel pour mieux comprendre ce qui se passe dans les océans, cela peut paraître étonnant, et pourtant. Dans les deux cas, les collisions se produisent dans un espace tridimensionnel. Les actions proactives sont donc cruciales pour prévenir les mortalités résultant de collisions. En effet, bien que oiseaux et baleines pourraient théoriquement éviter les avions ou les bateaux, des études ont montré que les animaux ne détectent pas nécessairement les véhicules venant en sens inverse. De même, les avions ou les bateaux ne détectent pas les animaux en raison de l’environnement tridimensionnel : l’angle de vue des pilotes est limité et la maniabilité des gros bateaux ou avions est faible. 

 

Malgré ces similitudes, les principales motivations pour éviter ces collisions sont différentes. Dans le cas des avions, les collisions peuvent être mortelles à la fois pour les oiseaux, l’équipage et les passagers de l’avion. La priorité est donc ici la sécurité des humains et a conduit l’industrie aéronautique à adopter des solutions standardisées et proactives au cours des dernières décennies. 

 

 

 

 

Reconnecter au vivant par les émotions : le nouveau défi de la presse naturaliste

Quel a été le point de départ à l’origine de la création de La Salamandre ?  

 

Tout a commencé par une enfance à la campagne, remplie de balades dans la nature, qui m’ont permis de satisfaire la curiosité que j’avais pour le monde du vivant. Quand j’étais enfant, j’ai très vite eu conscience que la nature déclinait, ce qui a suscité beaucoup de colère et de tristesse. Alors je me suis demandé ce que je pouvais faire, à ma modeste échelle. Et comme j’avais beaucoup de plaisir à partager cette passion pour la nature, je me suis dit que j’allais créer un petit journal avec le peu de moyens que j’avais. J’ai commencé à taper sur une vieille machine à écrire héritée de mon grand-père. J’ai d’abord écrit sur les crapauds, les pissenlits, les hirondelles, etc. Et La Salamandre est née. Depuis les choses ont bien changé ! Aujourd’hui, les jeunes feraient un podcast, une chaîne YouTube ou un compte Instagram, mais à l’époque tout ça n’existait pas encore.  

 

 

Quels sont les principaux objectifs que vous aviez en créant la revue ? 

 

Pour nous, l’objectif n’est pas que les gens connaissent la biodiversité dans ses moindres détails. On ne veut pas former de parfaits naturalistes. Notre but est de reconnecter les gens au monde du vivant en passant par les émotions. On essaie de raconter des histoires pour créer de l’empathie. En étant touché par ces histoires, le vivant reprend de la valeur.  

 

 

Comment faites-vous pour continuer à toucher le public ?  

 

Pour toucher le plus de monde, nous essayons de multiplier les formats. En plus des différentes revues que l’on propose, nous éditons entre dix et quinze livres chaque année. Nous produisons aussi des documentaires animaliers et nous organisons un grand festival annuel en Suisse. Aujourd’hui, nous essayons de mettre davantage l’accent sur le numérique pour toucher les jeunes. Une des spécificités de La Salamandre est de véhiculer un message très positif, même s’il est de plus en plus difficile. On a tous besoin de ça, de continuer à montrer le beau et le positif pour que les humains continuent à prendre soin d’eux en prenant soin de la nature.  

 

 

Pensez-vous que réapprendre au public à observer la vie sauvage peut permettre de retisser durablement les liens entre l’humain et la nature ?  Le prochain rapport de l’Ipbes consacré à l’utilisation durable des espèces sauvages traitera de l’observation de la nature comme d’une activité « non extractive ». Elle n’est donc pas sans impact… 

 

Comment peut-on se sentir concerné par quelque chose avec lequel on a complètement perdu contact ? Si je vis en ville et que je passe la moitié de mon temps les yeux collés à un écran, comment puis-je me sentir concerné par la protection de la forêt, des oiseaux et des insectes ? Il est indispensable de retisser le lien entre l’humain et la nature. Aujourd’hui, les écosystèmes naturels subissent des pressions sans précédent, la population humaine ne cesse de croitre et le simple fait d’aller dans la nature et de l’observer peut avoir un effet délétère. Pendant la pandémie de la Covid-19, les gens ont moins voyagé pendant environ 2 ans, ce qui a été une bonne chose pour la biosphère. Mais d’un autre côté, la pression sur les écosystèmes provoquée par les loisirs de plein air s’est intensifiée. Ce paradoxe-là n’est pas facile à gérer. Notre rôle est de recréer du lien en invitant les gens à sortir, certes, mais aussi à observer, à s’émerveiller et à remettre en question certains de leurs comportements et de leurs pratiques. 

 

 

Considérez-vous que l’éducation à l’environnement puisse être un réel changement transformateur ?  

 

Malheureusement, je crois que jusqu’ici, force est de constater qu’elle ne l’a pas été. Ça fait quarante ans que c’est mon métier et qu’avec mon équipe nous sensibilisons des centaines de milliers de gens, à côté de nombreuses autres organisations qui le font à plus grande échelle encore. Pourtant, le monde continue de courir à la catastrophe. Je pense qu’il faudrait changer d’échelle pour que cela devienne un changement transformateur. Dans nos sociétés occidentales, aujourd’hui, il y a un vrai problème culturel, notamment en France. La nature n’est pas considérée comme un sujet important ou même sérieux. Au premier plan, il y a la culture, toutes ces œuvres magnifiques que créent les humains. Aujourd’hui, on parle de sujets comme la protection de la ruralité ou de questions comme celles liées aux pratiques de chasses. Mais au fond, la biodiversité n’a pas l’air d’être culturellement quelque chose d’important. Ça évolue dans le bon sens, bien sûr, mais encore trop lentement. Je pense qu’il y a encore cet héritage des philosophes du siècle des Lumières qui est bien ancré dans les mentalités. Il faut comprendre qu’en détruisant la nature, on détruit l’être humain. 

 

 

Comment remédier à ce constat d’échec ?  

 

J’ai récemment rencontré le philosophe Baptiste Morizot dont je trouve la pensée très nourrissante et dont je partage le diagnostic. Le mot de « nature » accumule un peu les casseroles. Déjà la nature, c’est futile par rapport à cette magnifique culture créée par les humains. Et c’est aussi un peu infantilisant. A la rédaction, on s’en rend bien compte. Quand on présente notre travail à des personnes qui ne nous connaissent pas, ils nous répondent souvent : « Ah, c’est super ! Je vais montrer ça à mes enfants ». Or, la nature est un sujet sérieux qui concerne tout le monde. Le mot de nature est presque devenu infantilisant. Je pense que la première chose à faire est de changer le discours et de parler par exemple de « monde vivant », qui est bien plus puissant car il nous inclut directement. Ensuite, il faut être plus attentif à nos systèmes éducatifs. Il y a une véritable révolution à faire dans ce domaine.  

 

 

Participez-vous à cette révolution de l’éducation ?  

 

Complètement. Nous avons édité un livre qui s’appelle « L’école à ciel ouvert », un manuel pour les enseignants qui respecte les programmes des écoles suisses et françaises. Le propos de ce livre est de montrer aux enseignants que tout peut être appris dans la nature. On peut faire des mathématiques, de l’anglais, de la physique et de la géographie dans la forêt. Le but n’est pas juste de faire des sorties dans la nature une fois par mois pour apprendre le nom des arbres, mais de faire toute l’école en lien avec le monde vivant.  Les vertus pédagogiques sont nombreuses ! Les enfants peuvent établir un vrai lien à la nature, tout en bénéficiant d’un cadre sain et propice à l’expérience. C’est encourageant, car ce livre rencontre un grand succès, encore aujourd’hui. Ce genre d’initiative est importante, parce que là, on est sûr de toucher tout le monde. En visant les écoles, on touche aussi les adultes. On entend souvent le discours qui consiste à dire que « c’est important de sensibiliser les jeunes, car ce sont eux qui dans 20 ou 30 ans vont devoir corriger nos erreurs ». Mais on ne peut plus dire cela aujourd’hui. Les changements doivent venir maintenant. En sensibilisant les enfants, ils deviennent des alliés pour amener à des changements de comportements des adultes, peut-être de manière plus rapide qu’en sensibilisant directement les adultes. Les enfants sont un peu comme des catalyseurs de changements sociétaux. En les sensibilisant, notre cible est aussi les adultes qui sont les décideurs d’aujourd’hui.

Energies renouvelables : quels impacts des installations de production sur la biodiversité ?

Afin d’accompagner la transition énergétique et de répondre aux enjeux énergétiques et de développement durable, la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), en partenariat avec TotalEnergies, a réalisé un état de l’art des impacts des installations de production d’énergies renouvelables sur la biodiversité : l’éolien et particulièrement l’éolien offshore, le photovoltaïque, le biogaz et l’hydrogène.

 

Les 5 grands facteurs de perte de biodiversité identifiés par l’Ipbes ont ainsi été pris comme cadre d’analyse pour identifier les connaissances issues de la communauté de recherche sur les impacts de ces installations sur la biodiversité : changement d’occupation des sols, exploitation des espèces, pollutions, changement climatique et espèces exotiques envahissantes. Ces impacts surviennent à différentes échelles, que cela soit au niveau de l’individu (perturbations, blessures ou mort), des populations, des espèces et des communautés.

 

Dans un second temps, ce travail se penche sur les manques de connaissances concernant ces impacts et sur les pistes de recherche qui permettraient de les combler, ainsi que sur les solutions et bonnes pratiques permettant d’éviter, réduire ou compenser ces impacts. 

 

Dans les ressources ci-dessous, vous trouverez ainsi une fiche sur chaque type de d’énergies renouvelables décrites dans l’étude ainsi qu’une synthèse sous forme de prospective. 

 

Pour aller plus loin 

>> Consulter  les ressources bibliographiques associées à ce travail. 

>> Consulter la synthèse bibliographique de cette étude. 

Gestion adaptative, le bon sens loin de chez nous

Le verbe gérer, selon le dictionnaire, signifie organiser les choses en s’adaptant à la situation, et donc faire face à une réalité forcément évolutive. Dans ce cadre, l’expression « gestion adaptative » semble s’apparenter à un pléonasme. Un gestionnaire qui ne s’adapterait pas à l’évolution de son environnement n’aurait, en effet, que peu d’avenir, sauf celui de se faire qualifier de « mauvais gestionnaire », de perdre la confiance de ses mandants et, in fine, de se voir retirer la responsabilité qui lui avait été confiée.

 

Gestion adaptative : une chasse durable est-elle possible ?

Qu’est-ce que la gestion adaptative de la chasse ?

 

Cette mesure vise à ajuster les prélèvements en fonction de l’état de conservation des espèces chassées, en s’appuyant à la fois sur la concertation des parties prenantes et sur les données scientifiques. Elle a été introduite en France dans la loi du 24 juillet 2019, portant création de l’Office français de la biodiversité (OFB). Réglementairement, il y a, aujourd’hui quatre espèces soumises à la gestion adaptative : la tourterelle des bois, le grand tétras, la barge à queue noire et le courlis cendré. Mais l’idée est de l’étendre à toutes les espèces exploitées, non seulement chassables mais aussi peut-être un jour pêchables.

 

 

En quoi cette gestion diffère de ce qui était précédemment mis en place ?

 

Jusqu’à présent aucune réglementation, sauf quelques rares exceptions concernant surtout les espèces sédentaires, ne s’appliquait au nombre à prélever. La régulation des prélèvements, pour la chasse des oiseaux, se faisait essentiellement par la durée de la saison de chasse. Or avant l’arrivée de cette modalité de gestion, les chasseurs pouvaient avoir tendance à considérer certains gibiers, et notamment les oiseaux migrateurs, comme une manne infinie qu’ils pouvaient prélever à satiété. La chasse, entre le milieu du 19e et le début du 20e siècle, a pu ainsi prendre des allures industrielles pour les besoins de certaines industries comme la chapellerie : les plumes étant très prisées pour décorer les chapeaux, ou l’agroalimentaires avec les usines de conserves de canards sauvages dans le nord de l’Europe. Des millions d’oiseaux ont été prélevés à cet effet. Mais ces prélèvements illimités n’ont pas pu durer très longtemps, car les populations ont fortement diminué, atteignant a priori leurs niveaux les plus bas à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Des réglementations ont alors vu le jour. Les saisons de la chasse se sont raccourcies, certaines espèces en danger critique ont été placées sous statut de protection. La chasse d’autres espèces, comme les petits oiseaux, tel le rouge gorge, pour des raisons éthiques a été interdite. Si toutes ces régulations combinées ont permis d’atténuer le déclin de certaines espèces, il n’était pas encore question du volume des prélèvements. Un chasseur pouvait, sur une période donnée, prélever autant d’individus d’une espèce qu’il le souhaitait, pourvu que la chasse soit ouverte, et que certaines limites ne soient pas imposées localement par les sociétés de chasse.

 

 

Comment la gestion adaptative a-t-elle vu le jour ?

 

Elle a été introduite en Amérique du nord dans les années 1990 pour la chasse des oiseaux d’eau, les anatidés. À cette époque, des épisodes de sécheresse ont provoqué le déclin de certaines populations de canards et les questions qui se posaient alors étaient les suivantes : la chasse avait-elle un effet additionnel ou, comme le suggérait une étude, la chasse n’avait qu’un rôle compensatoire à la mortalité naturelle, autrement dit les oiseaux seraient morts à cette période d’une façon ou d’une autre ? Ce défaut de connaissances conduisait à l’impossibilité de proposer des quotas sur lesquels tout le monde pouvait s’accorder. Si la chasse prélève des oiseaux qui mourront par ailleurs, pourquoi alors en limiter les prélèvements ?

 

 

Comment les parties prenantes se sont accordées ?

 

Un groupe de scientifiques a proposé de mettre en place une gestion adaptative des prélèvements d’oiseaux d’eau, dans le but d’encadrer la pratique de la chasse, mais aussi d’améliorer simultanément les connaissances et l’état de conservation des espèces. Ils ont réuni différentes parties prenantes comme les instances fédérales, les chasseurs et les naturalistes pour s’accorder à la fois sur des tailles de population cibles et sur une réglementation avant le début de la saison de chasse. Les populations d’anatidés ont alors été suivies durant l’année pour être ensuite confrontées aux prédictions de différents modèles, de manière à faire évoluer la connaissance du fonctionnement du système. Si les connaissances collectées depuis 1995 ont conclu que la chasse jouait bien un rôle additif à la mortalité naturelle des anatidés, les mesures mises en place, ont permis à ces populations d’oiseaux d’aller nettement mieux. Les objectifs de taille de populations initialement visés ont été pour la plupart des espèces très largement dépassés depuis.

 

 

À partir de quand la France a-t-elle choisi d’adopter ce modèle ?

 

Au début des années 2000, en France, une grande tension agitait les défenseurs de la nature et les chasseurs. Les débats portaient sur les volumes de prélèvements ou les périodes de chasse, pour l’oie cendrée ou la tourterelle des bois par exemple. Les bons résultats de la gestion adaptative conduite en Amérique du Nord sont parvenus jusqu’en France. Ce modèle est apparu aux yeux de tous comme un modèle de gestion durable, car fondé sur les connaissances et permettant aux parties prenantes de se mettre autour d’une table et de s’accorder. La gestion adaptative a été graduellement introduite en Europe pour les différentes espèces d’oies, puis en France pour certaines espèces d’oiseaux sédentaires ou migrateurs.

 

 

Comment cette gestion a-t-elle été accueillie par les parties prenantes ?

 

Les dissensions résident dans la manière dont cette gestion adaptative doit être appliquée : faut-il utiliser tel ou tel modèle de dynamique de population ? Lorsqu’une incertitude apparaît, faut-il faire valoir le principe de précaution ? etc. De façon générale les chasseurs acceptent le principe des quotas et le suivi scientifique pour déterminer les causes premières du déclin des espèces chassées, mais ils estiment qu’ils n’en sont pas forcément directement responsables et qu’ils paient le prix pour les autres. Selon eux, il est plus facile de réglementer la chasse qui est un loisir que de modifier les pratiques agricoles qui dans bien des cas sont les causes directes du déclin des oiseaux. C’est le cas par exemple de la tourterelle des bois qui a vu ses populations chuter à cause de la perte d’habitat liées à l’agriculture. Sa taille de population est devenue si faible qu’elles ne peuvent aujourd’hui plus soutenir le prélèvement et sa chasse est actuellement suspendue.

 

 

Quels impacts concrets la gestion adaptative va avoir sur les pratiques de chasse ?

 

Elle va impliquer certaines contraintes, en particulier l’existence de quotas de prélèvements et l’obligation pour les chasseurs de renvoyer chaque année leur tableau de chasse rapidement après la fin de la saison. Mais cette gestion adaptative leur promet aussi un gibier globalement abondant grâce à la réglementation sur les prélèvements ou la période de chasse qui fluctuera en fonction de l’état et des connaissances des populations cibles.

 

 

Quand sera-t-elle appliquée aux autres espèces ?

 

Cette gestion est encouragée par l’Europe. Il est probable que dans les cinq prochaines années, elle soit mise en place pour une grande partie des 90 autres espèces qui aujourd’hui sont chassables en France.

Réduire l’impact environnemental et valoriser les pêcheurs : la combinaison gagnante pour une pêche durable ?

Quel a été pour vous le point de bascule qui vous a poussé à vouloir faire évoluer le commerce des produits de la pêche ?  

 

Au début de ma carrière d’ingénieur agro-halieute, je me suis retrouvé pendant un an sur les bateaux et j’ai pris conscience de tout ce que j’avais théorisé pendant mes études. C’est-à-dire que les pêcheurs ne savent jamais ce qu’ils vont attraper, ni quand ils vont pouvoir sortir en mer, ni même combien ils vont pouvoir vendre leurs prises : bref, ils sont soumis à une grande instabilité. Le plus souvent, j’ai rencontré des équipages déçus d’avoir trimé dans la tempête pendant plusieurs heures pour finalement très mal vendre leur produit. Certains me disaient : “Moi, je vends en direct. De cette manière, je valorise mieux mon poisson et je peux me permettre de ne pas aller en mer quand le temps est mauvais”.  

 

Qu’avez-vous mis en place pour répondre à cette prise de conscience ?  

 

Au début, pas grand-chose… Je me suis retrouvé à travailler à la direction des pêches du ministère de l’agriculture où je subventionnais des projets de recherche et développement ou d’investissements à bord de navires. Mais petit à petit, je me suis intégré dans les systèmes d’Amap et j’ai découvert ces offres de paniers avec de super produits, bons, provenant directement du producteur, bien payés et issus de pratiques vertueuses. Là, je me suis dit qu’il fallait faire la même chose avec la pêche.  

 

Quelles sont les valeurs que cherchent les consommateurs en se tournant vers vous ? 

 

Récemment, nous avons fait un sondage auprès de nos abonnés. On distingue deux cas. Les plus anciens clients nous disent que c’est la qualité du produit et le goût qui fait la différence. Je pense que l’on n’est pas tombé dans l’écueil de certains produits issus du commerce équitable ou du vin bio qui proposent de bonnes valeurs mais qui n’offrent pas de bons produits. Pour les abonnés plus récents, la différence se fait sur l’engagement de durabilité qui est associé à une certaine valeur de confiance. Aujourd’hui, les gens se méfient des labels. Nous mettons en avant des produits frais, durables et éthiques, avec derrière une véritable transparence et de vrais critères.  

 

Qu’est-ce qui fait que votre activité est durable ? 

 

D’abord, nous travaillons avec certains types de navires de manière exclusive. C’est-à-dire que nous ne mettons dans nos paniers que des produits issus de la petite pêche côtière. Concrètement, cela signifie que nous ne travaillons qu’avec des bateaux de 12 mètres au plus qui sortent à la journée uniquement et qui embarquent trois marins au maximum pour la pêche au filet. Mais nous avons aussi des critères techniques. Nous ne travaillons qu’avec des pêcheurs qui utilisent des techniques douces ou passives. Concrètement, il s’agit d’engins que l’on pose dans l’eau et que l’on revient chercher plus tard comme des hameçons, des lignes, des casiers ou des filets. Nous valorisons aussi la pêche à la main, en plongée ou à pied. Évidemment, nous refusons de travailler avec des pêcheurs qui utilisent des chaluts ou des dragues qui, selon les scientifiques, abîment les fonds marins. Nous faisons aussi attention à la sélectivité : nous achetons ce qui est pêché, même s’il s’agit de poissons peu connus par le consommateur.  

 

Comment rémunérez-vous vos pêcheurs ?  

 

Aujourd’hui, c’est assez hétérogène. Il y a les poissons les plus demandés payés quasiment au prix du marché, comme les bars, les soles ou les turbots. Et pour les espèces moins connues, nous payons beaucoup plus. Globalement, nous nous engageons à payer 20 % de plus que le marché.  

 

Qui sont les pêcheurs qui travaillent avec vous ?  

 

On rencontre des pêcheurs qui sentent que leur filière n’est pas assez valorisée. Il n’y a pas de “bio” pour la pêche, donc pas de possibilité pour les pêcheurs d’afficher clairement leurs pratiques vertueuses. Pour moi, un défaut des certifications “pêche durable”, c’est qu’elles veulent absolument raisonner à l’échelle de la pêcherie et non à celle du pêcheur. Je pense que tout pêcheur ayant des pratiques objectivement vertueuses devrait pouvoir être labellisé. Ce sont ces pêcheurs-là que l’on va chercher, ceux qui n’arrivent pas à travailler à petite échelle parce que la filière ne les met pas en valeur et ne les rémunère pas assez. On travaille aussi avec de nombreux pêcheurs qui s’installent, qui font peu de volume et pour lesquels il est plus facile de vendre aussi les espèces habituellement dénigrées par le marché.  

 

Pour les pêcheurs, ça change quoi concrètement ?  

 

Ce que nous voyons aujourd’hui avec les sondages que l’on fait auprès de nos pêcheurs, c’est que 30 % d’entre eux nous vendent des espèces qu’ils jetaient à la poubelle auparavant. En réduisant ce gaspillage, on réduit considérablement la pression sur les autres espèces habituellement plus exploitées. D’autres nous déclarent pouvoir se permettre de mettre moins d’engins en mer, de passer moins de temps à pêcher, de mettre moins de longueurs de filets, ce qui, encore une fois, réduit la pression de pêche.  

 

Est-ce que ce système peut s’étendre à une plus grande échelle et devenir un vrai changement transformateur ?  

 

C’est le rêve que l’on avait au départ. Nos objectifs premiers sont d’assurer des bons prix toute l’année et de voir, grâce à ce système de paniers qui assure l’écoulement de nos produits, que les stocks de poissons s’améliorent. D’ailleurs, nous avons des scientifiques qui évaluent actuellement notre impact en mesurant l’activité des bateaux, les quantités attrapées et les nombres de jours passés en mer. Vendre du poisson, c’est juste un moyen d’arriver à cette fin, de créer un levier en payant mieux les pêcheurs, au lieu d’attendre que les stocks de poissons soient dégradés à un tel point qu’il faille soumettre les pêcheurs à des mesures coercitives comme l’instauration de quotas parfois inadaptés et en décalage avec la réalité économique.  

 

Quels sont vos prochains challenges ?  

 

La prochaine étape, c’est d’inciter de nouveaux professionnels à se conformer à nos critères de durabilité, pour valoriser le mouvement des nouveaux pêcheurs qui s’installent et qui pratiquent la pêche à la ligne ou au casier. Il faut les aider à transformer plus en profondeur la filière. Aujourd’hui, il y a un vrai risque de rachat des petits bateaux. L’idéal serait de faire l’inverse : sanctuariser de petits bateaux, voire acheter des gros bateaux pour les transformer en petits. Le jour où l’on arrivera à obtenir un volume suffisamment important et où l’on pourra dire à un pêcheur qui fait 50 tonnes de poissons dans l’année qu’on est là pour lui, on deviendra un vrai levier.

Les leviers étatiques recommandés par l’évaluation mondiale de l’Ipbes et réflexions préliminaires pour leur déclinaison en droit français

Ce travail a consisté en l’identification, l’analyse et la catégorisation des différents leviers étatiques et de leurs exemples d’application pratique apparaissant dans le rapport Ipbes. Des propositions de leviers juridiques, économiques et de politiques publiques potentiellement intéressants à mettre en oeuvre en France ont été formulés sur la base de certaines recommandations de l’Ipbes, afin de pouvoir initier une réflexion concernant la concordance, ou les lacunes, du droit de l’environnement français vis-à-vis de ces préconisations, ainsi que sur une mise en oeuvre adaptée de ces instruments à l’échelle nationale.

Ces propositions ont été formulées dans un objectif exploratoire puis soumises à l’examen d’experts en droit de l’environnement à travers une enquête, afin d’évaluer leur pertinence et leur maturité pour une intégration en droit français.

Présidentielle 2022

En 2019, une évaluation mondiale de la biodiversité et des services dont dépend l’humanité – comme la pollinisation des cultures, l’épuration de l’air et de l’eau, la fertilité des sols, la récréation, la lutte contre le changement climatique – a mis en évidence la responsabilité de nos activités et de nos modes de vie.

 

Pour limiter les pression directes et indirectes qui s’exercent sur la biodiversité, les chercheurs démontrent qu’il est indispensable de protéger le vivant, de restaurer les milieux dégradés, d’utiliser durablement les ressources naturelles et de tendre vers un partage juste et équitable des avantages tirés de la nature. Dans une tribune publiée sur son site internet, la FRB et ses partenaires ont appelé à mettre en œuvre le changement transformateur préconisé par la plateforme intergouvernementale pour la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes) et nécessaire pour vivre en harmonie avec le reste du vivant. 

 

C’est à présent au tour des candidats de se saisir de cet enjeu majeur. Or, dans les programmes, il est question du climat, de chasse, de justice sociale, d’économie, de santé… Tous ces enjeux sont importants, mais alors qu’ils sont intimement liés à la biodiversité, ils ne la mentionnent que marginalement.

 

Dans le contexte de discussions nationales autour de la troisième stratégie pour la biodiversité et international autour du cadre post-2020 pour vivre en harmonie avec la nature, il est temps de s’intéresser au vivant, car les chercheurs démontrent aussi que sans une biodiversité intègre et fonctionnelle, l’humanité ne pourra pas survivre plus de quelques centaines d’années. Considérant qu’en moyenne une espèce vivante vit plus de 4 millions d’années, notre espèce, Homo sapiens ayant quelques 300 000 ans, il nous reste du chemin à parcourir…

 

À quelques jours des élections présidentielles 2022, découvrez comment les programmes ont transcrit les alertes des scientifiques et quelles mesures en lien avec la biodiversité sont mises en avant (cf par thématique en bas de page).

 

Pourquoi ces thématiques ?

 

L’Assemblée des Parties prenantes de la FRB a participé à l’identification de différentes thématiques considérées comme prioritaires pour la réalisation du changement transformateur nécessaire afin de vivre en harmonie avec le reste du vivant. Les différentes mesures extraites des programmes sont présentées dans ce dossier (cf bas de page ou encart sur la droite) et les candidats sont invités à s’exprimer sur ces enjeux environnementaux.

 

Consulter la tribune

 

“Mesdames et Messieurs les candidats à l’élection présidentielle, êtes-vous prêts à changer le cours de notre histoire commune avec la biodiversité ?” Consultez la tribune.

 

Aller plus loin

 

“Devons-nous choisir entre nourrir l’humanité et protéger la nature ?” Consultez la synthèse.

 

#Presidentielle2022 – Économie et fiscalité

Économie et fiscalité, des enjeux biodiversité

 

Les pressions exercées sur la biodiversité augmentent fortement depuis la deuxième moitié du XXe siècle. Elles sont causées par des déterminants qui dépendent beaucoup de la façon dont s’est développé notre modèle économique et les activités qui en découlent.

Ces modes de développement, qui ont entrainé une croissance ininterrompue de la consommation des ressources naturelles au niveau global, voire de surconsommation, mettent ainsi en péril la capacité des écosystèmes à fournir les services dont ils dépendent. En outre, la fiscalité telle qu’elle est imaginée aujourd’hui sur le territoire français est défavorable à la préservation de la biodiversité. Comme le souligne Guillaume Sainteny : “Il n’existe pas véritablement de fiscalité de la biodiversité, mais plutôt une fiscalité qui s’est historiquement construite sans tenir compte de ses effets sur la biodiversité”.

 

Sont ici compilées toutes les mesures proposées par les candidat·es qui soient de nature à peser sur les activités économiques en ayant un impact sur la biodiversité, ou mesures fiscales incitatives ou punitives liées à la biodiversité.

 

 

Les mesures des candidat·e·s :

 

N.B. Nous avons autant que possible conservé les mesures dans les termes exacts proposés par les candidat·e·s. Des modifications mineures ont cependant été apportées comme le passage des verbes à l’infinitif et la réduction de certains corpus pour en faciliter la clarté. Par ailleurs, les mesures présentées ici découlent d’un tri réalisé jusqu’au 29 mars 2022 qui peut présenter une certaine subjectivité. Pour retrouver l’intégralité des mesures proposées dans le cadre de cette campagne présidentielle, seuls les programmes officiels des candidats font foi. Ils sont disponibles sur la page principale du dossier.

#Presidentielle2022 – Changement climatique et transition énergétique

Changement climatique et transition énergétique, un enjeu biodiversité

 

Convaincue que la biodiversité et le climat sont deux enjeux environnementaux complémentaires qui, s’ils s’ignoraient entraineraient des difficultés supplémentaires, la Fondation alerte sur les liens complexes entre changement climatique et déclin de la biodiversité. L’atténuation du changement climatique repose pour une large part sur la transition énergétique, c’est-à-dire l’abandon des sources d’énergie fondées sur le carbone fossile au profit des énergies renouvelables. Cet objectif national et européen majeur suscite des développements technologiques et d’importants investissements. Or les infrastructures développées peuvent avoir des impacts multiples, et surtout non anticipés, sur la biodiversité et en particulier sur le fonctionnement des écosystèmes. Il est donc aujourd’hui indispensable de concilier défi énergétique et préservation de la biodiversité.

 

Pour ces élections, les débats énergétiques sont particulièrement centrés sur les questions nucléaires, l’acceptabilité des énergies renouvelables et notamment la question des éoliennes ou encore la rénovation thermique des bâtiments. Les impacts de ces différents développements sont peu ou pas mentionnés, ce qui peut à court terme être préjudiciable à la biodiversité et par contre coup préjudiciable à la lutte contre le changement climatique.

 

 

Les mesures des candidat·e·s :

 

N.B. Nous avons autant que possible conservé les mesures dans les termes exacts proposés par les candidat·e·s. Des modifications mineures ont cependant été apportées comme le passage des verbes à l’infinitif et la réduction de certains corpus pour en faciliter la clarté. Par ailleurs, les mesures présentées ici découlent d’un tri réalisé jusqu’au 29 mars 2022 qui peut présenter une certaine subjectivité. Pour retrouver l’intégralité des mesures proposées dans le cadre de cette campagne présidentielle, seuls les programmes officiels des candidats font foi. Ils sont disponibles sur la page principale du dossier.

#Presidentielle2022 – Santé

La santé, un enjeu biodiversité

 

L’érosion massive de la biodiversité et de ses services écosystémiques menacent la santé humaine de multiples façons. En premier lieu par le biais de notre alimentation : sa diversité, sa qualité nutritionnelle dépendent de la diversité biologique et d’écosystèmes fonctionnels. Ensuite, la perte de biodiversité aggrave les évènements climatiques extrêmes, perturbe la capacité des écosystèmes à stocker du carbone, à épurer l’eau, l’air et les sols, à réguler les pathogènes, entrainant des décès et des pertes de qualité de vie. L’effondrement du vivant, enfin, impacte le bien-être humain par la perte des possibilités d’apprentissages, d’inspiration, la perte de l’identité liés aux paysages et des expériences physiques et psychologiques en lien avec le nature.

 

La pandémie récente a mis en lumière les liens entre notre santé et la déforestation, le braconnage et le commerce d’animaux et de végétaux sauvages, le changement climatique, la faible diversité génétique et spécifique dans les champs et les élevages, ou encore la croyance que c’est en décimant des populations, en perturbant des écosystèmes, que l’on va réduire les maladies.

 

Les maladies émergentes, comme Zika, Chikungunya, les résurgences croissantes de maladies anciennes, comme la grippe aviaire, la brucellose et autres zoonoses, sur le territoire national, menaçant la viabilité de certaines filières agricoles montre l’importance de la question. Ces pandémies proviennent de divers pathogènes transportés par des réservoirs animaux mais leur émergence est en très grande partie due à un manque de compréhension des milieux sauvages, une mauvaise gestion de ces derniers, une trop faible diversité chez les espèces cultivées, élevages.

 

 

Les mesures des candidat·e·s :

 

N.B. Nous avons autant que possible conservé les mesures dans les termes exacts proposés par les candidat·e·s. Des modifications mineures ont cependant été apportées comme le passage des verbes à l’infinitif et la réduction de certains corpus pour en faciliter la clarté. Par ailleurs, les mesures présentées ici découlent d’un tri réalisé jusqu’au 29 mars 2022 qui peut présenter une certaine subjectivité. Pour retrouver l’intégralité des mesures proposées dans le cadre de cette campagne présidentielle, seuls les programmes officiels des candidats font foi. Ils sont disponibles sur la page principale du dossier.

#Presidentielle2022 – Droit et gouvernance

Droit et gouvernance, des enjeux biodiversité

 

La prise en compte de la biodiversité et l’établissement de mesures visant à améliorer sa conservation suppose divers cadres légaux, administratifs et de gouvernance.

Les compétences associées à cette mission peuvent être imaginées à différentes échelles de territoire : locale, régionale, nationale, ou même transférée aux niveaux européen et international. En outre, la coopération entre États, les partenariats à renforcer ou à tisser, ou encore le dosage d’interventionnisme peuvent faire l’objet d’une redéfinition stratégique.

 

Sont listées ci-dessous les mesures envisagées par les candidat·es ayant trait à ce maillage politique, juridique et administratif, de nature à redessiner ou réaffirmer les contours de cette gouvernance de la biodiversité.

 

 

Les mesures des candidat·e·s :

 

N.B. Nous avons autant que possible conservé les mesures dans les termes exacts proposés par les candidat·e·s. Des modifications mineures ont cependant été apportées comme le passage des verbes à l’infinitif et la réduction de certains corpus pour en faciliter la clarté. Par ailleurs, les mesures présentées ici découlent d’un tri réalisé jusqu’au 29 mars 2022 qui peut présenter une certaine subjectivité. Pour retrouver l’intégralité des mesures proposées dans le cadre de cette campagne présidentielle, seuls les programmes officiels des candidats font foi. Ils sont disponibles sur la page principale du dossier.

#Presidentielle2022 – Agriculture et pêche

Agriculture et pêche, des enjeux biodiversité

 

Mal gérée, trop intensive, l’agriculture peut entrainer pollution, érosion des sols et de la biodiversité sauvage, transformation des habitats et déforestation, réduisant d’autant plus, à terme, le potentiel productif. Et ce, alors que les besoins alimentaires vont croissant. L’évolution de la demande des consommateurs et les incertitudes face au changement climatique nécessitent de remettre les fonctionnements écologiques au cœur de l’agrosystème, afin de rendre notre agriculture plus durable, tout en préservant et valorisant l’ensemble de ses diversités.

Par ailleurs, on observe une chute drastique des populations de poissons, notamment due à une surexploitation de certaines espèces, déclins des points chauds de diversité marine tels que les récifs coralliaires en raison du changement climatique, des pollutions, voire du tourisme, d’où la nécessité de proposer des mesures de protection à l’égard de la biodiversité marine et aquatique.

 

Nous avons ici regroupé l’ensemble des mesures qui ont pour objectifs d’enrayer de manière directe l’érosion de la biodiversité en lien avec l’agriculture et la pêche. Les mesures favorisant une transition écologique s’intégrant à la thématique identifiée et ayant un impact indirect sur l’érosion de la biodiversité ont également été recensées ci-dessous.

 

 

Les mesures des candidat·e·s :

 

N.B. Nous avons autant que possible conservé les mesures dans les termes exacts proposés par les candidat·e·s. Des modifications mineures ont cependant été apportées comme le passage des verbes à l’infinitif et la réduction de certains corpus pour en faciliter la clarté. Par ailleurs, les mesures présentées ici découlent d’un tri réalisé jusqu’au 29 mars 2022 qui peut présenter une certaine subjectivité. Pour retrouver l’intégralité des mesures proposées dans le cadre de cette campagne présidentielle, seuls les programmes officiels des candidats font foi. Ils sont disponibles sur la page principale du dossier.

#Presidentielle2022 – Recherche

Des enjeux liés à la recherche sur la biodiversité

 

Comprendre le comportement des différentes espèces, les interactions entre elles et avec les êtres humains, l’évolution des écosystèmes, des espèces, des individus, des gênes, l’histoire du vivant sur notre planète, établir des modèles et scénarios pour mieux anticiper l’impact de notre empreinte sur le vivant pour les années à venir sont autant de pré-requis pour une cohabitation soutenable et une préservation efficace de la biodiversité.

Pour protéger la biodiversité, il est primordial de la connaitre. Dans cette optique, le développement et le financement de la recherche ainsi que son accessibilité au plus grand nombre sont des éléments primordiaux pour protéger la biodiversité. Ceci entre en résonance directe avec les missions principales de la Fondation, à savoir soutenir la recherche, agir avec et diffuser les connaissances.

 

Les mesures compilées ici et proposées par les candidat·es sont relatives à la recherche, au développement et à l’innovation autour des questions environnementales et de biodiversité. Il est ainsi question de l’organisation de la recherche, des moyens qui y seront alloués, des priorités de recherche (tant en termes de milieux que de finalités).

 

 

Les mesures des candidat·e·s :

 

N.B. Nous avons autant que possible conservé les mesures dans les termes exacts proposés par les candidat·e·s. Des modifications mineures ont cependant été apportées comme le passage des verbes à l’infinitif et la réduction de certains corpus pour en faciliter la clarté. Par ailleurs, les mesures présentées ici découlent d’un tri réalisé jusqu’au 29 mars 2022 qui peut présenter une certaine subjectivité. Pour retrouver l’intégralité des mesures proposées dans le cadre de cette campagne présidentielle, seuls les programmes officiels des candidats font foi. Ils sont disponibles sur la page principale du dossier.

Cadre mondial post-2020 pour la biodiversité – Analyse du projet de cadre par la FRB

Ce rapport apporte un éclairage scientifique sur les éléments discutés au sein de la Convention sur la diversité biologique (CDB), en particulier les points anticipés pour les sessions de négociation.

La pertinence des quatre objectifs globaux, des 21 cibles d’action et des indicateurs associés qui constituent le projet de cadre révisé dans sa dernière version officielle en date de juillet 2021 y est examinée au regard des travaux scientifiques les plus récents. Ce travail a été mené dans la perspective d’un appui aux ministères français, la FRB étant point de contact national scientifique et technique pour la CDB.

#Presidentielle2022 – Utilisation des espèces sauvages

Utilisation des espèces sauvages, un enjeu biodiversité

 

Les espèces sauvages sont soumises à l’utilisation par l’humain à différentes fins : de subsistance, commerciales, récréatives ou culturelles. Les activités de prélèvement telles que la pêche, la chasse, la cueillette et l’exploitation des forêts naturelles par opposition aux plantations sont les principales formes d’utilisation des espèces sauvages.

Au niveau mondial, l’Ipbes estime qu’il s’agit d’une des cinq causes majeures perte de biodiversité. Il est donc nécessaire de garantir une exploitation durable des organismes afin d’enrayer l’érosion du vivant.

 

Les mesures listées ci-après sont celles qui nous ont paru concerner directement les espèces sauvages (terrestres ou maritimes, animales ou végétales), en adressant les conditions de leur utilisation.

 

 

Les mesures des candidat·e·s :

 

N.B. Nous avons autant que possible conservé les mesures dans les termes exacts proposés par les candidat·e·s. Des modifications mineures ont cependant été apportées comme le passage des verbes à l’infinitif et la réduction de certains corpus pour en faciliter la clarté. Par ailleurs, les mesures présentées ici découlent d’un tri réalisé jusqu’au 29 mars 2022 qui peut présenter une certaine subjectivité. Pour retrouver l’intégralité des mesures proposées dans le cadre de cette campagne présidentielle, seuls les programmes officiels des candidats font foi. Ils sont disponibles sur la page principale du dossier.

Modifions le cours de notre histoire commune avec la biodiversité

En 2017, la Fondation pour la recherche sur la biodiversité et son Conseil d’orientation stratégique composé de près de deux cents parties prenantes ont interrogé les candidats à l’élection présidentielle sur leur action en faveur de la biodiversité. En dépit des engagements forts de chacune et chacun, peu d’avancées ont été observées. Les rapports des scientifiques restent toujours aussi accablants.

 

En 2019 encore, l’Ipbes, le Giec de la biodiversité, alertait sur le déclin des espèces communes à savoir, les oiseaux, les insectes, les pollinisateurs, les amphibiens, qui sont au cœur du fonctionnement de nos écosystèmes. La plateforme internationale pointait du doigt l’accélération des extinctions d’espèces, la dégradation des écosystèmes et l’altération de leurs fonctions vitales associées, comme la régulation du climat, l’épuration des eaux et de l’air, la pollinisation, le contrôle des ravageurs et des épidémies, etc.

 

Ce déclin de la biodiversité qui se poursuit inlassablement menace d’”éroder les fondements mêmes de nos économies, de nos moyens de subsistance, de notre sécurité alimentaire, de la santé et de la qualité de vie” comme le rappelait alors le président de l’Ipbes, Robert Watson. La mise en garde de la recherche contre cette érosion n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’alerte sur l’actuelle pandémie qui avait pourtant été annoncée par les scientifiques depuis longtemps, mais qui avait été reçue dans une réelle indifférence sociale et politique, car non “pensable” en tant que réalité.   

 

Les origines de la perte de biodiversité sont aujourd’hui bien connues. L’Ipbes en a rappelé les cinq causes directes : les transformations des écosystèmes, l’exploitation des ressources naturelles, le changement climatique, les pollutions et les invasions biologiques. Mais peut-être plus important encore, l’Ipbes a aussi rappelé les causes indirectes liées aux facteurs économiques, sociaux, technologiques et de gouvernance des sociétés.

 

Pour lutter contre le déclin de la biodiversité, l’expertise scientifique internationale a souligné la pertinence de “changements transformateurs”, c’est-à-dire des changements qui repenseraient non seulement notre organisation économique, sociale et technique, mais aussi des paradigmes et des valeurs, telle que la croissance soutenue.

 

De si profonds changements sont-ils réellement possibles ? Notre société occidentale en a déjà vécu un : la révolution industrielle qui a bouleversé de fond en comble nos modes de production, de consommation et de vie. Celle-ci a été matériellement rendue possible grâce aux énergies fossiles, à l’accompagnement de la recherche et au développement de technologies qui ont facilité sa mise en œuvre.

 

Sans renier toutes les avancées exceptionnelles de cette révolution, et face aux limites environnementales et planétaires, il s’agit maintenant de faire en sorte que cet épisode de croissance économique soutenue, qui a été aussi accompagnée par une forte croissance démographique, se transforme. Cette transformation concerne les secteurs de l’énergie, de l’agriculture, de l’industrie… mais aussi de la consommation, de la vie en société en général. Des initiatives sont déjà en œuvre, telles que l’agroécologie, l’économie circulaire, la préservation des écosystèmes. De façon générale, il s’agit de donner plus de poids à la biodiversité dans toutes les décisions socio-économiques afin de promouvoir des socio-écosystèmes résilients assurant à la fois le bien-être des populations humaines et un bon état à la biodiversité.

 

De manière pragmatique, nous, la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, composée d’acteurs publics, du monde économique et de la société civile, de chercheurs et chercheuses, de représentantes et représentants d’institutions académiques, vous invitons à vous saisir de cette notion de changements transformateurs et à venir en discuter avec nos experts académiques et non académiques.  

 

En cette veille d’élection présidentielle, il nous parait plus que jamais nécessaire que nos concitoyennes et concitoyens connaissent vos ambitions dans le domaine de la biodiversité. Nous avons compilé vos mesures et vous invitons à nous contacter afin de préciser vos engagements en faveur du vivant et de la recherche sur la biodiversité.

Les récifs coralliens cernés par les impacts anthropiques et les changements globaux

Du 9 au 11 février s’est tenu à Brest le premier One Ocean Summit, un sommet international qui a permis de concrétiser des engagements en faveur de la protection des mers et des océans. Les écosystèmes marins sont en effet menacés à la fois par des facteurs globaux (tels que le réchauffement de l’eau et l’acidification des océans), mais aussi par des facteurs locaux (tels que la pêche, la pollution lumineuse ou encore la navigation). Les facteurs de pression étant directement associés aux activités humaines, les écosystèmes les plus éloignés des humains devraient intuitivement subir moins d’impacts et constituer des refuges plus sûrs pour la biodiversité. Cette idée est d’ailleurs confortée par plusieurs études scientifiques qui démontrent l’existence d’une corrélation claire entre l’état des écosystèmes et leur distance par rapport aux grandes villes (Figure 1). Pour cette même raison, les zones les plus éloignées sont aussi considérées comme des réservoirs potentiels de biodiversité qui peuvent préserver les écosystèmes en cas d’extinction importante.

 

Fig1_Score_Reef_Strona_2021

Figure 1. L’impact des activités anthropiques, ou leurs conséquences (tels que la pêche, la pollution) sur les communautés des poissons des récifs coralliens diminue avec l’éloignement aux activités humaines. Chaque point correspond à une zone de récifs coralliens à une résolution spatiale de 1 × 1 degré de latitute/longitude. Modifié de Strona et al. 2021b (CC BY 4.0).

 

 

Cependant, des études menées au sein du projet de recherche Score-Reef, co-financé par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) à travers son Centre de synthèse et d’analyse sur la biodiversité (Cesab), l’Office français de la biodiversité (OFB) et le Ministère de la transition écologique (MTE), montrent que la réalité est tout autre lorsque l’on prend en compte la dépendance des poissons vis-à-vis des récifs coralliens.

 

Analyse scientifique des indicateurs de la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB)

L’ONB produit et diffuse des indicateurs et cartes permettant de suivre l’état de la biodiversité, les pressions qu’elle subit et les réponses apportées aux problèmes qu’elle affronte. Les indicateurs et cartes facilitent le dialogue, la prise de décision et l’évaluation des stratégies mises en œuvre en faveur de l’environnement.

 

En 2012, l’ONB a décidé de les regrouper et de les mettre à disposition des utilisateurs potentiels en créant une base de données en ligne et en libre accès : Indicateurs de BioDiversité en Base de Données (i-BD²).

Comme les indicateurs ne fournissent que des informations parcellaires, l’ONB a rapidement souhaité bénéficier d’un regard extérieur sur ceux présentés dans i-BD². La Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) a ainsi été sollicitée pour examiner leur pertinence scientifique, leur comportement au regard des caractéristiques des jeux de données et les biais pouvant apparaître dans leur construction ou leur calcul.

 

La mission confiée aux experts mobilisés par la FRB permet d’apporter un regard critique sur la base de critères scientifiques mais aussi sur les forces et les faiblesses des indicateurs afin de proposer soit des améliorations des indicateurs existants, soit la création de nouveaux indicateurs, soit l’arrêt de l’utilisation de certains.

Dans tous les cas, il s’agit d’expliquer aux utilisateurs les limites d’utilisation de chaque indicateur et carte. Retrouvez ci-dessous la liste des indicateurs et cartes évalués, les rapports par exercice ainsi que la publication “Évaluation scientifique des indicateurs : le développement d’une méthode originale” .

L’approvisionnement en bois venant des forêts guyanaises peut-il être durable ?

Couverte à 95 % de forêts, la Guyane française représente un enjeu essentiel en termes de régulation du climat et des flux de carbone. C’est aussi potentiellement un réservoir considérable de bois d’œuvre. Le bois exploité est en grande partie destiné à la construction ou à la rénovation résidentielle pour des marchés locaux ou exporté dans les Antilles françaises. La production s’y élève chaque année à 80 000 m3, ce qui en fait, en plus de l’enjeu socio-économique associé à la régulation du climat, un des principaux secteurs économiques de la région. L’Office national des forêts (ONF), qui en est le gestionnaire, est chargé du choix des massifs à exploiter, de la construction des dessertes forestières et de l’application des principes de gestion durable. En particulier, il désigne les arbres à abattre puis les vend à des concessionnaires qui en font eux-mêmes l’exploitation. Car dans ces forêts naturelles, c’est-à-dire à l’état sauvage, la production se fait par exploitation sélective. Seuls quelques grands arbres d’intérêt commercial sont exploités comme l’angélique, le gonfolo et le grignon franc. Ces espèces représentent à elles seules trois quarts de la production, alors qu’au moins 90 essences sont technologiquement utilisables, mais avec encore peu de débouchés dans la filière bois. Le reste de la forêt est laissé à une régénération naturelle, avec un cycle de coupe fixé à 65 ans. Malheureusement, les populations d’individus de taille exploitable de ces espèces cibles ne se renouvellent pas au rythme auquel elles sont exploitées. En effet, on constate qu’elles pourraient être épuisées après un ou deux cycles d’exploitation. Pour maintenir les fonctions écologiques essentielles comme la régulation du climat ainsi que la production de bois de ces forêts tout en préservant les massifs forestiers inexploités sur le long terme, une solution serait de diversifier la liste d’espèces exploitées1. Pour ce faire, il est nécessaire de changer les habitudes dans les marchés publics, en parvenant à ce que les architectes maîtrisent aussi l’usage des essences moins connues et en développant des solutions techniques adaptées à leur utilisation 

 

Les systèmes alimentaires des peuples autochtones : un lien fort aux espèces sauvages comme réponse à la crise des régimes alimentaires

Comment définissez-vous les systèmes alimentaires des peuples autochtones ?   

 

D’abord, il est important de définir ce qu’est un peuple autochtone. Il s’agit d’un statut revendiqué par certaines communautés, juridiquement reconnu par les Nations Unies, sur la base d’un certain nombre de traits. Un de ces traits est un lien fort et ancien avec un territoire qui se traduit par une connaissance approfondie de ses ressources, de leur diversité et de leurs usages (alimentaires, médicaux, etc.). Un autre de ces traits est que ces peuples autochtones se définissent comme porteurs d’une relation et d’une sensibilité particulières au monde dans lequel ils vivent, relation qui s’inscrit dans un ensemble de valeurs respectueuses du vivant. 

 

 

Combien de personnes constituent l’ensemble de ces communautés ? 

 

On estime qu’ils sont un peu moins de 500 millions. Contrairement à une idée un peu ancienne et caricaturale, il n’existe que très peu de chasseurs-cueilleurs dans ces communautés. Cependant, ces communautés revendiquent des systèmes alimentaires reposant sur des ressources locales et sur une dimension collective très forte : à la fois dans l’accès aux ressources souvent gérées de façon collective, mais aussi dans le travail de production, de préparation et dans le partage des aliments. Ces communautés entretiennent des dispositifs de solidarité alimentaire. Mais ces systèmes alimentaires créent non seulement du lien social, mais aussi un lien au vivant. Ils sont la plupart du temps biocentriques et, à l’inverse de systèmes anthropocentriques, ne sont pas focalisés sur l’humain.  

 

 

Où sont généralement situées ces communautés ?  

 

Elles se situent souvent dans des zones protégées. Un tiers de la surface mondiale couverte par les zones protégées est occupé par ces communautés. Dans ces zones, ces communautés revendiquent une souveraineté alimentaire, c’est à dire le droit d’accéder aux ressources locales pour préserver leurs pratiques alimentaires et toutes les valeurs bio culturelles qui y sont rattachées.  

 

 

Quel est le lien des communautés autochtones aux espèces sauvages ?  

 

Pour vous répondre, je citerais le Livre Blanc/Whipala sur les systèmes alimentaires des peuples autochtones qui dit : “Depuis des millénaires, les peuples autochtones protègent leur environnement et sa biodiversité”. Ces savoirs et ces pratiques sont revendiqués comme durables. Les systèmes alimentaires autochtones contribuent à la construction de la biodiversité à travers l’agriculture et au maintien des ressources non domestiques par des pratiques d’exploitations durables. Mais attention, le sauvage, dans ces systèmes, ce n’est pas que du gros gibier. On se focalise parfois sur les grandes espèces emblématiques, mais les ressources alimentaires sauvages ce sont aussi des plantes, des insectes, des poissons, etc. La revendication des peuples autochtones d’être à la fois protecteurs et utilisateurs de la biodiversité est parfois mal comprise et l’équilibre est souvent fragile et difficile à maintenir.    

 

 

Pourriez-vous donner un exemple ? 

 

Prenons l’exemple des BaTonga, une population située au Zimbabwe, de part et d’autre du Zambèze. Des études montrent toute l’importance des ressources sauvages dans leur alimentation. Celle-ci se remarque à plusieurs niveaux. D’une part par la contribution à la diversité alimentaire et notamment par le nombre d’espèces consommées. En effet, les BaTonga exploitent 60 espèces animales dont 18 sauvages. Pour les plantes, c’est plus de la moitié des espèces consommées qui sont sauvages, 37 sur un total de 58. À titre de comparaison, on sait que l’alimentation mondiale basée sur le secteur agroalimentaire ne repose essentiellement que sur une dizaine d’espèces végétales et une dizaine d’espèces animales. D’autre part, les ressources sauvages sont importantes car l’alimentation des BaTonga est culturellement riche de ces espèces. Plus de la moitié des préparations culinaires répertoriées par l’étude inclut des ingrédients sauvages. Enfin, ces ressources permettent de réduire la vulnérabilité des BaTonga face aux crises. Pendant la pandémie mondiale de Covid-19, ils ont eu un recours accru aux ressources alimentaires sauvages, ils ont cueilli des fruits, chassé des oiseaux, etc. Ceci a permis de limiter l’impact des pénuries et des baisses de revenus liées à la pandémie.  

 

 

En quoi l’étude de ces systèmes peut-elle favoriser la durabilité du système alimentaire global ? 

 

Les peuples autochtones revendiquent des systèmes alimentaires durables. Ces systèmes sont sans doute porteurs de solutions à considérer pour répondre à la crise actuelle des systèmes alimentaires. Mais c’est peut-être moins leur rapport aux aliments, bases de leur alimentation, que leur rapport culturel qui doit nous inspirer. La principale cause de la crise que l’on traverse actuellement est la perte de sens de notre alimentation. Comme le signale le sociologue Claude Fischler, nous consommons des “objets comestibles non identifiés”. La distanciation entre les mangeurs et les aliments a des conséquences néfastes sur nos interactions avec le vivant, sur ce que l’on se croit “autorisé” à faire. Je suis particulièrement attachée à un certain nombre de concepts qui permettent de repenser nos systèmes alimentaires comme celui d’écologie de l’alimentation qui est un domaine très intéressant. Repenser notre alimentation comme un moyen de se relier les uns aux autres, de redonner une valeur aux relations sociales qui peuvent se tisser à travers l’alimentation, c’est revendiquer une qualité du lien avec les non humains et enfin redonner un sens au vivant. Je crois que, face à la domination de la rationalité technico-économique, ces préoccupations sont associées à de la sensiblerie et donc évacuées de nos réflexions. Mais il faut redonner sa place à l’intime et à l’affectif dans notre lien à la biodiversité. Ce que nous apportent les systèmes alimentaires des peuples autochtones, c’est la possibilité de renforcer ce lien à travers l’alimentation. Pour qu’ils soient durables, le “sensible” doit être intégré pleinement à nos systèmes alimentaires. 

 

 

Un parallèle existe-t-il entre ces systèmes autochtones et les pratiques d’exploitation ou de consommation en France ?  

 

Je pense qu’il y a énormément de mouvements sociaux en France qui visent à redonner un sens à l’alimentation. L’industrie a séparé les mangeurs des aliments, mais les consommateurs se mobilisent désormais pour essayer de recréer du lien. Il existe de nombreux exemples : les Amap qui visent à recréer le lien entre producteur et consommateur, le commerce équitable, les références au “local”, etc. De nombreux consommateurs du monde occidental se réapproprient de cette manière leur ancrage dans leur espace social et biophysique. Le parallèle entre les revendications des peuples autochtones et celles des nouveaux consommateurs du monde occidental est évident et va dans le même sens.   

 

 

Développer des systèmes plus proches du sauvage, comme les systèmes autochtones, est-il une stratégie levier pour la durabilité des régimes alimentaires ?  

 

Avec les maladies émergentes, le sauvage est perçu de façon accrue comme une menace. L’image du consommateur qui mange un animal sauvage et génère une pandémie mondiale est très présente dans les esprits. Au-delà de ce cliché, je pense que la consommation d’animaux sauvages dans les métropoles asiatiques par exemple, peut aussi être interprétée comme une forme de résistance à une réduction de la biodiversité. Garder une place au sauvage dans notre alimentation est une façon de garder un lien fort et direct avec le vivant. Bien sûr, ce n’est pas facile, surtout face aux enjeux de conservation. Je vis en France dans une zone envahie par les sangliers. Il y a eu des tentatives de créer des filières de viande sauvage, ce qui n’a pas été facile à cause des normes sanitaires strictes et des effets possibles d’une chasse commerciale. De plus, la chasse est de plus en plus difficile à accepter moralement, notamment parce qu’elle a perdu sa fonction alimentaire. Favoriser la diversité des aliments, les produits de la chasse et de la cueillette dans les systèmes alimentaires, présente certains intérêts. Même de façon très ponctuelle, cela peut être un moyen d’entretenir un lien sensible avec le vivant, qui peut aider à la conservation de la biodiversité.

Vers une utilisation durable des espèces

L’exploitation des organismes n’est pas durable lorsque le prélèvement d’individus d’une population se fait au-delà du taux de renouvellement et de l’accroissement biologique de celle-ci, ou lorsque l’activité conduit à une dégradation de l’environnement qui perturbe cette espèce (par exemple, l’écotourisme intensif). Cette exploitation correspond à un service écosystémique d’approvisionnement – et aux contributions matérielles de la nature (dans la typologie de l’Ipbes) – lorsqu’elle vise à se nourrir, se vêtir, se chauffer ou se loger par exemple. Elle correspond à un service culturel – et aux contributions immatérielles de la nature – dans le cas d’activités récréatives ou spirituelles. Au niveau mondial, l’Ipbes estime qu’il s’agit de la 2e cause principale de perte de la biodiversité.

 

La pêche, la chasse, la cueillette et l’exploitation des forêts naturelles (par opposition aux plantations) sont les principales formes d’utilisation des espèces sauvages, entraînant un prélèvement dans la nature. Certaines activités sans prélèvement représentent également une forme d’utilisation.

Pollution et biodiversité

La pollution correspond à une dégradation de l’environnement par des substances, des déchets ou des nuisances diverses. Il peut s’agir de particules fines, de gaz à effet de serre, de métaux lourds, de substances chimiques ou de matériaux non dégradables comme les plastiques. Les pollutions sonores et lumineuses présentent également un fort impact sur le fonctionnement et la santé des écosystèmes mais sont encore relativement peu  étudiées. Elle concerne différents types de milieux : l’atmosphère, les sols, les rivières ou les océans. Ingérée, respirée, entravante ou dérangeante, la pollution de l’environnement affecte la santé de toutes les espèces, y compris les humains. La meilleure solution face à l’augmentation des déchets et des polluants est de réduire drastiquement leur production et leur utilisation, sans engendrer de nouvelles pollutions.

Recommandations des rencontres Sciences pour l’action sur les territoires ultramarins

Ces Rencontres visent à rassembler en ateliers différents acteurs (chercheurs, responsables de politiques publiques, acteurs de terrain, etc.) afin d’élaborer une série de recommandations grâce à une méthodologie basée sur la démarche prospective.

 

 

Pour cette édition, trois thèmes ont été identifiés :

  • le développement économique endogène respectueux de la biodiversité ;
  • les fonctionnalités du continuum terre-mer et l’aménagement du territoire ;
  • les liens Humain-Nature et la protection de la biodiversité.

 

 

Les recommandations issues de ces échanges devraient être publiées dans les mois à venir, à l’instar de celles issues des Rencontres de 2018 et 2017. Nous vous invitons à découvrir la vidéo d’ouverture de l’édition 2020.

Le développement de la cueillette de plantes sauvages sur le territoire français : conditions et enjeux de la durabilité

Bien que la cueillette de plantes sauvages remonte aux origines de l’humanité, il aura fallu attendre les années 2010 pour que le monde académique et de la conservation se penchent sur la question. En cause, une explosion de la demande en produits naturels, des désirs de retour à la nature et un marché du sauvage en pleine expansion. Cette pratique s’est fortement développée aussi bien dans les sociétés occidentales, pourtant davantage tournées vers les médicaments de synthèse, que dans certains pays du Sud où l’offre et l’usage de produits naturels sont importants. Le regard porté sur les plantes s’est transformé avec l’émergence des discours autour de la valeur économique de la biodiversité et plus généralement des valeurs attribuées à la nature. Cette dynamique est-elle compatible, au moins en France, avec le réservoir de plantes sauvages présent dans l’espace rural et le maintien de la biodiversité ?

Conserver la nature en Nouvelle-Calédonie : un enjeu complexe entre science et contexte socio-culturel

Quel est le lien spécifique qui existe entre les populations de Nouvelle-Calédonie et la nature ?

 

Pour répondre à cette question, il faut faire un petit détour par le langage. Il n’y a pas de terme pour dire « nature » dans les langues kanak. La dichotomie entre nature et culture n’existe pas. Il s’agit plutôt de liens qui unissent les éléments, humains et non humains. Il s’agit donc pour les hommes et les femmes d’entretenir tous ces liens, entre le requin et le lézard, l’homme et l’igname, la femme et le cocotier, et tout ce qui nous lie à la « terre-mer ». Quand on est kanak, la « terre » ou la « nature », s’étend de la montagne jusqu’au récif, voire au-delà. Cela inclut les vivants et les morts, le monde visible et invisible.

 

Le lien qui unit les populations de Nouvelle-Calédonie avec la nature est très fort, car tout est lien. Aussi, ce lien est entre autres entretenu par la connaissance commune des toponymes, c’est-à-dire des noms de lieux. Chaque toponyme renferme la mémoire du lien d’un clan à la terre et toute son histoire. Grâce à ces toponymes, le lien au territoire persiste à travers les générations.

 

 

N’y a-t-il qu’une seule perception de la nature ?

 

Sur l’archipel calédonien aujourd’hui très multiculturel et métissé, on ne peut pas dire qu’il n’y a qu’une seule perception de la nature. Ce que je peux observer, c’est que les premiers habitants d’ici, les Kanak qui constituent aujourd’hui un peu plus de 40 % de la population ont réussi à partager leur vision du monde, leurs liens forts à des éléments non-humains notamment. Même si cela n’est pas toujours évident pour tous, il y a une certaine reconnaissance de la diversité des savoirs et des représentations de la nature. Chaque communauté a apporté ces manières de voir et nombreuses sont les personnes qui se sont construites en intégrant un peu de cette diversité.

 

 

La gestion de l’environnement prend-elle en compte ces spécificités socio-culturelles de la Nouvelle-Calédonie ? 

 

Au début, dans de nombreux pays du monde, gérer l’environnement consistait à “mettre la nature sous cloche”. Aujourd’hui, on intègre de plus en plus à la fois les habitants, leurs valeurs et leurs pratiques. En Nouvelle-Calédonie, les trois provinces possèdent chacune leur propre code de l’environnement. Celui de la province des îles Loyauté, habitées par une grande majorité de Kanak, a été rédigé il y a seulement trois ans. En amont, des travaux de recherche en sciences de la nature et en sciences sociales ont été menés afin de prendre en compte les enjeux écologiques ainsi que les spécificités des populations et du territoire. Pour vous donner un exemple, avec des collègues écologues, ethnologues et géographes, j’ai mené un travail sur les roussettes, de grandes chauves-souris, qui sont considérées comme des ancêtres dans certains clans et sont globalement très importantes d’un point de vue culturel. Notre travail a été fait pour que puissent être rédigées des réglementations qui s’appuient sur la vision des habitants, sur les pratiques préexistantes et sur les enjeux écologiques. Les règles sont pensées non pas pour protéger une biodiversité seule mais bien la biodiversité et la société. Par ailleurs, dans les codes de la province Sud et de la province Nord rédigés depuis plus longtemps, il est prévu que des dérogations soient possibles pour le prélèvement d’espèces comme la tortue verte à des fins coutumières (pour des mariages, des deuils, des intronisations de chefferies, etc.).

 

 

Existe-t-il une volonté d’intégrer les décideurs locaux dans la gestion des sites naturels ? 

 

Il y a un certain effort d’intégration des décideurs et des acteurs locaux. Pour donner un exemple, six sites de Nouvelle-Calédonie sont inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco. Les comités de gestion de chaque site sont généralement composés de représentants locaux (associations locales, coutumiers, femmes et hommes de l‘endroit). On considère volontiers que les acteurs locaux ont un rôle à jouer, mais selon les lieux, ils sont plus ou moins impliqués et écoutés. Il reste du travail à mener pour réellement prendre en compte leur parole et leurs visions.

 

 

Comment concilier les enjeux liés au contexte socio-culturel et les enjeux écologiques ?

 

Je vais utiliser un exemple pour vous répondre. Depuis quelques années, nous menons un projet appelé Espam sur le milieu marin, financé par la Fondation de France et la province des Iles Loyauté. L’objectif a été de travailler sur la diversité des valeurs que les habitants accordent aux territoires marins, en particulier aux animaux marins. L’idée est que si on connaît mieux les valeurs que les gens accordent aux espèces, et donc au territoire, et que l’on parvient à les faire reconnaître par le plus grand nombre, il sera possible de créer des politiques environnementales qui intègrent tant les enjeux écologiques que les enjeux culturels et sociaux. Elles seront ainsi plus ajustées et mieux comprises par tous.

 

Dans le cadre de ce programme, en plus de mener des entretiens longs avec les Calédoniens (de plus de 4 heures parfois), nous avons déployé un questionnaire très court contenant deux questions : “Quels sont les animaux marins emblématiques pour vous ?” et “Pourquoi ?”. Plus de 130 espèces différentes ont été citées, ce qui illustre nombre conséquent d’espèces importantes pour les populations locales. Nous avons créé une base de données nourrie de ces réponses sur les espèces et les valeurs que leurs accordent les habitants. 201 raisons différentes ont été données que nous avons classées en 22 grands thèmes. En Nouvelle-Calédonie, la fonction nourricière accordée aux animaux marins a été très largement citée, puis leur importance coutumière et leur statut d’espèce menacée ou à protéger. Ces résultats ont montré que les valeurs socio-culturelles sont prégnantes. Nous devons donc en tirer des leçons, cesser de tout vouloir traduire en valeur monétaire et créer des indicateurs multiples agrégeant des indicateurs sociaux, économiques et culturels. Trouver les outils à ces fins reste encore un défi mais nous pensons que ce projet apporte sa petite pierre à la réflexion.

 

 

Un des prochains enjeux soulevés par l’Ipbes est d’atteindre un changement transformateur. L’évaluation des valeurs associées à la nature, qui devrait sortir cet été, peut-elle être une des voies pour cela ?

 

 

 QU’EST-CE QU’UN CHANGEMENT TRANSFORMATEUR ?

 

Il s’agit d’une proposition de l’Ipbes qui résulte d’une analyse des causes de déclin de la biodiversité et des échecs politiques de sa préservation ces dernières décennies. Un changement transformateur est défini comme une réorganisation fondamentale et systémique des facteurs économiques, sociaux, technologiques, y compris les paradigmes, les objectifs et les valeurs.

 

>> En 2021, la FRB a consacré sa Journée annuelle à débattre de cette notion. + d’infos

 

 

L’idée sous-jacente est qu’il est possible de faire évoluer les valeurs qu’on porte aux choses et notamment à la nature. Il ne s’agit pas de faire converger les différentes valeurs, mais bien de faire valoir leur diversité. Celles-ci ont toujours évolué et on se rend plus compte aujourd’hui de l’existence de différentes manières de penser les choses. Notre mobilité entre les continents, entre les îles, s‘est accélérée et étendue, ce qui conduit aujourd’hui à avoir des territoires habités par une grande diversité de populations ; et chacune établit un lien spécifique avec la terre qu’elle habite. Le système des valeurs caractérisant un territoire devient plus complexe et plus riche. Selon moi, on peut profiter de cette richesse et de cette complexité afin d’analyser la diversité des valeurs, et ce qui conduit chacun à faire évoluer son système de valeurs, notamment pour renforcer ces liens avec les éléments de la nature. J’aime penser que notre objectif n’est pas de protéger l’environnement ou la société, mais bien l’ensemble : les liens humains-natures, les liens entre les humains et les non-humains. Si on arrive à identifier ces changements transformateurs et les manières institutionnelles, collectives et individuelles de les favoriser, on pourra alors renouveler un lien sain entre la biodiversité et la société. Pour préserver cet ensemble, il faut les penser ensemble. La vision kanak du monde, marqués par les liens, peut nous aider. L’attention portée à maintenir ces liens dans le présent doit guider nos actions.

Redéfinir nos rapports à la nature pour mieux la conserver : entretien avec Frédéric Ducarme, chercheur en philosophie

Comment définiriez-vous la notion de « nature » ?

 

« Nature » est un terme difficile à définir, parce qu’il est très large, très inclusif. Ce terme a pu être manipulé pour servir des fins diverses. La « naturalisation », par exemple, est un très bon moyen de faire passer n’importe quelle idée politique puisque si je dis « c’est naturel » et que vous affirmez le contraire, je peux vous taxer d’être contre-nature. La nature s’est donc parfois teintée de cette dimension normative et morale qui l’a rendue d’autant plus politique et « fourre-tout ». Il est donc nécessaire d’une part d’avoir une idée précise de ce que l’on met derrière ce mot pour mieux la préserver et d’autre part de le faire évoluer pour en faire sortir les nouveaux enjeux pertinents.

 

 

Peut-on considérer que « sauvage » et « nature » sont des idées qui se superposent ?

 

Assimiler la nature au sauvage est caractéristique des pays de culture coloniale, comme l’Australie ou les États-Unis. Lorsque les colons sont arrivés, ils ont appelé « sauvage » et « vierge » des territoires qui ne l’étaient en fait pas tant que cela, mais qu’ils ont perçu comme tels. Leur vision teintée de créationnisme leur faisait dire « nous sommes l’Homme, nous sommes la culture, nous sommes la civilisation et nous nous opposons au sauvage, nous mettons le chaos en ordre ». Ainsi, le sauvage revêt deux visions caricaturales : soit il est pensé comme hostile, chaotique, devant être contrôlé, soit il est pensé comme positif, voire naïf, comme une virginité intacte, non souillée et dont il s’agirait de préserver l’innocence. Ce sont des représentations que les États-Unis ont beaucoup mondialisées du fait de son influence depuis 1945. Mais ça n’est pas du tout la vision qu’on en a en France, colonisée beaucoup plus tôt par Homo sapiens. Après la dernière glaciation, ils faisaient partie des premières espèces pionnières qui ont conquis les terres : les écosystèmes en France se sont donc élaborés précocement à leur contact. Il en est de même pour l’Afrique par exemple. L’assimilation de la nature au sauvage est une vision très récente, très romantique et très américaine et il faut toujours situer une vision dans son contexte. Et au lieu d’opposer de manière si binaire le sauvage et le domestique, on peut dessiner un continuum bien plus subtil en distinguant du plus artificiel au plus naturel, l’urbain, le rural, l’agricole, le forestier, le sauvage et enfin le « vierge » – les deux extrêmes étant l’exception, et cette catégorisation n’ayant rien de normatif.

 

 

Peut-on selon vous définir la nature selon les valeurs que l’être humain lui associe ?

 

La nature ne se définit pas forcément directement en termes de valeurs. En revanche, l’humanité va y trouver ou y projeter de la valeur, qui n’est sans doute pas présente de manière immanente. Il existe deux approches de ces valeurs. La première a eu beaucoup de succès à la fin du XXe siècle : elle s’articule autour de la notion de « valeur intrinsèque », c’est-à-dire qu’on attribue une valeur homogène à la nature dans son entièreté. Donc faire du mal à la nature ou à ses constituants est moralement répréhensible. Le problème, c’est qu’une fois qu’on a dit ça, on n’a rien dit. Parce que si toute la nature a de la valeur de manière égale, ça n’aide pas à faire des choix et à privilégier des modes d’action. La seconde approche propose de hiérarchiser ces valeurs, c’est-à-dire d’admettre que des choses ont plus de valeur que d’autres et de distinguer plusieurs types de valeurs.

 

 

 

L’IPBES DISTINGUE TROIS PRINCIPAUX TYPES DE VALEURS1

 

> Les valeurs instrumentales, qui indiquent si quelque chose a une valeur utilitaire avec un but précis.
Ex : le bois en tant que combustible ou matériau.

 

> Les valeurs relationnelles, qui découlent de l’importance du lien entre les individus ou les sociétés et les autres animaux ou aspects du monde vivant, ainsi qu’entre les individus eux-mêmes, reflétées par les institutions formelles et informelles. 
Ex : la valeur symbolique de l’aigle à tête blanche, emblème des Etats-Unis.

 

> Les valeurs intrinsèques, qqui représentent les valeurs indépendantes de toute expérience ou évaluation humaine. Ces valeurs sont vues comme une propriété inhérente de l’entité (par exemple, un organisme) et ne sont pas attribuées ou générées par des évaluateurs extérieurs (tels que les humains). Chaque être vivant est porteur et garant de sa propre valeur. 

 

 

Que pensez-vous de la typologie utilisée par l’Ipbes ?

 

Je pense que la valeur intrinsèque ne fait pas bon ménage avec les autres types de valeurs, instrumentales et relationnelles, qui sont variables et mesurables, alors que la valeur intrinsèque ne l’est pas, elle ne dialogue pas avec les autres. Dans le système que je voudrais proposer, je parle plutôt de valeur d’existence : c’est-à-dire de partir du principe que l’existence est préférable à la non-existence, la vie à la mort. Quand on n’a aucun intérêt économique ou utilitaire à éliminer un élément de la nature, que ce soit un individu, une espèce ou n’importe quoi d’autre, il est préférable moralement de ne pas le faire. Mais on finit toujours par devoir faire des compromis parce qu’il faut bien manger, se nourrir, se vêtir, se protéger, etc. Donc qu’est-ce qui justifie qu’on doive prendre la décision d’éliminer des éléments de la nature, en outrepassant cette valeur d’existence ? Qu’est-ce qui justifie de manger du rhinocéros plutôt que de la salade ?

 

D’un autre côté, la dichotomie entre valeurs instrumentales et non instrumentales s’applique mal à la nature. Elle est très moralisatrice. Car c’est moins le côté instrumental qui compte que l’effet de notre interaction. Quand je m’émerveille devant un récif coralien, c’est très instrumental – c’est d’ailleurs une industrie. L’important, c’est que je ne lui fasse pas de mal. Inversement, il y a des pratiques non instrumentales qui, par désintérêt, peuvent détruire la nature. Certains peuvent détruire la nature par simple négligence et déconsidération. Je pense donc que le couple destructeur / non destructeur (conséquentialiste) est plus pertinent dans notre rapport à la nature qu’une opposition morale du type instrumental/non (déontique), dont la nature se fiche bien.

 

 

L’absence de consensus concernant la définition de la notion de nature et les difficultés à identifier et à faire cohabiter ces multiples valeurs sont-elles un frein à la protection de la nature ?

 

Est-il souhaitable qu’on tombe tous d’accord ? La pluralité est importante. C’est ce qui fait évoluer une pensée ou ce qui amène à la préciser. On est face à un problème complexe, qui transcende les disciplines universitaires, il est normal que des gens avec des schémas de pensée différents se mettent autour de la table et débattent. Aujourd’hui, les enjeux et les outils de réflexion évoluent, donc il est nécessaire de réfléchir ensemble pour que la conservation de la nature s’améliore dans le temps. Il faut être capable de répondre aux questions « Qu’est-ce qu’on conserve ? », « Au nom de quoi ? » et « Dans quel objectif ? ». Si je dispose de 100 000 euros pour la conservation de la nature, est-ce que je les donne à une association pour la protection du rhinocéros blanc ? Est-ce que je dois l’investir dans la recherche en écologie fonctionnelle ? Est-ce que je dois plutôt acheter une forêt et planter des arbres ? Financer un parti politique ? Tous ces choix reposent sur différentes valeurs. Dans ce sens, il est très important de dégager des méthodes d’identification et d’évaluation des valeurs de la nature, comme tente de le faire l’Ipbes.

 

 

Quelle méthode adopter : essayer de redéfinir la nature dans une vision partagée qui tenterait d’englober un maximum de valeurs, ou plutôt considérer chaque conception de la nature de manière contextuelle, en tenant compte du territoire et de la culture ?

 

Les deux. Redéfinir le concept de nature implique aussi de l’ouvrir et l’analyser pour voir ce qu’il y a dedans. D’un point de vue sémantique, on peut isoler au moins quatre composants de la nature. C’est d’abord une productrice de ressources qu’il faut veiller à renouveler durablement. C’est aussi un écosystème : un ensemble d’espèces qui partagent un milieu et entretiennent des interactions complexes. Mais c’est aussi un patrimoine : on a le jardin des Plantes, le bocage normand, les bords de Loire, etc., qu’il s’agit de conserver et de transmettre. Et enfin il y a la nature comme biosphère, c’est-à-dire comme planète prise dans son ensemble avec son climat et ses nombreux autres paramètres, dont d’infimes variations peuvent nous éradiquer rapidement. Tous ces composants doivent entrer en compte dans la conservation de la nature. Mais parfois, on voit apparaître des controverses de « spécialistes ». Pour caricaturer, penser la conservation en tant que physicien, c’est peut-être irriguer le Sahara et planter des eucalyptus transgéniques sur des millions de kilomètres pour stocker du carbone, et hop ! On a conservé la nature. Mais des biologistes verraient peut-être cela comme une hérésie. C’est notamment pour cela qu’a été créé l’Ipbes, qui se veut être un Giec de la biodiversité, mais animé par des biologistes. Pour inclure cette dimension de biologie et de biodiversité dans la conservation de la nature même à grande échelle.

 

 

Comment la science peut-elle intégrer les savoirs locaux à la réflexion scientifique sur la nature ?

 

Que la science globale prenne en compte toute la multiplicité des savoirs locaux est une nécessité. Mais je me méfie de la mise dos à dos de la science moderne et des connaissances et savoirs locaux. La science moderne s’est nourrie, historiquement, d’une multitude d’éléments issus du monde entier : elle n’est pas, comme on l’entend parfois chez certains relativistes, une vulgaire ethnoscience européenne. La science a toujours cherché à intégrer un maximum de savoirs et à sélectionner les plus satisfaisants sur des bases rationnelles. La science moderne doit sans doute plus à la Chine ou au monde arabe qu’au Portugal ou à la Slovaquie : elle s’est concentrée en Europe à certaines périodes, mais ce n’est plus du tout le cas. Le but est donc d’assurer la participation de tous les savoirs du monde à cette science : pour la pharmacie, par exemple, l’ethnobotanique est d’une importance capitale. D’autre part, les cultures locales, elles, se doivent d’être prises en compte dans les formes et buts que se fixe la conservation de la nature dans ses réalisations locales.

 

 

Quelle est la prochaine étape ?

 

Ce qui compte avant tout aujourd’hui ce sont des outils intellectuels pour l’action. L’Ipbes a le mérite de s’inscrire dans cette démarche. Ça fait 3 000 ans qu’on réfléchit de manière spéculative à la philosophie de la nature, mais aujourd’hui, elle doit s’inscrire dans une action avec des objectifs qu’il va falloir définir, questionner et justifier.

 

 

 

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1         Preliminary guide regarding diverse conceptualization of multiple values of nature and its benefits, including biodiversity and ecosystem functions and services, 2015, IPBES/4/INF/13 

 

[Podcast] “En espèces, s’il vous plaît !” – Et si on se questionnait sur les différents regards portés sur la nature ? (Épisode 1)

Dans le cadre de sa campagne sur les thèmes des prochains rapports Ipbes, la Fondation pour la recherche sur la biodiversité propose son nouveau podcast “En espèces, s’il vous plaît !”. De la chasse à l’économie en passant par l’éducation, ce nouveau format donne la parole à des acteurs de la société et met en relief leurs discours et considérations par l’expertise d’un chercheur.

 

En espèces, s’il vous plaît !, un dialogue science-société où chacun partage ses enjeux et problématiques. 

 

Ce premier épisode de « En espèces s’il vous plaît ! » propose de questionner les différents regards portés sur la nature. Trois acteurs de la société, membres de l’Assemblée des parties prenantes de la Fondation, et une philosophe du CNRS ont été invité à répondre à une série de questions.

 

 

Fondation pour la recherche sur la biodiversité · Podcast – En espèces, s’il vous plaît ! Épisode 1

 

Les invitées : 

 

  • Sita Narayanan, directrice de l’Aménagement et du développement durable au Grand port maritime de Guadeloupe, chargé de la gestion des installations, des infrastructures et de espaces naturels de sa circonscription.

 

  • Marika Dumeunier, directrice du pôle national de Noé, une association fondée en 2001 spécialisée dans la protection de la nature, en France et à l’international.

 

  • Hélène Leriche, responsable Biodiversité et économie à l’association Orée, une association multi-acteurs travaillant depuis 1992 sur les questions de développement durable.

 

  • Virginie Maris, philosophe de l’environnement au CNRS. Ses travaux portent notamment sur l’épistémologie de l’écologie et des sciences de la conservation, l’éthique environnementale et la philosophie des politiques environnementales.

 

Aménagement urbain et évaluation des services écosystémiques en Île-de-France : le projet Idefese

L’approche par services écosystémiques peut se révéler très intéressante pour la prise en compte de la biodiversité dans les évaluations socio-environnementales et dans les documents d’aménagement, en ce qu’elle peut être plus facilement appropriable par des acteurs peu sensibilisés aux enjeux de préservation de la biodiversité et des écosystèmes. Disposer d’indicateurs de services écosystémiques à l’échelle des territoires permettrait d’améliorer l’évaluation des décisions d’aménagement, en particulier si ces indicateurs sont cartographiés sur le territoire à des échelles fines (ex. échelle communale ou départementale par exemple).

 

C’est l’objet du projet Idefese conduit entre 2018 et 2020 dans la région Île-de-France (cas d’étude pilote), qui vise à proposer aux acteurs de l’aménagement urbain (services déconcentrés de l’État, de collectivités locales ainsi que des aménageurs, associations, bureaux d’étude, etc.) des méthodes d’évaluation pour une meilleur intégration des services écosystémiques dans leurs politiques publiques d’aménagement.

 

Découvrez l’article complet dans les ressources téléchargeables.

Réintroduction d’espèces sauvages et bénéfices pour les territoires : l’exemple de la réintroduction des vautours fauves dans les parcs naturels régionaux du Vercors et des Baronnies provençales

L’érosion de la biodiversité est dans certains territoires un enjeu majeur en raison de la disparition d’espèces de faune sauvage remplissant des fonctions écologiques clés. Diverses solutions peuvent être envisagées pour enrayer cette érosion et restaurer les fonctions écologiques des écosystèmes. Parmi ces solutions, les réintroductions et les renforcements de populations d’espèces de faune sauvage peuvent s’avérer particulièrement pertinentes. Longtemps perçues comme des actions ayant pour unique objectif l’amélioration de l’état de conservation de certaines espèces, elles peuvent avoir bien d’autres avantages pour les territoires.

 

En France, les premières actions de réintroductions et de renforcements de populations d’espèces de faune sauvage ont été mises en place durant le 20e siècle afin de reconstituer des populations d’espèces disparues ou pour renforcer celles en mauvais état de conservation. Les premières réintroductions de bouquetins dans les Alpes datent par exemple de 1910. Depuis, castors, tortues cistude, ours bruns ou encore différentes espèces de vautours ont été concernés par ces programmes. Les vautours fauves, par exemple, ont subi une période d’intenses pressions qui a conduit à leur disparition du sol français à la fin du 19e siècle. Dans les années 1970, dans le Massif Central, puis dès 1996 dans les Alpes, les premiers succès écologiques de réintroduction de ces oiseaux sont intervenus dans des paysages écologiques marqués par l’exode rural, la déprise agricole1, le retour de la forêt, la multiplication des grands herbivores et le retour des grands prédateurs.

 

Dans le cadre de l’Évaluation française des écosystèmes et services écosystémiques (Efese), qui vise à développer les outils d’évaluation nécessaires pour accompagner la transition écologique de la société française, l’amélioration des relations entre les populations et la faune sauvage au sein des territoires représente en enjeu crucial pour la transition écologique. Ainsi, en avril 2021, une étude2 de l’Efese s’est intéressée aux fonctions écologiques et services écosystémiques liés à la réintroduction des vautours fauves3 dans les parcs naturels régionaux (PNR) du Vercors et des Baronnies provençales. Cette étude propose en particulier une méthode d’évaluation destinée à aider les gestionnaires d’espaces naturels à identifier des pistes et des leviers d’action pour préserver la biodiversité en passant par la mise en valeur écologique, économique, sociale et culturelle des espèces. Pour ce faire, la méthode d’évaluation utilisée dans l’étude s’appuie sur un retour d’expérience de près de 25 ans du projet de réintroduction du vautour fauve dans ces deux parcs naturels régionaux.

 

Cet article présente les principaux résultats de l’étude Efese. Les différentes analyses ont été réalisées à partir de données récoltées dans la zone d’étude “Baronnies-Vercors”, soit une centaine de communes principalement de la Drôme, des Hautes-Alpes et de l’Isère. Cet ensemble forme un territoire de moyenne montagne (entre 234 m et 2 341 m d’altitude) d’environ 2 500 km2, dont la population de vautours fauves est estimée à 1 000 individus en vol en 2018.

 

1/ Bref aperçu de l’écologie du vautour fauve

 

En métropole, quatre espèces de vautours cohabitent : le vautour fauve (Gyps fulvus), le vautour moine (Aegypius monachus), le vautour percnoptère (Neophron percnopterus) et le gypaète barbu (Gypaetus barbatus). Les quatre espèces de vautour sont spécialisées dans la consommation de cadavres d’animaux qu’ils soient sauvages ou issus de bétail d’élevage. Ils constituent à eux quatre une guilde de rapaces nécrophages et se nourrissent uniquement d’animaux morts. Chaque espèce est spécialisée dans la consommation d’une partie bien particulière du cadavre.

Le vautour fauve se nourrit des muscles et viscères, le moine consomme les tendons, cartilages et peaux, le gypaète quasi-exclusivement les os et enfin, le percnoptère grappille les restes. Lors d’une “curée” (terme désignant le moment où les vautours se nourrissent d’un cadavre), des dizaines de vautours fauves éliminent en quelques minutes un cadavre de brebis et en quelques heures celui d’une vache. Un vautour fauve adulte consomme en moyenne 200 kg de cadavres par an.

 

Source : Rapport Efese sur la réintroduction des vautours dans les parcs naturels régionaux du Vercors et des Baronnies provençales, p.38.

 

Changement d’usage des terres et des mers

Les modes de production et de consommation pour répondre à cette demande entraînent des changements d’utilisation des terres et des mers, c’est à dire des changements d’occupation et d’utilisation des sols et des ressources, liés aux activités humaines. Le changement d’usage des terres est reconnu comme la cause première d’érosion de la biodiversité sur la planète.

 

 

Solutions climat : attention aux impacts sur la biodiversité

Les mesures prises pour l’atténuation du changement climatique doivent être évaluées en fonction de leurs avantages et de leurs risques globaux et non pas seulement selon leur bilan carbone. Les solutions examinées ci-dessous peuvent toutes entrer en concurrence avec le maintien des espaces naturels (par la rupture des continuités écologique ou la perte des habitats) et pour certaines, avec la production alimentaire (par exemple par l’intensification non durable de l’agriculture sur les espaces agricoles restants) et la santé humaine (par la pollution qu’elles génèrent).

 

Les évaluations d’impact environnemental de ces projets d’aménagement ou de construction d’infrastructure doivent donc mieux intégrer la biodiversité et notamment les impacts sur les espèces migratrices et leur participation à la fragmentation des habitats. Elles doivent aussi intégrer des évaluations de leur impacts sociaux comme les conflits d’usage des terres. Les mesures qui reposent sur le vent, l’eau, les plantes, mais qui présentent des impacts importants sur la biodiversité ne peuvent être qualifiée de solutions fondées sur la nature, car ces dernières doivent minimiser leurs impacts négatifs sur la biodiversité.

 

Les mesures destinées à faciliter l’adaptation au changement climatique peuvent, dans la pratique, être inadaptées et entraîner des conséquences préjudiciables et imprévues pour la biodiversité. Par exemple, l’augmentation de la capacité d’irrigation est une stratégie courante pour renforcer la capacité d’adaptation de l’agriculture au climat, mais elle présente des risques considérables pour la biodiversité des eaux douces et les populations, notamment la salinisation des sols à long terme, la baisse des niveaux d’eau et des conflits d’utilisation de l’eau1.

 

Les cultures génétiquement modifiées, qui sont plus tolérantes à la chaleur et au stress hydrique, ainsi que les cultures qui utilisent l’eau plus efficacement sont des solutions technologiques couramment proposées pour l’adaptation au changement climatique. Cependant ce type de culture présentent un large éventail de risques environnementaux. Elles ne sont déployées que pour quelques espèces, caractères, et donc leur déploiement à large échelle est porteur d’uniformisation. Par ailleurs, les gènes des cultures OGM résistantes à la sécheresse pourraient se propager aux espèces sauvages apparentées, altérant leur capacité compétitive et ayant ainsi un impact sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes2. 

 

 

ZOOM SUR :
BIODIVERSITE ET TRANSISTION ENERGETIQUE, DES LIAISONS DANGEREUSES

 

L’énergie nucléaire constitue un important contributeur mondial à une électricité à faible teneur en carbone, en particulier dans son utilisation comme substitut direct du charbon. Seule l’hydroélectricité apparaît plus efficiente que l’énergie nucléaire, mais elle dépend géographiquement de la présence de cours d’eau3. La plus importante préoccupation environnementale, néanmoins, concernant l’énergie nucléaire est d’une part le risque d’accidents à fortes conséquences, longues, même si leur fréquence estimée est très faible -mais non nulle-, et d‘autre part la production de déchets à longue durée de vie dont l’élimination est aujourd’hui impossible. Ces deux dangers doivent être traités pour que la filière nucléaire soit une alternative crédible aux autres sources d’énergies. 

 

>> Pour aller plus loin : 

Journée FRB 2017 – Biodiversité et transition énergétique – Enquêtes sur des liaisons dangereuses 

#ScienceDurable – Liens entre énergies renouvelables et biodiversité

#ScienceDurable – Énergie renouvelable et biodiversité : les implications pour parvenir à une économie verte

 

 

Les solutions fondées sur la nature : comment optimiser les politiques climat et biodiversité ?

>> Pour aller plus loin :

Note du CS – Avis du Conseil scientifique de la FRB sur les « solutions fondées sur la nature »

 

 

SFN

Les Solutions fondées sur la nature représentent un concept englobant
diverses approches fondées sur les écosystèmes2.

 

 

Les solutions fondées sur la nature peuvent être distinguées selon la typologie suivante :

  • Intervention nulle ou minimale dans les écosystèmes, avec pour objectif de maintenir ou d’améliorer le bénéfice tiré des services écosystémiques.
  • Gestion durable des écosystèmes et des paysages pour optimiser de manière ciblée certains services écosystémiques.
  • Gestion des écosystèmes de manière très intrusive ou création de nouveaux écosystèmes pour maximiser certains services écosystémiques.

 

 

 

FRB_Figure_solutions_fondées_sur_la_nature

Figure : Représentation schématique des différentes approches
dans les solutions fondées sur la nature3.

 

 

Trois grands types de solutions sont définis, selon le niveau d’ingénierie ou de gestion appliqués à la biodiversité et aux écosystèmes (axe horizontal), et le nombre de services fournis, de groupes d’acteurs ciblés et le niveau probable de maximisation des services ciblés fournis (axes verticaux). Des exemples de solutions fondées sur la nature sont fournis pour les différents types. Les étiquettes des axes sont interchangeables : il ne faut pas voir le type 3 comme “meilleur” que le type 1. Les trois types sont complémentaires.

 

 

Biodiversa+, le réseau européen de financement de la recherche sur la biodiversité et les solutions fondées sur la nature, est impliqué dans le développement de NetworkNature, une plateforme européenne et mondiale qui permet à toutes les parties intéressées d’accéder et de contribuer à des connaissances et à des compétences de pointe et innovantes sur les solutions fondées sur la nature. Biodiversa+ finance également des projets de recherche sur ces thématiques. 4 exemples sont proposés ci-dessous. 

 

 

D’après les exemples présentés ci-dessous, nous constatons que de nombreux exemples d’actions destinées à arrêter, ralentir ou inverser la perte de biodiversité peuvent simultanément ralentir de manière significative le changement climatique anthropique. Toutefois, il existe des exceptions importantes à une relation positive entre la préservation de la biodiversité et l’atténuation du climat. Par exemple, il a été démontré que la réduction de la fréquence des incendies de forêt, peut réduire considérablement la biodiversité en raison de la dépendance de nombreuses espèces sauvages à ce type de perturbations cycliques. La réintroduction d’espèces animales clés dans le cadre des efforts de ré-ensauvagement peut également réduire les stocks de carbone par une augmentation de la prédation ou du pâturage.

La conservation sur des espaces surdimensionnés et le déclin de la faune sauvage et du tourisme dans les savanes d’Afrique centrale

Lorsqu’en 2010, les gouvernements du monde se sont engagés à augmenter la couverture des aires protégées à 17% de la surface terrestre mondiale, plusieurs pays d’Afrique centrale avaient déjà instauré la protection de 25% de leurs savanes à des fins de conservation. Pour évaluer l’efficacité de ces outils, des chercheurs du projet Afrobiodrivers, financés par la FRB au sein de son centre de synthèse, ont analysé les résultats de 68 enquêtes menées dans les sept principaux parcs nationaux de savane d’Afrique centrale (1960-2017) ainsi que les informations sur les pressions potentielles impactant la population de grands herbivores (pluviométrie, nombre de gardes) et sur le nombre et les revenus des touristes. Dans six des sept parcs, les populations sauvages de grands herbivores ont considérablement diminué au fil du temps, parallèlement, le nombre de têtes de bétail a augmenté, et le tourisme, le pilier d’une industrie faunique locale autrefois florissante, s’est effondré. Le parc national Zakouma (Tchad) s’est démarqué parce que ses grandes populations d’herbivores ont augmenté, une augmentation qui est positivement corrélée avec les précipitations et le nombre de gardes, démontré ici comme un indicateur de conservation pertinent.

 

Avec la baisse des revenus et l’insécurité croissante, les gouvernements ont trop peu de ressources pour protéger les vastes zones que représentent les parcs et faire respecter les limites des zones protégées. “Les gouvernements de ces pays sont débordés et essaient de faire plus que ce qu’ils peuvent faire”, a déclaré Paul Scholte, auteur principal de l’étude et directeur du programme Gouvernance et gestion durable des ressources naturelles à Comoé et Taï, deux parcs nationaux de Côte d’Ivoire. “Et la réalité est que l’augmentation des zones sous conservation, en Afrique centrale, pousse les pays à assumer plus qu’ils ne peuvent assumer, alors que la communauté internationale ne leur a pas donné les ressources nécessaires pour s’aligner sur les réalités du terrain.

 

La prochaine convention sur la diversité biologique prévue en avril 2022 suggère d’augmenter les zones de conservation pour couvrir 30 % de la surface terrestre de la planète. « L’objectif est noble », a déclaré M. Scholte, « mais sans financement pour soutenir ces objectifs, la plupart des pays à faible revenu ne pourraient pas réussir ».  Pour faire face au dilemme que représente l’expansion des aires protégées et la baisse des moyens de gestion, les auteurs proposent d’augmenter les financements, d’améliorer la gestion et de concentrer les actions sur des zones plus petites pour sauver la faune dans les savanes d’Afrique centrale. « Il ne s’agit pas de doubler ou de tripler le financement pour qu’il soit efficace. Il faudrait 10, 15 ou même 20 fois plus de fonds par an pour les budgets de ces parcs. », d’après Paul Scholte. “C’est énorme, et nous savons tous que ce n’est pas réaliste. Donc, nous disons que nous devrions en prendre conscience, le reconnaître, et concentrer ces ressources limitées sur des zones qui sont viables et qui pourraient avoir un plus grand effet sur la conservation des populations de grands herbivores en Afrique centrale ».

 

 

Retrouver l’interview complet de Paul Scholte en anglais

 

 

La synthèse est disponible dans les ressources téléchargeables.

Le paradoxe de la productivité : la productivité agricole favorise l’inefficacité du système alimentaire

Depuis la reconstruction économique qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, l’objectif principal de la politique alimentaire a été d’augmenter la productivité agricole et de libéraliser des marchés permettant aujourd’hui un commerce mondialisé. Cette orientation a conduit à une croissance significative de l’offre de produits agricoles, à davantage de calories disponibles et à une baisse des prix.

 

Dans cet article, les auteurs émettent l’hypothèse que la recherche de la seule productivité agricole encourage l’externalisation des coûts sur la santé et l’environnement et, au lieu de fournir des biens publics, représente sans doute une défaillance du marché. Par exemple, la disponibilité de calories moins chères génère des régimes alimentaires créant de l’obésité, et la concurrence mondiale favorise les producteurs qui peuvent produire le plus à moindre coût, généralement avec des dommages environnementaux. Les auteurs proposent alors de recentrer la productivité et l’efficacité globales du système alimentaire sur le nombre de personnes qui peuvent être nourries sainement et durablement par unité d’intrant et non plus sur les seuls rendements.

Mettre l’accent sur l’efficacité globale du système alimentaire offre un moyen clair de réduire les défaillances du marché, d’améliorer santé et durabilité.

La régénération naturelle des paysages arborés : la meilleure stratégie pour lutter contre le changement climatique et restaurer les écosystèmes ?

Malgré les gros titres et les sommes importantes consacrées aux projets de plantation massive d’arbres qui promettent de lutter contre la désertification, la méthode la plus efficace consiste peut-être à créer un environnement facilitant arrivée, germination et essor des arbres indigènes.

En effet, les principaux succès en termes de plantation d’arbres sont observés dans les plantations commerciales pour la récolte du bois, et non pour la restauration des terres dégradées. Les grands et coûteux projets de plantation d’arbres en vue de la restauration des terres se poursuivent cependant, alors que l’idée de régénérer naturellement des arbres qui sont pris en charge par les communautés locales est peu développée car trop peu de gens connaissent son histoire et ses réussites.

 

Au travers de cette synthèse (téléchargeable dans les ressources ci-dessous) d’un article scientifique, découvrez l’histoire de cette méthode, les réussites permises et les évolutions en cours dans les pratiques et financements internationaux.

Changement climatique et lacs – La synthèse de données pour mieux comprendre les impacts des tempêtes sur la température des lacs

Les lacs jouent un rôle central dans nos sociétés et offrent de nombreux services à l’Homme, appelés « services écosystémiques », comme l’approvisionnement en eau douce et en nourriture, le maintien d’habitats pour la biodiversité, les transports ou encore les loisirs. Cependant, bien que nous dépendions fortement de ces services, nous ne savons pas aujourd’hui à quel point les lacs peuvent être affectés par le changement climatique et l’intensification des phénomènes météorologiques qui en découle. Alors que l’on sait que les tempêtes affectent l’écologie des lacs et leur biodiversité, l’enjeu est d’en découvrir les mécanismes.

 

Co-financé par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) au sein de son Centre de synthèse et d’analyse sur la biodiversité (Cesab) et par le centre d’analyse et de synthèse John Wesley Powell de l’U.S. Geological Survey, le projet de recherche Geisha a permis de réunir une équipe de 39 scientifiques de 20 pays différents pour mettre en commun leurs données et ainsi étudier les effets des tempêtes sur le phytoplancton des lacs et les caractéristiques de son habitat tels que la température, les nutriments et la lumière. Après avoir alerté dès mars 2020 sur les conséquences du manque de connaissance des impacts des tempêtes sur les lacs (voir le communiqué de presse « Ce que nous ne savons pas (sur les lacs) pourrait nous nuire »), les chercheurs travaillent désormais sur l’étude de différents paramètres.

 

Publiée quelques semaines avant la 26e Cop Climat, leur dernière étude révèle que les fortes tempêtes ne provoquent pas de changements drastiques des températures comme on pouvait l’imaginer. En effet, l’équipe a examiné l’impact des tempêtes sur la température de 18 lacs dans 11 pays en utilisant des données météorologiques, des données hautes fréquences (plusieurs sur une même journée), mesurée à différentes profondeurs de la colonne d’eau et a montré que les tempêtes ne provoquent pas de refroidissements des lacs. Les changements de température de l’eau sont même parfois plus extrêmes au sein d’une même journée entre le jour et la nuit que lors d’une tempête.

 

Une tempête sur le lac Supérieur (Amérique du nord). Crédit photo : Jessica Wesolek, Centre de recherche et d’éducation sur l’eau douce de l’Université d’État du lac Supérieur.

 

“Dans les lacs, les changements de température induits par les tempêtes étant globalement minimes, les tempêtes impacteraient les animaux et plantes au travers de la modification d’autres paramètres sensibles aux tempêtes, comme par exemple la lumière ou les concentrations en nutriments. », a déclaré Jonathan Doubek, professeur adjoint à la Lake Superior State University, et ancien post-doctorant du groupe de recherche Geisha. L’impact des tempêtes sur la biodiversité des lacs pourrait donc probablement être dû à la modification d’autres paramètres déterminants pour la croissance et la reproduction des organismes y vivant ou y séjournant. Ces résultats représentent un progrès concret dans la compréhension de la façon dont les lacs sont impactés par les tempêtes.

 

“L’étude du professeur Doubek souligne l’utilité de partager et combiner des données : nous avons pu découvrir que l’effet des tempêtes sur les températures des lacs n’est peut-être pas aussi fort que nous le pensions auparavant”, a déclaré Jason Stockwell, professeur et directeur du Rubenstein Ecosystem Science Laboratory de l’université du Vermont et un des porteurs du projet Geisha. “Le pouvoir du travail d’équipe collaboratif mondial pour mettre en commun les données et les idées nous permet de mieux comprendre comment notre planète fonctionne et pourrait fonctionner à l’avenir, poursuit-il. Nous avons besoin de ces informations pour protéger les écosystèmes et la santé humaine”.

 

En effet, avec la crise majeure que traverse la biodiversité, le besoin de synthèse des données scientifiques en écologie n’a jamais été aussi fort. Mises en commun, ces données existantes peuvent alimenter des problématiques inédites, faire avancer significativement les fronts de connaissances et fournir des recommandations pour les décideurs. Depuis sa création en 2010, le Centre de synthèse et d’analyse sur la biodiversité (Cesab) de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) permet la collecte et la mise en commun de jeux de données déjà existants dans le domaine de la biodiversité et l’élaboration de méthodes statistiques complexes pour proposer un état des lieux de la biodiversité et en modéliser le devenir. Situé à Montpellier, le Cesab propose un environnement de travail idéal en offrant des conditions propices à la production scientifique et est au cœur d’une des communautés scientifiques les plus dynamiques au monde en écologie (l’université de Montpellier a été classée première université mondiale dans le classement de Shanghai en écologie en 2018 et en 2019).

Qu’est-ce qu’une mesure levier ? Éléments de réflexion

Tenant compte des expériences passées, d’une analyse systémique des relations nature-société, dans toute leur complexité, les voies de succès devraient impliquer des mesures et instruments dits « leviers », car ayant des effets systémiques, aux diverses échelles, locale, régionale et mondiale. Qu’elles soient prises par l’état, le monde économique ou la société civile, ces mesures exigeront des compromis en termes de développement pour certains secteurs, économiques ou non, mais pourront aussi présenter des synergies, lorsque certaines actions présentent des avantages pour de multiples objectifs ou secteurs – synergies qu’il conviendra d’identifier et de favoriser.

 

Afin que les mesures dites « levier » permettent de réaliser un changement dit transformateur (ou profond) identifié par l’Ipbes comme unique voie pour atteindre les objectifs de conservation et d’utilisation durable de la nature et parvenir à la durabilité, il faut garantir une dimension systémique à ce type de mesures.

 

Retrouver la note complète dans les ressources téléchargeables.

L’évolution darwinienne, la biodiversité et les humains

Sélection artificielle pour augmenter la productivité agricole, surexploitation des ressources altérant la morphologie et les cycles de vie des espèces exploitées, invasions biologiques favorisées par l’accroissement des activités humaines, nouvelles pressions de sélection liées à l’anthropisation des milieux, fragmentation des populations, etc. : l’action de l’Homme peut altérer, de manière maitrisée ou non, l’évolution darwinienne des organismes vivants. 

 

Trop peu rappelé lorsque l’on parle de préservation de la biodiversité, la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) vous propose ce cahier thématique sur l’évolution darwinienne. Consultable dans les ressources ci-dessous, ce document est le fruit du travail du Club recherche-action de la FRB sur les Impacts évolutifs des activités anthropiques

Fronts de sciences 2021

Face au déclin accéléré de la biodiversité, où en est la recherche sur la biodiversité ? Quels sont ses avancées et les obstacles rencontrés ? Y a-t-il des domaines qui n’ont encore jamais été explorés ? En 2021, le Conseil scientifique de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) met en lumière des évolutions de la recherche sur la biodiversité et propose un aperçu de sujets en plein développement ou d’enjeux appelant de nouvelles connaissances. Cette nouvelle édition des Fronts de sciences offre ainsi un éclairage sur l’actualité de la recherche sur la biodiversité pour un public non spécialiste.

 

La pandémie mondiale à laquelle nous faisons face depuis début 2020 a de ce fait particulièrement influer sur cette édition des Fronts de science. Si certains des sujets choisis s’inscrivent clairement dans ce type d’enjeux et débats de société, d’autres relèvent néanmoins de problématiques conceptuelles et méthodologiques de nature plus fondamentale.

 

Les Fronts de sciences 2021 sont disponibles dans les ressources téléchargeables. 

Les loups rendent les routes plus sûres, ce qui génère d’importants bénéfices économiques pour la conservation des prédateurs

Alors que les effets écologiques en cascade résultant de la suppression et de la réintroduction de prédateurs dans un paysage sont de mieux en mieux connus, on sait peu de choses des impacts sur les vies humaines ou les biens matériels.

 

Cette étude quantifie les effets de la restauration des populations de loups en évaluant leur influence sur les collisions entre les cerfs et les véhicules dans le Wisconsin. Elle montre que, pour un comté moyen, l’arrivée des loups a réduit de 24 % les collisions entre cerfs et véhicules. Un bénéfice économique 63 fois supérieur aux coûts de la prédation sur le bétail par les loups. Ces résultats s’expliquent principalement par une modification du comportement des cerfs plutôt qu’à un déclin de leur population dû à la prédation par les loups. Ce constat corrobore les recherches écologiques qui soulignent le rôle des prédateurs dans la création d’un ” paysage de la peur “.

 

Dans cette étude, l’équipe de recherche suggère que les loups atténuent plus les préjudices économiques causés par la surabondance de cerfs que les chasseurs. Les auteurs proposent deux mécanismes, les changements de comportement des proies et la diminution de l’abondance des proies et concluent que la chasse est moins efficace que les loups pour réduire les collisions.

 

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La taxation des forêts européennes : approche comparative

Par ailleurs, la Commission européenne a adopté le 16 juillet 2021 une nouvelle stratégie forestière pour l’Europe qui s’appuie sur la stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030. 

 

Dans ce cadre, la Fondation pour la recherche sur la biodiversité a conduit un travail d’analyse comparée des statuts fiscaux de la forêt en fonction des États membres de l’Union européenne. La note présentée ici met en évidence que les forêts françaises sont d’avantage taxées que le reste des forêts européennes et que certaines règles fiscales portent préjudice à la biodiversité forestière.

 

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Le meilleur du virtuel et du présentiel pour permettre aux centres de synthèses de relever les défis liés à l’érosion de la biodiversité

En novembre 2020, un édito publié dans Nature Ecology and Evolution, « Online meetings for the win », suggère un changement des mentalités dans l’organisation des interactions dans le monde de la recherche vers encore plus de virtuel. En effet, en raison de la pandémie de Covid-19, les instituts, laboratoires et programmes de recherches ont dû s’adapter rapidement. Particulièrement concernés, les centres de synthèse – dont le Centre de synthèse et d’analyse sur la biodiversité (Cesab) de la FRB – ont dû proposer aux groupes, constitués de chercheurs de toutes nationalités, des réunions entièrement virtuelles. Malgré des bénéfices à ces réunions en distanciel, notamment en matière de bilan carbone, les directeurs de plusieurs centres de synthèses internationaux alertent : bien que ces réunions virtuelles aient permis à l’activité scientifique de continuer pendant la pandémie, elles ne peuvent toutefois pas remplacer les réunions en présentiel.

 

Avec la crise majeure que traverse la biodiversité, le besoin de synthèse des données scientifiques en écologie n’a jamais été aussi fort. Le travail sans précédent, entamé par les experts internationaux au sein de l’Ipbes, visant à évaluer l’état actuel de la biodiversité et de sa contribution aux sociétés humaines, se base sur des études déjà publiées dans des journaux scientifiques et des bases de données déjà constituées. Les centres de synthèses sont parmi les acteurs principaux de cette dynamique puisqu’ils permettent à des groupes de chercheurs internationaux de se réunir pour synthétiser les connaissances et données sur la biodiversité. Ces réunions de travail permettent non seulement de produire des synthèses de résultats existants, mais ils sont aussi des lieux de créations de nouvelles idées et/ou méthodes.

 

Dans ces centres, la dynamique typique d’un groupe de travail implique des interactions productives et variées pendant douze heures par jour et jusqu’à cinq jours consécutifs, alors que les sessions virtuelles perdent de leur efficacité après quelques heures, les participants se fatiguant de devoir fixer un écran. Si les réunions virtuelles peuvent fonctionner pour des tâches courtes et bien délimitées, elles sont moins adaptées aux discussions non structurées et libres – et ont donc du mal à créer la cohésion sociale nécessaire aux percées créatives. Finalement, ce que la crise Covid-19 a révélé le plus, notent les directeurs de centre, c’est que la créativité en recherche est liée autant (si ce n’est plus) aux interactions sociales entre chercheurs qu’à leur qualités scientifiques intrinsèques. 

 

La transition entre les réunions en présentiel et celles entièrement virtuelles a été brutale. En revanche, les centres de synthèses envisagent maintenant une transition inverse progressive vers un retour à la collaboration en personne, à mesure que les mesures de santé publique vont s’assouplir et que les voyages redeviendront possibles. Des modèles hybrides de collaboration peuvent combler le fossé qui sépare les réunions en présentiel et, en fin de compte, favoriser une plus grande productivité dans un avenir post-pandémique. Bien que certains de ces modèles soient déjà encouragés par les centres de synthèse, une généralisation permettra d’aider au développement de nouveaux projets, et de renforcer la collaboration entre les centres de recherche, l’évaluation collective et l’émergence de nouveaux types d’appels à projets transnationaux, etc.

 

Figure_Srivastava (2021)

 Figure : Un example de modèle hybride de collaboration : les équipes de recherche de chaque région se réunissent simultanément en présentiel et ces “centres régionaux” se coordonnent également virtuellement entre eux. © 2021, Springer Nature Limited

 

Cette approche, combinant le meilleur du virtuel et du présentiel, pourrait à terme évoluer vers un modèle permettant de surmonter les limites de financement, d’accroître l’intégration mondiale de la recherche tout en contribuant à réduire les émissions de carbone liées aux déplacements des chercheurs ; et ceci en maintenant le potentiel de promotion de l’intelligence collective que sont les centres de synthèse. Ainsi, en tirant parti du meilleur des deux mondes (présentiel et virtuel), les directeurs des centres de synthèse font le pari de pouvoir sortir renforcés de cette crise.

Quels choix en contexte de crise environnementale ?

Le fossé ne vient pas seulement d’un problème de conflits de valeurs ou de croyances contradictoires, il émane aussi d’un problème d’absence de solutions opérationnelles (ou d’absence de connaissance de ces solutions par les décideurs).

 

Appréhender la complexité des problèmes et la façon dont les décisions sont prises est essentiel pour avoir une chance de résoudre la crise environnementale. Pour ce faire, les auteurs de l’étude présentent une nouvelle approche qui permet de comprendre les positions irrationnelles dans le débat sur l’environnement, et d’analyser s’il s’agit d’un problème d’informations, de croyances, de valeurs ou de moyens pour ouvrir la porte à un dialogue plus constructif.

 

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Le putois, ce grand inconnu

Sa mauvaise réputation le précède. On l’accuse de sentir mauvais, de « crier fort », et plus récemment de sexisme au travers du personnage de Pepe le Putois. Et pourtant du putois, puisqu’il s’agit de lui, on ne connait rien ou presque. C’est le constat fait par le chercheur Sébastien Devillard et son équipe qui ont reçu la bourse Barbault et Weber « Ecologie Impliquée » 2021 pour combler ce manque de connaissance : « Le putois est une espèce difficile à observer et à étudier car c’est un animal cryptique1 et nocturne qui vit en faible densité sur des territoires où mâles et femelles ne se croisent qu’à l’occasion de la reproduction », précise le chercheur.

 

 

La fiche d’identité du putois est donc assez sommaire. À l’âge adulte, ce petit mustélidé pèse entre 600 grammes et 1,5 kg, a le régime alimentaire d’un omnivore majoritairement carné et vit dans des milieux ouverts et boisés, souvent à proximité de zones humides. « Or ce que l’on constate, poursuit Sébastien Devillard, c’est que depuis 30 ou 40 ans, les zones humides et les ripisylves2, qui sont leur habitat de prédilection, se dégradent de façon continue. Il y a fort à parier que cela a impacté et impacte encore les populations de cette espèce. »

 

 

Si son statut de conservation n’est pas considéré comme à risque par l’UICN, c’est encore une fois par manque de connaissances estime le chercheur : « Lorsque l’UICN ne dispose pas du nombre exact d’individus vivant sur un territoire pour en suivre l’évolution temporelle, elle regarde si l’aire de distribution de cette espèce a diminué indépendamment des densités de populations ». Or le putois est toujours présent en Europe sur une aire de distribution qui semble stable, raison pour laquelle, l’UICN ne l’a pas classé pas comme espèce menacée. « Pourtant, poursuit le chercheur, les études locales réalisées par des naturalistes à l’aide de pièges photographiques, ou par des organisations nationales chargées de la collecte des indices de présence, telles que les observations visuelles ou les cadavres de bord des routes suggèrent que le nombre de ces indices de présence est en baisse continue depuis une vingtaine d’années, particulièrement dans les zones humides. » Pour changer son statut de conservation et justifier de la mise en place de programmes de conservation in situ, les scientifiques vont devoir adopter une démarche de biologie de conservation qui étudiera l’utilisation de l’espace du putois et la taille de ses populations.

 

 

L’équipe de recherche s’est donc engagée à comprendre comment ce petit mustélidé utilise et sélectionne son habitat, en particulier sa dépendance aux zones humides et aux zones protégées. Sur le domaine de la Fondation Pierre Vérots dans l’Ain, l’équipe de recherche a prévu d’équiper trois putois de collier GPS pour suivre leurs déplacements et identifier les déterminismes de son utilisation de l’espace. « C’est une première mondiale, souligne le chercheur. Pendant longtemps nous avons été limités par la taille des colliers GPS qui nécessitaient de grosses batteries pour fonctionner et assurer un suivi suffisamment long pour avoir des informations utiles. » En écologie, la règle veut que les animaux ne puissent pas être équipés de collier dépassant 3 à 5 % de leur poids. Jusqu’alors, seuls les mammifères plus gros, à partir de quelques kilogrammes et jusqu’aux girafes ou aux éléphants bénéficiaient de ce type de suivi pour respecter la dimension éthique et de bien-être animal. La miniaturisation des batteries a changé la donne : « Une fois les putois équipés, nous pourrons nous rendre chaque semaine sur le terrain pour télécharger les données qui nous donneront des informations extrêmement fines et jamais égalées sur l’utilisation de l’espace par cette espèce. »

 

 

Car la technique est révolutionnaire à plus d’un titre. Auparavant, les données récoltées provenaient de colliers émetteurs VHF utilisant les ondes radio. Pour localiser les individus étudiés, les scientifiques devaient se rendre plusieurs fois par semaine dans le milieu et réaliser une triangulation en se plaçant à trois endroits différents pour capter le signal des colliers émetteurs. « Cette technique de radiopistage classique ne permettait pas d’avoir plus de 2 à 3 localisations par semaine ». Grâce aux colliers GPS, les scientifiques vont pouvoir désormais avoir des données sur l’occupation de l’espace du putois et sur son rythme d’activité tout au long de la journée.

 

 

Ce projet n’est que la première étape d’une ambition plus grande : « Si on parvient à montrer que ce dispositif fonctionne, on pourra élargir notre zone d’étude et équiper plus d’animaux. » L’objectif ? Obtenir plus de données et réaliser des analyses de survie, qui permettront alors de faire des modèles démographiques pour estimer la taille de population localement et le taux d’accroissement de la population. Parallèlement les chercheurs souhaitent déployer un protocole de piégeage photographique pour estimer la densité locale des putois. Les scientifiques pourront ainsi proposer de nouveaux arguments pour l’étude de son statut de conservation et peut-être aussi changer le regard que porte notre société sur ce petit mustélidé au fond si discret.

 

 

Tribune – Biodiversité : « Il faut inscrire le putois sur la liste des animaux protégés »

Face au déclin préoccupant des effectifs en France et parce que la protection de la biodiversité passe par des mesures concrètes, un collectif de scientifiques et de personnalités engagées demande dans une tribune au « Monde » la signature immédiate d’un arrêté ministériel protégeant cette espèce. Consulter la tribune

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1 Une espèce cryptique est une espèce qui ne voit que très rarement en nature du fait de son rythme d’activité, de sa faible densité de population et de son mode de vie à l’écart des activités humaines biologiques.
2 La végétation bordant les milieux aquatiques.

Protéger l’océan pour la préservation de la biodiversité, l’approvisionnement en nourriture et l’atténuation du changement climatique

La 15ème réunion de la Conférence des parties (COP15) de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB), qui doit se tenir en 2021, devrait déboucher sur un accord mondial en faveur de la nature, avec un consensus émergent visant à protéger au moins 30% de l’océan global d’ici 2030. 

 

Les résultats de l’étude coordonnée par Enric Sala publiée en mars 2021 dans le journal Nature, donnent du crédit à cet objectif et suggèrent qu’une augmentation de la surface des aires marines protégées et une répartition spatiale cohérente de ces dernières pourraient avoir un triple avantage : non seulement mieux protéger la biodiversité marine par rapport à l’existant, mais aussi stimuler la productivité des pêcheries, en exploitant une moins grande surface mais avec de meilleurs rendements, et amoindrir les émissions de carbone remis en suspension par le chalutage profond. 

 

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Formes urbaines et biodiversité, un état des connaissances

Face à l’extension de l’urbanisation à l’échelle planétaire, les chercheurs sont de plus en plus nombreux à considérer que les villes doivent contribuer à la conservation de la biodiversité. Les espaces urbains peuvent en effet constituer des habitats favorables à la faune et la flore. Alors qu’en écologie, la ville est souvent considérée suivant un gradient d’urbanisation, allant du rural à l’urbain, d’autres critères peuvent la caractériser : sa complexité, une grande diversité spatiale, architecturale, etc.

 

 

En 2020, à travers la réalisation d’une revue systématique, un état des connaissances scientifiques sur les liens entre formes urbaines et biodiversité a été conduit par la FRB pour le Puca, avec l’appui scientifique du MNHN. Il apparaît aujourd’hui essentiel que les chercheurs s’intéressent à un niveau plus fin d’analyse, impliquant les différentes formes de l’urbain, et évaluent comment ces morphologies urbaines permettent l’installation spontanée et le maintien d’espèces animales et végétales.

 

 

La publication Formes urbaines et biodiversité, un état des connaissances est disponible dans les ressources téléchargeables.

La simplification des paysages augmente le risque d’attaques de ravageurs des vignobles et donc l’utilisation d’insecticides

Dans cette étude, publiée dans la revue Ecology Letters en octobre 2020,  les chercheurs ont utilisé une base de données gouvernementale sur 13 années pour analyser les effets des paysages sur les épidémies de pyrale de la vigne (Lobesia botrana) et l’application d’insecticides dans environ 400 vignobles espagnols.

 

Au moment de la récolte, ils ont mis en évidence que les épidémies de ravageurs avaient quadruplé dans les paysages simplifiés dominés par la vigne par rapport aux paysages dans lesquels les vignobles étaient entourés d’habitats semi-naturels. De même, les applications d’insecticides avaient doublé dans les paysages dominés par la vigne et diminué dans les vignobles entourés d’arbustes. Les résultats de cette étude suggèrent que la complexité croissante du paysage pourrait atténuer les populations de ravageurs et diminuer le besoin d’application d’insecticides. La conservation des habitats semi-naturels représente une solution économiquement et écologiquement rationnelle pour parvenir à une production viticole durable.

 

 

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Biodiversité et épidémies

Il y a un an la France entamait sa première période de confinement afin de ralentir la propagation d’une nouvelle maladie : la Covid-19. Causée par l’émergence d’un coronavirus, cette maladie infectieuse est devenue en quelques mois une pandémie et a soulevé de nombreuses interrogations tant sur le plan médical, sanitaire ou environnemental. Au cours des derniers mois, des chercheurs français et internationaux ont rassemblé les connaissances existantes pour mettre en lumière les consensus et dissensus sur les zoonoses au sein de la communauté scientifique et identifier les lacunes de connaissances dans ce domaine. Plusieurs rapports ont été publiés par différentes instances, à l’instar des 22 fiches réalisées par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) dès mai 2020 ou encore du rapport de l’Ipbes sorti en octobre dernier. Retour sur les points clés de ces travaux.

 

 

Consulter les 22 fiches

 

 

MALADIES INFECTIEUSES, ZOONOSES, PANDÉMIESDE QUOI PARLE-T-ON ?

 

Les maladies infectieuses sont causées par des micro-organismes pathogènes (les agents infectieux), tels que des bactéries, des virus, différents organismes parasites ou encore des champignons. Elles peuvent se transmettre d’un individu à un autre, au sein d’une même espèce ou d’une espèce à une autre. Dans le cas d’une transmission d’un animal vertébré à un être humain, ces maladies sont appelées zoonoses 

 

On dit des maladies infectieuses qu’elles sont « émergentes » lorsqu’elles émanent d’un nouvel agent infectieux ou que leur diagnostic et leur identification est récente. Si elles se propagent rapidement au sein d’une population et que l’on constate un grand nombre de cas infectés, on parle d’épidémie, puis de pandémie quand la propagation atteint plusieurs pays et plusieurs continents1.

 

Comment développer les Obligations réelles environnementales (ORE) en France ?

Via ce mécanisme, le propriétaire d’un espace naturel peut conclure un contrat avec une personne morale de droit public ou de droit privé agissant pour la protection de l’environnement, faisant naitre à sa propre charge « des obligations qui ont pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques ». Il conserve la propriété de son bien, mais en restreint volontairement l’usage.

 

Les expériences étrangères de servitudes de conservation montrent que leur succès est en grande partie du au régime fiscal qui les accompagne. En contractant une obligation réelle au profit de l’intérêt général, le propriétaire consent une double perte : il diminue, à la fois, la valeur de son terrain et les revenus qu’il peut en tirer. Les états ayant institué ce type de servitude de conservation ont donc mis en place un régime fiscal qui compense une partie de cette perte et qui permet d’inciter les propriétaires à souscrire ces servitudes de conservation.

 

La loi de 2016 a bien envisagé cet aspect des choses. D’une part, son article 72 prévoit que les communes peuvent exonérer de taxe sur le foncier non bâti (TFNB) les terrains sur lesquels a été conclue une ORE. Mais il ne s’agit que d’une faculté : les communes qui choisiront de le faire subiront une perte de rentrées fiscales (faible sans doute, mais réelle) et ne seront pas compensées de cette perte par l’état. D’autre part et surtout, l’article 73 indique que « dans un délai de deux ans (soit avant le 8 aout 2018) le gouvernement dépose, sur les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur les moyens de renforcer l’attractivité, notamment au moyen de dispositifs fiscaux incitatifs, du mécanisme d’ORE ». Or, près de trois ans après la date butoir et près de cinq ans après la création des ORE, ce rapport n’a pas été déposé. L’article 73 de la loi sur la biodiversité, elle-même dûment votée et promulguée, n’est donc pas appliqué. Plusieurs questions parlementaires ont été posées au gouvernement à ce sujet, témoignant de l’intérêt suscité par ce nouveau mécanisme auprès de la représentation nationale et dans les territoires.

 

La mise en place du régime fiscal incitatif aux ORE ne devant plus tarder, la FRB a souhaité apporter des éléments de connaissance en ce domaine. Elle a étudié les principaux mécanismes fiscaux mis en œuvre à l’étranger de nature à inciter à la souscription des servitudes de conservation. Les éléments qui en ressortent permettent de dégager les traits majeurs des dispositions fiscales réellement incitatives à la conclusion de servitudes de conservation.

 

La note est disponible dans les ressources téléchargeables. 

 

Un prix pour la biodiversité des arbres en Méditerranée : la science des arbres phylogénétiques mise au service de la conservation

Une étude issue du projet de recherche Woodiv, co-financé par le Centre de synthèse et d’analyse sur la biodiversité (Cesab) de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) et le Labex OT-Med, a récemment été reconnue par la Société botanique de France comme étant le meilleur article scientifique publié en 2020 dans la revue Botany Letters. Les auteurs de l’étude ont reçu le prix Jussieu, d’une valeur de 5 000 €, qui a pour vocation de soutenir la recherche en botanique.

 

Les travaux menés par Cheikh Albassatneh et ses collègues ont permis de produire, pour la première fois, un arbre phylogénétique des différents genres d’arbres présents en Méditerranée européenne, genres identifiés par le consortium dans l’article de Médail et al. (2019). Cette représentation, qui tire son nom du grec phylon pour « famille » et genesis pour « création », figure les liens de parentés entre les êtres vivants, afin de retracer et dater les principales étapes de l’évolution des organismes depuis un ancêtre commun.

 

Les chercheurs ont ainsi étudié les 64 genres d’arbres indigènes de l’Europe méditerranéenne et construit un arbre phylogénétique basé sur leurs séquences ADN chloroplastiques [1]. Ils ont ensuite comparé cet arbre phylogénétique avec un autre, basé cette fois sur les caractéristiques biologiques, aussi appelées traits fonctionnels.

 

Zoom sur les traits fonctionnels

Les traits fonctionnels, liés au type de reproduction (pollinisation, fleurs hermaphrodites ou unisexe) ou au type de dispersion des graines, sont souvent utilisés comme indicateurs de biodiversité. Ils permettent de caractériser à la fois les menaces qui pèsent sur la diversité taxonomique (c’est-à-dire les différentes espèces ou genres d’arbres) et celles qui pèsent sur la diversité fonctionnelle (c’est-à-dire liée aux différents traits biologiques).

 

Ces deux méthodes de classification des êtres vivants ont fourni des résultats différents, montrant que la diversité fonctionnelle n’est pas prédictible par la diversité phylogénétique ou taxonomique, et vice versa.

 

De plus, contrairement à l’arbre basé sur les traits fonctionnels, la fréquence au sein des genres des espèces classées comme vulnérables par l’UICN [2] est distribuée au hasard dans l’arbre phylogénétique (basé sur les séquences d’ADN), hormis pour certains taxons particulièrement mal connus. Ainsi, les causes de la vulnérabilité des arbres de Méditerranée ne sont pas seulement liées à la façon dont ils ont évolués au cours du temps. Elles sont essentiellement à rechercher dans des menaces plus globales se manifestant dans l’ensemble de la Méditerranée (par exemple, changement d’utilisation des terres, incendies, etc.). Les stratégies de conservation des arbres de Méditerranée ne peuvent donc pas se focaliser uniquement sur certains groupes et doivent envisager une réduction générale des impacts affectant leurs habitats.

 

La phylogénie permet d’aller encore plus loin pour alimenter les stratégies de protection et de conservation des arbres forestiers méditerranéens. Une nouvelle étude issue du même projet de recherche Woodiv a été publié le 7 février dernier dans la revue Diversity and Distributions. Des chercheurs ont utilisé l’arbre phylogénétique des 64 genres d’arbres méditerranéens pour en évaluer la variabilité spatiale, dans 643 parcelles de 50 km x 50 km sur tout le bassin méditerranéen européen (voir Figure). Ils montrent que le sud de l’Espagne, Chypre et certaines îles de la mer Égée contiennent des zones d’une diversité phylogénétique disproportionnellement grande et identifient ces zones comme des cibles prioritaires pour la conservation des arbres forestiers européens.

 

Figure article woodiv Fev 2021

Figure : Carte de diversité génétique relative. Les zones en bleu clair et en bleu foncé, indiquent une diversité phylogénétique des genres euro-méditerranéen significativement plus forte qu’attendue. A l’inverse, les zones rouges et marrons, indiquent une diversité phylogénétique des genres euro-méditerranéens significativement plus faibles qu’attendue.

 

Les données utilisées dans ces deux études sont issues d’une base de données construite par les chercheurs du projet Woodiv et mise à disposition de la communauté scientifique. Elle fait l’objet d’une publication dans Nature Scientific Data et rassemble plus de un million de données de présence, phylogénétiques et écologiques pour les arbres indigènes de Méditerranée européenne.

 

[1] Les chloroplastes sont les éléments cellulaires responsables de la photosynthèse

[2] L’Union internationale pour la conservation de la nature est l’une des principales organisations non gouvernementales mondiales consacrées à la conservation de la nature. Elle classe les espèces selon leur risque d’extinction, de « préoccupation mineure » à « éteint » en passant par « quasi menacée », « vulnérable » ou encore « en danger ».

 

#ScienceDurable – Biodiversité et transition énergétique – Enquêtes sur des liaisons dangereuses

En 2017, la Journée FRB visait à illustrer certaines incohérences entre la mise en œuvre de la transition énergétique et la prise en compte des enjeux associés à la biodiversité, puis à montrer les pistes de mobilisation des acteurs, des citoyens et des décideurs politiques et l’apport de la science pour une transition énergétique, écologique et solidaire. 

 

L’atténuation du changement climatique repose pour une large part sur la transition énergétique, c’est-à-dire l’abandon des sources d’énergie fondées sur le carbone fossile au profit des énergies renouvelables. Cet un objectif national et européen majeur suscite des développements technologiques et d’importants investissements. Or les infrastructures développées peuvent avoir des impacts multiples, et surtout non anticipés, sur la biodiversité et en particulier sur le fonctionnement des écosystèmes. Il est donc aujourd’hui indispensable de concilier défi énergétique et préservation de la biodiversité, cette dernière étant essentielle pour assurer le devenir de l’Humanité et garantir son bien-être. Retrouver les comptes-rendus de la journée dans les ressources ci-dessous. 

#ScienceDurable – Production de bois-énergie et impacts sur la biodiversité européenne

Peut-on se passer des énergies fossiles et préserver la biodiversité ? Comme l’ont montré les échanges lors des journées FRB 2017 et de nombreux travaux de re- cherche sur le sujet, la réponse est loin d’être aisée. À l’occasion de la sortie du prochain rapport de l’Ipbes sur l’état de la biodiversité en Europe et en Asie centrale, la FRB a synthétisé l’une des rares études à avoir compilé et analysé un ensemble de travaux sur la question de production de bois-énergie et de ses impacts potentiels sur la biodiversité européenne : Effects of fuelwood harvesting on biodiversity — a review focused on the situation in Europe de Bouget, Lassauce et Jonsell, 2012. Bien qu’il s’agisse d’une stratégie possible parmi d’autres, les auteurs se sont ici placés dans un contexte d’intensification de cette filière.

 

#ScienceDurable – Énergie renouvelable et biodiversité : les implications pour parvenir à une économie verte

En raison de leur rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique, les filières de production d’énergie à partir de sources dites « renouvelables » sont souvent implicitement considérées comme favorables à l’environnement alors qu’elles ont toute des impacts, plus ou moins importants sur la biodiversité et les écosystèmes, ainsi que le démontre cette revue de la littérature qui a analysé plus de 500 références scientifiques.

 

Les impacts sont variés, mais ils seront d’autant plus importants que ces solutions énergétiques seront déployées à grande échelle pour permettre une transition rapide vers une économie verte. Si ces pressions varient considérablement entre les différentes filières et les contextes environnementaux dans lesquels elles opèrent, l’impact majeur, commun à toutes les filières, est la perte ou la modification des habitats. Mais d’autres effets négatifs existent comme les traumatismes parfois mortels, la pollution, l’émission de gaz à effet de serre, la compétition pour les usages de l’eau ou encore l’induction de comportement d’évitement, les invasions biologiques ou la modification des micro-climats locaux qui perturbent les écosystèmes.

Consultez la synthèse complète dans les ressources ci-dessous.

 

 

Le résumé des effets négatifs et positifs par filière listés dans la revue est présenté ci-après :

 

 

Énergie solaire

 

Effets négatifs sur la biodiversité :

 

  • Perte ou fragmentation des habitats : c’est l’effet sur la biodiversité le mieux documenté ;
  • Collision des oiseaux avec les installations ;
  • Brûlures occasionnées aux oiseaux exposés aux flux solaires intenses. Ceci pourrait occasionner la mort de milliers d’oiseaux
  • Pollution des masses d’eau à partir de produits chimiques toxiques utilisés pour le traitement des panneaux solaires et des sols (herbicides) ;
  • Utilisation croissante de l’eau (en particulier dans les déserts) ;
  • Attraction et désorientation des insectes et des oiseaux causés par une lumière intense ou polarisée ;
  • Piège écologique en raison de mécanismes attracteurs cumulatifs ;
  • Perturbation du micro-climat local.

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité :

 

  • Fourniture de zones de couverture ou d’habitat et d’alimentation (par exemple, pâturages) pour certains animaux.

 

 

Énergie éolienne terrestre

 

Effets négatifs sur la biodiversité :

 

  • Collision d’oiseaux et de chauves-souris avec des éoliennes.Comme pour les oiseaux les risques ne concernent pas seulement les espèces locales, mais aussi les espèces migratrices ;
  • Traumatismes internes (barotrauma) chez les chauves-souris associés à des réductions soudaines de pression de l’air à proximité des pales ;
  • Perturbation des voies migratoires pour certaines espèces d’oiseaux et de chauves-souris : c’est une des incidences les mieux documentées et le plus étudiées.

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité :

 

  • Constitution de territoires favorables pour certaines espèces terrestres en raison de la réduction du trafic, de la disponibilité en ressources alimentaires et de la réduction de prédateurs.

 

 

Énergie hydraulique

 

Effets négatifs sur la biodiversité :

 

  • Disparition d’écosystèmes (lors de la mise en eau des barrages) y compris les réserves naturelles, fragmentation des habitats ;
  • Perturbation des flux hydriques en amont et en aval des installations hydroélectrique ;
  • Perturbation des voies migratoires de certaines espèces de poissons ;
  • Détérioration de la qualité de l’eau en raison des changements dans la charge en sédiments, la turbidité et l’eutrophisation ;
  • Émissions de GES par les réservoirs qui contribuent au changement climatique anthropique.

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité :

 

  • Création de nouveaux habitats ou de nouveaux écosystèmes.

 

 

Bioénergie

 

Effets négatifs sur la biodiversité :

 

  • Perte, fragmentation, simplification et homogénéisation des habitats en raison de la mise en place de monocultures intensives et pertes de biodiversité associées ;
  • Pollution du sol et de l’eau associée à l’utilisation d’engrais et pesticides qui provoque toxicité et eutrophisation ;
  • Emissions de polluants dans l’air ambiant qui contribuent à l’acidification et à la formation d’ozone troposphérique, émission de GES pendant tout le cycle de vie de la production de bioénergie qui contribue au changement climatique anthropique ;
  • Modification des micro-climats locaux en raison des changements dans l’albédo et l’évapotranspiration ;
  • Concurrence avec la végétation indigène de certaines espèces utilisées comme matières premières (par exemple, Eucalyptus, Miscanthus).

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité :

 

  • Fourniture d’habitat, alimentation et autres services écosystémiques de soutien par certaines surfaces recouvertes de plantes énergétiques (par exemple : Miscanthus, Panicum virgatum –switchgrass-).

 

 

Énergie des mers

 

Effets négatifs sur la biodiversité :

 

  • Perturbations des milieux liées à la construction des installations d’énergie océanique, (par exemple pollution sonore qui affecte certaines espèces aquatiques, en particulier les mammifères marins) ;
  • Perte ou changement d’habitats associés à la mise en place des fondations des installations ancrés dans le fond marin, la mise en eau permanente des portions des estuaires situés en amont des structures marémotrices, la modification des processus hydrodynamiques et de sédimentation ;
  • Augmentation de la turbidité dans la colonne d’eau due aux perturbations des fonds marins, changements dans la salinité, afflux d’eau plus oxygénée dans les structures marémotrices ;
  • Pollution électromagnétique associée aux câbles sous-marins et chimique provenant de lubrifiants et peintures toxiques ;
  • Changement de composition des communautés de poissons benthiques en raison de pertes d’habitats ;
  • Perturbation des déplacements et de l’alimentation des espèces locales et migratrices ;
  • Mortalités d’espèces dans les structures marémotrices, collision des oiseaux avec les éoliennes marines et des espèces aquatiques avec des dispositifs utilisant l’énergie des vagues ;
  • Mortalité des poissons tropicaux en raison des chocs thermiques générés par certaines installations.

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité :

 

  • Protection de la biodiversité par la création de zones interdites d’accès aux activités de pêche et de transport (par exemple les champs d’éoliennes marines) ;
  • Abris pour certaines espèces notamment autour des parcs éoliens marins et les infrastructures basées sur l’exploitation des vagues et des marées.

 

 

Énergie géothermique

 

Effets négatifs sur la biodiversité :

 

  • Perte d’habitat pendant la conversion des zones naturelles en installations géothermiques ;
  • Changement d’habitat au cours du déboisement du site, de la construction de routes, du forage des puits et des sondages sismiques qui affecte les processus de reproduction, de recherche de nourriture et de migration de certaines espèces ;
  • Émissions de polluants toxiques tels que le H2S, l’arsenic et l’acide borique qui peuvent défolier les plantes ou être incorporés par les organismes ;
  • Pollution par le bruit et la chaleur des installations géothermiques.

 

 

La revue propose aussi pour chaque filière des mesures d’atténuation permettant d’éviter, minimiser, restaurer ou compenser les impacts, la plus emblématique d’entre elle étant la localisation des installations dans les zones à faible biodiversité, mais le choix de technologies moins impactantes, la planification en amont incluant des procédures de préservation de la biodiversité ou la mise en place systématique d’éléments favorables à la biodiversité au sein ou autour des infrastructures est aussi recommandé. Les auteurs préconisent également de profiter des emprises territoriales, parfois importantes, de ces infrastructures pour créer et maintenir des réserves naturelles dans lesquelles les activités humaines sont réduites.

 

Un important travail reste à conduire pour renforcer l’acquisition de connaissances sur les impacts réels de ces filières sur les différents compartiments de la biodiversité (des espèces aux écosystèmes) et développer des outils d’évaluation pertinents et efficients.

 

En effet, la transition énergétique ne pourra se passer de l’exploitation des ressources énergétiques renouvelables. Il est donc essentiel que son développement et les politiques publiques associées prenne en compte la biodiversité. Ceci est d’autant plus crucial que le développement à grande échelle de la transition vers une économie verte démultipliera, parfois de façon exponentielle les effets directs et indirects de ces filières sur l’environnement en général et la biodiversité en particulier.

Analyse spatiale des collisions entre la faune sauvage et les trains sur le réseau ferroviaire tchèque

Afin d’identifier les lieux de ces collisions les plus dangereuses et leur répartition spatiale, cette étude a recueilli 1 909 incidents avec les animaux qui ont eu lieu en République tchèque entre 2011 et 2019. 208 points chauds ont été identifiés en utilisant la méthode d’estimation par noyau. Ils contenaient 782 collisions (41,2 %) recensées sur 0,7 % de la longueur du réseau ferroviaire tchèque. L’étude a également identifié et classé les points chauds les plus importants des collisions en utilisant un paramètre de risque collectif et a démontré qu’elles se sont produits plus fréquemment à proximité d’une forêt ou d’un cours d’eau et sont plus éloignés des terres arables ou des zones urbaines/industrielles par rapport à d’autres endroits sur l’ensemble du réseau ferroviaire tchèque. Les résultats peuvent aider à placer les mesures de sécurité en cas d’accident, car une grande partie des accidents ne se sont produits que sur moins de 1 % du réseau ferroviaire.

 

 

La synthèse est disponible dans les ressources téléchargeables.

 

La Fondation pour la recherche sur la biodiversité gère l’animation et la communication du réseau IENE, un think-tank européen spécialiste des questions « Infrastructures et biodiversité ». Dans ce cadre, la FRB communiquera régulièrement sur des travaux scientifiques liés à ces enjeux.

La diminution de la pêche en mer du Nord permet un regain des communautés de poissons

Bonne nouvelle pour la biodiversité marine de la mer du Nord ! Alors que la biodiversité mondiale connait une crise majeure [1], une étude publiée la semaine dernière dans Proceedings of the Royal Society B montre que l’abondance de la plupart des espèces présentant des stratégies écologiques originales vivant en mer du Nord augmente à mesure que la pression de la pêche diminue et que les océans se réchauffent.

 

La résistance et la résilience des écosystèmes marins face au changement climatique et aux activités humaines sont des préoccupations majeures, notamment car ces écosystèmes assurent toute une série de services essentiels à l’Homme. La pêche par exemple permet de nourrir plus de 10 % de la population mondiale. Le maintien des stocks halieutiques constitue donc aujourd’hui un défi majeur face à une demande accrue. Optimiser la gestion de la pêche est plus que jamais indispensable et nécessite de mieux connaître la réponse des communautés de poissons face aux diverses variations de leur environnement, qu’elles soient d’origine anthropique ou naturelle.  

 

Coordonnée par des chercheurs français et américains et co-financée par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) dans le cadre de son Centre de synthèse et d’analyse sur la biodiversité (Cesab) et par le groupe Électricité de France (EDF), cette étude apporte des éléments de réponse en se basant sur un travail de synthèse conséquent, rassemblant 33 ans d’enquêtes scientifiques sur l’ensemble de la mer du Nord ! L’objectif ? Caractériser et comprendre la dynamique des communautés de poissons de la mer du Nord dans un contexte de réchauffement des eaux et de réduction progressive de l’intensité de pêche [2].

 

 

L’enjeu de l’originalité fonctionnelle (ou de la diversité des fonctions)

 

L’équipe de chercheurs s’est notamment intéressée aux espèces originales de par leurs caractéristiques biologiques et écologiques que sont les espèces « fonctionnellement distinctes ». Pour cela, elle a étudié les données issues de campagnes scientifiques et les caractéristiques écologiques des espèces de poissons vivant en mer du Nord : leur régime alimentaire, leur âge à maturité sexuelle, la taille de leurs œufs, leur positionnement dans la colonne d’eau, etc. – autant d’éléments qui donnent des indications sur le rôle écologique de ces espèces dans leur écosystème. Pour ce travail, les chercheurs sont partis du principe que les espèces fonctionnellement distinctes – c’est-à-dire les espèces ayant des caractéristiques uniques comme, par exemple, une maturité sexuelle très tardive ou un régime alimentaire particulier par rapport aux autres espèces  – peuvent soutenir des rôles écologiques importants et potentiellement irremplaçables, et ainsi contribuer de manière disproportionnée au fonctionnement des écosystèmes.

 

En conséquence, les chercheurs distinguent à la fois des espèces fonctionnellement distinctes – par exemple le requin-hâ (Galeorhinus galeus) ou la grande castalogne (Brama brama) – et des espèces fonctionnellement communes – par exemple le rouget barbet (Mullus surmuletus) ou le grondin gris (Eutrigla gurnardus). Les chercheurs ont aussi montré que les espèces fonctionnellement distinctes se caractérisent par une maturité sexuelle tardive, une progéniture peu nombreuse et des soins parentaux importants, beaucoup étant des requins et des raies qui jouent un rôle essentiel dans la chaîne alimentaire marine.

 

 

Les résultats

 

Durant ces 30 dernières années, l’abondance de la plupart des espèces étudiées a augmenté, et ce, principalement en raison d’une pêche moins intense. Plus précisément, c’est principalement dans le sud de la mer du Nord, là où la pêche était historiquement la plus intense, que l’abondance des espèces fonctionnellement distinctes a le plus augmenté. C’est une bonne nouvelle pour les écosystèmes marins et une démonstration que les efforts de limitation des pressions liées à la pêche finissent par payer, surtout pour les espèces les plus fonctionnellement distinctes qui sont généralement non ciblées par les pêcheries mais malgré cela très sensibles à la pêche suite aux prises auxiliaires (voir figure).

 

Figure_Murgier et al_2021021

Figure : Les espèces ayant les caractéristiques les plus originales, et étant donc les plus fonctionnellement distinctes, sont les plus vulnérables face à la pêche, certaines d’entre elles étant aussi parmi les plus menacées selon l’UICN. Le statut UICN est représenté par couleur (CR = en danger critique d’extinction, rouge foncée; EN = en danger, rouge; VU = vulnérable, orange; NT = quasi-menacée, jaune; LC = préoccupation mineure, vert; DD = données insuffisantes, gris)

 

Nous devons cependant poursuivre nos efforts vers une gestion durable de ces milieux fragiles, notamment parce que parmi les espèces les plus distinctes, certaines d’entre elles sont considérées comme menacées d’extinction selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et ont vu leur abondance diminuer au cours des 30 dernières années en mer du Nord, comme le pocheteau gris (Dipturus batis) et l’aiguillat commun (Squalus acanthias).

 

Enfin, l’équipe de chercheurs souligne l’importance de l’inclusion d’une composante fonctionnelle dans les plans de gestion pour permettre d’assurer une conservation plus pertinente des espèces et des écosystèmes.

 

 

[1] Dans son rapport de 2019, la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes) évoque près d’un million d’espèces animales et végétales menacées d’extinction si aucune mesure n’est prise pour freiner cette tendance.

[2] La réduction progressive de l’intensité de la pêche s’est faite suit à la mise en place, dans les années 1990, d’une réglementation basée sur l’application de quotas en vue d’une exploitation durable.

Les politiques de conservation de la biodiversité en quête de légitimité : cas des parcs nationaux français

Cette publication documente et analyse la manière dont les gestionnaires des parcs nationaux ont cherché à légitimer ces espaces en France et ont identifié deux types principaux de légitimité : la légitimité substantielle, avec la science et le droit comme piliers majeurs, et la légitimité procédurale. La première est profondément ancrée dans la tradition française et a façonné le fonctionnement des parcs nationaux au cours de leurs premières décennies d’existence ; la seconde est arrivée tardivement dans les parcs nationaux français et a été fortement influencée par la publication des lignes directrices européennes relative à l’essor des processus participatifs.

 

Cette publication ne démontre qu’aucune de ces deux légitimités n’est suffisante seule Les parcs nationaux n’ont donc pas d’autre choix que de les combiner sous des formes diverses et avec différents niveaux de succès. L’étude a aussi permis d’éclairer le rôle des scientifiques dans l’évolution de cette légitimité des parcs ainsi que dans la circulation, au niveau européen, de l’information, de l’expertise et de certaines innovations comme l’adoption de la notion de solidarité écologique proposée par des scientifiques français. Les auteurs montrent que, même si la légitimité reste fragile, les tentatives pour surmonter ces tensions et pour combiner les sources de légitimité ont varié d’un parc à l’autre ont généré des innovations intéressantes, comme les bioblitzs, des inventaires naturalistes participatifs.

 

Cette étude contribue également à expliquer la non-linéarité des politiques de conservation qui sont loin d’être simplement mises en œuvre dans les États membres en remplacement ou en complément des systèmes nationaux existants.

 

 

La synthèse est disponible dans les ressources téléchargeables.

Note FRB en réponse à la consultation du Comité national de la biodiversité sur la Stratégie nationale des aires protégées

 Cette vision et cette ambition pourraient être clarifiées et renforcées en insistant sur les objectifs écologiques associés aux aires protégées, le développement soutenable des activités humaines devant être considéré comme un moyen plutôt qu’une finalité. La Stratégie gagnerait à compléter le bilan réalisé en 2019 par un bilan scientifique plus intégratif, afin de poser les bases robustes des objectifs et des actions, en lien avec une approche synthétique des avancées et des pratiques internationales.

 

Un dialogue étroit avec le conseil scientifique de l’OFB et la consultation de chercheurs devraient permettre de catalyser la pluralité disciplinaire des organismes publics de recherche nationaux et des universités. De nombreuses sources et instances de réflexion pourraient aussi fournir un éclairage sur les modèles économiques associés aux aires protégées, en particulier la conceptualisation des jeux d’acteurs issue des sciences humaines et sociales.

 

La notion de territoire, très présente dans la Stratégie, mérite d’être explicitée, tant cette échelle – à mettre au cœur d’une cohérence écologique et pas seulement administrative – définit un référentiel essentiel pour la mise en œuvre effective de la Stratégie. Les outils et « innovations » associés aux aires protégées et à la mise en œuvre de la Stratégie doivent être précisés, tant en ce qui concerne les outils juridiques et fiscaux – très insuffisamment développés – que le renforcement des interactions entre gestionnaires et chercheurs. Enfin, de nombreuses imprécisions, incohérences, manques voire erreurs émaillent le texte et en obscurcissent la logique.

 

La note est disponible dans les ressources téléchargeables. 

 

 

Avertissement : Il a été demandé aux membres du comité national de la biodiversité, dont la FRB, de contribuer à l’avis du CNB relatif au projet de nouvelle stratégie nationale des aires protégées. Cela a été fait en août dernier, dans des délais très restreints, avec l’aide d’un petit nombre de membres du Conseil scientifique. Consécutivement, compte tenu de l’importance du sujet, la FRB a souhaité élargir la consultation tant au niveau du CS que de l’équipe, d’où la rédaction et la diffusion de la présente note.

Jean-François Silvain, président de la FRB, revient sur des articles scientifiques qui ont marqué 2020

Pour 2020, l’accent a d’abord été mis sur le constat que l’érosion de la biodiversité se poursuit, que ce soit chez les vertébrés ou les insectes, et sur les conséquences négatives de cette érosion, très dépendante des pressions anthropiques, sur les communautés biologiques. Des populations continuent à décroitre, les communautés se modifient et les réseaux trophiques et le fonctionnement des écosystèmes s’en trouvent perturbés.

 

La seconde partie de la présentation porte sur l’incidence du réchauffement climatique sur la biodiversité et la nécessité de sortir des approches en silos lorsque l’on traite des interactions entre climat et biodiversité. Le contexte est rappelé et les réponses des populations, espèces et communautés est illustré avant d’aborder celles des écosystèmes et des biomes. L’accent est mis notamment sur les conséquences du réchauffement et des sécheresses, en particulier sur les écosystèmes forestiers. La dernière partie de la présentation présente plusieurs travaux de réflexion internationaux majeurs qui tentent d’apporter des éléments de solution à la crise actuelle de la biodiversité et plus généralement à la crise environnementale, en amont de la prochaine Cop15 de la Convention sur la diversité biologique qui devrait se tenir fin 2021.

Comme les années précédentes, la présentation se termine par un « clin d’œil » en direction d’un article particulier, portant cette année sur l’héritage génétique, pas toujours bénéfique, que nos ancêtres néandertaliens nous ont légué et qui peut-être nous rend plus sensible à la crise de la Covid-19.

 

La présentation est à découvrir dans les ressources téléchargeables ci-dessous.

 

Biodiversité et climat

L’évaluation mondiale de l’Ipbes (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique pour la biodiversité et les services écosystémiques), parue fin 2019, a souligné l’état dramatique de la biodiversité, en majeure partie imputable aux activités humaines. Parmi elles, le changement climatique d’origine anthropique a un impact grandissant sur la biodiversité, et il exacerbe et est exacerbé par les autres facteurs de pression. Le Giec estime que la déforestation et la conversion des terres pour l’agriculture par exemple contribuent à près de 23 % des émissions humaines de gaz à effet de serre. Des conséquences se font d’ores et déjà sentir sur les populations d’espèces et les écosystèmes, alors même que les possibilités d’adaptation des organismes sont limitées par les autres pressions qui réduisent les ressources alimentaires ou la diversité génétique.

Biodiversité et services écosystémiques

L’évaluation mondiale de l’Ipbes (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique pour la biodiversité et les services écosystémiques), parue fin 2019, a souligné l’état dramatique de la biodiversité, en majeure partie imputable aux activités humaines. Cet enjeu prend aujourd’hui une importance croissante sur la scène internationale et la lutte contre la perte de la diversité biologique s’impose désormais comme une priorité pour de nombreux pays, dont la France. Les questions liées à la biodiversité ont en effet des répercussions fortes sur plusieurs dynamiques, parmi lesquelles le commerce international, la sécurité alimentaire, le développement, la pollution, les ressources en eau, la santé, la lutte contre la criminalité transnationale ou encore la corruption. Si le constat alarmant du rythme de destruction de la biodiversité est largement partagé, les actions mises en oeuvre pour inverser cette tendance restent toutefois insuffisantes au regard de l’urgence de la situation.

Prix Jeune chercheur 2020

 

Connaissez-vous le safoutier ? Et le plancton diazotrophe ? Imaginiez-vous que les câbles sous-marins interagissent avec la biodiversité marine ? Avez-vous déjà entendu parler d’ethnopharmacologie ?

 

 

Pour cette deuxième édition, 54 candidatures ont été reçues, puis évaluées par le Conseil scientifique de la FRB, avant d’être transmises aux partenaires financeurs qui ont pu choisir leurs lauréats : 7 jeunes chercheuses et 6 jeunes chercheurs.

 

 

La cérémonie ne pouvant se tenir en raison des conditions sanitaires actuelles, partenaires et lauréats se présenteront dans de courtes vidéos diffusées sur les réseaux sociaux de la FRB entre le jeudi 10 et le mardi 15 décembre.

#ScienceDurable – L’agroécologie, l’agriculture de demain ?

Julie de Bouville : Qu’est-ce que l’agroécologie ?  

 

Sandrine Petit-Michaut : L’agroécologie scientifique est une branche de l’écologie consacrée aux écosystèmes aménagés par les agriculteurs. Elle vise à comprendre la façon dont fonctionne les milieux naturels domestiqués par l’homme, et ce dans toute leur complexité : les interactions entre les végétaux, les hommes et les animaux mais aussi les éléments biologiques, physiques, climatiques, etc. C’est une approche holistique qui tend à la fois à analyser la façon dont les pratiques agricoles modifient les écosystèmes, mais surtout à apporter des solutions en s’appuyant sur la biodiversité.

 

 

Julie de Bouville : Comment la biodiversité peut-elle être employée dans l’agriculture ?

 

Sandrine Petit-Michaut : Il y a de nombreuses façons, mais l’une d’elle est de se servir de prédateurs pour diminuer la présence de nuisibles dans les champs. C’est ce qu’on appelle le contrôle biologique par conservation. Les carabes sont par exemple de grands alliés pour les agriculteurs. Ces petits coléoptères consomment des limaces et des pucerons, mais sont aussi de grands consommateurs de graines d‘adventices. Nous avons calculé que ces insectes peuvent absorber jusqu’à 4 000 graines par mètre carré et par jour, ce qui représente une consommation de 50 % des graines produites par les adventices. Plus il y a de carabes dans une parcelle cultivée et plus le renouvellement du stock de graines d’adventices diminue.

 

 

Julie de Bouville : Comment favoriser la présence de tels alliés ?

 

Sandrine Petit-Michaut : Dans une étude récente que j’ai menée à INRAEnous avons étudié les taux de prédation de pucerons, d’œufs de Lépidoptères et de graines d’adventices au champ en fonction de la structure du paysage et de l’usage de pesticides. Nous avons montré que moins l’on utilisait de pesticides et plus les paysages autour des champs étaient variés, plus la prédation des pucerons dans les parcelles augmentait. En effet l’usage des pesticides peut impacter les espèces alliéesDans le cas d’un usage modéré ou faible de pesticides, on montre que le contrôle biologique par conservation est plus efficace si les parcelles se situent dans des paysages comprenant de nombreux habitats semi-naturels pour les espèces alliées.  

 

 

Julie de Bouville : Suffit-il d’avoir des paysages variés autour des cultures pour réduire les intrants ?

 

Sandrine Petit-Michaut : Non ce n’est évidemment pas suffisant. Néanmoins, des paysages qui abritent beaucoup de cultures de différente nature et des habitats semi-naturels seront plus à même de fournir le gîte et le couvert à de nombreux organismes utiles. De plus, quand il y adifférentes cultures dans un paysage, cela signifie souvent que les agriculteurs font pousser une diversité de cultures sur une même parcelle au cours des années. Cette diversité de la rotation est un bon moyen d’éviter les infestations de nuisibles, et permet donc de réduire l’usage de pesticides. Certaines façons de conduire les cultures peuvent être intéressantes. Prenons l’exemple des carabes qui pondent leurs larves dans les sols. Si les sols des champs sont trop travaillés, le risque est de tuer les larves. Un champ de blé conduit en agriculture de conservation, dont le principe est de réduireconsidérablement le travail du sol, sera donc plus favorable à ces coléoptères qu’un champ de blé voisin régulièrement labouré.

 

 

Julie de Bouville : Est-on à même de mesurer l’efficacité de tels systèmes ?

 

Sandrine Petit-Michaut : Les systèmes agroécologiques sont difficiles à évaluer car nous avons vu qu’ils reposent sur de nombreux facteurs et organismes qui interagissent entre eux. Les effets du déploiement de ces systèmes à l’échelle du paysage est encore plus complexe. Néanmoins, sur la base de suivis sur le long terme dans différents paysages, on observe des tendances qui peuvent alimenter des modèles et nous permettent de faire des projections. On peut par exemple estimer dans quelle mesure l’ajout de haies ou la diversification des cultures dans un paysage permettrait d’augmenter le nombre de carabes. Mais les modèles ne sont pas suffisants pour convaincre les agriculteurs du bien fondé de nos affirmations, nous devons aussi passer par le terrain de l’expérimentation pour prouver nos affirmations. 

 

 

Julie de Bouville : Avez-vous justement des terrains d’expérimentation ?

 

Sandrine Petit-Michaut : En France, INRAE a installé à Bretenière, non loin de Dijon, la plateforme CA-SYS qui vise à concevoir et à évaluer des systèmes agroécologiques sur une exploitation de 120 hectares. L’objectif est de remplacer les pesticides en s’appuyant sur la biodiversité, cultivée et sauvage, comme moyen de lutte contre les bioagresseurs, en favorisant les auxiliaires, mais aussi pour améliorer la fertilité des sols, en favorisant les organismes dans le sol. En plus de la baisse de l’usage des pesticides, nous cherchons aussi à réduire l’utilisation d’intrants comme l’eau ou l’azote afin de proposer des systèmes agricoles multi performants d’un point de vue agronomique, économique, environnemental et social. La plateforme se donne entre cinq à dix ans pour parvenir à trouver des équilibres écologiques favorables à l’agriculture. Aujourd’hui beaucoup d’agriculteurs sont intrigués et passent sur la plateforme voir ce que nous faisons. C’est encourageant.  

#ScienceDurable – Le mystère du riz éternel révélé

De la diversité à perte de vue 

 

À compter de 2008, l’équipe de recherche part, chaque année, dans les terrasses de Yuan Yang caractériser le riz : « nous avions dans l’idée que la résistance de ce riz tenait à sa diversité » précise Jean-Benoît Morel. Pour vérifier cette hypothèse, les scientifiques prélèvent dans une centaine de champs plusieurs plants de riz et les séquencent. Et ce qu’ils découvrent se révèle extraordinaire : « La diversité des riz des terrasses est complètement fractale, à toutes les échelles y compris dans chaque parcelle de champs. » poursuit le scientifique. Les chercheurs la comparent alors aux 3 000 variétés de riz séquencées dans le reste du monde « et ce que l’on a constaté, c’est que ce riz à un niveau de diversité qui approche 80 % du niveau de diversité des riz mondiaux ». Mieux encore, l’analyse de 400 génomes du Yuan Yang leur fait penser que ces variétés sont très anciennes : « On a l’impression que c’est un riz qui a peut-être même été cultivé avant les autres, il y a plusieurs milliers d’années ».

 

 

Les gènes de l’immunité, les meilleurs des antidotes  

 

Jean-Benoît Morel et son équipe poursuivent leur enquête et réalisent des tests pour déterminer les gènes sous pression de l’environnement, comprenez des gènes dont la forme fluctue en fonction des pressions extérieures que la plante subit : « On a constaté que les seuls gènes qui répondaient à ce critère étaient les gènes de l’immunité. » Autrement dit la seule pression détectée à laquelle s’adapterait en permanence le riz est la pression exercée par les agents pathogènes. « Le déploiement de systèmes immunitaires très différents entre les riz cultivés à Yuan Yang a poussé l’agent pathogène à se spécialiser sur chaque type de riz, l’empêchant de passer facilement de l’un à l’autre » commente le scientifique. 

 

Dans les terrasses du Yuan Yang, la sélection naturelle darwinienne joue donc à plein régime. Lorsque les champignons parviennent à s’attaquer à certains plants de riz, les autres plants disposent de gènes pour y faire face. Les plants sensibles aux pathogènes diminuent tandis que les autres, insensibles, croissent. Ce sac et ressac, permis par la diversité au sein de l’espèce, offre donc au riz d’avoir le meilleur antidote.

 

 

La diversité comme bien commun 

 

Mais la diversité du riz n’explique pas tout. La longévité des terrasses réside entre les mains de la population locale qui depuis des millénaires sème et travaille le riz. Pour comprendre la façon dont la population Hani gère sa diversité, l’équipe de recherche a fait appel à des sociologues pour mener l’enquête. Trois règles sociales ont été identifiées : 

 

  • La première est que les semences des variétés traditionnelles sont échangées et jamais vendues. 
  • La seconde est qu’un agriculteur qui refuse de donner des semences est considéré comme un paria. 
  • Et la troisième est que le choix des semences par un agriculteur ne résulte d’aucune concertation collective : c’est à lui que revient la décision de semer de la façon dont il le souhaite.

 

« À elles seules, ces règles permettent spontanément d’instaurer dans ce territoire un accès illimité, immédiat et très peu couteux, à un large stock de semences maintenues in situ. » 

 

 

Vers une agriculture européenne résiliente et durable ?  

 

Ce modèle serait-il d’une façon ou d’une autre transposable en Europe ? « Dans les terrasses, on a estimé qu’il fallait maintenir une vingtaine de gènes de résistances différents, cela n’est évidemment pas généralisable, car les socio-écosystèmes ne sont pas les mêmes, mais cela donne un ordre d’idée. » Lorsque l’on sait qu’en France seules quelques variétés de riz sont cultivées, le chemin semble encore long pour avoir une agriculture résiliente et durable. « En France, les agriculteurs qui cultivent le blé commencent néanmoins à suivre cette tendance, souligne le chercheur. Aujourd’hui, 12 % des surfaces de blé sont cultivées avec plus d’une variété par parcelle. » Les sorties de ce travail de recherche vont permettre d’aider les agriculteurs à constituer des mélanges de variétés durables et pertinentes. Une autre idée que souhaiterait faire passer Jean-Benoît Morel serait de sensibiliser les agriculteurs à la diversité comme bien commun. « Si on ne la conserve pas, les agents pathogènes sauront développer des contre-attaques. ». Mais les agriculteurs ne sont pas les seuls à convaincre : « Il y a de puissants verrous notamment du côté de la filière qui n’a pas intérêt à proposer de nombreuses variétés, mais à privilégier une variété qui rapporte beaucoup au détriment d’autres variétés qui ne représenteraient que des micros marchés. »

 

La diversité fait pourtant partie des solutions de demain « Or le problème est qu’il n’y en a de moins en moins en France. Pour l’étudier, il faut aller la chercher ailleurs, dans les pays du sud notamment » rappelle Jean-Benoît Morel. Dans ces pays, celle-ci est encore active, de nombreux paysans la travaillent au quotidien.  « INRAE est en train d’identifier avec le Cirad des chantiers communs au sud dans cette perspective. L’enjeu est à la fois de protéger les cultures et de voir comment transposer leurs solutions chez nous. » Car, vous l’aurez compris, de la diversité découle l’éternité.

#ScienceDurable – L’agriculture croît dans les mathématiques

Réduction des pesticides et engrais, prédiction des récoltes, adaptation au changement climatique… Les défis posés à l’agriculture sont multiples et les mathématiciens ont des solutions à apporter. Focus sur leurs travaux à l’occasion du Salon de l’agriculture qui s’est tenu à la Porte de Versailles en mars dernier.

 

 

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#ScienceDurable – Réchauffement climatique : une situation d’urgence pour les céréales africaines

Le réchauffement climatique impacte les productions agricoles en Afrique de l’Ouest… depuis déjà une vingtaine d’années ! Si de nombreux travaux prévoyaient une baisse des rendements agricoles de 10 à 15 % en 2050 dans ces régions du fait de l’élévation des températures, aucune ne s’intéressait jusqu’alors à la situation actuelle. Deux climatologues de l’UMR Espace-Dev, Benjamin Sultan et Dimitri Defrance, viennent de publier une étude sur ce sujet en collaboration avec un laboratoire japonais, spécialisé dans les simulations environnementales.

 

 

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#ScienceDurable – Combiner les politiques agricoles de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour concilier biodiversité et sécurité alimentaire

Répartir les efforts entre la production de biocarburants, une transition vers des régimes alimentaires moins carnés et la reforestation de pâture serait une bien meilleure option pour l’agriculture de demain que de miser uniquement sur une seule de ces stratégies. Cette combinaison permettrait d’allier à la fois des objectifs de sécurité alimentaire, de préservation de la biodiversité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, selon une étude publiée par le Cirad et ses partenaires dans Environmental Research Letters.

 

 

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Un meilleur réseau routier amazonien pour les habitants et l’environnement

Cette étude analyse les impacts environnementaux, sociaux et économiques de 75 projets routiers totalisant 12 000 kilomètres de routes. Le premier constat est que tous les projets, bien que dans des proportions différentes, auront un impact négatif sur l’environnement. 45 % d’entre eux entraîneront également des pertes économiques, sans même compter les externalités sociales et environnementales.

 

Annuler les projets économiquement injustifiés permettrait d’éviter 1,1 million d’hectares de déforestation et d’économiser 7,6 milliards de dollars US de fonds gaspillés pour le développement des projets. Pour le reste des projets qui dépassent le seuil de viabilité économique, les auteurs identifient ceux qui sont comparativement meilleurs non seulement en termes de rendement économique, mais également en termes d’impacts environnementaux. Ils mettent en évidence qu’un ensemble plus restreint de projets pourraient apporter 77 % des avantages économiques attendus pour seulement 10 % des dommages environnementaux et sociaux. Ils démontrent ainsi qu’il est possible de prendre des décisions d’arbitrage efficaces, éclairées par des priorités nationales légitimes.

 

 

La synthèse est disponible dans les ressources téléchargeables.

 

La Fondation pour la recherche sur la biodiversité gère l’animation et la communication du réseau IENE, un think-tank européen spécialiste des questions « Infrastructures et biodiversité ». Dans ce cadre, la FRB communiquera régulièrement sur des travaux scientifiques liés à ces enjeux.

Un « filet de sécurité mondial » pour inverser la perte de biodiversité et stabiliser le climat de la Terre

Le « filet de sécurité mondial » décrit comment une conservation étendue de la nature répond à ces deux menaces globales. Les auteurs identifient 50% du domaine terrestre qui, s’il était conservé, inverserait la tendance future à la perte de biodiversité, empêcherait les émissions de CO2 dues au changement d’usage des terres et renforcerait le stockage naturel du carbone. Ce cadre de réflexion montre que, au-delà des 15,1% de terres actuellement protégées, 35,3% des terres sont nécessaires pour assurer la conservation de sites supplémentaires d’une importance particulière pour la biodiversité et stabiliser le climat. Cinquante écorégions et 20 pays contribuent de manière majeure aux objectifs proposés. Les terres autochtones s’imbriquent largement dans le filet de sécurité mondial. La conservation du filet de sécurité mondial pourrait aider la santé publique en réduisant à l’avenir le risque d’émergence de maladies zoonotiques comme la Covid-19.

 

Alors que les crises simultanées de la perte de biodiversité et du changement climatique ont généralement été abordées séparément, il existe une même solution clé pour deux des défis les plus urgents de notre époque : conserver suffisamment de nature et aux bons endroits.

 

 

La synthèse est disponible dans les ressources téléchargeables.

#ScienceDurable – À Toulon, habitats artificiels à la rescousse des poissons

Les ports sont aussi des écosystèmes

 

Contre la paroi du quai, des plongeurs font descendre dans les profondeurs trois murs végétaux de roselières de 150 mètres carrés. Ces herbiers artificiels reproduisent les habitats des espèces marines locales en imitant les caractéristiques des herbiers de posidonie méditerranéens. Ils ont été conçus pour abriter les juvéniles de plusieurs espèces locales de poissons. Au pieds de ces herbiers, des blocs de bétons, réalisés en impression 3D, sont accrochés pour recréer des cavités dans lesquels les poissons devenus un peu plus grands s’abriteront. Marc Bouchoucha, responsable du projet et membre du laboratoire Environnement Ressources Provence-Azur-Corse de l’Ifremer explique : « Les ports ont rarement été perçus comme des écosystèmes, ils ont été très souvent envisagés sous l’angle économique ou culturel, mais peu sous l’angle écologique. Or, ce que nous constatons, c’est qu’ils ont majoritairement été construits sur des petits fonds côtiers abrités, qui ont, pour les poissons, des fonctions écologiques très importantes. »

 

 

Comprendre le cycle de vie des poissons

 

Le cycle de vie des poissons est en effet tel qu’ils pondent au large, voient leurs œufs flotter et être portés par les courants, puis éclore. Au niveau des côtes, les larves trouvent abri dans les herbiers. Les juvéniles s’y développent et, avant d’atteindre le stade adulte, quittent les roselières pour s’abriter, un peu plus bas, dans de petits rochers. Une fois arrivés à maturité, les poissons rejoignent le large pour y accomplir le reste de leur cycle.

 

« Aujourd’hui, ce cycle de vie est particulièrement bousculé par les taux d’artificialisation du pourtour méditerranéen qui ne cesse de croitre depuis les années 1950. Dans certaines zones comme Monaco, on atteint même des taux d’artificialisation à 90 % souligne Marc Bouchoucha. »

 

 

Restaurer les fonctions écologiques des ports

 

Le chercheur et son équipe ont donc pour objectif de limiter l’impact de l’artificialisation sur le cycle de vie des poissons en réparant certaines fonctions écosystémiques dégradées . « Mais avant cela, il a fallu nous assurer que les conditions environnementales étaient satisfaisantes ». Une attention particulière a été portée à la contamination chimique en Méditerranée. « Sur ce point, les réseaux de surveillance et les études mis en œuvre par l’Ifremer sur les masses d’eau côtières au cours des 20 dernières années ont montré que la tendance globale est à l’amélioration. » Les indicateurs sont donc « au vert » : pas de hausse significative des niveaux de contamination ; des niveaux constants en contaminants et inférieurs aux normes de qualité environnementale pour la grande majorité des sites suivis ; certes il reste quelques foyers de contamination historique dans certains secteurs identifiés, mais globalement les efforts d’assainissement des dernières décennies ont porté leurs fruits. « Les conditions étaient donc réunies pour restaurer efficacement le milieu. »

 

 

Un suivi de grande précision

 

En s’inspirant des habitats naturels, la société Seaboost a recréé les habitats des juvéniles. Pour s’assurer de leur efficacité, les scientifiques ont prévu de réaliser des suivis à grande échelle. Ceux-ci sont effectués à différents niveaux. Tout d’abord dans les ports, pour s’assurer que ces habitats ne soient pas colonisés par des espèces envahissantes issues des bateaux provenant du monde entier. Puis sur les espèces elles-mêmes, pour comprendre comment ces populations s’adaptent à ce milieu pollué et sonore. Enfin, dans les zones naturelles, pour voir comment les poissons se développent : «Nous devons pouvoir scientifiquement prouver que de telles installations contribuent à l’amélioration des populations naturelles, souligne Marc Bouchoucha ». Tous les moyens sont mobilisés pour assurer le suivi « On a installé à demeure des caméras sur les récifs pour filmer en continu les poissons, on a couplé cela avec des logiciels de reconnaissance automatique issus de l’intelligence artificielles pour nous permettre d’identifier et de compter les poissons. L’ADN environnemental est aussi utilisé pour étudier la biodiversité difficilement observable à l’œil nu, comme les espèces dites cryptiques qui, sur le plan morphologique, ne présentent aucune différence, mais qui, d’un point de génétique, présentent des différences notables. »

 

Dans les années à venir, d’autres ports devraient mettre en place ces nurseries de poisson. Cette nouvelle est accueillie avec prudence par Marc Bouchoucha : « La restauration est un outil qui ne doit pas servir à justifier la dégradation d’habitats naturels. Il est important de rappeler qu’elle est en général utilisée lorsque l’on n’a plus d’autres solutions. La protection doit toujours primer sur la restauration. »

#ScienceDurable – Urbanisme : pourquoi nous devons passer du concept de ville à celui d’écosystème urbain

L’approche biodiversitaire

 

Philippe Clergeau, chercheur au Muséum national d’histoires naturelles de Paris et spécialiste de la nature en ville constate « Les politiques de verdissement des villes sont évidemment une bonne chose, à la fois pour la qualité du cadre de vie et pour la reconnexion des citadins avec la nature. Néanmoins, on remarque que ce sont trop souvent les mêmes espèces qu’on emploie en milieu urbain au risque de les voir un jour disparaître. » Ainsi les platanes alignés dans de nombreuses villes françaises pour leur résistance à la pollution ou la sécheresse se retrouvent aujourd’hui menacés par la maladie du Chancre et risquent de connaître le même destin que l’Orme dans les années 60, décimé par un champignon pathogène. « Le problème n’est pas l’espèce en tant que telle, souligne Philippe Clergeau, mais le fait que ce soit une monoculture. » À l’approche monospécifique, le scientifique répond par l’approche « biodiversitaire ». « Si les grandes pelouses, les alignements de platanes ou les toitures de sedum constituent autant de monocultures qui pourront se révéler fragiles face aux aléas climatiques ou sanitaires, à l’inverse, la diversité d’espèces ayant des relations entre elles s’avère bien plus résistante ; elle apporte une certaine stabilité aux chaînes alimentaires, aux paysages urbains. Une ou des espèces peuvent disparaître sans que toute la plantation soit détruite. » S’inspirer du fonctionnement de la nature et de sa complexité fait donc partie des pistes pour rendre les villes plus durables.

 

 

Le biomimétisme source d’inspiration pour les architectes

 

D’ores et déjà dans le monde de l’architecture, les praticiens dissèquent le fonctionnement des habitats ou des plantes pour bâtir leurs immeubles. À Harare, capitale du Zimbabwe, l’architecte Mike Pearce s’est inspiré des termitières pour construire un centre d’affaire sans air conditionné : en y laissant l’air circuler par une multitude de petits trous, il a permis à la température du bâtiment de se réguler d’elle-même sans jamais dépasser les 27°. D’autres bâtisseurs, tels que les frères Vernoux, respectivement architecte et biologiste, créent des bâtiments vertueux inspirés de la phyllotaxie, comprenez la façon dont les végétaux disposent et arrangent leurs feuilles pour favoriser au mieux la récupération de la lumière. Aujourd’hui, leurs bâtiments construits en forme de spirale gagnent en énergie.

 

Mais le scientifique Philippe Clergeau invite à aller plus loin. « Ce biomimétisme appliqué aux objets ou aux bâtiments, doit pouvoir s’appliquer à l’urbanisme. » L’idée centrale est, à l’image des écosystèmes, de privilégier un fonctionnement circulaire qui permet à la fois l’auto-entretient et le maintien des espèces. « Si on a une platebande de fleurs par exemple, il va falloir l’entretenir, biner, sarcler, arroser régulièrement pour la maintenir en bon état. L’approche « biodiversitaire » va en revanche nous permettre d’éviter cela. L’idée est de reconstituer un petit écosystème : en utilisant des couvres sols, on va conserver plus d’humidité dans le sol, limiter les espèces envahissantes et la faune qui va s’y développer permettra de reconstituer une litière. La gestion en sera d’autant plus réduite ». Le scientifique appelle à ouvrir les lentilles de nos jumelles et à penser cette bio inspiration à l’échelle de la ville.

 

 

Penser la ville comme un écosystème

 

Dès à présent des projets urbains tendent à s’approcher de ce principe d’ « urbanisme écosystémique ». Ainsi aux États-Unis, à Portland, un plan d’urbanisme prenant en compte l’écosystème a-t-il été pensé pour le quartier de Lloyd. L’idée de départ était de se rapprocher du fonctionnement de l’écosystème préexistant: une forêt de conifères. Des mesures ont été prises pour établir une base théorique représentant le profil écologique du site avant la présence humaine. L’objectif était de réaménager le quartier, inverser les impacts environnementaux négatifs et redonner certaines fonctionnalités écologiques au lieu.

Avant la présence humaine, 90 % de la forêt était composée d’un couvert arboré abritant de très nombreuses espèces. Le plan d’urbanisme a prévu d’augmenter le couvert forestier indigène de 30 %, de planter des végétaux diversifiés à la fois dans les sols et sur les murs des façades, de créer 8000 mètres carré de « parcelles » de forêt de conifères et de fournir un habitat aquatique grâce à la collecte des eaux pluviales. La collecte des eaux de pluie a aussi été étudiée pour répondre à 100 % de la demande en eau potable. Le plan envisageait d’utiliser les bâtiments, paysages et systèmes techniques pour imiter la récupération d’eau de la forêt tout en permettant une multiplication par cinq de la densité urbaine. Enfin, l’énergie solaire et les cycles du carbone ont été pris en compte pour s’approcher des conditions d’utilisation de l’énergie solaire par la forêt et réduire les émissions de carbone aux niveaux d’avant le développement. Le quartier ainsi conçu n’était alors plus pensé comme une ville, mais plutôt comme un écosystème urbain dans lequel devait se déployer un système social et économique. 

 

En dépit de leur théorisation, ces types d’approches demeurent encore à l’état de projet et trop souvent la biodiversité n’est pas un des axes majeurs de la réflexion : « On reste beaucoup sur les flux et le métabolisme. Le vivant est encore peu pris en compte, déplore Philippe Clergeau. » Bien que les scientifiques soient au début des recherches d’opérationnalité, les connaissances pour s’engager dans ce type de projets sont bien réelles. « La plupart des municipalités l’ont bien compris, les trames vertes et bleues ne sont pas toujours une science exacte permettant aux musaraignes ou hérissons d’arriver en centre-ville, mais elles font partie d’un ensemble de projets qui tendent doucement mais sûrement à créer une nouvelle forme de milieu urbain résilient et évolutif. »

 

 

POUR EN SAVOIR PLUS

 

Clergeau P. (coord.) (2020) Urbanisme et biodiversité, vers un paysage vivant structurant le projet urbain. Apogée ed.

Blanco E. et al. (soumis) Urban ecosystem-level biomimicry and regenerative design: Linking ecosystem functioning and urban built environments. Sustainability

#ScienceDurable – Du déclin au rétablissement de la biodiversité : l’urbanisation et l’avenir de la conservation de la biodiversité

Pour inverser les tendances dramatiques actuelles, l’Ipbes, dans son évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, pose la question du rôle de la démographie humaine et de la perpétuation de systèmes de production non durables et appelle à des changements systémiques majeurs.

Peu de personnes informées doutent encore aujourd’hui de la nécessité d’une réflexion de fond sur l’évolution de nos stratégies socio-économiques comme cadre conceptuel pouvant guider l’action en faveur de la biodiversité et parallèlement du climat. Les scénarios démographiques et socio-économiques prennent alors toute leur importance pour évaluer le futur de la biodiversité et la pertinence des orientations politiques qui permettront de la sauvegarder. Qui dit orientations politiques, dit choix de société et donc nécessité d’une libre expression et d’un libre choix des citoyens. Même si la science ne porte pas une vérité, mais des théories et des hypothèses fondées sur l’analyse des données, elle doit être un élément majeur pour éclairer tant l’opinion que les décideurs.

 

Dans ses efforts de « porté à connaissance », la FRB se doit d’apporter sa contribution aux riches et intenses débats en cours. la Fondation a proposé la transcription d’un article issu des réflexions de trois « conservationnistes » américains, Sanderson, Walston et Robinson.

Pour résumer de manière très simplifiée, les auteurs disent que l’évolution de la démographie humaine et des consommations va conduire à un déclin majeur de la biodiversité d’ici 2050, rejoignant ainsi beaucoup de scénarios actuels dont ceux figurés dans le rapport de l’Ipbes, mais que la tendance croissante à l’urbanisation de la planète va conduire, par des processus multiples, à une stabilisation et même une décroissance de la démographie humaine et que ce qu’ils considèrent comme l’efficacité environnementale plus grande des villes aura un impact positif sur l’environnement et permettra à termes le rétablissement de la biodiversité.

 

En effet, d’ici 100 ans, les tendances de développement montrent également que l’essentiel de l’humanité vivra dans les villes et les agglomérations dans une économie de marché interconnectée et fondée sur la technologie. Un des scénarios crédibles est que la population humaine stagne ou diminue aux environs de 6 à 8 milliards de personnes et que leur concentration dans les villes entrainera des changements socio-environnementaux important et notamment, la diminution de l’extrême pauvreté, une meilleure maîtrise de la fécondité et une évolution des modes de vie et de pensée. Le modèle quantitatif développé dans l’étude de Sanderson et al., montre tout d’abord des impacts négatifs sur la biodiversité, entrainés par ces changements, puis une inversion de la tendance avec des impacts positifs sur l’environnement. Ainsi, bien qu’il soit parfaitement clair que les impacts environnementaux augmentent au fur et à mesure que les sociétés traversent la transition démographique et s’urbanisentla transition en cours de la fécondité et la réduction de la pauvreté résultant de l’urbanisation suggèrent la perspective d’une stabilisation éventuelle et d’une réduction à long terme des impacts globaux sur l’environnement.

 

 

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La diversité des espèces hôtes de pathogènes susceptibles d’être transmis à l’Homme augmente dans les écosystèmes dominés par celui-ci

Toutefois, il n’avait pas encore été formellement démontré que ces perturbations locales entraînent des changements prévisibles dans la diversité spécifique locale (nombre d’espèces) et la composition taxonomique des hôtes réservoirs potentiels (diversité des hôtes de pathogènes). Ce phénomène pourrait trouver son explication dans les différences de résilience des espèces aux pressions exercées par l’homme, c’est-à-dire leur capacité d’adaptation aux pressions anthropiques.

 

Pour obtenir ces résultats, les auteurs ont analysé 6 801 assemblages d’espèces et 376 espèces hôtes dans le monde entier, en tenant compte des biais apportés par les efforts de recherche qui portent préférentiellement sur certaines espèces. Ils ont ainsi démontré que l’utilisation des terres a partout et systématiquement les mêmes effets sur les communautés des hôtes réservoirs potentiels. Globalement, il y a plus d’espèces sauvages connues pour être des hôtes d’agents pathogènes et de parasites partagés avec l’Homme dans les sites soumis à une utilisation humaine importante (écosystèmes modifiés, agricoles et urbains) par rapport aux habitats voisins non perturbés (18-72 % de plus) et elles y sont plus abondantes (21-144 % de plus). L’ampleur de cet effet est encore plus forte pour les rongeurs, les chauves-souris et les passereaux : ce qui peut expliquer pourquoi ces taxons sont très représentés en tant que réservoirs zoonotiques.

 

Par ailleurs, les auteurs démontrent que les espèces de mammifères qui abritent globalement le plus d’agents pathogènes (partagés ou non avec l’Homme) sont également les plus susceptibles de se trouver dans des écosystèmes gérés par l’Homme. Cela suggère que la présence de ces espèces dans ces milieux peut être influencée par leurs caractères écologiques ou leurs traits de vie qui ont une incidence à la fois sur leur statut d’hôte et sur leur tolérance aux perturbations humaines.

 

Enfin, les chercheurs alertent sur le fait que les changements globaux et l’intensité de l’utilisation des terres multiplient les interfaces dangereuses entre les populations humaines, le bétail et la faune sauvage et donc sur un risque accru de zoonoses.

 

La synthèse complète est disponible dans le ressources téléchargeables ci-dessous. 

 

#ScienceDurable – Faut-il totalement repenser la ville ?

La densité humaine facilite la propagation des virus. Retraçant l’histoire des liens entre urbanisme et préoccupations sanitaires, le philosophe Thierry Paquot nous invite dans ce podcast à repenser la configuration des villes, jouer la complémentarité avec la nature et réfléchir à ce que signifie à notre époque une ville à « échelle humaine ».

 

 

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#ScienceDurable – Les « forêts urbaines », essentielles aux villes de demain

Les zones urbanisées occupent environ 10 % des surfaces terrestres, une proportion qui ne cesse de croître. Ces espaces constituent les milieux de vie de plus de 50 % de la population mondiale et contribuent de manière importante au changement climatique.

 

Face à ces réalités, des efforts de plus en plus importants sont engagés dans de nombreuses villes pour améliorer la qualité de vie et limiter les contributions de ces espaces aux changements globaux, grâce notamment à des plans d’adaptation au changement climatique et en faveur de la biodiversité.

 

Parmi ces actions, l’accroissement de la place accordée aux arbres, avec l’objectif d’évoluer vers de véritables « forêts urbaines », représente une contribution majeure.

 

 

 

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#ScienceDurable – Comment faire de votre jardin un havre de biodiversité

Pour celles et ceux qui ont la chance de posséder un coin de verdure, la période de confinement a offert l’occasion de jardiner, s’adonner à l’exercice physique ou simplement – aujourd’hui plus que jamais – de contempler. Contempler la végétation généreuse en ce printemps avancé, son cortège de pollinisateurs virevoltant autour des premières fleurs ; contempler les oiseaux chanteurs donnant fièrement de la voix.

 

Pourtant, tous les jardins ne connaissent pas la même vitalité. Ils sont d’abord le reflet des paysages alentour : un jardin bordé de monoculture hypertraitée abritera une biodiversité certainement plus pauvre, malgré l’effet refuge dont pourront bénéficier quelques espèces. Mais le degré d’attractivité tient beaucoup à nos comportements. Ce sont nos pratiques qui garantissent la bonne santé du jardin et des écosystèmes qu’il renferme.

 

 

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Publication de la note sur la biodiversité du Conseil d’analyse économique (CAE) – Interview d’Harold Levrel, économiste de la biodiversité

Vous avez publié il y a un mois une opinion intitulée D’une économie de la biodiversité à une économie de la conservation de la biodiversité sur le site de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB). Que vous inspire la publication du Conseil d’analyse économique1 (CAE) qui pour la première fois publie une note sur la biodiversité ?

 

Pour la communauté des économistes, c’est une réelle avancée car c’est le premier rapport du Conseil d’analyse économique (CAE) sur la thématique biodiversité. Par ailleurs, le diagnostic proposé est concret et les solutions proposées adaptées à la crise que subit le monde vivant. Notre pays qui héberge une biodiversité exceptionnelle à la fois en métropole et dans ses territoires et ses départements d’outre-mer a une responsabilité de premier plan.

 

 

Êtes-vous en accord avec les conclusions du Conseil d’analyse économique ?

 

Oui tout à fait. Le rapport fait le constat que la biodiversité s’effondre et s’interroge sur la raison pour laquelle on ne parvient pas à stopper cette érosion. Il pointe notamment du doigt les subventions dommageables à la biodiversité, qui sont aujourd’hui nombreuses. Le Conseil cite par exemple la fiscalité sur les terrains non bâtis qui encouragent les propriétaires à construire pour gagner de l’argent. Le Conseil souligne aussi le besoin majeur de renforcer la séquence “Éviter Réduire Compenser” (ERC). Il y a aujourd’hui trop de dérogations, trop de manquements à la loi sur ce sujet. Tant qu’il n’y a pas de sanction, les aménageurs ne chercheront pas à mettre en place des stratégies visant à réduire leur empreinte sur les écosystèmes naturels, à investir dans de l’ingénierie écologique pour réduire leurs impacts. Ils pointent aussi comme autre dysfonctionnement les mille feuilles réglementaires autour de la protection de la biodiversité qui posent des problèmes de gouvernance. Tout cela fait partie d’un constat partagé avec celui que nous faisons dans l’Opinion publiée sur le site de la FRB.

 

 

Quels sont vos points de divergence ?

 

La note du Conseil d’analyse économique souligne, à plusieurs reprises, que c’est le manque de prise en compte de la valeur économique de la biodiversité qui est une des origines du problème. Certes, il est évident que les bénéfices fournis par la biodiversité sont considérables, mais ils restent de nature collective et tous les travaux qui ont détaillé la nature et les montants de ces bénéfices depuis plus de 20 ans n’ont pas réussi à convaincre les entreprises d’investir dans la biodiversité. Prenons l’exemple des produits pharmaceutiques. Dans les années 1990, le discours était le suivant : c’est en investissant dans la préservation de la biodiversité sauvage – notamment dans les pays du Sud – que l’on réussira à trouver de nouveaux médicaments dont le secteur pharmaceutique pourra tirer des bénéfices. 30 ans plus tard, on constate que le coût de la recherche sur ces dîtes molécules naturelles est trop élevé. La R&D pharmaceutique a totalement réinvesti ses recherches dans la chimie. Un autre secteur où l’on constate un net recul de l’utilisation des ressources naturelles, c’est le textile. On est passé de 41 % de la production mondiale en 2008 à moins de 30 % en 2018. La note du Conseil souligne ce manque d’investissement des entreprises, mais elle ne propose pas pour autant un changement d’approche – dans le champ de l’économie de la biodiversité – sur le sujet. C’est notre constat de départ dans la note d’opinion de la FRB : la biodiversité s’avère moins utile ou moins rentable que prévue pour le monde de l’entreprise, tout du moins à court-terme, c’est-à-dire l’échelle de temps à laquelle raisonnent les entreprises.

 

 

Que faudrait-il faire alors, selon vous, pour que le secteur économique prenne en compte efficacement la biodiversité ?

 

Nous pensons qu’il faut mettre la biodiversité au cœur du projet économique. En reconnaissant la nature comme composée d’entités que l’on veut maintenir pour elles-mêmes et non pas pour ce qu’elles valent économiquement. La nature n’a pas besoin d’être pensée comme un capital ou un actif, mais comme une entité qui bénéficie de droits à être préservée. Cela ne veut pas dire qu’on personnifie la nature mais plutôt qu’on lui reconnait des droits à être réparée lorsqu’elle subit des dommages, des préjudices écologiques issus d’activités humaines. Ce droit existe cependant déjà. Cette année, dans les calanques par exemple, des braconniers ont été sanctionnés au titre du préjudice écologique et ont dû payer le coût nécessaire pour réparer ce qu’ils avaient pris à la nature. Mais il faut admettre que ce type de décision est encore très rares et, malheureusement, les délits environnementaux sont ceux pour lesquels on constate le plus faible taux de sanction, sous prétexte que l’on aurait recours à une “écologie punitive”. Il nous semble, de notre côté, qu’il s’agit surtout de respecter un principe de responsabilité et de réciprocité vis-à-vis d’une nature qui nous donne tout mais à qui on ne restitue jamais rien.

 

 

Comment ce droit pourrait-il se traduire d’un point de vue économique ?

 

La nature ne doit plus être évaluée sur la base d’équivalence en valeurs économiques, mais sur celle d’équivalence en valeurs écologiques. D’un point de vue comptable, la nature n’est plus un actif que l’on fait entrer dans les comptes des entreprises, des administrations ou des ménages, mais une entité à part avec laquelle on effectue des transactions et pour laquelle on crée des comptes spécifiques de créances et de dettes. Si une entreprise utilise – ou détruit – des populations animales sauvages pour sa production, elle va générer une dette vis-à-vis de la nature. Il faut que dans ses comptes, cette dette apparaisse et que dans les comptes de la nature, on puisse rendre visible la créance dont elle bénéficie. Le remboursement peut se faire alors par la restauration écologique ou par tout investissement de l’entreprise qui permette à la biodiversité de se régénérer (si on est dans une situation où la nature peut se régénérer). Tout cela peut aussi être créateur de nouveaux emplois et de croissance, comme cela a été observé à chaque fois que l’État a décidé d’investir dans la protection de biens publics – comme les monuments historiques ou encore l’approvisionnement en eau – ou de réguler des marchés qui détruisait ces biens publics.

 

 

Vous donnez en somme à la nature des droits pour se défendre…

 

Oui, car ce qu’omet le Conseil dans sa note, c’est la puissance des lobbies dans les négociations où la conservation de la biodiversité est en jeu. Or il est important de rappeler que les transitions écologiques des secteurs économiques sont le fruit de négociations où les défenseurs de la nature ne pèsent pas, ou très peu. Les arguments autour de la création d’emplois, de la croissance, de la crise que connaît un secteur, etc. sont toujours ceux qui vont peser le plus. À l’échelle des territoires, ils sont portés par les secteurs économiques et défendus par les préfets et les élus locaux. Au sein des multinationales par les directions financières ou des ressources humaines. De l’autre côté, qui défend la nature ? Le ministre de l’environnement, les associations, certaines administrations déconcentrées pour les territoires, les directions de l’environnement ou du développement durable pour les multinationales. Mais au fond, soyons clair, ces acteurs pèsent peu dans ces négociations. C’est pourquoi une approche par le droit de la biodiversité à être véritablement représentée et défendue lors des négociations qui s’opèrent à différentes échelles territoriales et organisationnelles pourraient faire évoluer les choses en matière de transition écologique de notre système économique.

 

 

La recherche économique sur la biodiversité peut-elle contribuer à cette transition écologique ?

 

Au niveau des instituts de recherche et des universités, nous avons besoin d’économistes qui connaissent mieux l’écologie scientifique et les modèles qui y sont associées, comme le propose en partie l’économie écologique. Par ailleurs, de nombreuses innovations, facilitant l’analyse des conditions d’une transition écologique de l’économie, peuvent être attendues en matière de comptabilité, d’ingénierie technico-économique, de planification territoriale et sectorielle, d’économie du droit, etc. Du point de vue de la R&D, il y a aussi la nécessité de renforcer les compétences au sein de nombreux secteurs économiques. Il est par exemple aujourd’hui compliqué d’accompagner un agriculteur dans une transition écologique qui nécessite de changer la structure de son exploitation, à utiliser des solutions fondées sur la nature et à utiliser de l’ingénierie écologique pour maintenir des rendements importants tout en renonçant aux pesticides ou à certains outils mécaniques. Il y a aussi un besoin d’économistes en mesure de travailler à la fois sur des modèles standards de business model, mais aussi capable d’évaluer les coûts et des méthodes associées à certaines réglementations environnementales pour réduire les risques de contentieux et proposer des solutions opérationnelles.

 

 

Le plan de relance proposé par le gouvernement vous parait-il prendre suffisamment en compte la biodiversité ?

 

100 milliards d’euros sont annoncés pour relancer l’économie française dont 30 milliards pour la transition écologique. C’est bien, mais le problème est que cette transition écologique est avant tout énergétique. 11 milliards sont investis dans les transports, 9 milliards dans l’industrie énergétique, 7,5 pour le bâtiment et le logement, et quasi rien pour la biodiversité. Par ailleurs, ce que l’on constate depuis 20 ans, c’est une baisse des investissements privés en matière de protection de la biodiversité, comme le souligne la note du Conseil d’analyses économique d’ailleurs. L’État a donc un rôle majeur à jouer. Un vrai plan de relance écologique pourrait être un plan de relance fondé sur des espaces de restauration naturelle comme pour les forêts ou les prairies. L’avantage lorsque qu’on a des logiques d’investissement dans la biodiversité, c’est d’en voir très vite les effets. Il suffit de restaurer une zone humide ou de mettre en réserve intégrale un écosystème marin pour tout de suite voir des résultats. C’est très concret. Et pour conclure sur une note économique : les emplois qui accompagneraient ces investissements sont non délocalisables et les personnes qui vivent à proximité de ces espaces peuvent bénéficier de plein d’opportunités associées à cette nouvelle biodiversité…

 

1. Le Conseil d’analyse économique réalise, en toute indépendance, des analyses économiques pour le gouvernement et les rend publiques. Il examine les questions qui lui sont soumises par le Premier ministre et par le ministre chargé de l’économie et peut procéder de sa propre initiative à l’analyse prospective de questions économiques qu’il estime pertinentes pour la conduite de la politique économique du pays. Il est composé d’économistes universitaires et de chercheurs reconnus.

Approche systémique des conséquences (avantages et inconvénients) de l’abattage de la faune sauvage comme méthode de gestion des maladies infectieuses

Fort de ce principe, la stratégie d’élimination de ces hôtes sensibles apparaît comme un moyen de gestion a priori pertinent, lorsqu’il s’agit de réservoirs animaux. Encore fortement utilisée, cette méthode est néanmoins de plus en plus remise en question, en termes d’éthique, de protection animale et de protection de l’environnement. La récente publication de Miguel et al. explore les avantages et inconvénients de l’abattage des animaux sauvages, y compris ses effets contre-productifs sur la dynamique de la maladie elle-même, et propose des solutions alternatives pour le contrôle des maladies.

Les conditions environnementales extrêmes réduisent la biodiversité et la productivité des poissons des récifs coralliens

Pourquoi trouve-t-on certaines espèces dans un milieu donné alors que d’autres, qui leur ressemblent, en sont absentes ? Comment l’assemblage des espèces présentes affecte les dynamiques des processus écologiques de ce milieu ?
Ce sont à ces questions cruciales pour la conservation de la biodiversité et des services écosystémiques qu’a souhaité répondre une équipe de chercheurs, dont les résultats ont été publiés dans Nature communications le 31 juillet 2020. Plus précisément, leur étude s’est intéressée aux organismes tropicaux ectothermes1 considérés comme vulnérables aux changements environnementaux. En effet, les effets de ces changements, notamment sur l’assemblage et le fonctionnement des communautés de poissons des récifs coralliens, sont aujourd’hui encore largement méconnus. L’équipe de recherche a donc étudié les différentes caractéristiques des poissons de récifs cryptobenthiques2 vivant dans les récifs coralliens les plus chauds et extrêmes du monde situés dans le sud du golfe Persique3 et ceux voisins, mais un peu plus cléments, du golfe d’Oman.

 

Malgré une composition benthique et une couverture corallienne comparables, cette étude révèle que le nombre d’espèces de poissons du golfe Persique est divisé par deux et le nombre d’individus de ce même golfe par quatre, par rapport à celui d’Oman. Cette importante différence semble être due à des carences énergétiques chez les poissons : la disponibilité des proies est différente dans les environnements extrêmes, les températures y sont plus élevées et affectent par exemple la disponibilité en oxygène dans l’eau, etc. Des conditions environnementales plus difficiles, telles qu’attendues pour la fin du 21e siècle, pourraient donc fortement perturber la structure et la productivité des poissons de récifs coralliens indépendamment du déclin des récifs coralliens.

 

[1] Les animaux ectothermes sont ceux qui ne produisent pas de chaleur interne (insectes, reptiles, poissons, etc.).

[2] Les poissons cryptobenthiques sont ceux vivant cachés sur les fonds marins (du latin crypto : « se cacher » et benthos : fond, profondeur).

[3] L’article réfère au golfe Arabique ou Arabo-Persique mais les auteurs de la synthèse ont choisis d’utiliser le terme choisi par l’ONU, à savoir golfe Persique

 

 

Consulter la synthèse complète dans les ressources téléchargeables ci-dessous.

#ScienceDurable – La disparition des poissons migrateurs n’est pas inéluctable

Au cœur de l’été, la nouvelle est presque passée inaperçue. Et pourtant, à travers le monde, les populations de poissons migrateurs (saumon, anguille, alose, esturgeon…) ont chuté de 76 % en près de 50 ans. Un pourcentage vertigineux, mis en lumière par un rapport inédit publié en juillet dernier par plusieurs ONG. Or ce déclin n’est pas inéluctable. De nombreuses équipes de recherche, comme celle de l’INRAE où travaille Patrick Lambert, luttent au quotidien pour conserver les poissons migrateurs.

 

 

Quelles sont les principales causes du déclin des poissons migrateurs ?

 

Ce sont les cinq pressions identifiées par l’Ipbes qui sont responsables de cette chute des populations : le changement climatique, la pollution, la surexploitation des ressources, ici la pêche, la perte d’habitat, en particulier les barrages, et les espèces envahissantes. Toutes cumulées, ces pressions impactent les poissons migrateurs qui voient leur population se réduire à un rythme alarmant d’année en année.

 

 

Existent-ils des solutions pour enrayer leur déclin ?

 

Il n’y a pas de solutions simples. Pour enrayer le déclin, il faut pouvoir agir sur toutes les causes. Si certaines actions, comme la lutte contre le changement climatique et la pollution, vont profiter indirectement aux poissons migrateurs, il est également possible de mettre en place des actions ciblées pour les protéger. Par exemple les passes ou ascenseurs à poissons vont permettre aux migrateurs de franchir les barrages et leur permettre ainsi d’atteindre les lieux de reproduction. Nous pouvons aussi inciter les pouvoirs publics à réduire l’effort de pêche. Le plan national anguille, mis en place en 2009, vise, par exemple à réduire drastiquement la pêche à l’anguille.

 

 

Le renforcement de population est aussi une solution proposée par la recherche. Vous et votre équipe travaillez notamment sur la dernière population au monde d’esturgeon européen vivant dans l’estuaire de la Dordogne et de la Garonne.

 

En effet, cette espèce fréquentait tous les cours d’eau d’Europe, de l’Espagne à l’Allemagne en passant par les îles britanniques, au début du XIXe. Or depuis un siècle, on assiste à son déclin. La dernière reproduction naturelle a eu lieu en 1994. À cette date, nous avons réussi à récupérer quelques individus et nous les avons aidés à se reproduire. Ces poissons mesurent 2 mètres et effectuent des milliers de kilomètres, les tenir en captivité est un vrai défi. Il a fallu ensuite attendre 15 ans pour que leurs portées atteignent leur maturité sexuelle et se reproduisent à leur tour. En 2007, nous avons relâché 6 000 individus, mais cela n’était pas assez. Nous estimons que seule une dizaine a survécu. En 2012, nous avons relâché 700 000 larves. C’est cet ordre de grandeur que nous devons atteindre pendant quelques années si nous voulons espérer que suffisamment d’esturgeons survivent. Cette année, des pêcheurs nous ont signalé un individu de plus d’1m50 près des zones de reproduction. Peut-être un animal de 2007. On a donc des signes encourageants mais l’histoire n’est pas encore écrite.

 

 

Le fait que tous ces poissons soient issus des mêmes géniteurs et soient par conséquent frères ou cousins ne posent-ils pas un problème de diversité génétique qui risque à moyen terme d’affaiblir leur espèce ?

 

C’est effectivement un risque. Nous avons dû pour répondre à cette question, mener des travaux de génétique. Les résultats sont plutôt encourageants, car avons constaté qu’originellement leur diversité génétique était faible. Nous faisons néanmoins tout notre possible lors de la reproduction assistée pour choisir les mâles et les femelles les plus différents possibles. Ce type de restauration ne pose pas seulement des questions de recherche génétique, elle pose aussi des questions liées à l’éthologie, la toxicologie ou encore au climat.

 

 

Quels sont justement les outils que la recherche peut mobiliser pour répondre à ces questions aussi complexes ?

 

Il y a toute une réflexion à mener sur l’approche intégrative, c’est-à-dire l’approche qui combine différentes disciplines comme ici l’éthologie, la toxicologie ou encore l’étude du changement climatique (cf exemple encadré). L’idée est d’intégrer toutes les questions soulevées par ces disciplines dans des modèles pour prédire le devenir des populations de migrateurs. Ces résultats nous aideront à discuter avec les décideurs et le public au niveau national, mais aussi au niveau international, car nombre de ces espèces parcourent de grandes distances et traversent les frontières. La volonté politique doit également être transfrontalière.

 

 

L’APPROCHE INTÉGRATIVE – QUAND L’ÉCOTOXICOLOGIE RENCONTRE L’ÉCOLOGIE. PAR OLIVIER GEFFARD, INRAE

 

« Nous développons des approches qui permettent de diagnostiquer la présence de contaminants dans les milieux et leurs effets. Nous travaillons notamment avec une équipe de INRAE sur le cas de l’alose, un poisson migrateur qui disparait d’un de ses bassins de reproduction en Gironde. Nous cherchons à vérifier si leurs frayères, c’est-à-dire les endroits où ces poissons vont se reproduire, sont de qualité chimique suffisante pour permettre le développement embryonnaire. Pour cela, nous avons développé une approche ex situ (hors du milieu naturel) basée sur la dérivation d’eau de la rivière pour l’étudier. Nous avons ainsi l’avantage d’être en conditions contrôlées de laboratoire, avec de l’eau de la rivière qui coule en continu. Nous avons disposé des embryons de l’alose dans ce canal et attendons de voir s’ils se développent correctement. Nous en sommes au tout début de l’expérience. Si les aloses se développent bien nous aurons prouvé que le milieu n’est pas contaminé et il faudra alors expliquer pourquoi ces poissons migrateurs disparaissent de ce bassin. »

#ScienceDurable – Projet Life Adsorb : optimiser le traitement des eaux du périphérique parisien

Centré sur un prototype innovant situé dans le bois de Boulogne à l’ouest de Paris, le projet Life Adsorb va tester de nouveaux modes de dépollution des eaux issues principalement du ruissellement pluvial du périphérique avec de rares contributions d’eaux usées. L’objectif du projet est de réduire de 95 % la pollution minérale et organique, c’est à dire de macro et micro polluants. La solution proposée sera transférable à des sites densément urbanisés tel que le site parisien mais aussi également à des sites plus ruraux.

 

 

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#ScienceDurable – Quelles solutions pour éviter la propagation de l’antibiorésistance dans l’environnement ?

Si l’environnement contient naturellement des bactéries antibiorésistantes, les activités humaines peuvent tout à la fois les favoriser ou les éliminer par le traitement des rejets et déchets. 

 

Depuis 2017, la FRB accompagne un projet ambitieux de synthèse scientifique visant à faire le bilan des solutions efficaces pour éviter que la résistance aux antibiotiques ne continue à se propager dans l’environnement. Une revue systématique de la littérature scientifique menée en 2019 par Anaïs Goulas, post-doctorante, appuyée par les experts d’un consortium piloté par l’Inserm, avec notamment l’Inrae (anciennement Inra)  et le CNRS et des experts méthodologiques, a permis d’évaluer les connaissances actuelles sur les effets de différentes stratégies sur la réduction de l’antibiorésistance, évaluée par la quantification et la qualification des bactéries résistantes aux antibiotiques, gènes de résistance aux antibiotiques ou éléments génétiques mobiles. 

 

Les principaux résultats de cette revue systématique ont été présenté dans un résumé pour décideurs disponible via le lien suivant. 

 

Consulter le résumé pour décideurs

 

 

 

Guide des méthodes d’expertise

Dans un monde où les résultats des recherches scientifiques sont de plus en plus nombreux et complexes, où les spécialistes sont invités à s’exprimer de plus en plus souvent et portent des messages parfois contradictoires, le choix de la méthode d’expertise, et donc de la façon dont les connaissances sont mobilisées et analysées est crucial.
Donner confiance dans les résultats des expertises, en connaître les limites, respecter le principe de transparence font partie des objectifs du guide « Méthodes d’expertises » pour répondre à l’impératif de crédibilité du processus d’expertise et des résultats obtenus.

 

L’Office français de la biodiversité (OFB) et la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) ont travaillé de concert pour produire ce guide qui se définit comme un outil opérationnel d’aide au choix de la méthode d’expertise, tant dans la sphère publique que privée.

 

 

Télécharger le guide sur les méthodes d’expertise ainsi que le dépliant synthétique dans les ressources téléchargeables. 

#ScienceDurable – Le déploiement de la biologie de la conservation

Apparue au milieu des années 1980, cette jeune science invite à identifier les espèces et les écosystèmes menacés, diagnostiquer les causes de leur déclin, proposer, tester et valider des moyens d’y remédier : « Jusqu’alors, c’était l’affaire de naturalistes passionnés, de gestionnaires d’espaces protégés ou d’ONG, souligne le biologiste de la conservation François Sarrazin. Depuis, les scientifiques les aident à identifier les priorités et améliorer les pratiques de conservation, à comprendre leurs causes de succès et d’échecs. » Là où le gestionnaire s’empare d’une action à une échelle locale, le scientifique peut apporter le recul statistique sur un grand nombre d’opérations et permet d’améliorer les pratiques à une échelle plus globale. 

#ScienceDurable – Des loups, des cerfs… et nous

Alors que la biodiversité est en péril sur notre planète, le retour des loups en Amérique du Nord et en Europe, notamment en France, pourrait avoir de quoi réjouir. Pourtant, les médias et l’opinion publique se focalisent sur la mortalité engendrée dans les troupeaux : « Les effets négatifs de la présence des loups, comme le nombre de moutons tués, sont visibles et faciles à attester. Des effets positifs existent, mais ils sont souvent indirects et donc difficiles à mettre en évidence », souligne Jean-Louis Martin1, co-auteur avec Simon Chamaillé-Jammes2 et Donald M. Waller3 d’une synthèse4 inédite sur les enjeux posés par la cohabitation entre cerfs, loups et humains. Cette synthèse s’appuie sur leurs propres travaux et sur les dernières études disponibles. Les chercheurs y alertent sur la nécessité de prendre du recul pour mieux apprécier toute l’étendue des enjeux que pose cette cohabitation.

 

 

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1 Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE – CNRS / Univ. Montpellier / Univ. Paul Valéry Montpellier / EPHE / IRD)

2 Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE – CNRS / Univ. Montpellier / Univ. Paul Valéry Montpellier / EPHE / IRD)

3 Université du Wisconsin

4 Martin et al. 2020 Deer, wolves, and people: costs, benefits and challenges of living together Biol.Reviews

 

 

#ScienceDurable – Sous les tropiques, la lutte biologique peut limiter la déforestation et l’érosion de la biodiversité

Une lutte biologique bien menée en agriculture peut ralentir la déforestation et prévenir la perte de biodiversité. C’est ce que vient de montrer une équipe internationale comprenant des entomologistes, des biologistes de la conservation, des agro-écologistes et des géographes. Les résultats de cette étude ont été publiés dans Communications Biology – Nature.

 

 

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#ScienceDurable – L’écologie « relationnelle » pour repenser les rapports entre l’homme et son environnement

Il est toutefois intéressant de constater que le terme, peu importe son contexte d’utilisation, s’est longtemps ancré dans un même et unique rapport au monde : l’appréhension de ce qui est autre par le seul prisme de la division entre deux mondes, celui de l’humain et celui de la nature. Plusieurs auteurs ont depuis contesté cette posture.

 

Les auteurs de cet article proposent de remettre en perspective ces critiques pour cheminer vers un nouveau champ d’études à explorer dans le domaine de l’écologie. Soit la découverte et les potentialités offertes par l’étude des liens entre l’humain et le non-humain, qu’ils nomment « écologie relationnelle ».

 

 

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#ScienceDurable – Déforestation à Madagascar : concilier développement et conservation de la biodiversité

L’île a perdu 44 % de ses forêts naturelles depuis les années 50 et le rythme de la déforestation s’accélère. Avec 90 % d’espèces endémiques, c’est une biodiversité unique qui est menacée de disparition. L’enjeu de la Grande île est de concilier la sauvegarde de son patrimoine naturel et la lutte contre la pauvreté. Un défi de taille qui nécessite des actions menées sur plusieurs fronts. Les recherches du Cirad et de ses partenaires accompagnent le pays dans ce sens au travers de plusieurs projets. Revue de détails à l’occasion de la journée internationale des forêts, le 21 mars.

 

 

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D’une économie de la biodiversité à une économie de la conservation de la biodiversité

Or comme le souligne une opinion coordonnée par l’économiste Harold Levrel D’une économie de la biodiversité à une économie de la conservation de la biodiversité, pour être réellement efficace, cette démarche nécessite une véritable révolution copernicienne des stratégies qui sont associées à cet objectif. L’Opinion invite nos dirigeants à passer d’une « économie de la biodiversité » à un « projet économique de conservation de la biodiversité ». Pour cela, les objectifs de conservation de la biodiversité, tels qu’ils sont mentionnés dans les textes légaux, doivent être envisagés comme le point de départ des réflexions en matière de transition écologique des secteurs économiques, ce qui nécessite une certaine refonte des outils de régulation et d’évaluation économique. Comme l’avait déjà affirmé l’Ipbes dans son évaluation mondiale de la biodiversité, revisiter l’économie et ses fondements est la condition nécessaire pour entrer dans « le monde d’après ».

 

L’opinion est disponible dans les ressources téléchargeables ci-dessous. 

#ScienceDurable – Dans le laboratoire du MNHN, les vers parasites source d’étude et d’inspiration médicale

Les parasites impressionnent aussi bien par leurs capacités d’adaptation que leur taux de multiplication souvent extraordinaire, ou encore leurs modes de circulation efficaces dans tous les écosystèmes …. Le MNHN en détient une des plus grandes collections au monde : « La collection des Vers Parasites du Muséum a été principalement constituée entre 1960 et 1990 sur la base du matériel récolté par le laboratoire dirigé par le Professeur Alain Chabaud, au cours de missions réalisées à l’étranger, précise la parasitologue. Depuis, on vient nous consulter dans le monde entier pour les étudier ou les identifier » Ainsi Coralie Martin se souvient du cas de ce jeune brésilien de 16 ans qui avait un vers de 10 cm traversant l’œil. Le vers était à la fois situé dans la chambre postérieure et antérieure de l’œil. « Ce qui était étonnant, c’est que ce parasite se retrouvait généralement chez les oiseaux, mais pas chez l’homme souligne la scientifique ». Après enquête, les chercheurs ont découvert que le jeune garçon travaillait sur les poteaux électriques ou nichaient de nombreux oiseaux. « Nous supposons que ces nids étaient infestés de puces et de tiques porteuses du parasite, c’est ainsi que la transmission a pu se faire. » Après le diagnostic posé, les chercheurs ont pu affirmer que ce cas était accidentel et que le risque était ponctuel et limité. « Ce type de conclusions, seuls les parasitologues peuvent les poser, pas les médecins qui n’ont pas ces connaissances poursuit Coralie Martin. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de pouvoir travailler ensemble ».

 

Depuis quelques années, les collaborations pluridisciplinaires se multiplient au travers d’initiatives comme One Health. Née du constat que 60% des maladies humaines infectieuses connues ont une origine animale, One Health invite à une approche collaborative entre les grands secteurs scientifiques pour prévenir et contrôler les infections.  En ces temps troublés, ou les crises sanitaires se multiplient, la chercheuse Coralie Martin, se surprend même à rêver de voir ressusciter des professions qui disparaissent sûrement : « Faire appel à des taxonomistes1 spécialistes des moustiques par exemple aurait pour avantage d’aider à déterminer les zones à risque ou circulent les pathogènes, mais aussi et surtout à identifier les espèces qui en sont porteuses. » Car pour le paludisme comme pour la maladie de Lyme, tous les moustiques ou toutes les tiques ne sont pas porteurs du parasite pathogène.  « Une réponse fine et mesurée des experts permettrait d’éviter de graves erreurs sur l’environnement, comme ce fut le cas dans les années 60 avec l’emploi massif de DDT dans la lutte contre le paludisme poursuit la chercheuse. » L’emploi du pesticide a eu en effet pour conséquence de s’accumuler dans l’environnement et d’avoir des effets délétères sur la reproduction des oiseaux au point d’être à l’origine du célèbre livre de Rachel Carson « Printemps silencieux » qui fustigeait l’emploi massif des biocides sur l’environnement.

 

L’étude de la biologie des parasites dans la faune sauvage permet aussi d’extrapoler les connaissances en travaillant en laboratoire pour apporter des informations utiles à la médecine humaine et vétérinaire. « Nous avons été un des premiers laboratoires à développer des modèles d’étude du paludisme chez la souris avec l’agent pathogène Plasmodium précise Coralie Martin. » Une avancée majeure pour la compréhension du fonctionnement d’une des maladies humaines les plus répandues au monde. Présents dans les glandes salivaires du moustique, les parasites sont injectés à l’homme lors de repas sanguin de l’insecte. Ils envahissent d’abord le foie pour se multiplier et donner plusieurs milliers de parasites qui circulent dans le sang. C’est cette phase sanguine qui est responsable des symptômes et la cible des principaux médicaments antipaludiques.

 

Si l’étude des parasites est porteuse d’espoir pour guérir des parasites, la compréhension de leur fonctionnement est aussi source d’espoir pour la recherche médicale « On touche ici au biomimétisme précise Coralie Martin. On espère en effet pouvoir utiliser certaines molécules que les parasites produisent pour abaisser la réponse immunitaire de l’organisme qu’ils occupent et lutter ainsi contre certaines maladies auto immune. » Si, longtemps, les chercheurs se sont intéressés à quelques groupes présentant une menace immédiate pour la santé humaine ou pour celle des espèces domestiquées, les recherches sur le monde des parasites révèlent depuis peu de temps pourquoi ils représentent une dimension fascinante de la vie par leur capacité adaptative et les promesses de traitements thérapeutiques. L’étude de leur diversité permettra dans les années à venir des avancées majeures pour la santé humaine et la compréhension toujours plus fine du monde du vivant.

 

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1 La taxinomiste a pour objet de décrire les organismes vivants et de les regrouper en entités appelées taxons afin de les identifier, les nommer et les classer.

#ScienceDurable – S’inspirer de la nature pour prévenir les pandémies

Pour le chercheur du CNRS, et du Cirad, Serge Morand, cette sur-mobilité n’est pas seulement responsable des crises environnementales, mais elle est aussi responsable des crises sanitaires que nous vivons aujourd’hui : « Avant les années 60, une épidémie restait habituellement confinée à un ou quelques pays étroitement liés. Par la suite, les épidémies sont devenues de plus en plus pandémiques. » Ainsi la dengue, les coronavirus, le chikungunya sont autant d’épidémies devenues pandémiques en se propageant à l’échelle planétaire grâce à l’ultra mobilité des marchandises et des personnes. Pour l’écologue de la santé, une des causes majeures est notamment due à l’augmentation du trafic aérien : « Le nombre total de passagers est passé d’environ 330 millions en 1970 à plus de 4 milliards en 2017 : une augmentation de 1 200 % ! » Les foyers secondaires d’infection apparaissent ainsi en des temps records dans des pays connectés les uns aux autres.  

 

 

Prendre modèle sur les écosystèmes résilients 

Dans un récent article scientifique intitulé  Les risques d’accélération des maladies infectieuses dans l’Anthropocène, Serge Morand et un de ses confrères ont notamment démontré que les pays les plus impactés par les épidémies ont paradoxalement tendance à faire partie des pays les plus riches. Ainsi trouve-t-on les États-Unis à la première place des pays les plus touchés, suivis par le Royaume-Uni, l’Inde, le Canada, le Japon, la France se situant, quant à elle, à la 9e place de ce triste palmarès, juste avant l’Italie et derrière l’Espagne. « La mondialisation a accéléré les interconnexions entre les villes de la planète qui deviennent les points centraux du départ − Wuhan en Chine avec la crise du coronavirus − et de l’arrivée des épidémies, souligne le chercheur. Enrayer ces pandémies nous oblige donc à repenser la mobilité et à réorganiser nos territoires. » 

 

Parmi les solutions évoquées par Serge Morand, une idée prend modèle sur les écosystèmes résilients : « On a constaté que les épidémies se propagent dans des territoires homogènes, urbains. »  Cette homogénéisation se retrouve dans l’agriculture ou la sylviculture avec les monocultures, des territoires modelés par l’homme, très peu résilients aux maladies et aux invasions biologiques. « A contrario, les territoires en mosaïques, c’est à dire composés d’une multitude d’entités hétérogènes formant le paysage, sont, on le sait, d’un point de vue écologique très résilients. Mon pari, poursuit le chercheur, est le suivant : si ces écosystèmes diversifiés sont bons pour la santé animale ou végétale, pourquoi ne le seraient-ils pas pour l’homme ? »

 

Si de très nombreuses études se sont penchées ses dernières années sur les bienfaits de la nature sur le bien être humain, aucune n’a pour le moment réussie à prouver qu’un paysage diversifié dans son ensemble améliorait la santé humaine. « On a néanmoins des faisceaux d’indices qui montrent que vivre à proximité de la nature est bon pour la santé, poursuit Serge Morand » Ainsi une équipe de recherche a montré que lorsque l’environnement est peu diversifié, notamment en plantes, le microbiote1 humain est moins riche en bactéries utiles à notre système immunitaire, rendant ainsi notre organisme moins résilient et sujet à des maladies auto immunes s’accélérant avec l’âge. « Le système immunitaire des humains a besoin d’être éduqué au contact d’antigènes véhiculés par des bactéries que l’on retrouve dans l’eau potable de milieux naturelles, mais aussi par tous les animaux qui les portent. »

 

Si les liens entre biodiversité et santé humaines doivent être encore explorés, l’écologie de la santé livre néanmoins plusieurs enseignements pour contrer la densité, vectrice d’épidémie « Il faut se servir de la biodiversité en ville comme d’un pare feu pour se préserver des rongeurs ou des insectes réservoirs de virus ou bactéries. Il faut s’inspirer des régulations écologiques qui jouent dans les milieux riches en biodiversité. » Une équipe de recherche s’est ainsi intéressée aux « paysages de la peur » des rongeurs, et plus précisément aux formes particulières d’habitat que ces animaux ressentent comme dangereux. L’intérêt supplémentaire de cette méthode est d’éviter la dératisation par produits chimiques.

 

 

S’inspirer des organisations de la nature pour limiter les dommages de l’extrême interconnexion

Se servir de la biodiversité pour réguler les espèces donc, mais aussi s’inspirer des organisations de la nature pour limiter les dommages de l’extrême interconnexion : « c’est l’idée de la modularité. Il faut organiser de l’espace de façon à compartimenter les réseaux d’interactions entre les humains. » Rendre les territoires plus autonomes, c’est ce qu’offre dès à présent les écoquartiers. Ces territoires à échelle humaine proposent commerces, jardins, bureaux, activités sportives et sociales. « On pourrait même imaginer qu’en période de crise, ces quartiers se ferment évitant ainsi de mettre toute une ville en confinement. »

 

La modularité de la ville, comme en écologie, crée la résilience et invite à une vie plus sédentaire. « Car à terme, le scénario le plus durable est de diminuer, voire d’inverser les taux de mobilité mondiale, surtout s’il fait partie intégrante d’un mouvement beaucoup plus important visant à la durabilité planétaire en réduisant l’empreinte environnementale » conclut Serge Morand. Comme le montre l’expérience de la pandémie actuelle, seule une réduction considérable des taux de mobilité et de contact permet de ralentir et d’arrêter ce virus terriblement contagieux.

 

 

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1 Le microbiote est l’ensemble des micro-organismes – bactéries, virus, parasites, champignons non pathogènes, dits commensaux – qui vivent dans notre organisme. Dans l’organisme, il existe différents microbiotes, au niveau de la peau, de la bouche, du nez…  Le microbiote intestinal est le plus important d’entre eux pour un poids de 2 kilos !

#ScienceDurable – ZooCov, un projet pour mieux prévenir la transmission du coronavirus de l’animal sauvage à l’homme

Le commerce des espèces sauvages et la consommation de viande d’animaux sauvages jouent un rôle dans la transmission de pathogènes des animaux aux humains. C’est ce que révèle notamment la crise actuelle liée au Covid-19. L’augmentation de la consommation d’animaux sauvages, en particulier en Asie du Sud-Est, constitue ainsi une menace croissante pour la santé publique. Le projet international ZooCov, coordonné par le Cirad, entend développer un système flexible et intégré de détection précoce de la transmission du virus entre l’animal sauvage et l’être humain. Sélectionné par l’Agence nationale de la recherche (ANR) dans le cadre d’un appel spécifique aux recherche sur les coronavirus, il contribuera à prévenir de futures pandémies de zoonoses.

 

 

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#ScienceDurable – Peut-on prévenir les épidémies grâce aux animaux ?

L’épidémie de Covid-19 questionne en profondeur notre rapport aux animaux. Dans un podcast proposé par le CNRS, Frédéric Keck, anthropologue, directeur de recherche au CNRS, directeur du laboratoire d’anthropologie sociale de l’EHESS (unité CNRS/Collège de France/EHESS), nous rappelle l’importance de maintenir le lien avec la faune qui nous entoure, afin de percevoir plus rapidement les signes précurseurs de maladie chez ceux qu’il appelle « les sentinelles des pandémies ».

 

 

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Mobilisation de la FRB par les pouvoirs publics français sur les liens entre Covid-19 et biodiversité

Les ministères concernés et les instituts de recherche fondateurs de la FRB ont confié à celle-ci et à son Conseil scientifique élargi à des experts extérieurs, la charge de rédiger une synthèse des connaissances sur les liens entre COVID-19, et plus généralement entre les phénomènes de zoonose – le passage d’un agent pathogène d’un élément de la faune sauvage à l’humain à l’origine d’une épidémie, et dans le cas présent d’une pandémie – et la biodiversité.

 

Au travers des réponses apportées à 22 questions, les experts rassemblés par la FRB font le point sur les connaissances actuelles, sans cacher les sujets sur lesquels la communauté scientifique peut ne pas être unanime dans son positionnement. Ils soulignent également les lacunes de connaissance qui devraient faire l’objet d’un effort de recherche tout en résumant ce que l’on sait aujourd’hui à propos des relations entre COVID-19 et état de la biodiversité. Parallèlement, ils font plusieurs recommandations à l’adresse des pouvoirs publics destinées tant à mieux détecter les risques d’apparition de zoonoses, qu’à en limiter la répétition et la propagation.

 

Cette synthèse aura vocation à évoluer à l’avenir à mesure que l’on connaîtra mieux les facteurs à l’origine de la pandémie actuelle, mais elle permet dès aujourd’hui de mieux comprendre des phénomènes qui se multiplient et qui peuvent gravement mettre en péril l’avenir de l’humanité. Cette synthèse appelle aussi les pouvoirs publics à intégrer les enjeux environnementaux et plus particulièrement ceux associés à l’érosion accélérée de la biodiversité dans leur stratégie de sortie de crise.

 

Afin de diffuser cette synthèse à un public non francophone, une version en anglais est désormais disponible.

 

Téléchargez la publication en version française ou anglaise dans les ressources téléchargeables ci-dessous.

#ScienceDurable – Changement climatique : les promesses du microbiome

Pour le microbiologiste Francis Martin, chercheur à l’INRAE, exploiter l’arbre seul n’est pas suffisant : « Pour bien assimiler le carbone, la plante a besoin de tout son cortège d’espèces microbiennes associées, ainsi que des bactéries, des collemboles1, des nématodes et autres petits animaux de la rhizosphère2 qui assurent le cycle du carbone dans les sols. » Dans ce processus de recyclage, chacun a son rôle à jouer. Mais certains microorganismes se révèlent clé.  « Les champignons symbiotiques ont en effet une place privilégiée dans la récupération du carbone, poursuit Francis Martin. Ils créent l’interface entre la racine de la plante et le reste de la communauté microbienne du sol. Ils sont les répartiteurs du carbone vers leurs propres réseaux de filaments fongiques. » Un quart du carbone de la photosynthèse est ainsi redistribuée aux communautés microbiennes du sol par les champignons mycorhiziens. 

 

Si ces découvertes laissent entrevoir la possibilité pour les forestiers de sélectionner le microbiome3 et l’associer aux arbres pour les rendre plus performant dans leur capture du carbone, la vision du microbiologiste est tout autre : « le meilleur des systèmes est déjà en place. Et ce depuis des millions d’années… » En effet, dans les forêts primaires ou peu anthropisées réside une très grande diversité d’espèces. Chaque arbre vit avec 200 à 300 champignons symbiotiques bénéfiques, qui jouent chacun un rôle bien spécifique. Certains sont spécialisés dans l’absorption de l’azote, d’autres du phosphate ou des microéléments, d’autres encore protègent la racine des pathogènes. « Donc ces systèmes naturels qui ont évolué depuis des dizaines de millions d’années, ont atteint un optimal écologique que les forestiers auront bien du mal à imiter. » Ainsi, laisser les forêts revenir à leur état naturel, ne plus couper les arbres, ne plus ramasser le bois mort, laisser la diversité des champignons et des autres organismes se développer est l’une des solutions pour atténuer le changement climatique. Cette gestion durable pourrait d’ailleurs être développée sur près du 20 % du territoire européen grâce au réseau Natura 2000.

 

« En revanche, dans certains cas, comme dans celui de la sylviculture intensive, où les plantations forestières sont utilisées pour la production industrielle du bois, il est envisageable d’associer aux arbres un cortège de champignons symbiotiques mycorhiziens4 spécifique pour stimuler fortement leur croissance initiale » souligne Francis Martin. Ces champignons symbiotiques mutualistes5, appelés champignons mycorhiziens, se rencontrent à l’automne dans les forêts. Ainsi, le Cèpe de Bordeaux, les Chanterelles, la Truffe, l’Amanite tue-mouche font partie de ce groupe de champignons stimulant la croissance des arbres … « Ce que l’on récolte à l’automne en forêt n’est autre que l’organe sexuel de ce réseau fongique de filaments – le mycélium – qui vit en interaction avec la plante. Nous voyons seulement la partie émergée de l’iceberg ».

 

Comment les associations mycorhiziennes orientent les populations végétales et la biologie des communautés ?

Les associations entre les plantes et les champignons symbiotiques, autrement appelés mycorhizes, sont omniprésentes dans les communautés végétales. Tedersoo et al. ont passé en revue les développements récents de la recherche mycorhizienne, révélant la nature complexe et universelle de ces interactions largement invisibles. Des réseaux complexes d’hyphes mycorhiziens relient les systèmes racinaires de chaque plante, régulant le flux de nutriments et les interactions compétitives entre et au sein des espèces végétales, contrôlant l’établissement des semis et, finalement, influençant tous les aspects de l’écologie et de la coexistence des communautés végétales. Les auteurs présentent une synthèse des connaissances les plus récentes sur associations mycorhiziennes, les interactions plante-plante et la spécialisation écologique. Ils concluent que les associations mycorhiziennes affectent directement ou indirectement la dispersion et la compétition des plantes qui façonnent les populations et les communautés végétales et régulent la coexistence et la diversité des plantes à l’échelle locale.

 

Consulter la synthèse complète dans les ressources téléchargeables ci-dessous.

#ScienceDurable – Les écosystèmes côtiers, puits de carbone bleu

Qu’appelle-t-on le carbone bleu ? 

 

Le carbone bleu correspond au carbone séquestré par les écosystèmes côtiers végétalisés. Les marais salés, les mangroves, ou encore les herbiers, sont autant d’écosystèmes susceptibles de capter le carbone sur le court terme, environ une dizaine d’années, dans leur biomasse et sur des temps encore plus longs, des milliers d’années, dans leurs sédiments. Contrairement aux sols terrestres, ces sédiments côtiers ont tendance à s’étendre avec l’augmentation du niveau de la mer On constate donc que la séquestration de carbone par les sédiments et les végétaux augmentent au cours du temps, en particulier lorsque ces écosystèmes sont sains et en bonne santé.

 

 

 

Ces écosystèmes sont-ils tout aussi efficaces que les forêts dans la séquestration du carbone ?  

 

On sait que les marais salés, les mangroves ou les herbiers stockent le carbone 10 à 20 fois plus que les forêts tempérées ou boréales. Lorsque que les forêts séquestrent moins de 10 g de CO2 par mètre carré et par an, les écosystèmes côtiers en retiennent 100 à 200 g. Néanmoins ces écosystèmes représentent une partie moins importante de la surface du globe que les océans ou les forêts. Si certaines études indiquent qu’on obtient un stockage de carbone équivalent aux forêts, les travaux se poursuivent pour mieux quantifier cette séquestration et la part du carbone relâchée vers l’atmosphère.  

 

 

 

Comment comptabiliser le carbone stocké puis relargué ? 

 

C’est extrêmement complexe. Nous travaillons avec d’autres scientifiques à la meilleure compréhension du rôle des zones côtières dans ce cycle du carbone. La principale difficulté vient du fait que nous avons une très forte hétérogénéité spatiale et temporelle. Les échanges de carbone interviennent au niveau de multiples interfaces terrestre-aquatique. Si on sait par exemple que l’océan côtier représente un puits de carbone incontestable grâce à sa production primaire phytoplanctonique, les estuaires émettent, quant à eux, d’importantes quantités de CO2 vers l’atmosphère du fait de l’intense minéralisation de la matière organique qui existe dans ces eaux turbides, c’est-à-dire troubles, limitant la photosynthèse. Entre ces écosystèmes, se trouvent les marais et les vasières intertidales1. Là, de multiples échanges horizontaux et verticaux de carbone existent au sein et entre les compartiments terrestre, aquatique et atmosphérique aux échelles du jour et de la nuit, de la marée, de la saison et de l’année. Ces échanges particulièrement complexes et dynamiques ne peuvent alors être appréhendés que de façon intégrative et multidisciplinaire en faisant appel à des équipes de géographes, de géologues ou d’écologues pour mieux préciser leurs statuts de puits ou source de carbone. 

 

 

 

Il semblerait néanmoins que la biodiversité marine joue un rôle clé dans la séquestration du carbone.  

 

Incontestablement si les débats portent sur la qualification des processus et la quantification des échanges, ils ne retirent rien aux services écosystémiques que nous retirons de cette biodiversité. Si son érosion se poursuit, la capacité à capturer efficacement le carbone de l’atmosphère pourrait être compromise, ce qui aurait pour conséquence d’augmenter les émissions de gaz à effet de serre et d’intensifier l’acidification des eaux côtières. Malheureusement, ces écosystèmes ne sont pas épargnés par le changement d’usage des terres. D’après les chiffres de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), on sait par exemple que chaque année, près de 2 % des mangroves disparaissent et contribuent au relâchement de 120 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. 

 

 

 

Est-il possible de restaurer cette biodiversité ?  

 

Depuis les années 1990, les surfaces des herbiers marins ont diminué de moitié à travers le monde. Ceci est à la fois dû à des pressions anthropiques, mais aussi à une pression de parasitisme. Pour protéger ces zones, un certain nombre d’actions ont été mises en place, comme aux États-Unis sur la côte de Virginie où se trouve le site de South Bay choisi pour faire partie d’un vaste projet de restauration des herbiers initié au début des années 2000. À partir d’un simple vestige découvert dans une baie en bord de mer au large de la côte est, The Nature Conservancy et le Virginia Institute for Marine Science ont diffusé plus de 72 millions de graines pour aider à accélérer la propagation naturelle de la zostère (Zostera marina), qui couvre aujourd’hui 13,5 km2. Une étude publiée dans Plos One a montré que ces prairies sous-marines restaurées devraient accumuler du carbone à un taux comparable à celui mesuré dans les prairies sous-marines naturelles. C’est extrêmement encourageant.

 

 

« Préserver les forêts marines pour contribuer aux équilibres de la biodiversité côtière »

par Thierry Thibaut, Maître de Conférences, Aix-Marseille Université, Mediterranean Institute of Oceanographie (MIO), Marseille. Travaillant sur le projet Marfor de Biodiversa.

 

 

« Si les forêts marines d’algues (kelps) ne jouent pas un rôle direct dans l’atténuation du changement climatique, elles y contribuent largement en permettant à la biodiversité côtière de se maintenir. Comme les forêts terrestres, elles abritent un très grand nombre d’espèces. Les forêts sous-marines de Kelps géants, par exemple en Californie, font plus de 40 mètres de haut et sont considérées comme le plus haut niveau trophique du monde avec ses sept à huit niveaux. Lors de perturbations d’origine naturelle ou antropique , plus la biodiversité est importante, plus l’écosystème a la possibilité de se régénérer. De même, lorsque l’écosystème est peu diversifié, les chances de le voir se reconstituer sont faibles. Ainsi assiste-t-on dans certaines zones abimées à des dénudements presque totaux, à cause d’herbivores comme les oursins qui y prolifèrent. Les forêts marines maintiennent donc de haut niveau de services écosystémiques, dont l’atténuation du changement climatique, en contribuant à préserver les écosystèmes côtiers qui sont pour certains des puits de carbone (herbiers de plantes à fleurs marines). C’est entre autres pour cela qu’il faut les préserver à un moment où on assiste à des déclins dans toutes les mers et tous les océans de ces écosystèmes côtiers, notamment en raison de la destruction irrémédiable des habitats due à la construction de ports, de marinas, parkings, mais aussi au surpâturage des herbivores et à une augmentation des températures. »

 

 

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1 Zone au-dessus du niveau de l’eau à marée basse et sous l’eau à marée haute en d’autres termes, des vasières se situant dans le secteur des marées.

#ScienceDurable – Du blé africain contre le changement climatique

Les paysans africains pourront bientôt lutter tout à la fois contre les causes et contre les conséquences du changement climatique avec leur production de céréales. « Une solution très pragmatique pour contrer l’effet de serre, formulée en objectif chiffré dans l’initiative “4 pour 1000” [voir encadré ci-dessous], consiste à piéger une partie du dioxyde de carbone (CO2) atmosphérique dans la matière organique des sols , explique le pédologue Vincent Chaplot. Pour ce faire, les plantes cultivées qui emmagasinent de grandes quantités de carbone dans leurs parties non-récoltées sont de très bons outils. Avec une équipe de l’université du Kwazulu-Natal (Afrique du Sud), nous étudions en ce sens les espèces communes de blé exploitées en Afrique. Il s’agit de caractériser celles qui stockent le mieux le carbone malgré les conditions de stress hydrique justement induites par le changement climatique. »

 

 

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Covid-19 et biodiversité : vers une nouvelle forme de cohabitation entre les humains et l’ensemble des vivants non-humains

En quelques semaines, notre vie a changé. L’économie mondiale a connu un coup de frein sans précédent, des milliards d’êtres humains sont confinés chez eux et des dizaines de milliers sont déjà décédés du fait de la pandémie Covid-19 associée au coronavirus SARS-CoV-2 qui, à la vitesse des transports aériens, a gagné l’ensemble de la planète, en profitant de la multitude de ses hôtes, nous les humains. Nul ne sait quand cette crise sanitaire s’achèvera et nul ne peut prévoir ses conséquences démographiques, sociales, économiques et environnementales à court et long termes, même si on sait déjà qu’elles seront sans doute considérables. Il convient bien évidemment de résoudre en priorité le problème sanitaire immédiat pour éviter, limiter et atténuer les drames humains qui en découlent. Mais il faut aussi se pencher sur les facteurs à l’origine de cette situation dramatique pour tenter d’éviter qu’elle ne se reproduise et pour l’inscrire dans une approche systémique de nos relations entre humains et avec l’ensemble des vivants non humains.
 
Téléchargez la publication dans les ressources téléchargeables ci-dessous.

Incidence du changement climatique sur la biodiversité dans les écosystèmes forestiers et littoraux d’Europe et d’Afrique

Si on prend comme référence le scénario 8.5 du Giec, en Europe, d’ici 2085, 31 à 42 % de la surface du continent devrait être couverte par un type de végétation différent. Le changement climatique entraîne aussi un déplacement des espèces avec une floraison et une maturité plus précoce chez de nombreuses plantes, des périodes de migration et de reproduction modifiées chez certains animaux, pouvant créer un décalage temporel entre le cycle de vie des espèces et le pic d’abondance de leurs ressources alimentaires.

 

Le pourtour méditerranéen est le territoire qui suscite les plus “graves préoccupations” pour la conservation de la biodiversité. Il est en effet considéré comme l’une des régions du monde les plus sensibles au changement global. Ses écosystèmes souffriront notamment de l’augmentation de la température, des changements de précipitations, de l’augmentation des sécheresses et des incendies.

 

Sur le continent Africain, les publications scientifiques récentes confirment la trajectoire en cours vers des “niveaux de réchauffement catastrophiques”. Les températures devraient y augmenter plus vite qu’à l’échelle mondiale. Or ce continent regroupe 25 % des points chauds de biodiversité mondiaux.

 

Aujourd’hui, ni en Europe, ni en Afrique, la localisation et la délimitation des aires protégées ne sont adaptées pour correspondre aux changements à venir d’aires de répartition des espèces. Les barrières géographiques empêchent la dispersion des espèces et limitent leur adaptation au changement climatique. La littérature scientifique indique qu’il est essentiel de conserver et développer les continuités écologiques qui jouent un rôle de corridors climatiques et d’éviter toute création de nouvelles infrastructures qui viendraient réduire encore davantage la capacité de dispersion des espèces.

 

Consulter la synthèse complète dans l’onglet “Ressource téléchargeable” ci-après.

#ScienceDurable – Océans, des labos géants

De l’échantillon moléculaire au balayage satellite, les spécialistes du milieu marin déploient un arsenal multi-échelles pour observer et caractériser mers et océans. Avec l’aide des populations et usagers de la mer, ils scrutent en permanence ces étendues salées qui couvrent les deux tiers de la planète. Les données qui en résultent bénéficient à la compréhension et la gestion de nombreuses questions : variation du climat, fonctionnement des écosystèmes, préservation de la biodiversité, gestion des ressources vivantes, lutte contre les facteurs de dégradation…

 

 

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#ScienceDurable – L’ADN des poissons récifaux se dévoile

Mieux identifier les espèces de poissons pour optimiser la gestion des ressources et mieux comprendre leur écologie. Tels sont deux des enjeux du barcoding ADN, l’analyse de fragments ADN permettant de déterminer l’espèce à laquelle appartient un individu. A l’aide de cette approche, une équipe de scientifiques menée par l’IRD vient de produire un nouveau jeu de données de barcodes des poissons récifaux de Nouvelle-Calédonie, complétant une base de données commune aux océans Indien et Pacifique. Ils ont identifié 805 espèces sur trois sites différents : Île de La Réunion et Madagascar, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française.

 

« Le barcoding est un outil très utile car il permet d’identifier les poissons à n’importe quel stade de développement, explique le généticien Philippe Borsa. Nous avons ainsi pu mettre en lumière la diversité cryptique des espèces de cette région, jusqu’ici sous-estimée. Une espèce autrefois identifiée comme unique peut en fait regrouper plusieurs espèces aux caractéristiques différentes : le barcoding peut aider à les distinguer. »

 

 

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#ScienceDurable – L’ADN environnemental au secours de la biodiversité des fonds marins

Sur environ 1.8 millions d’espèces décrites à ce jour, moins de 250 000 sont marines. Or, les dernières estimations suggèrent que 60 à 80 % de la biodiversité de notre planète se cache en fait sous la surface des océans. Largement méconnue et difficile d’accès, cette biodiversité phénoménale n’échappe pas aux impacts des activités humaines. Pour mieux connaître et donc protéger ces espèces et leurs milieux de vie, l’Ifremer a lancé en 2016 le projet Pourquoi pas les abysses ?. Objectif : accélérer l’inventaire des espèces qui peuplent les grands fonds marins grâce à l’ADN environnemental.

 

 

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#ScienceDurable – Pour des aires marines protégées efficaces

Une étude parue dans la revue Frontiers in Ecology and the Environment indique que seule 1,4 % de cette surface est en réalité intégralement protégée, alors que les aires intégralement protégées sont considérées comme les moyens de protection les plus efficaces. Selon Joachim Claudet, directeur de recherche au CNRS, et coauteur de l’article, « on constate à la fois dans la littérature scientifique et sur le terrain que non seulement les aires marines intégralement protégés sont minoritaires, mais qu’en plus, sur toutes celles qui existent, une infime minorité fonctionne. » Pour le chercheur, l’explication est simple : « les aires protégées qu’elles soient marines ou terrestres sont aujourd’hui trop souvent conçues uniquement sur des pré-requis écologiques, alors qu’elles devraient être pensées également en termes socio-écologiques. » Autrement dit pour protéger la biodiversité, il faudrait avant tout comprendre comment les hommes interagissent avec elle pour trouver les meilleures solutions de préservation. Fort de cette intuition, le chercheur et son équipe ont développé une méthode socio-écologique pour identifier les outils de gestion (dont les aires protégées) les plus à même d’être efficaces.

 

#ScienceDurable – La permaculture de la mer

En pratique, l’aquaculture multi-trophique intégrée consiste à inclure dans les écosystèmes aquacoles des organismes de niveaux trophiques inférieurs, comme de petits invertébrés, capables d’ingérer les rejets organiques, sources de pollution environnementale : « Les effluents d’élevage génèrent des nutriments (carbone, azote et phosphore). Ils peuvent, dans certains cas, s’accumuler dans le milieu et engendrer une réduction de la disponibilité en oxygène néfaste pour les espèces benthiques présentes à proximité. » poursuit la chercheuse. À l’heure où la demande mondiale de produits aquatiques est passée de 9,9 kg par habitant et par an à 18,6 kg en moins d’un demi-siècle, parvenir à un modèle durable devient un enjeu majeur pour le secteur aquacole « d’autant que cet accroissement n’est pas assuré par les pêcheries traditionnelles mais par l’aquaculture » poursuit Myriam Callier.

 

Afin de limiter les impacts sur l’environnement, l’Ifremer et dix autres instituts de recherche européens ont mené le projet IMTA-Effect. Leur objectif : évaluer les différents systèmes d’intégration des systèmes d’aquaculture multi-trophique intégrée dans des pays aussi différents que la France, le Portugal, la Roumanie et la Grèce. « Nous avons cherché à comprendre comment optimiser la chaine trophique entre le poisson, les microalgues, les mollusques et les détritivores, poursuit Myriam Callier. Nous avons travaillé sur chaque espèce pour bien comprendre sa biologie et son rôle dans les écosystèmes piscicoles. » Le choix de l’espèce extractive à intégrer est évidemment fonction du service de bioremédiation recherché.

 

Le projet IMTA-Effect s’est notamment concentré sur un ver polychète marin (Hediste diversicolor), détritivore, qui se nourrit des excréments des poissons. « On connait sa biologie, précise la chercheuse. Il vit dans des milieux naturellement riches en matière organique, tolère de faible concentration en oxygène et de fortes variations de température. Il a l’avantage de pouvoir aussi être valorisé comme appât de pêche. Son élevage en aquaculture multi-trophique intégrée pourrait permettre de diminuer son exploitation, car il est lui-même péché dans le milieu naturel. » Par ailleurs, son étude, à la fois réalisée en laboratoire et en milieu contrôlé, a permis de comprendre dans différentes conditions environnementales sa capacité de bioremédiation. « Nous sommes désormais en mesure de dire exactement combien de rejets de poisson le polychète marin peut ingérer au mètre carré. »

 

La difficulté est que chaque système d’élevage est spécifique. Répondre aux besoins de chaque espèce, surveiller les températures, les changements de saisons sont autant de facteurs à prendre en compte pour harmoniser les écosystèmes. Dans sa forme la plus complexe, un système en aquaculture multi-trophique intégrée peut comprendre jusqu’à quatre compartiments extractifs à équilibrer : les espèces autotrophes (macro et microalgues), les filtreurs (ex. bivalves), les détritivores (ex. polychètes, concombre de mer et autres invertébrés benthiques) et les bactéries. « Les résultats de ces études permettent de paramétrer des modèles qui serviront par la suite à prédire la capacité de bioremédiation de chaque maillon trophique et de tester différents scénarios, comme l’effet d’un changement de température » souligne la chercheuse.

 

À une échelle plus fine, le chercheur de l’Ifremer Cyrille Przybyla s’est lui intéressé au compartiment des microalgues qui ont pour particularité de purifier l’eau des bassins, mais aussi d’être potentiellement des aliments pour les poissons. Un enjeu majeur lorsque l’on sait que l’aquaculture impacte les stocks de petits poissons sauvages pêchés. Réduits en farine et en huile, ils sont utilisés pour nourrir principalement les poissons des fermes et plus largement certains animaux d’élevages ou domestiques. Pour alléger les pressions sur cette biodiversité marine, de très nombreux instituts de recherche à travers le monde se sont lancés dans une course pour sélectionner l’algue qui serait en mesure de devenir une source d’alimentation alternative pour le poisson d’élevage. « Notre démarche dans le projet MARINALGAE4Aqua, est tout autre, précise Cyrille Przybyla. Nous avons décidé de laisser faire la nature, en favorisant une polyculture algale naturelle. ». Pour cela, les effluents sont laissés en bassin ouvert permettant à la nature de mettre sa diversité locale au service de l’épuration de l’eau d’élevage et de la nutrition en aquaculture. « Ce n’est pas une seule algue qui vient se développer sur les effluents, mais toute une prairie de microalgues dont la diversité change en fonction des saisons. » Ces microalgues ont néanmoins des valeurs protéiques et lipidiques bien réelles. Cyrille Przybyla et son équipe sont arrivés à récolter 5kg de farine sèche, fertilisée par les effluents sortant des bassins d’aquaculture, qu’ils ont réussi à réinjecter dans l’alimentation du poisson « On a substitué 20% des farines et huiles de poissons dans la composition de l’alimentation des élevages. On est parvenu à améliorer la durabilité de l’aliment en se basant sur le principe de l’aquaculture multi-trophique intégrée, sans qu’il y ait de conséquence sur la croissance et le bien-être des poissons. » L’aquaculture multi-trophique intégrée peut donc se décliner sur le modèle des poupées russes et permettre à la filière aquacole d’opérer sa transition environnementale pour devenir la grande source d’alimentation durable qui participera de façon substantielle à nourrir de 8,5 milliards d’humains en 2030.

 

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Auteur : Julie de Bouville

Relecteurs : Myriam Callier, Cyrille Przybyla, Hélène Soubelet, Jean-François Silvain, Pauline Coulomb

 

Le CS vous recommande

Connaître et comprendre pour mieux préserver… en s’inscrivant dans l’adage, le Conseil scientifique de la FRB partage avec vous sa bibliothèque idéale, sa vidéothèque éclectique et choisie.

Les références, accessibles et portées par des spécialistes de leurs domaines, ouvrent la porte aux principaux concepts de l’écologie et de ses différentes disciplines. Elles permettent aussi de tendre l’oreille vers les débats contemporains en ayant des clés de compréhension et d’appréhension critique. Dans certains cas, elles lèvent le voile sur le métier de chercheur !

 

Que vous vous intéressiez à la biodiversité, découvriez l’écologie scientifique ou souhaitiez approfondir vos connaissances ; que vous disposiez de deux minutes ou d’une année : il y a forcément les références qui vous conviennent !

Jean-François Silvain, président de la FRB, revient sur des articles scientifiques qui ont marqué 2019

Cette année, dans la continuité du rapport mondial de l’Ipbes de 2019, l’accent a d’abord été mis sur l’érosion de la biodiversité, avec des exemples concernant les insectes, les oiseaux, les autres vertébrés et les plantes. L’idée est de montrer ici que les travaux scientifiques récents tendent à accentuer et élargir encore le message porté par l’Ipbes : de nombreuses populations s’effondrent et dans certains cas c’est la survie même des espèces qui est menacée.

 

Dans une seconde partie, la présentation porte sur le défi des aires protégées sur une Terre soumise à l’accroissement régulier des activités humaines. Si on veut que la biodiversité se rétablisse dans les années à venir, il faut la protéger de manière active et dynamique. L’objectif est ici de montrer la diversité et la richesse des travaux qui portent sur les aires protégées, leur efficacité, les bénéfices que peuvent en retirer les populations humaines et leur devenir face aux pressions anthropiques et climatiques. Comme l’an dernier, la présentation se termine par un « clin d’œil » qui cette fois porte sur l’empathie et la compassion que l’on peut éprouver pour les « non-humains » selon l’ancienneté de la divergence évolutive qui nous en sépare.

 

La présentation est à découvrir dans les ressources téléchargeables ci-dessous.

Biomimétisme et biodiversité

Le concept de biomimétisme ou bio-inspiration a été théorisé pour la première fois il y a une vingtaine d’année (cf. Janine Benyus : Biomimicry, Innovation Inspired by Nature). L’approche initiale défend une vision qui considère que cette démarche d’innovation « fait appel au transfert et à l’adaptation des principes et stratégies élaborés par les organismes vivants et les écosystèmes, afin de produire des biens et des services de manière durable, et rendre les sociétés humaines compatibles avec la biosphère ».

 

Le Biomimétisme identifie des solutions naturelles apparues au cours de l’évolution, c’est à dire des fonctions ou des rapports entre structures et fonctions chez les organismes vivants qu’il peut être intéressant de transposer à une fonction d’intérêt humain : sa finalité est de chercher, d’identifier et de d’industrialiser une solution à un problème humain.

 

Cette démarche est nécessairement interdisciplinaire, entre sciences fondamentales et sciences de l’ingénieur, et demande de la part des acteurs économiques la mobilisation de ressources significatives en matière de recherche et développement (R&D).

 

 

Le biomimétisme est la rencontre de plusieurs mondes, l’écologie,
les sciences de l’évolution, la biologie et l’ingénierie,
ou encore une interface entre sciences naturelles et industrie.

 

 

L’association Biomimicry Europa, créée en 2006 pour la promotion du biomimétisme, propose de distinguer trois niveaux d’inspiration : les formes biologiques, les matériaux et processus, les interactions.

 

En matière de recherche et développement, l’Allemagne a longtemps été en tête avec plus de 100 structures de recherche publiques impliquées et dix réseaux territoriaux spécialisés. Le Royaume-Uni et la Suisse sont aussi deux pays fortement impliqués en Europe.

 

En France, l’implication est plus récente, mais actuellement, plus de 175 équipes de recherche s’intéressent au sujet et plus de 100 entreprises font appel à cette démarche. Plusieurs Groupements de recherche (GDR) et Réseaux thématiques pluridisciplinaires (RTP) génèrent des initiatives structurantes autour de la chimie bio-inspirée, la mécanique des matériaux biologiques ou les micro-technologies inspirées des insectes. Le centre européen d’excellence en biomimétisme (Ceebios), créé en 2012, fédère un nombre croissant de grandes entreprises comme L’Oréal, LVMH, Engie, Vicat, Saint-Gobain, et bénéficie du soutien du ministère de la transition écologique et solidaire.

 

Les régions les plus impliquées en matière de R&D (compétences académiques) sont l’Ile-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine, puis, à un niveau sensiblement équivalent, Occitanie, Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Grand-Est.

 

Urgence : il faut sauver les forêts tropicales avant qu’elles ne disparaissent complètement !

Près de 12 millions d’hectares de forêts tropicales ont été détruits en 2018, soit l’équivalent de la surface de la Belgique, avec en tête le Brésil (un million d’hectares), le Congo (0,5 Mha) et l’Indonésie (0,3 Mha). Considérés comme des sanctuaires majeurs de biodiversité et conservant d’énormes stocks de carbone, notamment dans leurs sols, ces massifs sont défrichés à une vitesse et une ampleur alarmante.

 

Les causes de ces déforestations massives sont bien connues. Elles sont très clairement liées à la recherche de nouvelles terres agricoles pour servir de pâtures à un élevage bovin intensif en pleine expansion, pour cultiver le soja qui nourrira de gigantesques troupeaux, sur place ou ailleurs, ou pour planter de vastes étendues de palmiers à huile.

 

Afin de stopper la disparition en cours de ces joyaux inestimables que sont les écosystèmes forestiers tropicaux, le conseil scientifique de la FRB appelle a en rapidement supprimer les causes, toutes ancrées dans un modèle de commerce international de denrées agricoles ou alimentaires produites à coût économique minimal et coût écologique maximal.

Ne tirez pas sur les chauves-souris !

Le séquençage du virus de Wuhan suggère que ce dernier est proche de coronavirus que l’on trouve chez les chauves-souris même si d’autres mammifères peuvent transmettre ce type de virus, comme cela a été le cas avec le SRAS, dont des formes proches ont été retrouvées chez des chauves-souris Rhinolophes, mais qui aurait probablement été transmis à l’Homme par des civettes vendues sur les marchés de la province de Guangdong (Cyranoski, 2017). Une étude controversée (Ji et al., 2020) suggère aussi qu’un serpent pourrait être à l’origine du virus de Wuhan. Mais la communauté scientifique a exprimé son scepticisme, considérant que les betacoronavirus, groupe auquel appartient le virus du SRAS et le virus de Wuhan, ne sont trouvés que chez les mammifères. Plus récemment le rôle des pangolins comme hôte intermédiaire du virus a été mis en avant, mais là encore la communauté scientifique est en attente d’une publication (Cyranoski, 2020). L’hypothèse la plus probable est donc que le virus de Wuhan provient initialement d’une chauve-souris.

 

Ce constat n’est probablement pas étonnant car ce groupe de mammifères s’avère constituer un réservoir assez extraordinaire de virus susceptibles de se transmettre à l’Homme. Il suffit de regarder la littérature récente sur les zoonoses (maladies transmises par les animaux aux Hommes) pour s’en convaincre. Des chauves-souris sont notamment à l’origine du virus d’Ebola (Buceta & Johnson, 2017) et de Marburg (Kurth et al., 2012), d’une large diversité de Coronavirus en Afrique et Asie (Tao et al., 2017 ; Lacroix et al., 2017) ; elles peuvent transmettre le virus de la rage (Alegria-Moran et al., 2017) et d’autres lyssavirus (Nokireki et al., 2017), le virus Hendra fatal pour les chevaux et les humains en Australie (Smith et al. 2014), etc. En Europe, des chauves-souris sont des réservoirs d’adénovirus (Rossetto et al., 2020), de paramyxovirus (la famille qui inclut les virus Hendra et Nipah) (Kurth et al., 2012) et de lyssavirus (Schatz et al., 2014 ; Nokireki et al.,2017, Šimić et al., 2018). Alors qu’il existe deux fois moins d’espèces de chauves-souris que de rongeurs, on identifie pratiquement autant de virus chez les premières que chez les derniers, un même virus pouvant infecter en moyenne deux fois plus d’espèces de chauves-souris que de rongeurs (Luis et al., 2013). Comme cela a été montré récemment par Rossetto et al. (2020) dans le cas des adénovirus, il existe des différences importantes entre les espèces pour ce qui est de la prévalence des virus, certaines s’avérant négatives alors que chez d’autres jusqu’à 40 % des individus peuvent être positifs.

Alors pourquoi une telle situation, qui remet au premier plan le vieil antagonisme entre les humains et les chauves-souris à l’exemple de la première page récente du quotidien 20 minutes associant l’image d’une chauve-souris frugivore avec les mots « sauvage » et « virus » ?

 

Modélisation de niche écologique pour prédire le risque de leishmaniose cutanée dans les forêts néotropicales humides

Prédire l’apparition et la diffusion de ces maladies infectieuses constitue un défi majeur. Bien que les scientifiques disposent d’outils pour établir des cartes de risques, pouvant être utilisées par les autorités publiques, la conception de ces cartes peut être très difficile dans le cadre des systèmes infectieux à cycles complexes, tels que la leishmaniose cutanée. Cela est dû notamment à de nombreuses interactions entre les différentes espèces, hôtes et vecteurs, ainsi qu’a une hétérogénéité spatiale et temporelle importante de réponses en termes de morbidité et de mortalité.

 

Les travaux visaient à identifier les corrélations entre les foyers d’infection et les activités humaines afin de définir les zones présentant un risque d’infection humaine élevé. Les chercheurs ont ainsi produit des cartes de risques avec un soutien statistique élevé.

 

La présente étude a mis en évidence l’importance de l’impact de l’Homme sur l’environnement dans la détermination des zones à risque de leishmaniose cutanée humaine par rapport aux facteurs climatiques et écologiques habituellement décrits.

 

  • Dans la région amazonienne, les cinq variables expliquant le mieux la probabilité d’occurrence de cas de leishmaniose cutanée sont la densité de la population humaine (30,8 % de la contribution), l’empreinte humaine (30,2 %), la température saisonnière (18,9 %), la richesse en espèces de mammifères (13,8 %) et la biomasse aérienne (6,3 %).
  • En Guyane, les variables expliquant le plus grand nombre de cas de leishmaniose cutanée étaient donc l’empreinte humaine (70,1 % de la contribution), les températures diurnes moyennes (15,4 % des cas) et les précipitations du trimestre le plus humide (9,2 % de la contribution).

 

Cette étude souligne donc l’importance de la prise en compte des facteurs anthropiques pour l’évaluation du risque de maladie infectieuse et parasitaire chez l’homme. 

 

Retrouvez la synthèse complète dans les ressources téléchargeables ci-dessous.

La densification urbaine est-elle favorable au maintien de la biodiversité ?

A l’occasion de la rencontre « Acteurs-Chercheurs Biodiversité Aménagement urbain et morphologie » organisé par le Plan urbanisme construction architecture (Puca) dans le cadre du programme de recherche Biodiversité, aménagement urbain et morphologie (Baum), la FRB met en avant la question de la densification urbaine et du maintien de la biodiversité en proposant la synthèse d’une étude publiée dans la revue Urban Ecosystem en 2014 intitulée : « La densification urbaine peut-elle limiter l’érosion de la biodiversité ? Réponses des assemblages de coléoptères carabidés et d’araignées dans l’Ouest de la France. ».

 

Contrairement à une idée répandue, les résultats de cette étude montrent que la densification urbaine est un élément qui peut contribuer au maintien d’une certaine biodiversité en ville. L’objectif est d’évaluer l’impact de deux types de formes urbaines, les quartiers de conception conventionnelle (aux maisons individuelles avec jardins) et ceux de conception nouvelle (aux maisons mitoyennes plus denses avec une attention portée aux connectivités écologiques), sur deux groupes d’arthropodes dans un seul type d’habitat, les haies.

 

Retrouvez la synthèse complète dans les ressources téléchargeables ci-dessous.

Le Label bas-carbone

Le Label bas-carbone est présenté par le ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES) comme un outil permettant la mise en place d’un cadre innovant et transparent offrant des perspectives de financement à des projets locaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il permettrait ainsi, selon sa présentation, d’accompagner la « transition écologique » à l’échelon territorial, en récompensant les comportements « positifs » allant au-delà des pratiques usuelles. Son mécanisme est d’identifier et de labelliser des projets « vertueux pour le climat et l’environnement » afin que des collectivités, des entreprises, et même des citoyens, puissent mobiliser des financements en faveur de ces actions sur une base volontaire, par exemple pour compenser leurs émissions résiduelles. L’enjeu du label est donc de pouvoir garantir que les projets concourent effectivement à la réduction des gaz à effet de serre, ce qui est relativement facile à évaluer, mais également qu’ils participent à la transition écologique, ce qui voudrait dire, entre autres, qu’ils n’ont alors pas d’impacts négatifs sur la biodiversité.

 

Le Conseil scientifique (CS) de la FRB a souhaité s’exprimer sur ce label au travers d’une note, à découvrir dans les ressources téléchargeables ci-dessous.

Stockage du carbone dans les prairies similaires à celles qui sont gérées par les aéroports

Fin 2018, l’association HOP ! Biodiversité (désormais Aérobiodiversité) confiait à la FRB la réalisation d’une synthèse de connaissances sur la question du stockage du carbone dans les prairies gérées sur leurs sites par les aéroports français membres de l’Acnusa en posant la question : « Quel est le stock global de carbone des prairies (similaires à celles qui sont gérées par les aéroports) et quel est leur potentiel de stockage annuel ? ».

 

La finalité pour le commanditaire état d’une part de pouvoir intégrer le bilan carbone annuel des prairies dans le bilan carbone des aéroports et d’autre part de sensibiliser sur les intérêts environnementaux de ces prairies pour adapter les mesures de gestion.

 

Le rapport complet est téléchargeable dans les ressources ci-dessous.

 

Qu’est-ce que les « microbes » ont à voir avec l’équité sociale ?

La qualité de notre microbiote aurait-elle un lien avec l’équité sociale ? C’est ce qu’affirme une étude parue en novembre dernier dans la revue Plos One. L’accès aux soins périnatals, à la nourriture ou encore à nos lieux de vie sont autant de facteurs qui déterminent notre relation aux microbes. Il est ainsi prouvé que l’exposition microbienne environnementale provenant notamment du sol, de l’eau et des plantes façonne notre santé et réduit certaines de nos maladies comme l’asthme ou les allergies dont l’augmentation dans nos sociétés urbaines occidentales serait liée à notre déconnexion à la nature et au manque de stimulation du système immunitaire. Dans ce contexte, les liens entre “microbes et équité sociale” s’enracinent sur les nouvelles connaissances relatives aux services écosystémiques vitaux que nous retirons des microorganismes. Ainsi, l’inégalité sociale lorsqu’elle entrave l’accès à la biodiversité, entrave également l’accès à la microbiodiversité et à ses avantages pour la santé.

 

Les connaissances actuelles nous permettraient d’élaborer de meilleures politiques sociales ou de faire de meilleurs choix de santé.

 

La synthèse complète est téléchargeable dans les ressources ci-dessous.

Comment le vieux porc Souabe a rendu leur dignité aux éleveurs allemands de Hohenlohe

Au début des années 1980, Rudolph Bühler, un jeune ingénieur agronome allemand, rentre au pays reprendre la ferme familiale après quelques années passées en Asie à travailler dans l’humanitaire. Pleins d’idéaux et d’envies, le jeune Bühler se lance dans l’agriculture paysanne pour explorer des pistes alternatives à l’industrie agroalimentaire qui promet des profits élevés avec des races importées jugées plus productives. Ainsi sur le territoire de Hohenlohe, les producteurs de porcs élèvent depuis quelques temps un cochon venant de Hollande jugé plus productif que les races locales car produisant plus de viande mais néanmoins mal adapté à son environnement, car souvent malade et traité aux antibiotiques.

     Convaincu par ses années passées sur le terrain que les variétés locales supportent bien mieux la nourriture et le climat régional que les animaux importés, Rudolph Bühler s’allie à d’autres agriculteurs pour sauver de l’extinction une ancienne race porcine locale – issue d’un croisement entre le cochon chinois Meishan importé au 19e siècle – et une race allemande. Bien vite leur petite production se développe. Les journaux locaux titrent « Une viande de porc qui a du goût ! ».

     Fort de leur succès, les agriculteurs vont plus loin et établissent un système de tarification communautaire : les prix de la viande et les montants de production sont fixés en commun. Mais les coûts de production des porcs souabes sont environ 12 % plus élevés que pour les autres races dîtes « industrielles ». Au lieu de devenir un fardeau économique pour les éleveurs ceux-ci redistribuent une partie de leur bénéfice au réseau comme un soutien financier. Ces mesures garantissent ainsi un revenu stable et une juste part des bénéfices, tout en permettant une stabilité dans le processus de production.

 

Pour le chercheur en science politique Brendan Coolsaet, qui porte le projet JustConservation du Cesab de la FRB, ce cas est devenu un sujet d’étude.

     « Ce qui m’a intéressé chez les éleveurs allemands de Hohenlohe, c’est qu’il s’agissait d’un cas européen qui différait radicalement du système dominant, autant dans sa dimension agricole que dans sa dimension politique. » Pour le chercheur, prendre en compte ce type d’alternative permet d’apporter des solutions en matière de conservation de la biodiversité. « Je me suis inspiré des travaux sur la justice sociale et environnementale pour étudier le combat de ces éleveurs pour la conservation du porc Souabe. Je me suis particulièrement intéressé au concept de la « reconnaissance », qui je pense est clé pour tenter de comprendre les nouveaux mouvements sociaux pour l’environnement en général, et pour la conservation de la biodiversité en particulier. En effet, reconnaître et respecter la différence ce n’est pas seulement une question éthique ou morale, la recherche montre comment la reconnaissance des différences culturelles dans le contexte de la conservation permet d’apporter des solutions alternatives utiles, voir même vitales. » La conservation de la biodiversité agricole est à ce titre un bon exemple.

     Elle nécessite des connaissances agronomiques propres au milieu, que les agriculteurs ont progressivement perdues avec la modernisation. « L’agriculture industrielle a standardisé et centralisé les connaissances et les pratiques agricoles à travers le monde, et a conduit à un déclin massif de la biodiversité agricole, » poursuit Brendan Coolsaet. Reconnaître d’autres pratiques permet l’émergence d’alternatives, qui dans le cas du cochon Souabe sont à la fois respectueuses de l’environnement, du bien-être animal et des communautés rurales.

 

Afin de faire reconnaître leurs pratiques, les éleveurs allemands de Hohenlohe se sont employés à créer des espaces d’apprentissage collaboratifs autogérés et à s’associer à des universités allemandes pour lancer un projet commun dans le cadre du programme de recherche Horizon 2020 de l’Union européenne, en étudiant les liens entre les aliments traditionnels comme l’herbe et l’amélioration de la qualité de la viande par exemple. Rudolf Bühler ne s’est pas arrêté là.

     Cet été, invité par l’ONU au Forum politique de haut niveau pour le développement durable, l’éleveur a appelé à ce que les objectifs de développement durable (ODD) soient mis en œuvre au niveau local et d’ajouter que le passage à l’agriculture biologique et la gestion naturelle ne suffisait pas : « l’agriculture doit aller de pair avec une économie solidaire axée sur le bien-être animal et la justice sociale, en particulier sur la scène internationale. »

   En attendant, le porc Souabe fait des petits. Aujourd’hui, près de 1 500 fermes en Allemagne élèvent ce vieux cochon sauvé de l’extinction.

Fronts de sciences 2019

 

Face au déclin accéléré de la biodiversité, la recherche est fortement interrogée par les acteurs publics et privés. Or, dans de nombreux domaines, il reste des questions non résolues, des obstacles et des freins à l’avancée de la connaissance.

 

En 2019, le Conseil scientifique (CS) de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) met en lumière certaines des évolutions de la recherche sur la biodiversité et offre ainsi un aperçu de plusieurs actualités scientifiques et des défis auxquels la recherche fait face.

 

Consultez la publication dans les ressources téléchargeables ci-dessous.

Évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques – Les principaux messages de l’évaluation Ipbes

Cette évaluation sans précédent a permis de rendre compte des changements qui se sont opérés au cours des 50 dernières années et a fourni un aperçu complet de la relation entre les trajectoires de développement économique et leurs impacts sur la biodiversité.
L’Ipbes a appelé à des changements systémiques profonds à l’échelle planétaire pour inverser les tendances et assurer l’avenir de l’humanité.

 

La FRB propose dans la brochure (téléchargeable dans les ressources ci-dessous) les principaux messages à retenir ainsi qu’une analyse critique de ce travail unique.

Utilisation des données de séquençage de ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture

Les sorties de l’étude ont donc été de :

 

  • Proposer une appellation pour remplacer le terme « information de séquençage numérique » (Digital sequence information – DSI) par « données numériques de séquences de ressources génétiques » (digital data on genetic resource sequences ou digital sequence data) ;
  • Définir une typologie suivant la chronologie du processus de séquençage : donnée brute, donnée nettoyée, donnée analysée ;
  • Énumérer les principales applications de ces données numériques.

 

Le rapport et le résumé exécutif sont disponibles dans les ressources téléchargeables ci-dessous. 

 

Les résultats ont été présentés pour la première fois à l’occasion du séminaire qui s’est tenu le 8 octobre 2018 à la Maison des Océans. Le programme ainsi que les présentations sont disponibles sur la page dédiée à l’événement

Quelles solutions pour éviter la propagation de l’antibiorésistance dans l’environnement ?

L’antibiorésistance est un problème majeur de santé publique. La diffusion de la résistance aux antibiotiques dans l’environnement pourrait aggraver ce problème majeur de santé publique. Comment la prévenir et préserver les capacités de résilience de l’environnement ?

 

La revue systématique de la littérature scientifique achevée en 2019 a permis d’évaluer les connaissances actuelles sur les effets de différentes stratégies sur la réduction de l’antibiorésistance, évaluée par la quantification et la qualification des bactéries résistantes aux antibiotiques, gènes de résistance aux antibiotiques ou éléments génétiques mobiles (revue complète en cours de publication).

 

Les trois stratégies étudiées sont :

  • la réduction de l’usage des antibiotiques ;
  • les traitements des eaux usées et des déchets organiques ;
  • la gestion des milieux naturels. 

 

Consultez le résumé pour décideurs dans les ressources téléchargeables ci-dessous. 

Les aires marines partiellement protégées sont-elles des facteurs d’efficacité écologique ?

Les zones côtières du monde sont de plus en plus soumises à des pressions humaines nécessitant une gestion adaptée et stratégique. L’établissement d’aires marines protégées (AMP) est un outil couramment utilisé pour améliorer la conservation, la sécurité alimentaire et la gestion des pêches. L’étude des conséquences écologiques des aires intégralement protégées (c’est-à-dire des zones sans prélèvement) révèle que l’abondance et la taille des espèces exploitées sont généralement accrues et ce, même au-delà des zones protégées dans certains cas, grâce à un effet de débordement. Par ailleurs, ces aires intégralement protégées permettent le rétablissement des populations et des communautés de poissons et d’autres taxons marins assurant ainsi la préservation de la structure de l’habitat.

 

La mise en place de zones intégralement protégées a souvent entraîné des conflits entre les enjeux de conservation de la biodiversité et les objectifs socio-économiques, en particulier dans les zones exploitées par de nombreux utilisateurs et soumises à différents types d’usages. Ainsi, l’établissement d’aires partiellement protégées, dans lesquelles certaines activités extractives peuvent être autorisées, est devenue une option favorisée par de nombreux décideurs, car plus facile à mettre en place au vu des objectifs à la fois socio-économiques et écologiques affichés. À la suite des accords et engagements internationaux, de plus en plus d’aires marines protégées sont en cours de création, mais la plupart ne sont que partiellement protégées. Il est donc urgent de déterminer quelles formes de protection partielle peuvent apporter des avantages socio-économiques tout en conservant une pertinence en termes de protection de la biodiversité.

 

Les aires partiellement protégées dépendent du contexte et leurs réglementations varient en fonction des objectifs de gestion qui vont, à leur tour, affecter leur efficacité écologique.

 

Un nouveau système de classification des aires protégées en fonction des activités commerciales et récréatives autorisées a été récemment développé (Horta e Costa et al., 2016). Dans ce système, les aires protégées, partielles et intégrales, sont classées en fonction des impacts cumulés des activités autorisées. Il est donc essentiel de comprendre les conséquences écologiques des différents types de protection partielle, celles-ci étant très certainement liées à différents régimes de réglementation. Dans cet article, les chercheurs présentent une nouvelle approche pour étudier et déduire comment une diversité de niveaux de protection partielle peut entraîner différents niveaux d’efficacité écologique. Ils ont également examiné comment les caractéristiques des aires protégées (âge et taille) peuvent influer sur l’efficacité des zones partiellement protégées, ou comment les caractéristiques spécifiques aux aires protégées multi-zones, telles que la présence d’une zone intégralement protégée adjacente, peuvent influer sur l’efficacité de la protection partielle.

 

Plaidoyer pour une COP 15 Biodiversité ambitieuse et pour un rapprochement des conventions issues de Rio

Fin 2020 se tiendra la quinzième Conférence des parties (COP) de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB), en Chine. Les pays adhérents à cette convention sont invités à annoncer des engagements précis en faveur de la préservation de la biodiversité.

Il serait dramatique que les États réunis à cette occasion ne s’accordent que sur un plus petit dénominateur commun en matière d’engagements et d’actions et que les décisions de la COP ne soient pas à la hauteur des enjeux relatifs à l’effondrement de la biodiversité.

Il faut que les États s’engagent en faveur d’actions claires, précises, multiples et quantifiables, en privilégiant la réduction rapide et effective des grands facteurs de pressions, tout en développant des actions de protection de grande ampleur afin de sauvegarder rapidement ce qui reste de la biodiversité et lui redonner un large potentiel d’évolution.

Il faut également que les acteurs privés accompagnent cette démarche en travaillant à la réduction de leurs pressions sectorielles sur la biodiversité.

Il faut enfin que les citoyens soient le moteur d’un changement majeur de nos modes de consommations, de perception et d’usage de la biodiversité.

 

Les deux plateformes d’expertise scientifique planétaires, qui réfléchissent d’un côté au devenir de la biodiversité (IPBES) et de l’autre à celui du climat (GIEC), s’accordent globalement sur le constat d’urgence et la nécessité de revoir rapidement des processus productifs non durables qui aggravent à la fois l’érosion de la biodiversité et le changement climatique.

 

L’IPBES souligne ainsi dans son évaluation mondiale de l’état de la biodiversité présentée en mai 2019, que la biodiversité s’érode à un rythme croissant, ce qui conduit à la dégradation du fonctionnement des sols et des écosystèmes. En conséquence, les services que les humains retirent de la biodiversité diminuent eux aussi rapidement, mettant en péril le devenir de nos sociétés. Les facteurs directs à l’origine de cette dégradation de la biodiversité sont parfaitement connus et leur importance respective a été évaluée : changement d’usage des terres au détriment des écosystèmes et des biotopes peu anthropisés, exploitation, et souvent surexploitation, des ressources marines ou terrestres, pollutions chimiques et physiques croissantes, changement climatique, multiplications des espèces exotiques envahissantes. Tous ces facteurs s’aggravent mutuellement et sont également renforcés par des facteurs indirects : la croissance démographique humaine et l’ensemble des processus socio-économiques et politiques à l’origine d’une consommation non durable des ressources de la planète.

L’IPBES insiste sur les incidences négatives multiples sur la biodiversité des systèmes de production agricoles intensifs dont deux excès sont à présent bien documentés, d’une part l’usage immodéré des pesticides et engrais chimiques et d’autre part l’accroissement de la production de protéines végétales destinées à l’alimentation animale qui induit des échanges à longue distance et délocalise les impacts dans des régions à forte biodiversité, comme les forêts tropicales. Les projections d’ici 2050 montrent que sans changements majeurs de modes de vie, l’érosion de la biodiversité et la diminution des services que les humains retirent du monde vivant vont se poursuivre.

 

Depuis la publication de l’évaluation mondiale de l’IPBES, le GIEC a produit un rapport sur les liens entre changement climatique et usage des terres, notamment au travers des activités agricoles et forestières. Les messages clés de ce rapport rejoignent ceux de l’évaluation IPBES sur la dégradation et la restauration des terres publiée en 2018. Le rapport du GIEC souligne l’importance de la contribution de l’ensemble du système alimentaire mondial à la production de gaz à effet de serre et rappelle que les modifications de couverture, d’usage et d’état des sols influencent les climats régionaux et globaux. Il rappelle aussi que le changement climatique est une source de risques accrus pour le système alimentaire mondial et la biodiversité, risques qui seront d’autant plus forts à mesure que la consommation alimentaire, les besoins en eau et la consommation de ressources multiples continueront à s’accroître. Le GIEC appelle à des actions en faveur de l’adaptation au changement climatique et à la réduction de celui-ci en soulignant les co-bénéfices que pourra en attendre la biodiversité. Le GIEC appelle donc à une gestion durable des sols et des écosystèmes, seule manière d’en stopper la dégradation, d’en maintenir la productivité et de contribuer à l’adaptation au changement climatique et à sa réduction. Le GIEC insiste sur la nécessaire réduction du gaspillage alimentaire et des déchets tout en jouant aussi sur l’évolution des choix alimentaires. Enfin, le GIEC insiste sur le besoin d’agir vite, de privilégier le court terme et met en avant dans ses projections le besoin d’accroître les surfaces forestières.

 

Par ailleurs, en septembre s’est tenue en Inde la Conférence des parties de la convention sur la lutte contre la désertification (UNCCD), la troisième des conventions de Rio, qui appelle à un arrêt de la dégradation des sols et à leur restauration pour préserver le fonctionnement et les services des écosystèmes et renforcer la sécurité alimentaire. Dans la déclaration de New Delhi appelant à investir dans la sauvegarde de terres et à débloquer toutes les opportunités d’action, la COP Désertification souligne l’importance de la prise en compte des solutions basées sur la gestion des terres pour la lutte contre le réchauffement climatique et pour la conservation de la biodiversité.

 

Enfin, l’initiative New York Declaration on Forests, initiée en 2014 par d’importantes structures de recherche et de réflexion et des ONG, constatant la poursuite de la déforestation, en particulier des forêts humides tropicales, a solennellement appelé à la protection et à la restauration de forêts de la planète, pour préserver leur biodiversité et leur capacité à séquestrer du carbone, rejoignant ainsi les COP dans leur invitation à ce que les gouvernements s’engagent dans des changements systémiques.

 

Dans tous les cas, les constats de ces instances relayent les alertes faites par les scientifiques depuis longtemps, et leurs recommandations, ont été reconnues ou approuvées par une majorité des pays dans le monde. Les gouvernants ne peuvent donc dire que l’alerte n’a pas été donnée et que l’urgence des actions nécessaires en faveur de la biodiversité n’a pas été mise en avant. Certains pays ont rapidement pris des engagements, comme la France qui a annoncé un accroissement significatif des surfaces d’aires protégées nationales, une initiative majeure, mais qui ne couvre qu’en partie les besoins d’actions indispensables, notamment à court terme.

 

Cependant, des divergences significatives persistent dès que sont abordées les stratégies et les options à privilégier pour résoudre les problèmes de restauration de la biodiversité ou de réduction du changement climatique.

 

C’est le cas, par exemple, de la prise en compte d’un fort développement des surfaces dévolues aux cultures énergétiques dans les scénarios du GIEC, cultures qui, à grande échelle, auraient un impact négatif majeur sur la biodiversité et sur lequel l’IPBES a attiré l’attention des dirigeants. Il en va de même du développement des technologies énergétiques de type BECCS (Bioenergy with Carbon Capture and Storage) ou du déploiement de stratégies d’afforestation intensive. C’est sur ces sujets que les échanges entre les experts du climat et de la biodiversité d’une part et entre les différents mécanismes de coordination stratégique et politique internationaux (Conventions et agences onusiennes) d’autre part devraient prendre toute leur importance. Il est central de rappeler que la lutte contre le changement climatique n’est pas une fin en soi, mais un moyen, urgent et indispensable, pour permettre aux vivants, humains et non-humains de poursuivre leurs trajectoires de vie et d’évolution. La lutte contre le changement climatique ne peut donc se faire en aggravant la situation de la biodiversité. Plus que jamais, le slogan de la FRB, « biodiversité et climat, même combat », reste d’une évidente actualité.

 

Au-delà de la COP 15 Biodiversité, de la COP Désertification ou des prochaines COP Climat, les Conférences des parties des trois conventions de Rio qui doivent avancer de concert, se pose la question de la nécessaire coordination mondiale des actions qui sont de nature à mettre la planète sur une trajectoire d’avenir assurant à la fois le devenir des populations humaines et celui de l’ensemble du vivant sur les continents, les îles et les mers et cela sans manichéisme et en respectant libertés et différences culturelles.

Face aux défis planétaires qui se posent à nous, il n’est plus possible de continuer à raisonner en silos, climat d’un côté, biodiversité ou désertification de l’autre, et de laisser émerger des solutions qui seront de mauvais compromis ne permettant pas de répondre simultanément, et au même niveau de priorité, à l’ensemble des grands défis planétaires.

 

Plusieurs alternatives sont envisageables pour que les solutions préconisées par les instances internationales soient pertinentes pour l’ensemble des enjeux majeurs auxquels nous devons faire face :

 

  • Fusionner les trois conventions de Rio en une seule Convention Environnement qui traiterait de l’ensemble des enjeux environnementaux sous l’égide du Programme des Nations unies pour l’Environnement, le PNUE. Cela permettrait de considérer conjointement et en pleine synergie les enjeux du climat, de la désertification des terres et de la biodiversité, et de faire remonter en direction des décideurs des suggestions d’engagements et d’actions qui ne favoriseraient pas la solution d’un problème au détriment d’un ou plusieurs autres. Cela permettrait aussi d’établir un lien plus direct avec une version actualisée des Objectifs du Développement Durable de l’ONU qui pourraient alors s’appeler les Objectifs pour une Planète Durable. Une telle fusion s’accompagnerait de celle des organes subsidiaires scientifique et technologiques (SBSTA et SBSTTA) des conventions. Il faudrait parallèlement statuer sur la nécessité d’institutionnaliser ou non les relations entre les plateformes d’expertise scientifiques, GIEC et IPBES, et veiller à ce que la fusion des trois conventions, en donnant naissance à une structure de très grande ampleur, difficile à gérer dans la pratique, ne brise pas leurs dynamiques internes actuelles.
  • Conserver les trois COP actuelles et mettre en place, sous l’égide du PNUE, une structure chapeau de coordination destinée à harmoniser et fiabiliser les décisions des COP. Il s’agirait là d’une structure légère associant secrétariat des conventions et responsables des structures d’expertise scientifique associées. Comme dans l’option précédente, les plateformes internationales d’expertise scientifique seraient invitées à collaborer de manière beaucoup plus effective qu’actuellement. Une telle structure chapeau devra fonctionner avec un impératif fort de réactivité.
  • Établir un nouveau mode de fonctionnement entre les Conventions pour qu’elles s’appuient sur l’ensemble des organes d’appui scientifiques et technologiques dédiés (SBSTA et SBSTTA) et des plateformes d’expertise scientifique internationales, en particulier le GIEC et l’IPBES. Cette option nécessitera d’institutionnaliser une plateforme d’expertise scientifique indépendante en matière de désertification, par exemple le partenariat mondial sur les sols, actuellement sous égide de la FAO.
  • Instituer formellement et rapidement une collaboration opérationnelle entre tous les organes d’appui scientifiques et techniques et les plateformes d’expertise scientifique comme le GIEC et l’IPBES de manière à ce qu’aucun rapport de l’une des plateformes scientifiques ne soit publié sans avoir bénéficié de la validation des autres groupes d’experts. Cela peut passer par la publication de rapports communs ou par une évaluation a posteriori des recommandations à destination des États avec une exclusion systématique des solutions qui porteraient atteinte aux enjeux de lutte contre le changement climatique, de lutte contre l’érosion de la biodiversité ou de lutte contre la désertification. Cette dernière option serait la plus facile à mettre en œuvre et les conventions pourraient alors pouvoir travailler à partir d’un socle d’expertise non pas nécessairement commun, mais ayant fait l’objet, en matière de recommandations, d’une mise en cohérence aussi poussée que possible.

 

Dans tous les cas, il devient urgent de favoriser des consensus scientifiques forts, qui puissent constituer les fondements de décisions internationales ambitieuses dépassant les visions sectorielles et les clivages politiques touchant notre avenir et celui de toutes les formes de vie qui nous entourent.

Les scientifiques alertent l’humanité sur les liens entre microorganismes et changement climatique

À l’occasion des 60 ans du BRGM, service géologique national et membre fondateur de la FRB, la FRB revient sur l’importance cruciale des microorganismes en mettant en avant une synthèse parue au mois de juin dernier dans la revue Nature et intitulée : « Les scientifiques alertent l’humanité sur les liens entre microorganismes et changements climatiques ».

 

Cette synthèse de connaissances rappelle le rôle central des microorganismes dans les causes biologiques du changement climatique. Elle montre comment ceux-ci affectent le climat mais aussi comment, par rétroaction, ils sont affectés par les changements globaux.

 

Les auteurs appellent à ce que cette « majorité microscopique » ne soit plus « l’éléphant invisible dans la pièce ». Les enjeux sont trop importants : intégrer leur fonctionnement, c’est se permettre de comprendre comment les êtres vivants peuvent s’adapter aux changements climatiques. À défaut, la science n’aura qu’une compréhension limitée de la biosphère et de ses réponses à ces changements, ce qui compromettra les efforts déployés dans ce domaine pour créer un avenir écologiquement durable.

 

Retrouvez la synthèse complète dans les ressources téléchargeables ci-dessous. 

 

 

Pour en savoir plus, vous pouvez également consulter l’article publié dans la collection Regards de la SFE2 : “R89 : Les sols à l’heure du changement climatique, par N. Fromin, T. Chevallier et A. Robin

Coup de vieux sur l’Anthropocène

Comment les humains ont changé la face de la Terre

Les données archéologiques montrent que les changements anthropiques ont commencé plus tôt et se sont répandus plus vite qu’estimé précédemment.

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L’Anthropocène est la période au cours de laquelle les activités humaines ont acquis une influence majeure sur le changement climatique et l’environnement. Il est difficile d’estimer le début de cette ère, et en particulier d’estimer l’incidence de l’Homme avant la période historique et les écrits associés. L’hypothèse avait déjà été formulée que la déforestation préhistorique et la riziculture pourraient expliquer l’augmentation préindustrielle des concentrations de méthane et de dioxyde de carbone dans l’atmosphère il y a environ 7 000 ans. Pour le dernier millénaire, les chercheurs se basent sur des documents historiques et, pour la période précédente, sur les observations archéologiques et paléo-écologiques. Les données archéologiques sont d’une grande importance mais jusqu’à récemment il était difficile d’en retirer des tendances globales.

 

Les travaux de Stephens et al. rapportés ci-dessous suggèrent que la Terre avait déjà été considérablement transformée par les activités humaines il y a 3 000 ans. Ce jalon temporel pour les changements d’origine anthropique de la couverture terrestre est en accord avec les interprétations issues de l’analyse de plusieurs autres sources de données (par exemple, les reconstructions des pertes de forêts en Europe tempérée) et conforte largement l’hypothèse de Ruddiman et al. en 2016 qui voyaient une origine anthropogénique dans le réchauffement préindustriel de l’Holocène tardif.

A contrario, l’utilisation de la base de données historique sur l’environnement mondial (HYDE, Klein Goldewijk et al., 2017), qui simule la couverture terrestre mondiale passée, abouti à des conclusions en contradiction avec celles de Stephens et al. en mettant en avant un faible volume d’impacts anthropiques à l’époque préhistorique.

 

Ces différences dans les conclusions des deux types d’études peuvent être dues aux biais associés aux données archéologiques qui proviennent d’endroits habités par l’Homme et ne renseignent pas directement sur l’état des zones sauvages. Les enseignements issus notamment de données paléo-écologiques (pollens) devraient conduire à d’utiles comparaisons de dates.

 

Enfin, si de grandes régions ayant eu une longue histoire d’agriculture et de pastoralisme (Europe et Chine par exemple) au cours des six derniers millénaires devraient montrer des trajectoires globales similaires pour le changement de couverture du sol, quelle que soit la source de données utilisée, ce n’est pas le cas pour beaucoup d’autres régions. En Europe tempérée et dans le nord-est de la Chine, le modèle HYDE indique une augmentation exponentielle des terres agricoles et des pâturages il y a environ 1 000 ans alors que les résultats ArchaeoGLOBE pour ces régions font apparaître une importante conversion de terres d’origine humaine il y a 3 000 ans. Quant aux analyses polliniques, qui permettent une estimation des terres libres de toute empreinte, elles établissent plutôt cette augmentation entre 1 000 et 3 000 ans. Quelle que soit la méthode utilisée, les tendances temporelles se ressemblent uniquement dans la zone de forêt boréale européenne.

 

Quoiqu’il en soit, les résultats très impressionnants des analyses collaboratives du type « big data » effectuées par le consortium ArchaeoGLOBE indiquent que la transformation humaine de la surface de la Terre a commencé bien avant ce que certains chercheurs appellent « la grande accélération » et devraient inciter la communauté scientifique à raisonner sur un plus long terme les émissions de carbone et l’évolution de l’utilisation des terres.

 

Du déclin au rétablissement de la biodiversité : l’urbanisation et l’avenir de la conservation de la biodiversité

Pour inverser les tendances dramatiques actuelles, l’Ipbes, dans son évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, pose la question du rôle de la démographie humaine et de la perpétuation de systèmes de production non durables et appelle à des changements systémiques majeurs.

Peu de personnes informées doutent encore aujourd’hui de la nécessité d’une réflexion de fond sur l’évolution de nos stratégies socio-économiques comme cadre conceptuel pouvant guider l’action en faveur de la biodiversité et parallèlement du climat. Les scénarios démographiques et socio-économiques prennent alors toute leur importance pour évaluer le futur de la biodiversité et la pertinence des orientations politiques qui permettront de la sauvegarder. Qui dit orientations politiques, dit choix de société et donc nécessité d’une libre expression et d’un libre choix des citoyens. Même si la science ne porte pas une vérité, mais des théories et des hypothèses fondées sur l’analyse des données, elle doit être un élément majeur pour éclairer tant l’opinion que les décideurs.

Dans ses efforts de « porté à connaissance », la FRB se doit d’apporter sa contribution aux riches et intenses débats en cours. L’an dernier, la transcription de l’article de Cazalis, Loreau et Henderson « Devons-nous choisir entre nourrir l’humanité et protéger la nature ? Modélisation des liens entre l’environnement et la démographie humaine » avait apporté un éclairage original. Ses conclusions montraient qu’un avenir souhaitable pour l’Humanité passait par la recherche d’un équilibre entre la production alimentaire et les services de régulation et, idéalement, le maintien de la population humaine à 10 milliards de personnes. Lors de la première « Nuit de la biodiversité », nous nous sommes en particulier interrogés sur la question de savoir si les solutions préconisées par les scientifiques pour enrayer le déclin de la biodiversité seront applicables tout en préservant nos systèmes et libertés politiques. Pour poursuivre la contribution à ces réflexions majeures dans une optique aussi ouverte que possible, la FRB propose la transcription d’un article issu des réflexions de trois « conservationnistes » américains, Sanderson, Walston et Robinson.

 

Pour résumer de manière très simplifiée, les auteurs disent que l’évolution de la démographie humaine et des consommations va conduire à un déclin majeur de la biodiversité d’ici 2050, rejoignant ainsi beaucoup de scénarios actuels dont ceux figurés dans le rapport de l’Ipbes, mais que la tendance croissante à l’urbanisation de la planète va conduire, par des processus multiples, à une stabilisation et même une décroissance de la démographie humaine et que ce qu’ils considèrent comme l’efficacité environnementale plus grande des villes aura un impact positif sur l’environnement et permettra à termes le rétablissement de la biodiversité.

En effet, d’ici 100 ans, les tendances de développement montrent également que l’essentiel de l’humanité vivra dans les villes et les agglomérations dans une économie de marché interconnectée et fondée sur la technologie. Un des scénarios crédibles est que la population humaine stagne ou diminue aux environs de 6 à 8 milliards de personnes et que leur concentration dans les villes entrainera des changements socio-environnementaux important et notamment, la diminution de l’extrême pauvreté, une meilleure maîtrise de la fécondité et une évolution des modes de vie et de pensée. Le modèle quantitatif développé dans l’étude de Sanderson et al., montre tout d’abord des impacts négatifs sur la biodiversité, entrainés par ces changements, puis une inversion de la tendance avec des impacts positifs sur l’environnement. Ainsi, bien qu’il soit parfaitement clair que les impacts environnementaux augmentent au fur et à mesure que les sociétés traversent la transition démographique et s’urbanisent, la transition en cours de la fécondité et la réduction de la pauvreté résultant de l’urbanisation suggèrent la perspective d’une stabilisation éventuelle et d’une réduction à long terme des impacts globaux sur l’environnement.

 

La synthèse complète est à découvrir dans les ressources téléchargeables ci-dessous. 

Des fiches pays relatives à la réglementation APA

À la date du 9 juillet 2019, 117 pays sont Parties au Protocole de Nagoya, 62 États ont mis en place des mesures d’APA et 16 ont établi un « certificat de conformité internationalement reconnu » .

En effet, le fait qu’un État soit Partie au Protocole ou pas, ne présage pas de l’existence ou de l’absence de réglementations internes en matière d’APA.

 

  • Liste de pays qui ne sont pas parties au Protocole de Nagoya :

(Europe) Chypre, Estonie, Grèce, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovénie, Serbie.

(Hors Europe) Algérie, Australie, Brésil, États-Unis, Canada, Chili, Colombie, Costa Rica, Ghana, Grèce, Nigeria, Russie, Turquie, Venezuela, etc.

 

  • Liste des pays non parties au Protocole de Nagoya mais signataires au Protocole de Nagoya :

(Europe) Chypre, Grèce, Irlande, Italie, Lituanie, Roumanie , Serbie, Slovénie.

(Hors Europe) Algérie, Australie, Bangladesh, Brésil, Cape Vert, Colombie, Costa-Rica, Le Salvador, Ghana, Grenade, Maroc, Nigéria, Pologne, Somalie, Thaïlande, Tunisie, Ukraine, Yémen.

 

  • Liste de pays de l’Union européenne n’ayant pas réglementé l’accès aux ressources génétiques relevant de leur souveraineté et le partage des avantages découlant de leur utilisation mais disposant de réglementation déclinant le volet Conformité du Protocole de Nagoya en application du Règlement UE 511/2014 :

Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Croatie, Danemark, Estonie, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suède.

 

Dans le cadre du projet d’accompagnement de la mise en œuvre du Protocole de Nagoya, la FRB a établi, avec un comité de coordination et de rédaction, un ensemble de fiches-pays qui a vocation à être complété petit à petit.

Ces fiches-pays reprennent les éléments du site officiel ABS Clearing-House, plateforme d’échange d’informations sur le dispositif d’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages découlant de leur utilisation, ainsi que les informations échangées entre les membres du groupe de travail sur l’APA et par les points focaux nationaux pour certains pays.
Les informations peuvent être inégales, cela est dû au niveau d’information disponible sur le site ABS Clearing-House et si les informations ont été traduites en anglais. Les retours d’expérience des utilisateurs permettront d’alimenter les informations concernant la procédure APA.

 

Le document est téléchargeable dans les ressources ci-dessous. 

Pourquoi maintenir la diversité génétique des animaux domestiques ?

À travers le monde, 14 espèces animales produisent 90 % des protéines consommées par les humains. Les processus d’intensification et de standardisation de la production agricole poussent à une certaine uniformisation de ces espèces. Une spécialisation toujours plus importante de ces animaux est alors recherchée et aboutit à une grande inégalité dans l’usage de ces races : certaines populations de vaches, sélectionnées par exemple pour leur grande production laitière, sont présentes partout dans le monde alors que des populations plus locales voient leurs effectifs baisser ou disparaissent. Cet appauvrissement de la diversité génétique pourrait avoir des conséquences importantes pour le futur de la production et les services rendus par les écosystèmes pâturés par des herbivores domestiques, en l’absence d’herbivores sauvages en nombre et avec une diversité suffisante. Alors comment maintenir une telle diversité ? Par quels acteurs passe cette conservation ? Pour quel rôle au sein des écosystèmes ? Anne Lauvie, chargée de recherche en gestion territoriale des populations animales locales à l’Inra nous éclaire sur les enjeux de la diversité génétique chez les animaux domestiqués.

« Éviter, Réduire, Compenser » : trois clés pour limiter l’artificialisation des terres

La perte de biodiversité sur les territoires français et européens est maintenant actée. Que ce soit la perte de 30 % des espèces d’oiseaux communs en 15 ans dans les campagnes françaises (communiqué du MNHN, 2018), où la chute de plus de 75 % de la biomasse d’insectes en seulement 27 ans en Allemagne (Hallmann et al. 2017), les signaux d’alarmes sont tirés. Malgré ces alertes, l’artificialisation des terres – un des grands facteurs du déclin de la biodiversité – continu inlassablement, et ce dans toutes les régions. D’après une étude du Commissariat général au développement durable, 40 % de l’artificialisation en France se fait dans des zones où le taux de vacance de logements augmente fortement et 20 % dans des communes dont la population décroit. En l’absence de besoin apparent, comment expliquer la poursuite de ce phénomène ? Charlotte Bigard, chercheuse au centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (UMR CEFE), conduit des travaux à l’interface entre la recherche et l’aménagement. Elle nous explique les limites et les perspectives de la séquence Éviter-Réduire-Compenser, outil réglementaire majeur pour maintenir le lien entre aménagement et biodiversité.

La pollution antibiotique des eaux de surface : occurrence et effets

Les antibiotiques sont des médicaments antimicrobiens qui tuent ou réduisent la croissance des bactéries. Ils sont utilisés en grande quantité depuis plusieurs décennies et la résistance d’agents pathogènes aux antibiotiques est depuis longtemps au cœur de la recherche en milieu clinique et, plus récemment, en recherche environnementale.

 

Les antibiotiques peuvent contourner les procédés de traitement de l’eau et peuvent se retrouver directement dans l’environnement. Ils sont détectés dans les rivières à des concentrations très faibles et dilués plus d’un million de fois par rapport aux concentrations observées dans le corps humain.

 

Cette étude démontre que les concentrations d’antibiotiques mesurées dans les eaux douces, quoique majoritairement inférieures aux concentrations cliniques efficaces, sont fortement susceptibles d’avoir des effets directs et indirects sur la composante microbienne des communautés aquatiques. En effet, même à de faibles concentrations, ces antibiotiques pourraient avoir des conséquences importantes pour les écosystèmes et pour la santé humaine. Les antibiotiques sont spécifiquement administrés pour traiter des infections ou pour augmenter les rendements notamment en élevage et en agriculture, mais, dans l’environnement, d’autres organismes vivants qui font partie de processus écologiques, tel que le cycle des nutriments, sont inévitablement exposés.

Les abeilles, ces grandes mathématiciennes !

Une gageure lorsque l’on sait que derrière ce chiffre se cachent plusieurs niveaux de complexité. En effet, concevoir le « 0 », c’est être en mesure de comprendre qu’il est le reflet d’un ensemble parfaitement vide. C’est ensuite intégrer qu’il est un chiffre comme un autre, en allant jusqu’à comprendre son positionnement de manière logique dans une suite croissante ou décroissante de nombres.

La difficulté d’appréhension de la notion chez l’homme aura notamment été révélée lors d’une étude, menée en 2013, auprès d’enfants de maternelle2. Des scientifiques ont proposé un test sur tablette à vingtaine d’écoliers de 4 ans. Des formes contenant des points apparaissaient à l’écran et les enfants devaient indiquer tactilement la forme avec le moins de points. En cas de réussite, un soleil illuminait l’écran tandis qu’en cas d’échec, un écran noir s’affichait. Les chercheurs se sont ainsi rendus compte que, pour ces jeunes enfants ayant appris à compter, il n’y avait pas de difficulté à classer les chiffres les uns par rapports aux autres (de 1 à 4). Cependant, à l’intégration d’une forme vierge, beaucoup confondaient « 0 » et « 1 ». Des études chez les primates ont révélé des résultats similaires. Chez l’Homme, la compréhension de ce que représente le 0 n’est donc pas innée mais bien acquise au cours du développement.

 

Étonnamment, les abeilles n’ont pas semblé rencontrer ces mêmes difficultés. L’expérience a été menée par la chercheuse française Aurore Avarguès-Weber et ses collègues australiens3, et les résultats ont été publiés le mois dernier dans la revue Science4. S’il avait été précédemment démontré que ces insectes savaient compter de 1 à 5, les scientifiques les ont cette fois entraîné à compter de 5 à 1. Pour cela, des « cartes » sur lesquelles figuraient de 1 à 5 points étaient disposées sur un mur. À leur entrée dans l’espace dédié, les abeilles devaient alors voler vers la carte présentant le moins de points et se poser sur la plateforme attenante. Là, une boisson leur était proposée : sucrée en cas de bonne réponse, amère en cas de mauvaise.
Après s’être ainsi assurés que les insectes avaient intégré les notions de « inférieur » et de « supérieur », ils ont ajouté une carte sans point à l’expérience. À la surprise de l’équipe de recherche, les abeilles n’eurent pas de difficulté à identifier la carte vide comme une carte inférieure à 1.

 

« Pour la première fois, nous démontrons que des animaux invertébrés sont capables de comprendre des concepts complexes, là où certaines espèces de vertébrés rencontrent des difficultés, explique la chercheuse française. C’est une avancée inédite et qui ouvre pleins de nouvelles questions : comment le cerveau de ces insectes, bien plus petit que le nôtre fait-il pour intégrer cette notion complexe ? Mais aussi, quelle est l’utilité les abeilles tirent-elles de ce concept dans leur quotidien ? »

 

 

1. Ce n’est qu’entre le IIIe et le Ve siècle que ce chiffre a été intégré tel qu’on le connait aujourd’hui.

2. Dustin J. Merritt, Elizabeth M. Brannon, Nothing to it: Precursors to a zero concept in preschoolers, Behavioural Processes, Volume 93, 2013, Pages 91-97, ISSN 0376-6357, https://doi.org/10.1016/j.beproc.2012.11.001.

3. L’équipe est franco-australienne, un atout pour « bénéficier » de deux étés par an et pouvoir travailler en extérieur avec les abeilles toute l’année.

4. Scarlett R. Howard, Aurore Avarguès-Weber, Jair Garcia, Andrew Greentree, Adrian G. Dyer. Bees extrapolate ordered relations to place numerosity zero on a numerical continuum, Science, 2018. DOI : 10.1126/science.aar4975

Réglementation française sur l’accès et le partage des avantages (APA)

La loi française vise les accès et les activités initiés après l’entrée en vigueur de la loi du 9 août 2016, qu’ils soient réalisés par des utilisateurs français ou étrangers.

 

Elle prévoit que l’État français est le fournisseur des ressources génétiques se trouvant sous sa souveraineté, sous réserve des compétences des collectivités d’outre-mer. Il est le bénéficiaire des avantages, qui sont dans la pratique versés à l’Office français de la biodiversité (OFB).

 

Elle met en place différentes procédures d’APA en fonction de la ressource et de l’utilisation envisagée (formulaire de déclaration ou d’autorisation), voire de leur provenance (métropole, outre-mer).

 

Elle établit une procédure spécifique pour l’accès et l’utilisation des CTA détenues par les seules communautés d’habitants présentes en Guyane et à Wallis et Futuna.

 

Elle prévoit des dispositions sur le partage des avantages – monétaire et non monétaire –, le transfert des ressources, des sanctions pénales et financières.

 

Des formulaires de déclaration et de demande d’autorisation sont disponibles auprès du ministère en charge de l’environnement, à l’adresse suivante : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/acces-et-partage-des-avantages-decoulant-lutilisation-des-ressources-genetiques-et-des-connaissances

 

Réglementation européenne sur l’accès et le partage des avantages (APA)

Le Réglement (UE) n°511/20141 du 16 avril 2014 établit les règles concernant le respect des obligations portant sur l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation. Ce règlement s’applique aux ressources génétiques provenant des pays qui ont ratifié le Protocole de Nagoya.

 

Il a été complété par le règlement d’exécution (UE) 2015/18662 qui est entré en vigueur le 9 novembre 2015.

 

Il existe un document d’orientation (2016)3 sur le champ d’application et les obligations essentielles du règlement (UE) n° 511/2014 du Parlement et du Conseil relatif aux mesures concernant le respect par les utilisateurs dans l’Union.

Le règlement européen n°511/2014 s’applique aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées lorsque :

  • le pays fournisseur est partie au Protocole de Nagoya ;
  • le pays fournisseur a mis en place une réglementation APA sur ses ressources génétiques et ses connaissances traditionnelles associées ;
  • l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles est postérieur au 12 octobre 2014. Néanmoins, il faut vérifier dans la réglementation du pays que la période antérieure n’est pas couverte ;
  • l’activité de recherche et de développement a lieu dans l’Union européenne.

 

Les exclusions concernent :

  • les ressources génétiques et connaissances traditionnelles associées acquises avant octobre 2014 ;
  • les ressources génétiques humaines. Les pathogènes humains, les parasites et autres organismes associés porteurs de matériel génétique sont couverts par le règlement n°511/2014 ;
  • les zones situées au-delà des juridictions nationales ;
  • les échanges de matières premières ;
  • les ressources génétiques couvertes par d’autres instruments : Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA), Cadre de préparation en cas de grippe pandémique (PIP Framework).

 

Afin de respecter l’obligation de diligence nécessaire, les utilisateurs doivent prendre des mesures pour tracer, documenter, conserver et transférer les informations liées à l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées. La documentation doit être conservée 20 ans après la fin de l’utilisation.

 

Pour démontrer la diligence nécessaire, il est possible de faire référence à un certificat de conformité reconnu à l’échelle international (CCRI) ou d’obtenir les informations suivantes :

  • la date et le lieu d’accès ;
  • la description ;
  • la source ;
  • les droits et obligations liés à l’accès et au partage des avantages, y compris pour les applications et la commercialisation ultérieures ;
  • le permis d’accès ;
  • les conditions convenues d‘un commun accord.

 

Les utilisateurs de ressources génétiques ont pour obligation de déclarer qu’ils ont fait preuve de diligence nécessaire à différents moments :

  • À la réception de financements externes pour les travaux de recherche, qu’ils soient de source privée ou publique. Les activités menées par une structure sur ses fonds propres ne sont pas visées ;
  • Lors de la mise sur le marché d’un produit mis au point à partir d’une ressource génétique ou d’une connaissance traditionnelle associée.

 

L’autorité compétente vis-à-vis de la réglementation européenne est le ministère en charge de la recherche :

  • C’est auprès d’elle que les déclarations s’effectuent, au stade de financement de travaux de recherche ;
  • Elle contrôle le respect des règles par les utilisateurs et met à disposition le registre des contrôles effectués ;
  • Elle demande et contrôle l’inscription des collections au registre européen ;
  • Au stade de la mise sur le marché d’un produit, c’est le ministère chargé de l’environnement qui est l’autorité compétente.

 

Les sanctions prévues dans la loi française sont financières et peuvent aller jusqu’à l’emprisonnement.

1. Règlement (UE) n°511/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32014R0511
2. Règlement d’exécution (UE) 2015/1866 de la Commission du 13 octobre 2015 portant modalités d’application du règlement (UE) no 511/2014 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le registre des collections, la surveillance du respect des règles par l’utilisateur et les bonnes pratiques https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32015R1866&from=EN
3. Document d’orientation sur le champ d’application et les obligations essentielles du règlement (UE) n°511/2014, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52016XC0827(01)&from=FR

Les milieux marins et littoraux français et leurs services : une évaluation dans le cadre du programme EFESE

La France bénéficie d’un très riche ensemble d’écosystèmes marins et côtiers répartis sur l’ensemble du globe. Ceux-ci recèlent une biodiversité exceptionnelle dont on estime que 80% se situe dans les territoires ultra-marins. Avec un total de 55 000 km2, la France détient la quatrième plus grande surface de récifs coralliens au monde.

Les écosystèmes agricoles : une évaluation dans le cadre du programme EFESE

Depuis son émergence au Néolithique, l’agriculture modèle les écosystèmes afin de les rendre plus productifs et de couvrir les besoins croissants de la population humaine en produits végétaux et animaux. Les écosystèmes agricoles se caractérisent donc par un fort degré d’anthropisation qui résulte des actions de reconfiguration des milieux et de gestion des sols et de la biomasse par les agriculteurs. La tendance constatée depuis les années 1950 en France est à l’agrandissement de la taille moyenne des exploitations, à la réduction du nombre d’espèces cultivées et à la simplification des structures paysagères. Tous ces facteurs entrainent une baisse de la diversité biologique et de l’abondance des espèces associées aux écosystèmes agricoles.

Évaluer l’état de santé des milieux aquatiques en Outre-mer : des outils basés sur la biodiversité

Une biodiversité exceptionnelle peuple les cours d’eau et les eaux marines des outre-mer français. Près de 500 espèces de poissons évoluent dans les fleuves et criques de la forêt amazonienne de Guyane ; plus de 150 variétés de coraux composent les récifs de Mayotte et de La Réunion ; un millier de taxons de diatomées, algues microscopiques unicellulaires, habite le fond des cours d’eau des Antilles, de Mayotte et de La Réunion. Cette nature exubérante subit pourtant les pressions des activités humaines et peut en être fortement impactée. Les rivières des territoires insulaires de la Guadeloupe, de la Martinique, de Mayotte et de La Réunion pâtissent notamment d’importants prélèvements d’eau qui réduisent drastiquement sa disponibilité pour la vie et la migration des espèces. Les activités d’orpaillage en Guyane induisent destruction du milieu naturel, asphyxient des rivières par les boues et pollution au mercure. À Mayotte, les détergents et lessives utilisées par les lavandières génèrent une pression chimique importante sur les invertébrés benthiques, organismes qui peuplent le fond des cours d’eau.

 

Pour rendre compte des altérations subies par les écosystèmes aquatiques et les communautés animales et végétales qui les composent, et ainsi pouvoir alerter et agir pour leur protection, la Directive cadre sur l’eau (DCE) a amené à développer des outils pour la surveillance des milieux aquatiques. Cette directive européenne, adoptée en 2000, vise à maintenir ou restaurer leur bon état écologique. En faisant des communautés biologiques les sentinelles de la qualité des eaux, elle a érigé la biodiversité en « juge de paix » de la surveillance et de la reconquête de l’état des rivières, des lacs et des eaux littorales.

La pollution des écosystèmes et l’antibiorésistance, deux questions étroitement liées

Chaque année en France, plus de 150 000 personnes sont infectées par des bactéries multirésistantes, c’està-dire résistantes à plusieurs antibiotiques, comme par exemple certains staphylocoques dorés en milieu hospitalier (Carlet & Le Coz, 2015). Ce phénomène, qualifié d’antibiorésistance, provient principalement de notre utilisation fréquente d’antibiotiques pour soigner les humains et les animaux d’élevage, mais pas uniquement. Le rôle de notre environnement dans ces échanges bactériens fait l’objet de nouvelles recherches. Les résidus d’antibiotiques dans les eaux usées, le contact de la faune sauvage avec les bactéries multirésistantes et même la pollution causée par d’autres biocides, tels que les désinfectants, sont des facteurs de propagation de la résistance aux antibiotiques. Marion Vittecoq, chargée de recherche en écologie de la santé à l’Institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes (Tour du Valat), revient sur ces problématiques encore à l’étude.

Nourrir la planète sans l’uniformiser : les dangers de la pollution à l’azote

L’azote, bien que majoritaire dans notre atmosphère (78 % de l’air), est un élément limitant de la croissance pour les règnes animal et végétal dans de nombreux écosystèmes (Vitousek & Howarth, 1991). Il y a sur Terre beaucoup d’azote inerte (N2), mais peu de composés azotés réactifs comme le nitrate (NO3), l’ammonium (NH4) et l’ammoniac (NH3) qui sont les principales formes assimilables par les plantes, à l’exception de quelques familles botaniques comme les légumineuses fixant l’azote atmosphérique grâce aux symbioses avec des bactéries. Ceci amène un paradoxe évident qui resta longtemps indépassable : l’azote est partout sur la planète mais naturellement accessible seulement par quelques organismes qui conditionnent l’ensemble de l’accès à cette ressource pour toute la chaîne du vivant. Le cycle de l’azote, naturel comme anthropique, fut donc au départ basé sur une économie du recyclage de l’azote contenu dans les matières organiques en décomposition.

 

Les assolements1 dès le Moyen-Âge, les pratiques agricoles cherchant à bénéficier au mieux des fumures animales, la collecte des « boues, racluns et immondices urbaines » dans les villes du monde témoignent de ce souci historique et général de réinjecter cet engrais « naturel » dans les sols (Barles, 2005). Jusqu’au début du 20e siècle, « le fumier était or » selon les mots de Victor Hugo dans Les Misérables, invitant les villes à fumer la plaine au lieu de le jeter aux égouts « en empestant les eaux et en appauvrissant les sols ». Et puis, il y a un siècle, deux chimistes allemands inventent les engrais minéraux et le procédé Haber-Bosch qui permet la synthèse de l’ammoniac à partir de l’azote de l’air et l’hydrogène. C’est peu dire que cette histoire fût un succès. Associés à de nouvelles techniques culturales et de nouvelles variétés de pesticides, les engrais chimiques produits à échelle industrielle ont permis la révolution verte et l’intensification agricole mondiale, accroissant les rendements et permettant à de nombreuses régions de s’approcher de l’autosuffisance alimentaire. Cependant, les coûts environnementaux et sociaux de l’agriculture industrielle ont longtemps été ignorés. Ils se sont cumulés à d’autres coûts liés à d’autres transformations concomitantes : l’accroissement des combustions d’hydrocarbures d’origines domestique et industrielle a multiplié les apports d’une autre source d’azote réactif, les oxydes d’azote, dont certaines formes comme le protoxyde d’azote (N2O) entrent dans la catégorie des gaz à effet de serre. La durabilité de ce système est aujourd’hui mise en question à mesure que la dégradation de la qualité des eaux de surface et souterraines ou encore que l’impact sur les sols et la biodiversité se font sentir (Gowdy & Baveye, 2019).

 

« Fermons le robinet avant de chercher à éponger l’inondation de plastiques »

Nos sociétés auraient développé une forme d’addiction au plastique, symbole de modernité d’hier devenu fléau environnemental. La mise au point du celluloïd par les frères Hyatt remonte à 1869 mais l’utilisation massive des plastiques débute seulement après la seconde guerre mondiale et se révèle déjà problématique : entre 1950 et 2015, 8,3 milliards de tonnes de plastiques ont été produits. Plus de 79 % sont déjà devenus déchets (Geyer et al., 2017) et s’accumulent dans les décharges ou en pleine nature. Ils contaminent ainsi les eaux et les sols de nombreux écosystèmes, affectant directement ou indirectement la santé humaine et animale. Aujourd’hui, sur l’ensemble du globe, on compte en moyenne 15 tonnes de déchets plastiques accumulés par kilomètre carré, sur terre comme sur mer. Nathalie Gontard, directrice de recherche dans l’unité « ingénierie des agro-polymères et technologies émergentes » à l’Inra, nous présente les enjeux et les implications de cette pollution globale qui nécessite un changement important des pratiques et une baisse de la consommation.

 

Schémas spatiaux et temporels de blanchissement de masse des coraux pendant l’Anthropocène

L’une des conséquences liées à l’augmentation des températures est le blanchissement corallien.

Le blanchissement se produit lorsque la densité des symbiotes algales, les zooxanthelles (Symbiodinium spp.), dans les tissus d’un hôte corallien diminue drastiquement à la suite d’un stress environnemental, révélant le squelette blanc du corail sous-jacent. La survie des coraux blanchis est alors compromise physiologiquement et nutritionnellement. Un blanchissement prolongé sur plusieurs mois conduit à des niveaux élevés de mortalité corallienne. La modélisation du climat mondial et les observations satellitaires indiquent également que les conditions thermiques requises pour le blanchissement des coraux prévalent de plus en plus, laissant présager que les zones de refuge, indemnes de blanchissement, pourraient disparaître au milieu du siècle.

 

Ces épisodes de blanchissement corallien, de plus en plus récurrents, et la mortalité des coraux qui en découle sont des phénomènes récents causés par l’impact anthropique. Ce qui, jusque dans les années 1980, n’était qu’un phénomène observable à l’échelle locale (quelques dizaines de kilomètres), causé par des facteurs de stress locaux (inondations d’eau douce, sédimentation ou encore temps inhabituellement froid ou chaud) est devenu un phénomène observable à l’échelle régionale (> 1000 km) et globale lié aux pressions anthropiques. C’est ce que révèle les bandes de croissance des coraux âgés des Caraïbes : les distorsions synchrones des dépôts squelettiques (bandes de stress) le long d’un tronçon de 400 km du récif mésoaméricain n’ont été trouvées que dernièrement suite aux conditions extrêmement chaudes.

 

Un des résultats majeurs de l’étude « Schémas spatiaux et temporels de blanchissement de masse des coraux pendant l’Anthropocène », publiée dans Science, est la mise en évidence de l’augmentation spectaculaire de la fréquence et de l’intensité des phénomènes de blanchissement corallien qui atteignent des niveaux très élevés et quasiment irréversibles.

 

Contribution de la FRB au Grand débat national

À l’initiative du Président de la République, le gouvernement a engagé un Grand débat national pour permettre à toutes et tous de débattre de questions essentielles pour les français. La Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), avec l’appui de son conseil scientifique, a répondu à cet appel en contribuant au thème de la transition écologique. La FRB propose 7 axes d’actions publiques prioritaires pour diminuer notre empreinte écologique aux interfaces entre :

  • Alimentation,
  • Climat,
  • Transition énergétique,
  • Modes de consommation,
  • Logement et urbanisation,
  • Transport,
  • Libre évolution de biodiversité et bénéfices pour la santé humaine.

 

Consultez la contribution ci-dessous 

Le cachemire à petits prix : un commerce qui coûte cher aux écosystèmes mongols

Selon une étude fondée sur des données satellitaires, un très fort recul de la végétation dans les steppes mongoles est en cours. Il serait largement dû à l’augmentation du bétail dans le pays. Si les variations des précipitations jouent un rôle important, le surpâturage paraît en être la cause principale. Cette baisse de biomasse végétale est loin d’être homogène sur l’ensemble du territoire, et pose encore question. Cependant, dans les zones limitrophes du désert de Gobi, on attribue plus de 80 % de la perte de végétation au cheptel. Et sur l’ensemble du pays, c’est une perte de 12 % de territoire végétalisé qui a été comptabilisée entre 2002 et 2012 (Hilker et al., 2014). Cette dégradation de la steppe se traduit par une désertification qui prend notamment sa source dans le développement d’un commerce lucratif : celui du cachemire.

Si, depuis la sortie de la Mongolie du bloc soviétique en 1990, les produits de l’élevage comme la viande et la laine ont connu un effondrement de leurs prix, le cachemire, lui, se porte bien et l’élevage des “chèvres cachemires” s’est accru.

Quel avenir pour les plantes et leur utilisation pour notre santé ?

Si la Chine et l’Inde exploitent toujours les ressources naturelles pour se soigner, l’industrie pharmaceutique repose elle principalement sur des produits synthétisés. Cette tendance est-elle un atout ou un risque supplémentaire pour la préservation de la biodiversité ? Bruno David, directeur du département Recherche substances naturelles aux laboratoires Pierre Fabre, nous éclaire sur les usages et le devenir de ces ressources.

Au Brésil : grandes incertitudes sur la protection de la forêt amazonienne

Le Brésil reste marqué culturellement par son passé colonial de conquête du territoire. L’expansion du front pionnier vers le nord et l’ouest s’est faite au détriment de la forêt. L’appropriation est, elle, passée par la conversion des écosystèmes forestiers en terres agricoles ou en pâturages. La forêt n’est pas tant défrichée pour ses ressources – la productivité y est faible – mais plutôt comme réservoir de terres libres. Avec les préoccupations environnementales grandissantes, la forêt représente un gisement mondial de biodiversité et de carbone, et le Brésil doit à présent répondre de la déforestation de l’Amazonie aux yeux de l’opinion internationale.

 

Aussi, lors de chaque conférence internationale, sur la diversité biologique comme sur le changement climatique, le Brésil ne perd pas une occasion de revenir sur sa grande réussite : l’important recul de la déforestation de sa forêt amazonienne entre 2004 et 2014, passée de 27 772 km2 à 5 012 km2 par an, soit une réduction de 82 % de la surface annuelle défrichée (cf. graphique ci-dessous). Dans le même temps, la contribution des émissions de CO2 liées à la déforestation est ainsi passée de 71 % du total des émissions du Brésil à 33 %. Si l’on peut relativiser ces chiffres en pointant le choix opportun des dates de référence, le report de la déforestation sur le Cerrado1 et sa reprise récente en Amazonie, il importe de comprendre les clés de cette réussite, particulièrement dans le contexte actuel où la protection des forêts est remise en cause et fait à nouveau peser la menace d’un point de non-retour pour les écosystèmes.

GRAPHIQUE – Déforestation annuelle dans l’Amazonie légale brésilienne (AMZ)
http://www.obt.inpe.br/prodes/dashboard/prodes-rates.html

 

Jusqu’à la veille du Sommet de la Terre tenu à Rio en 1992, la déforestation de l’Amazonie est la conséquence des politiques d’intégration régionale : développement des infrastructures et fronts pionniers agricoles sont impulsés par le gouvernement fédéral et forment un “arc de déforestation” qui s’avance dans le massif amazonien à partir du sud et de l’est. Cependant, le Brésil peut déjà témoigner de son souci de protéger sa forêt tropicale à l’ouverture du Sommet, à travers plusieurs initiatives. L’une d’entre elles, le Programme de contrôle par satellite de la déforestation en Amazonie légale2 (Prodes) de l’Institut brésilien de recherches spatiales (INPE) a été créé en 1988. Ce programme a permis de connaître l’état des forêts et de suivre son évolution sur le temps long, apportant une vraie crédibilité à la démarche. Et dès 1991, les scientifiques brésiliens alertent sur le processus de déforestation et prédisent une savanisation de l’Amazonie, alors déboisée à 8 %. En 1989, l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles (IBAMA), chargé de la protection de l’environnement, est créé avec des pouvoirs législatifs et de police. Un ministère de l’Environnement sera mis en place à l’occasion du Sommet de la Terre en 1992.

 

Quelques années plus tard, le programme pilote pour la préservation des forêts tropicales, le PPG7, est engagé à l’initiative des pays du G7 et de l’Union européenne, lorsque l’image de “l’Amazonie en flammes” émeut l’opinion internationale, à la suite de la publication du chiffre record de 29 059 km2 de forêts disparues en 1995. En 1996, le président Cardoso édite une mesure provisoire qui modifie le code forestier, portant de 50 % à 80 % la surface des propriétés privées en forêt amazonienne devant rester en réserve de végétation originelle. Il interdit aussi provisoirement la conversion des forêts en terres agricoles. En 2000, le Système national des unités de conservation de la nature (SDUC) est promulgué. Malgré ces différentes initiatives, la déforestation se poursuit sous l’effet des dynamiques régionales et du manque de coordination politique.

Les plantes favorisent-elles leurs parents ?

Les comportements de préférence ou de protection entre parents ont été largement documentés chez les animaux et même expliqués en termes d’avantage évolutif. Ainsi les individus apparentés trouveraient avantage à collaborer pour transmettre leurs gènes.

Il y a plus de dix ans, une biologiste canadienne avait émis l’idée qu’il pouvait en être de même pour les plantes. Cependant, comme ces dernières ne possèdent pas le système nerveux qui permet aux animaux de reconnaître leur parentèle, sa théorie n’a pas été considérée comme sérieuse. Depuis, la science a démontré que les plantes pouvaient distinguer les racines relevant du “soi” et les racines relevant du “non-soi”, ouvrant une brèche vers un élargissement des perspectives en matière de comportement des plantes.

Les travaux scientifiques récents présentés par Elisabeth Pennisi dans une synthèse pour le journal Science en janvier 2019 vont encore plus loin.

 

Les conséquences pratiques que sous-tendent les premières études sur la reconnaissance familiale chez les plantes et ses conséquences ont suscité l’intérêt de la communauté scientifique. Les mécanismes en jeu pour favoriser les individus apparentés sont divers : certaines espèces limitent l’étendue de la propagation de leurs racines, d’autres modifient le nombre de fleurs qu’elles produisent et quelques-unes inclinent ou déplacent leurs feuilles pour minimiser l’ombrage des plantes voisines. Néanmoins, les questions persistent : une plante identifie-t-elle un parent génétique ou reconnaît-elle simplement que sa voisine est plus ou moins semblable à elle-même ?

 

“Il semble que chaque fois qu’un scientifique cherche un effet de préférence parentale chez les plantes, il le trouve”, a déclaré André Kessler, un spécialiste en écologie chimique à l’université de Cornell.

 

Un des premiers exemples intéressants est celui de la sauge buissonnante (Artemisia tridentata) en Amérique du nord. Attaqués par des herbivores, les arbustes libèrent des substances chimiques volatiles qui poussent l’arbre voisin à produire des composés toxiques pour leurs ennemis communs. L’écologue Richard Karban, de l’Université de Californie à Davis, s’est demandé si les parents étaient prévenus de manière préférentielle. Il avait déjà été établi que les buissons se divisaient en deux “chémotypes”1, émettant soit du camphre soit de la thuyone lorsque leurs feuilles sont endommagées. L’équipe a montré que les chémotypes étaient héritables, ce qui en faisait un signal potentiel de reconnaissance de parentèle. En 2014, les chercheurs ont indiqué que, lorsque les substances volatiles d’une plante présentant un chémotype donné étaient appliquées sur le même type de plante, ces plantes produisaient des défenses anti herbivores plus fortes et présentaient beaucoup moins de dommages causés par les insectes que lorsque les substances volatiles provenaient d’une plante de l’autre chémotype.

 

Un second exemple est fourni par la moutarde Arabidopsis thaliana. Il y a environ huit ans, Jorge Casal, biologiste spécialiste des plantes à l’université de Buenos Aires, a remarqué que les plants d’Arabidopsis poussant aux côtés de parents modifient l’arrangement de leurs feuilles pour réduire l’ombrage sur leurs voisines, mais qu’elles ne le font pas lorsque les voisins ne leur sont pas apparentés. Leur perception de la présence de parents était toutefois un mystère. En 2015, l’équipe de Casal a découvert que la force avec laquelle la lumière est réfléchie sur les feuilles voisines donne une indication de la parenté et initie les réarrangements dans les feuilles. Des membres d’une même famille ont tendance à produire des feuilles à la même hauteur et par conséquence à renvoyer plus de lumière vers leurs voisines. L’équipe de chercheurs a mis en évidence que cette réduction d’ombrage favorisait une croissance plus vigoureuse et une meilleure production de graines.

Ce fut le premier cas de reconnaissance des parents chez les plantes où la relation complète incluant la reconnaissance de la parentèle (signal et récepteur) et ses conséquences a été mis en évidence. Depuis lors, Casal et son équipe ont montré en 2017 dans les Actes de la National Academy of Sciences que, lorsque des tournesols apparentés sont plantés les uns à côté des autres, ils s’organisent également pour ne pas se gêner entre eux. Les tournesols inclinent leurs tiges en alternance d’un côté ou de l’autre de la rangée. Pour pousser encore plus loin l’expérience, ils ont planté entre 10 et 14 plantes apparentées par mètre carré – une densité plus élevée que dans les plantations commerciales – et ont obtenu 47 % d’huile en plus lorsque les plantes étaient libres de leur mouvement (et donc capables de s’éloigner les unes des autres) comparées aux mêmes plantes contraintes de pousser droit.

 

Plus tard, Susan Dudley, écologiste de l’évolution des plantes (university McMaster à Hamilton, au Canada) a déclaré : “nous devons reconnaître que les plantes ne détectent pas seulement s’il fait jour ou nuit, ou si elles ont été attaquées, mais qu’elles reconnaissent aussi avec qui elles interagissent”. Estimant que les mêmes forces évolutives qui conduisent à favoriser la parentèle devraient s’appliquer aux plantes, la chercheuse a conduit des expérimentations avec de la roquette des mers (Cakile edentula), une plante succulente trouvée sur les plages nord-américaines. Elle a ainsi publié en 2017 une étude démontrant que le système racinaire de la roquette était moins développé lorsqu’elle était cultivée en pots avec des plantes apparentées par rapport à la même roquette cultivée avec des plantes non apparentées de la même population. Elle a suggéré que la plante avait réduit la concurrence de ses propres racines en laissant plus de place à ses parents pour obtenir de la nourriture et de l’eau. Si son étude a été vivement critiquée tant en termes de rigueur statistique qu’en termes de conception, néanmoins d’autres chercheurs ont depuis publié des découvertes similaires.

 

Le 22 mai 2018, Rubén Torices et ses collègues de l’université de Lausanne (Suisse) et du Conseil national de la recherche espagnole ont publié dans Nature Communications les résultats d’une étude démontrant un phénomène de coopération chez une autre brassicacée d’ornement, Moricandia moricandioides. Après avoir cultivé 770 plantes en pot, seules ou avec trois ou six voisins de parenté variable, l’équipe a mis en évidence que les plantes cultivées avec des parents produisaient plus de fleurs, ce qui les rendaient plus attrayantes pour les pollinisateurs. Les expositions florales étaient particulièrement élevées dans les pots les plus peuplés. Torices, aujourd’hui enseignant à l’université King Juan Carlos à Madrid, qualifie ces effets “d’altruistes”, car chaque plante abandonne individuellement une partie de son potentiel de production de graines pour dépenser plus d’énergie dans la production de fleurs avec une présomption d’une meilleure fertilisation au bénéfice de la communauté.

 

Chui-Hua Kong, spécialiste en écologie chimique (université d’agriculture de Chine, Beijing), exploite un effet similaire pour stimuler les rendements chez le riz. Son laboratoire étudie des variétés de riz émettant des produits chimiques à effet désherbant à partir de leurs racines, mais qui obtiennent des rendements trop faibles pour remplacer les variétés couramment cultivées qui nécessitent des herbicides. Toutefois, en septembre 2018, à l’issue de tests de terrain conduits pendant trois ans, les chercheurs ont publié dans le journal New Phytologist des résultats démontrant que des variétés de riz “autoprotectrices” (capables de reconnaître leur parentèle), avaient des rendements augmentés de 5 % lorsqu’elles étaient cultivées avec des parents, plutôt qu’avec des plantes non apparentées.

 

Pour tester l’approche à plus grande échelle et confirmer que ces liens familiaux suggérés pouvaient être exploités pour améliorer les rendements des cultures, les chercheurs ont répété l’expérience dans des rizières du sud de la Chine.

 

Brian Pickles, écologiste à l’université de Reading au Royaume-Uni, propose, quant à lui, que la reconnaissance de la parentèle puisse aider les forêts à se régénérer. En traçant les flux de nutriments et les signaux chimiques entre les arbres reliés par des champignons souterrains, il a montré que les sapins nourrissent préférentiellement leurs parents et les avertissent des attaques d’insectes. Les résultats suggèrent qu’une famille de sapins grandirait plus rapidement qu’une communauté de sapins non apparentés.

 

Pour certains biologistes, ce nouveau paradigme des plantes en communication et en coopération nécessite encore la production de preuves. “Je ne pense pas que nous ayons actuellement des preuves convaincantes d’une reconnaissance parentale chez les plantes”, déclare Hélène Fréville, biologiste des populations à l’Inra de Montpellier. Laurent Keller, biologiste de l’évolution à l’université de Lausanne, a montré au contraire que les signes apparents de reconnaissance de la parentèle chez Arabidopsis provenaient plutôt de différences innées entre les plantes. Il appelle à plus de rigueur dans les études pour écarter d’autres explications potentielles, tout en prédisant que des preuves plus solides de la reconnaissance de la parentèle chez la plante émergeront. Karban, lui, est déjà pleinement convaincu. “Nous apprenons que les plantes sont capables d’un comportement beaucoup plus sophistiqué que nous avions pensé, c’est vraiment fascinant”.

 

1. Un chémotype est une entité chimique distincte au sein d’une même espèce (ensemble d’individus interféconds)

Évaluation scientifique des indicateurs : le développement d’une méthode originale

Par les échanges réguliers avec l’ONB, par l’apport d’évaluateurs externes et par une démarche d’amélioration constante, la FRB a développé jusqu’à aujourd’hui une expertise et une méthode innovante d’évaluation des indicateurs qui a permis de :

  • développer une méthodologie adaptée à ce type d’exercice, utilisable dans d’autres cas ;
  • mettre en lumière des manques en matière de recherche appliquée aux indicateurs de biodiversité.

 

Cette méthode a permis d’évaluer 73 indicateurs et est consultable dans le document consultable ci-dessous : « Évaluation scientifique des indicateurs : le développement d’une méthode originale. Le cas des indicateurs de l’Observatoire national de la biodiversité »

Les poissons d’eaux profondes : à pêcher avec grande modération

L’exploitation non-durable des espèces est la deuxième cause du déclin global de la biodiversité, après le changement d’utilisation des terres. Elle est aussi probablement une des plus évidentes à résoudre, via des règlementations pertinentes. En se fondant sur les connaissances scientifiques, elles permettent de mieux gérer le prélèvement des espèces et d’ainsi assurer le renouvellement naturel des ressources. Le secteur des pêches notamment dispose de nombreux outils. Mais comme le révèle le cas des poissons d’eaux profondes, des mesures tardent parfois à être prises, mettant en danger les équilibres des écosystèmes et compromettant donc également la durabilité des activités.

 

Ses poissons vivant à plusieurs centaines de mètres de profondeur se sont retrouvés sur nos étals à la fin des années 1980. Les populations de morues, de lieus noirs et de merlus en mer du Nord et à l’ouest de l’Écosse connaissent un déclin de leur biomasse en raison de leur surexploitation, ce qui provoque une baisse de rentabilité des pêcheries françaises de haute-mer. Les chalutiers se tournent alors vers les espèces vivant plus en profondeur, entre 800 et 1 500 mètres, telles que le grenadier de roche (Coryphaenoides rupestris), le sabre noir (Aphanopus carbo) et l’hoplostèthe orange, ou empereur (Hoplostethus atlanticus) (Charuau et al., 1996). À la même époque, la consommation de poisson évolue vers une demande plus importante de filets de poissons au détriment de l’achat de poissons entiers. Cette évolution des modes de consommation permet la mise sur les marchés de filets de ces poissons d’eaux profondes, alors que présentés entiers, leur aspect aurait probablement été peu engageant pour les consommateurs. Plusieurs espèces de requins profonds sont quant à elles présentées sous forme de saumonette (requins étêtés, vidés et pelés).

 

Dès la fin des années 1990, certaines populations de poissons profonds montrent à leur tour des signes de déclin. Dans certaines zones, les captures d’hoplostèthes oranges, d’abord abondantes, se sont effondrées au bout de 12 à 18 mois d’exploitation seulement, révélant que pour cette espèce la pêche peut extraire une forte proportion de la biomasse1 en seulement quelques mois.

Le réchauffement climatique, un bouleversement pour les écosystèmes et les scientifiques

Le changement climatique n’est pas un état problématique passager, mais bien une situation pérenne qu’il va falloir considérer dans sa globalité. Il nécessite une adaptation importante des écosystèmes et de ceux qui les étudient. Sous nos latitudes tempérées, ces changements prennent une signification particulière en modifiant la longueur relative des saisons. Or, l’arrivée du printemps rythme le cycle annuel de toute la biodiversité. La remontée printanière des températures s’accompagne d’une reprise explosive de la végétation. Les jeunes feuilles fournissent une nourriture de qualité pour une multitude d’invertébrés herbivores, aux premiers rangs desquels, les chenilles de papillons. Eux-mêmes sont alors consommés par des carnivores. Ce formidable accroissement de la biomasse va, en particulier, permettre aux prédateurs de se reproduire. Ce phénomène est cependant éphémère : les jeunes pousses tendres se chargent rapidement de tanin et deviennent indigestes. On assiste ainsi à un pic d’abondance de nourriture et chaque niveau de la chaîne alimentaire tente de se synchroniser sur le pic dont il dépend.

Dans des océans en mutation, la pêche doit devenir durable

À mesure que le climat se réchauffe, les températures des mers augmentent également. Du plancton aux oiseaux, en passant par les poissons, ce phénomène modifie significativement toutes les composantes des écosystèmes marins. Un des effets les plus documentés de ce réchauffement est la migration des espèces vers les pôles, qui se traduit par une diminution de la biodiversité marine dans la zone intertropicale. Mais de nombreux autres facteurs influent sur les communautés d’espèces, notamment leur exploitation non-durable par la pêche. Cette dernière est alors responsable d’impacts très négatifs sur les populations de poissons, dont la diminution a aussi une incidence négative sur les oiseaux marins (Cury et al., 2011 ; Grémillet et al., 2018). Une proportion croissante de ces populations – un tiers des espèces pêchées en 2015 – est surexploitée, tandis que 60 % sont exploitées à leur maximum, et seules 7 % des populations sont sous-exploitées (FAO 2018). Or, l’océan reste une source essentielle d’approvisionnement en protéines pour des millions de personnes dans le monde, notamment dans les pays en développement.

 

Il est donc urgent de mettre en place une gestion soutenable des pêches, au moment même où les impacts négatifs du changement climatique rendent la tâche encore plus complexe : certains modèles prévoient une diminution de la biomasse des poissons allant jusqu’à 25 % d’ici la fin du siècle, si les émissions de gaz à effet de serre devaient s’intensifier (Lotze et al., 2018). Pour estimer les impacts des changements climatiques combinés à ceux des pratiques de pêche, une équipe de scientifiques menée par Caihong Fu (DFO, Canada) et Yunne-Jai Shin (IRD, France) a étudié neuf écosystèmes marins dans le monde entier. L’équipe s’est appuyée sur des modèles mathématiques développés pour chaque écosystème, et les a utilisés comme des laboratoires virtuels. En manipulant ces outils, les chercheurs ont pu explorer la manière dont le système évolue lorsque le changement climatique et la pêche entrent en interaction. L’objectif du projet est d’apporter un éclairage scientifique à la prise de décisions afin d’adapter les politiques de gestion des pêches au changement climatique.

Note du Conseil scientifique de la FRB sur les conclusions de 2 rapports Ipbes parus en 2018

Le CS salue le remarquable travail collectif effectué dans le cadre de ces rapports et retient plusieurs messages :

 

  • L’érosion de la biodiversité est avérée en Europe et en Asie et s’accélère sous l’effet des activités humaines – qu’il s’agisse, selon les contextes locaux ou régionaux, de conversion des terres, de changement climatique d’origine anthropique, de pollutions, de surexploitation de certaines espèces végétales ou animales, ou encore d’introduction d’espèces exotiques envahissantes… L’Ipbes signale également le lien entre ces dernières et les maladies infectieuses aux conséquences dramatiques pour certaines espèces.

 

  • Les comportements au niveau des politiques sectorielles et dans les modes de vie doivent changer ; il est nécessaire de consommer moins et différemment. Cela concerne la consommation directe et le cycle de vie des biens et services (alimentation, eau, énergie, matières premières, terres…). L’Ipbes rappelle que, d’ici à 2050, la production économique mondiale aura quadruplé en raison de l’augmentation de la consommation mue par la croissance démographique et les innovations technologiques. Comment alors atteindre les objectifs de limitation de dégradation des terres, de ralentissement des changements climatiques et de perte de biodiversité ? Les modes de déplacement humain doivent en particulier être réfléchis car ils contribuent à de nombreuses pressions sur les écosystèmes : conversion d’espaces naturels en infrastructures, diffusion d’espèces exotiques envahissantes par les déplacements, etc. Des modélisations montrent que la déforestation annuelle, dans certaines régions du monde, pourrait tripler avec une densification des infrastructures de transport donnant accès à des forêts denses inexploitées et à l’expansion des marchés agricoles.

     

  • L’enjeu est d’instaurer une nouvelle relation à la nature : les comportements ne peuvent changer que si l’on cesse de la considérer comme un réservoir inépuisable de ressources. Les travaux de l’Ipbes prennent en compte les multiples valeurs de la nature (culturelle, sociétale…) et soulignent les contributions des communautés autochtones et locales pour repenser les relations avec les non-humains et l’environnement. L’Ipbes illustre, par exemple, le rôle joué par la nature dans la construction des cultures et des identités. Par exemple, l’intensification et l’abandon des terres dans les paysages culturels européens entraînent une disparition des identités locales et des attachements associés.

     

  • Il convient de penser conjointement l’urbanisme, la gestion et la conservation des terres. L’un des rapports Ipbes traite de la dégradation des terres, terme général exprimant le changement d’usage des terres d’origine humaine et conduisant au déclin et à la perte de biodiversité ou des fonctions associées dans les écosystèmes terrestres ou aquatiques. L’artificialisation des sols, proche du sealed soils anglais, constitue une forme extrême de dégradation, stoppant tout fonctionnement écologique, hydrologique et biogéochimique du sol. Près de 4 % de la surface de l’Europe sont des zones urbaines et les projections de croissance démographique, à niveaux de densité constants, dessinent une augmentation des surfaces construites de 32 % entre 2010 et 2030. Avec une réduction de la densité des populations urbaines (« retour à la campagne »), l’augmentation pourrait atteindre 140 % !

     

  • Renverser la tendance de l’érosion de la biodiversité et de la dégradation des terres reste possible en identifiant des mesures appropriées et en les appliquant dans le cadre d’une gouvernance respectant ces principes : participation, transparence, responsabilité des politiques et responsabilisation des citoyens. L’Ipbes décline, par secteurs d’activités, des orientations stratégiques globales pour la conservation de la biodiversité et ses fonctionnalités. Si les pays d’Europe occidentale mettent déjà en œuvre certaines de ces mesures, l’efficacité de certaines reste à évaluer – c’est le cas du paiement des services écosystémiques (SE) : les usages de la biodiversité faiblement voire non régulés, souvent gratuits, ne sont pas durables. Au niveau des politiques européennes, l’Ipbes souligne les progrès à accomplir dans le secteur de l’extraction (mines, énergie) et de l’industrie, notamment pour le choix des implantations. La gestion des déchets et la réhabilitation des sites après exploitation s’accroîssent mais conduisent rarement à une restauration des SE précédant la phase d’extraction. L’Ipbes pointe aussi les risques, pour les écosystèmes du plancher océanique et de la colonne d’eau, associés aux perspectives d’exploitation des fonds marins. D’importants progrès sont également attendus du secteur tertiaire – santé, éducation, transport, tourisme, finance – pour mieux prendre en compte la biodiversité. Enfin, les évaluations de l’Ipbes témoignent de la richesse des connaissances issues des sciences de la conservation : elles doivent être mobilisées pour accompagner l’action publique et privée en faveur de la biodiversité.

La compétition mondiale entre les pêcheries et les oiseaux marins persiste malgré leur déclin généralisé

En 2011, l’article de Cury et al. Global Seabird Response to Forage Fish Depletion — One-Third for the Birds soulignait combien les oiseaux marins étaient dépendants des ressources marines dans certaines régions du monde. Grémillet et ses collègues démontrent aujourd’hui que la compétition entre les oiseaux marins et les pêcheries est un facteur de stress significatif à l’échelle globale sur la période 1970-2010, pour une communauté mondiale d’oiseaux marins qui a décliné de 70 % depuis 1950 (Paleczny et al., 2015).

Modification des écosystèmes et zoonoses dans l’Anthropocène

Avec près de 60 % des agents pathogènes humains et environ 60 % des maladies infectieuses émergentes classés comme zoonotiques, c’est-à-dire transmises des animaux à l’homme (Jones et al., 2008 ; Woolhouse & Gowtage-Sequeria, 2005), ces pathologies (grippe aviaire, VIH SIDA, SRAS et Ebola, etc.) représentent un enjeu croissant de santé publique au niveau mondial (Jones et al., 2008).

 

Les maladies, dont les zoonoses, sont des processus écologiques naturels au sein des écosystèmes. Leur éradication peut ne pas avoir que des effets positifs car d’autres parasites ou pathogènes sont susceptibles d’occuper les niches laissées vacantes (Lloyd-Smith, 2013).

En raison de la multiplicité des espèces et des échelles impliquées (Johnson, de Roode et Fenton, 2015), l’écologie des communautés associée à l’épidémiologie peut amener à une meilleure compréhension des processus et des dynamiques impliqués dans les épidémies de zoonoses et faciliter une meilleure gestion des risques liés aux maladies zoonotiques (Cunningham et al., 2017 ; Johnson et al., 2015 ; Young et al., 2017).

 

Par le biais d’exemples, les auteurs illustrent la nécessité de prendre en compte, en plus des exigences écologiques des agents pathogènes zoonotiques, d’une part, l’impact des interventions humaines et d’autre part les types d’écosystèmes concernés (urbain, péri-urbain et forestier) pour se préparer à l’émergence de ces zoonoses dans l’Anthropocène et les gérer efficacement.

#ScienceDurable – La forêt : une véritable alliée dans la lutte contre le réchauffement climatique ?

En 1954, le livre de Jean Giono, “L’Homme qui plantait des arbres”, peignait l’histoire d’un berger écologiste. Jour après jour, tout en menant ses moutons, il enterrait des graines d’arbres au hasard de ses chemins, et, après des années, des paysages entiers étaient de nouveau couverts de forêts. Cette fable de l’action de l’Homme dans la durée est évocatrice et inspirante. En 2006, le programme des Nations Unies pour le développement lançait la Campagne pour planter un milliard d’arbres qui à ce jour revendique plus de 15 milliards d’arbres plantés.

 

Aujourd’hui l’enjeu de la forêt est associé à celui des changements climatiques. Planter des arbres aide sans nul doute à lutter contre ces changements. Lorsqu’ils grandissent, les arbres fixent le dioxyde de carbone, le principal gaz à effet de serre. Sans les forêts mondiales, le réchauffement de la planète serait deux fois plus rapide. L’accumulation de carbone concerne non seulement les arbres, mais aussi les sols, qui séquestrent près de la moitié du carbone d’un écosystème forestier. Seulement, la captation du carbone par les forêts ne suffit pas, à elle seule, à endiguer le changement climatique. De plus, dans les années à venir, ces changements pourraient avoir un effet adverse sur les forêts.

Biodiversité et services écosystémiques en Europe et Asie centrale, les principaux messages de l’évaluation IPBES

Pour réaliser cette évaluation, plus de 120 experts internationaux issus de 36 pays ce sont réunis pour évaluer l’état des connaissances sur la biodiversité en Europe et en Asie centrale. Ils ont tiré leurs informations de plusieurs milliers de sources : travaux scientifiques, rapports techniques et savoirs traditionnels et locaux. Rassemblées dans les “Résumés pour décideurs”, les conclusions-clés visent à orienter les décisions relatives aux politiques publiques et aux actions du secteur privé et des citoyens en faveur de la préservation de la biodiversité.

Pour mettre en avant des messages synthétiques, la FRB propose un dépliant issu du rapport Europe et Asie centrale.

Dégradation et restauration des terres, les principaux messages de l’évaluation IPBES

Pour réaliser cette évaluation, plus d’une centaine d’experts internationaux issus de 45 pays ce sont réunis pour évaluer l’état des connaissances sur la dégradation et la restauration des sols. Ils ont tiré leurs informations de plusieurs milliers de sources : travaux scientifiques, rapports techniques et savoirs traditionnels et locaux. Rassemblées dans les “Résumés pour décideurs”, les conclusions-clés visent à orienter les décisions relatives aux politiques publiques et aux actions du secteur privé et des citoyens en faveur de la préservation de la biodiversité.

Pour mettre en avant des messages synthétiques, la FRB propose un dépliant issu du rapport Dégradation et restauration des terres.

Où s’arrêtera l’invasion du frelon à pattes jaunes, Vespa velutina ?

Les invasions biologiques de ces dernières décennies en Europe montrent que leur contrôle a posteriori est souvent impossible et que les discours d’éradication sont des leurres. Parmi ces invasions, celle du frelon asiatique est des plus spectaculaires. Aussi appelé frelon à pattes jaunes, Vespa velutina fait partie de la famille des Vespidae qui regroupe plus de 5 000 espèces (guêpes et frelons) qui peuvent être sociales ou solitaires. Les stades juvéniles des frelons sont principalement carnivores ; aussi les adultes sont bien connus pour la prédation qu’ils exercent sur de nombreux insectes afin de nourrir leurs larves, affectant ainsi l’entomofaune1. À ce titre, Vespa crabro, le frelon européen, est reconnu comme un insecte auxiliaire efficace en agriculture en consommant par exemple des pucerons.

 

Vespa velutina, quant à lui, est entré en France en 2004 dans le sud-ouest, près d’Agen (Rortais et al., 20102 ; Monceau et al., 2014), probablement par une cargaison d’articles exotiques. Bien que le premier témoignage sur ces insectes soit venu d’un producteur de bonsaïs (Villemant et al., 2006), la probabilité que le frelon soit entré par des containers d’une chaîne de grands magasins spécialisés dans ces produits nous paraît plus sérieuse. Dès l’année suivante, des apiculteurs locaux commencent à enregistrer la prédation d’abeilles domestiques sur leurs ruches. Très vite, les quelques nids de frelons deviennent plusieurs milliers en Nouvelle Aquitaine. L’expansion se déploie vers l’ouest, le long des réseaux hydriques, aboutissant à de très fortes populations.

 

Des scientifiques ont cherché à identifier la provenance des populations envahissantes (Arca et al., 2015) grâce à un travail de génétique. Les conclusions de l’étude sont claires : tous les individus collectés en France jusqu’en 2011 proviennent d’une seule fondatrice fécondée par quatre mâles issus de la province du Jiangsu en Chine. Quatorze ans après cette introduction, le nombre de colonies en France ne peut plus être quantifié. En 2018, un peu moins de 3 000 nids ont été détruits en Gironde (source D. Gerguouil, GDSA 33) et 5 000 dans la Manche (J. Constantinidis, destructeur de colonies de ferlons, 55).

À l’ombre de la mondialisation, les épidémies se propagent

À la fin des années 1860, le corps expéditionnaire anglais d’Abyssinie – aujourd’hui Éthiopie – importe de Bombay, capitale de leur colonie des Indes, 8 000 zébus afin de nourrir les troupes coloniales installées dans la corne de l’Afrique (Spinage, 2003). Le bétail s’avère contaminé par l’agent de la peste bovine1, le Rinderpest virus, un virus apparenté à celui de la rougeole. L’introduction du virus fut foudroyante, occasionnant une mortalité de plus de 80 % des ongulés sauvages d’Afrique, notamment dans la plaine du Serengeti, situé en Tanzanie, près du Lac Victoria. Le bétail domestique ne fut pas épargné. Principale ressource des sociétés de pasteurs éleveurs, sa mortalité par la peste bovine occasionna une des plus terribles famines jamais observées au Soudan et en Éthiopie.

 

L’histoire de l’introduction de la peste bovine en Afrique a ceci d’exemplaire qu’elle s’inscrit dans le cadre des premières grandes mondialisations associées au colonialisme européen, qui facilitèrent les échanges intercontinentaux et les mouvements des humains, des animaux, des végétaux et de leurs parasites et maladies infectieuses. Son étude nous renseigne sur les conséquences des introductions sur la diversité biologique, le fonctionnement des écosystèmes locaux et les effets cascades difficilement prévisibles sur l’économie, le bien-être et la santé des sociétés locales.

BiodiverCité

Souvent bâtie sur les milieux les plus riches et favorables à la vie, le long de fleuves, sur des espaces naturels diversifiés ou agricoles, la ville est un milieu entièrement construit et entretenu par l’Homme qui subit des modifications rapides et brutales engendrant une mosaïque de milieux différents. Les sols, y sont maintes fois remaniés, déstructurés, pollués, reconstruits. Les paysages y sont modifiés, fragmentés. L’air y
est pollué. L’eau extrêmement canalisée… Malgré toutes ces contraintes, la ville abrite une biodiversité non négligeable, qui devrait se renforcer avec l’augmentation des espaces végétalisés dans les espaces urbains.

 

Ce document, consultable dans les ressources ci-dessous avec sa bibliographie, est le fruit du travail d’un groupe de recherche CosCS FRB sur Écologie et sociétés urbaines.

Ce travail est également à l’origine du publication scientifique parue dans Science of The Total Environment, à découvrir ici :
Urban ecology, stakeholders and the future of ecology

Face aux espèces envahissantes, la diversité est notre alliée

Dans un monde globalisé où les humains sont présents sur tous les continents et où les échanges se sont multipliés, les espèces animales et végétales voyagent avec eux. Intentionnellement ou non, des espèces sont introduites dans de nouveaux écosystèmes, parfois très éloignés de leur origine. Si ce phénomène n’est pas récent, la tendance de ces cinquante dernières années est claire : une étude parue dans la revue Nature Communications indique que, depuis le XIXe siècle, plus d’un tiers des introductions se sont déroulées après 1970, soit un rythme d’introduction de 50% supérieur depuis cette date. Et ce rythme accru ne semble pas faiblir (Seebens et al., 2017). Certaines de ces espèces – qualifiées d’exotiques par leur provenance – s’adaptent à leur nouveau milieu, puis se multiplient et font concurrence aux espèces autochtones. Lorsque l’entrée dans la compétition d’une espèce exotique est établie, elle est alors qualifiée d’ “envahissante” (Colautti & MacIsaac, 2004). Ce phénomène n’a rien d’anodin : ces espèces exotiques envahissantes seraient la 4e cause de perte de biodiversité dans le monde, avec des effets comparables à ceux liés à l’impact de l’Homme sur les habitats naturels. Ce phénomène est particulièrement marqué dans les forêts de l’hémisphère nord (Murphy & Romanuk, 2014). D’après un rapport de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN, 2015), 354 espèces étaient directement menacées par des espèces exotiques envahissantes en Europe, soit 19 % de l’ensemble des espèces en danger.

Devons-nous choisir entre nourrir l’humanité et protéger la nature ? Modélisation des liens entre l’environnement et la démographie humaine

La capacité de la population humaine à continuer de croître dépend fortement des services écosystémiques fournis par la nature. Or ceux-ci se dégradent de plus en plus à mesure que le nombre d’individus augmente, ce qui pourrait menacer le bien-être futur de la population humaine, comme cela a déjà été constaté par le passé avec la disparition de plusieurs civilisations humaines.

 

En construisant un modèle dynamique pour conceptualiser les liens entre la proportion mondiale des habitats naturels et la démographie humaine à travers quatre catégories de services écosystémiques (approvisionnement, réglementation, loisirs culturels et informationnels) les chercheurs ont essayé de déterminer si la trajectoire actuelle du développement humain pouvait conduire à un effondrement similaire.

 

Ils ont montré en premier lieu qu’il existe généralement un compromis entre la qualité de vie et la taille de la population humaine qui suit quatre scénarios :

  • Deux scénarios de déclin de la population :
    • Dans le cas d’une production alimentaire forte au détriment des services de régulation tels que la qualité de l’air et de l’eau, pollinisation ou la régulation des maladies, entraînant une augmentation du taux de mortalité et une dégradation de la nature
    • En cas de surexploitation des terres entraînant une diminution de la production alimentaire ou de baisse de l’efficacité de la production alimentaire qui ne couvre plus les besoins de la population
  • Un état de famine stable où la population continue de croître avec une faible alimentation
  • Un futur souhaitable en cas de compromis entre la conversion des terres pour nourrir toute la population et la conservation de la biodiversité et des services écosystémiques

 

Les deux scénarios de déclin sont dictés par des processus antagonistes entre conversion des terres pour l’agriculture et conservation des milieux naturels. Cependant, les deux sont incontestablement négatifs pour le bien-être humain et la nature : la conversion d’un trop grand nombre de terres naturelles en terres exploitées a des conséquences négatives sur les services de régulation et donc sur la population. Au contraire, la conservation de la nature préserve les services de régulation, mais est responsable de famine, si elle ne laisse pas de place à la production agricole.

 

La seule solution pour un futur souhaitable est de préserver à la fois les services écosystémiques d’approvisionnement et de régulation par un compromis équilibré entre la conservation de la nature et la conversion des terres pour l’agriculture. Ce scénario intermédiaire n’est possible qu’en évitant un emballement de la démographie et en conservant une population relativement « petite » autour de 10 milliards d’individus.

Annuaire Cos-CS

La Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) est une plateforme entre les différents acteurs scientifiques et les acteurs de la société sur la biodiversité.

 

Le Conseil d’orientation stratégique (Cos) et le Conseil scientifique (CS) de la FRB travaillent ensemble pour explorer les fronts de science et les grand enjeux de connaissance dans le champs de la biodiversité. Il semblait important d’avoir un document rassemblant tous ces acteurs afin de faciliter les échanges.

 

Aussi, l’annuaire 2018 du Cos – CS de la FRB, réservé à leurs membres disposant du mot de passe, est disponible dans les ressources ci-dessous et régulièrement mis à jour.

Comment mesurer la relation entre la biodiversité alimentaire et l’adéquation nutritionnelle des régimes alimentaires ?

En conséquence, les régimes alimentaires humains qui étaient composés d’une grande variété de plantes et d’animaux ont progressivement été remplacés par des régimes alimentaires composés principalement d’aliments transformés et comprenant un nombre limité de denrées alimentaires (Drewnowski et al., 1997).

Ces nouveaux régimes sont sources de nouvelles maladies, dites maladies métaboliques non transmissibles (obésité, diabètes, hypertension, maladies cardio-vasculaires) et responsables de véritables épidémies au niveau mondial. Il est en effet établi que les régimes de faible qualité nutritionnelle constituent le principal facteur de risque de mauvaise santé dans le monde entier (Abajobir et al., 2017) et sont corrélés à des indicateurs socio-économiques et politiques tels que le revenu, l’éducation, la cohésion et les inégalités sexuelles ou sociales.

 

Alors qu’on estime à 300 000 les espèces de plantes comestibles disponibles pour l’Homme, plus de la moitié des besoins énergétiques mondiaux sont actuellement satisfaits par quatre cultures : le riz, les pommes de terre, le blé et le maïs.

La biodiversité agricole et sauvage revêt un aspect essentiel pour la bonne nutrition humaine et la durabilité des systèmes alimentaires. Cette biodiversité contribue notamment à la résilience des exploitations agricoles, en particulier face aux aléas tels que les effets du changement climatique, les épidémies et les fluctuations des prix du marché. Dans les pays objets de l’étude, l’apport d’aliments issus de cueillette dans la nature est une source complémentaire de résilience des systèmes alimentaires, en particulier pendant la période où les récoltes sont les moins abondantes.

De manière surprenante, les points chauds (“hot spots”) de biodiversité sauvage et agricole mondiaux coïncident souvent avec des zones de grande pauvreté, de forte dégradation des écosystèmes et de malnutrition. Les populations qui s’y trouvent vivent ainsi souvent dans un environnement dégradé où l’érosion de la biodiversité sauvage et cultivée réduit la diversité alimentaire disponible et donc diminue la qualité des régimes en fonction des saisons, entrainant des problèmes de malnutritions.

 

En restaurant les écosystèmes et leurs fonctions, la gestion et l’usage durable de la biodiversité alimentaire cultivée et sauvage peut remédier aux carences en micronutriments des populations vulnérables par le soutien de systèmes de production avec une plus grande diversité d’espèces consommables.

L’appel de la FRB

Les travaux scientifiques sont clairs. L’érosion de la biodiversité s’accélère. Ce constat, relayé par les récentes évaluations régionales de l’IPBES, souligne combien il est urgent de mettre en œuvre des solutions pour freiner cet effondrement. La science est indispensable pour accompagner ces efforts et favoriser des comportements sociaux et économiques moins dommageables, voire même favorables à la biodiversité. C’est ce dernier message que la Fondation pour la recherche sur la biodiversité veut, avec ses partenaires, faire passer.

 

Sauvegarder la biodiversité, utiliser plus durablement les ressources naturelles, et en particulier les ressources génétiques, préserver les services que l’Homme retire des écosystèmes, tout cela passe par une meilleure connaissance de l’état et du devenir de la biodiversité, une meilleure connaissance du fonctionnement des écosystèmes, une meilleure appréhension de l’incidence des activités humaines sur la biodiversité. Sauvegarder la biodiversité, c’est imaginer des pratiques nouvelles pour les acteurs économiques, des mesures innovantes pour les politiques publiques et des comportements repensés pour les citoyens. Là encore la science, les connaissances sur la biodiversité, enrichies par les données des associations naturalistes et de la science citoyenne, la compréhension des relations complexes entre l’Homme et la nature, doivent guider l’action.

 

Les messages passés par la science sur l’avenir de la biodiversité sont dramatiques, mais, dans le même temps, les études montrent que des politiques volontaristes permettent de sauvegarder des espèces en danger d’extinction et des biotopes ou écosystèmes fragilisés. Les aires marines protégées offrent des opportunités à la fois pour la sauvegarde de la faune marine, mais aussi pour atténuer le changement climatique ; les aires protégées terrestres jouent le même rôle tout en contribuant au bien-être humain. Inciter les entreprises qui perturbent l’environnement à évaluer le coût de cet impact et le bénéfice économique et humain qu’il y aurait à le réduire peut conduire à une diminution significative de la pression qu’exercent les activités industrielles sur la biodiversité. Amener les citoyens à adopter dans leurs vies quotidiennes, dans leurs choix alimentaires, dans leurs pratiques de consommateurs, des comportements plus respectueux de la nature peut générer rapidement des effets très positifs sur la biodiversité locale, mais aussi sur la biodiversité plus lointaine qui subit souvent très directement l’incidence de nos comportements.

 

Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est l’avenir de la biodiversité, des animaux, des plantes, des micro-organismes, emblématiques ou ordinaires, qui nous entourent et dont on doit favoriser la libre évolution. C’est aussi l’avenir des sociétés humaines qui demain comme hier et aujourd’hui ont besoin de la biodiversité et lui accordent de multiples valeurs.

 

À l’occasion de ses 10 ans, la FRB invite ses partenaires et le grand public à changer de perspective : alors que nous retirons depuis des millénaires des services incommensurables de la biodiversité, à nous collectivement de lui rendre désormais des services. Notre avenir commun en dépend.

 

Les partenaires de l’appel :

L’extinction paradoxale des espèces les plus charismatiques

Cette question est fondamentale, surtout lorsqu’on sait qu’une des difficultés rencontrées pour la conservation des espèces est ce manque de soutien et de mobilisation du public. Par exemple, 20 millions d’américains sont descendus dans la rue pour la première manifestation “Jour de la Terre” en 1970, mais aucune mobilisation similaire n’a été constatée au 21e siècle pour la biodiversité et ce, malgré les messages redondant sur l’extinction.

 

Une opinion largement répandue, dans le grand public, mais aussi dans la littérature scientifique, est que les efforts de conservation profitent de manière disproportionnée aux espèces charismatiques et que, par conséquent, leur protection est suffisante et acquise. Plusieurs publications scientifiques recommandent par exemple de ne pas concentrer l’effort de conservation sur ces espèces, mais de s’intéresser aussi aux espèces moins connues ou même de privilégier des unités plus intégratives et moins visibles, comme les écosystèmes ou les fonctions écosystémiques dans les politiques de conservation (Keith et al., 2015).

Or, en étudiant 10 des espèces les plus charismatiques, l’étude a mis en évidence qu’elles couraient un risque élevé et imminent d’extinction dans la nature. Il apparait que le public ignore en réalité la situation de ces animaux, les résultats suggérant que cela pourrait être dû à la perception biaisée de leur abondance, émanant d’un décalage entre leur profusion dans notre culture et leur profusion réelle dans la nature. En utilisant librement l’image d’espèces rares et menacées pour la commercialisation de leurs produits, de nombreuses entreprises participent à cette perception biaisée. Les chercheurs émettent l’hypothèse que cette perception biaisée nuit involontairement aux efforts de conservation, d’une part parce que le public ignore que les animaux qu’il préfère font face à un danger d’extinction imminente et qu’il n’en perçoit donc pas le besoin urgent de conservation et que, par ailleurs, l’existence dans l’esprit du public de populations virtuelles renforce la perception que les populations réelles ne sont pas menacées. Cette sorte de compétition entre populations virtuelles et réelles, paradoxalement, diminue les efforts de conservation nécessaires et par conséquent accentue le risque d’extinction de ces espèces.

 

Cette situation devrait durer tant que cette utilisation ne sera pas accompagnée de campagnes d’informations adéquates sur les menaces auxquelles ces espèces font face. Les auteurs proposent donc de compenser ces effets préjudiciables sur les efforts de conservation en captant une partie des bénéfices associés à l’utilisation commerciale de l’image de ces espèces.

Action n°11 : Je limite ma consommation d’huile de palme

L’île de Bornéo a perdu un tiers de ses forêts primaires1 entre 1973 et 2015 (Gaveau et al. 2016). C’est bien en Indonésie, plus qu’en Amazonie, que la disparition des forêts primaires est la plus rapide, avec 840 000 hectares perdus par an en 2012 (Margono et al. 2014). La plantation industrielle de palmiers à huile (Elaeis guineensis) y constitue l’une des principales causes de déforestation, avec la production de pâte à papier et de bois (Abood et al. 2015). Dans ce pays, premier producteur d’huile de palme avant la Malaisie, la superficie totale plantée en palmiers a été multipliée par sept en une vingtaine d’années (Carlson et al. 2012).

 

L’huile de palme est l’huile la plus produite dans le monde avec 70 millions de tonnes (USDA 2018). Elle est destinée à l’industrie alimentaire2 et à la production de cosmétiques3, de produits d’entretien, d’agro-carburants et d’électricité. La déforestation associée touche non seulement l’Asie, mais aussi l’Amérique latine et l’Afrique (Varsha et al., 2016). Au niveau mondial, sa production représente 8% de la déforestation imputée aux cultures, après le soja (19%) et le maïs (11%) (Union Européenne, 2013). Si le problème affecte des contrées lointaines, l’Union Européenne est le deuxième importateur et le troisième consommateur d’huile de palme au niveau mondial (USDA, 2018). Et cette consommation intensive n’est pas sans conséquence sur les plantes et les animaux dans les pays producteurs.

 

“Le déclin le plus sévère des orangs-outans a eu lieu dans des environnements détériorés par la récolte de bois et par les plantations industrielles d’huile de palme.”

 

Parmi les 193 espèces menacées par la production d’huile de palme, il faut citer l’orang-outan (Pongo pygmaeus), en danger critique d’extinction selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (Ancrenaz et al., 2016). Une étude internationale s’est tout récemment intéressée à l’influence de l’extraction de ressources naturelles, y compris l’huile de palme, sur ces primates (Voigt et al., 2018). Les auteurs sont allés sur le terrain compter les nids que ces grands singes construisent pour s’abriter la nuit. À l’aide de ces données et de modèles informatiques, ils ont estimé à 100 000 le nombre d’orangs-outans tués entre 1999 et 2015. Si la cause principale du déclin des primates est la chasse illégale, la moitié des orangs-outans de l’île de Bornéo se trouvait en 2015 dans des habitats dégradés par la récolte de bois, les plantations industrielles et la déforestation (Voigt et al., 2018). Le déclin le plus sévère a eu lieu dans ces environnements détériorés. Mais est-ce là la seule espèce victime de l’huile de palme ? Qu’en est-il de l’impact sur la biodiversité de façon plus générale ?

 

“Dans les plantations de palmiers à huile, l’abondance des chauves-souris insectivores diminue, faute de proies, et les oiseaux “spécialistes” disparaissent.”

 

Des chercheurs ont compilé et analysé 25 articles scientifiques consacrés aux conséquences de la production d’huile de palme sur la biodiversité. D’après leurs résultats, les plantations de palmiers à huile abritent, sans surprise, un nombre d’espèces (richesse spécifique) inférieur à celui de forêts primaires et secondaires (Savilaakso et al., 2014). Certaines espèces voient leur abondance diminuer, comme la plupart des chauves-souris insectivores, faute de proies. Les plantations défavorisent également les espèces d’oiseaux les moins répandues et les plus exigeantes en termes de conditions environnementales et de ressources (oiseaux dits spécialistes). Cette disparition des oiseaux spécialistes dans les plantations s’expliquerait par une végétation au sol réduite par rapport aux forêts. En outre, les conditions plus chaudes et sèches qui règnent dans ces plantations nuisent à certaines espèces de fourmis, de coléoptères et d’abeilles. D’où un impact très probable sur les services écosystémiques tels que la pollinisation, le contrôle des ravageurs de culture et le fonctionnement des sols (Savilaakso et al., 2014).

 

Un mode de gestion adapté pourrait réduire ces conséquences néfastes sur la biodiversité. En effet, des études ont démontré que le nombre d’espèces d’oiseaux était supérieur dans les plantations des petits producteurs, en comparaison avec celles des industriels (Azhar et al., 2011, dans Savilaakso et al., 2014). La recherche devrait aussi se pencher sur l’effet des standards de certification durable tels que RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil).  En effet, ce dernier, qui rassemble depuis 2004 des entreprises et des ONG, fait l’objet de vives critiques, portant sur des principes et critères trop peu contraignants qui favoriseraient les industriels au détriment des petits producteurs, des sanctions trop peu dissuasives et pas assez appliquées en cas de non respect, ainsi que des problèmes de traçabilité (FIAN/CNCD, 2018). Cela explique en partie des initiatives de boycott, parmi les consommateurs, de tout produit contenant de l’huile de palme, labellisée ou non.

 

“Les huiles de coco et de coprah sont elles aussi produites dans les pays tropicaux et prennent potentiellement la place de forêts.”

 

Cependant, les alternatives les plus fréquentes à l’huile de palme ne sont pas non plus sans incidence sur la biodiversité. Dans les cosmétiques, les huiles de coco et de coprah (chair de la noix de coco) sont elles aussi produites dans les pays tropicaux et prennent potentiellement la place de forêts. Dans l’alimentation, les huiles de colza et de tournesol, certes cultivées en Europe, le sont souvent de façon intensive et nécessitent, comme le souligne un récent rapport de l’UICN, des surfaces plus vastes pour une production équivalente (Meijaard et al. 2018). Alors qu’il est parfois compliqué de modifier les processus industriels (en termes de quantités disponibles ou de caractéristiques physico-chimiques requises), les consommateurs peuvent choisir de diversifier les sources d’huiles dans les produits quotidiens et  privilégier certaines huiles, telles que l’olive, la noix, l’amande, l’argan, les pépins de raisins ou les noyaux d’abricot, parfois locales et plus durables. Le label Agriculture biologique de l’Union Européenne reste alors un outil précieux pour se repérer.

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1 Les forêts primaires sont relativement préservées des activités humaines et concentrent une biodiversité particulièrement riche. Les forêts secondaires, en revanche, ont généralement repoussé après la destruction d’une forêt primaire. Forêts primaires et secondaires sont détruites pour les plantations.

2 L’huile de palme alimentaire est parfois mentionnée dans la composition sous les termes imprécis de « graisse végétale » et « huile végétale ».

3 Dans la composition des cosmétiques, l’huile de palme est indiquée par la mention Elaeis guineensis Oil. Ses dérivés les plus courants : Sodium Palmate, Isostearyl Palmitate et Palmitate d’Isopropyl. Les dérivés suivants en sont souvent issus, sauf mention contraire du fabricant : Lauryl Glucoside, Sodium Lauryl Sulfate, Cetearyl Alcohol, Glyceryl Distearate, Isopropyl Myristate, Dodecanol(en gras, partie du nom indiquant le lien possible avec l’huile de palme).

Les données de la biodiversité : biais taxonomiques en lien avec les préférences sociétales

Alors que la protection de la biodiversité s’impose de plus en plus comme un enjeu majeur tant pour les décideurs politiques que pour les acteurs de la société civile (des entreprises aux associations), les discussions autour de la biodiversité se concentrent uniquement sur un petit sous-ensemble d’espèces et la majorité des Eucaryotes reste inconnue ou ignorée. C’est ce qu’on appelle un biais taxonomique et, quoiqu’omniprésent dans la recherche sur la biodiversité, il est peu étudié, peu compris et donc peu ou pas pris en compte dans les conclusions de la recherche alors même qu’il est connu et que ses conséquences peuvent empêcher d’élaborer des conclusions couvrant l’ensemble du vivant et de mettre en place des programmes de protection efficaces.

 

Ainsi, certains organismes – principalement des plantes et des vertébrés – sont surreprésentés dans divers domaines scientifiques, car ils sont considérés comme écologiquement plus importants que d’autres et de ce fait sont plus susceptibles de lever des fonds. Or, il a été scientifiquement démontré que les espèces rares, petites ou non charismatiques, jouent parfois un rôle essentiel dans les écosystèmes et ne pas les considérer, par manque de connaissances, représente une entrave à la compréhension globale de la biodiversité à l’échelle mondiale, nuit à la mise en place de plans de conservation efficaces et ralentit la découverte de nouveaux produits ou propriétés chez les espèces sauvages.

 

L’étude de la biodiversité est une tâche ardue et nécessite de déployer une main-d’œuvre considérable pour rassembler et analyser les données sur la biodiversité. Cependant, alors que la biodiversité diminue à un rythme sans précédent, le biais taxonomique représente un fardeau pour les études sur la biodiversité qu’il est urgent de prendre en compte et de dépasser pour avoir une idée plus exacte de la diversité du vivant.

 

Action n°10 : Je privilégie le papier et le bois durables

Meubles, papier, emballages cartonnés… Tous ces produits du quotidien proviennent des forêts et ont souvent parcouru des milliers de kilomètres jusqu’à nous. Ainsi, une table peut avoir été fabriquée en Chine à partir de bois français – chêne, hêtre, sapin, épicéa – ou bien de bois tropicaux d’Afrique centrale ou d’Amérique du sud – hévéa, teck, wenge. Le papier, que chaque employé de bureau consomme à hauteur de 70 à 85 kg par an (ADEME), subit une transformation si importante qu’on en oublierait presque qu’il provient pour une large part de fibres de bois. Si les certifications ne renseignent pas les acheteurs sur la provenance ni sur les traitements appliqués, elles ont au moins le mérite – et c’est là leur objectif – de favoriser des pratiques forestières qui nuisent le moins possible à l’environnement.

 

“Les certifications favorisent des pratiques forestières nuisant le moins possibles à l’environnement”

 

Les principaux labels, FSC (Forest Stewardship Council) et PEFC (Programme for the Endorsement of Forest Certification schemes) (voir encadré) garantissent que le bois utilisé pour un produit est issu d’une exploitation forestière qui respecte les lois locales, le bien-être des travailleurs et celui des communautés d’habitants, tout en préservant la biodiversité, les services et les valeurs associés aux écosystèmes. Leurs cahiers des charges prévoient de privilégier au maximum les essences locales, de conserver le bois mort au sol et les vieux arbres, ou encore de limiter le recours aux fertilisants. Reste à savoir ce que valent réellement ces certifications, quelle est leur réalité et comment sont réalisés les contrôles de conformité aux cahiers des charges.

 

Une équipe de recherche a comparé plusieurs standards de certification : celui du FSC, et deux autres reconnus par le PEFC en Amérique du nord, le Sustainable Forestry Management (SFM) et le Sustainable Forestry Initiative (SFI).

Leurs résultats montrent que le FSC propose des critères écologiques et sociaux plus performants, en particulier pour préserver les espèces rares et menacées, interdire ou limiter la conversion de forêts naturelles en plantations, et protéger les peuples autochtones. Le SFM et le SFI nord-américains reconnus par le PEFC s’avèrent quant à eux plus efficaces en termes de productivité et de longévité économique (Clark & Kozar 2011). Cependant, ces résultats sont à considérer avec prudence, puisqu’il ne s’agit que de critères prévus en théorie par chaque standard, et non de leurs effets réels, dont l’étude nécessiterait des données de terrain. De façon générale, les principes et critères du FSC seraient plus contraignants, alors que ceux du PEFC donneraient aux entreprises davantage de flexibilité (Auld, Gulbrandsen & McDermott 2008).

 

L’adoption de meilleures pratiques forestières est d’autant plus importante que plus de la moitié des espèces sur Terre vivent dans les forêts. Or chaque année, 3,3 millions d’hectares de forêts sont perdus (FAO 2015), et ce, y compris en Europe, notamment dans la taïga russe. Certaines forêts font place à des champs ou à des villes, tandis que d’autres persistent mais sont exploitées, ou bien converties en plantations d’arbres pour produire des meubles, du papier ou encore de l’énergie. Les  plantations représentent aujourd’hui 7 % des couverts boisés du monde.

 

“Il y a en moyenne 29% d’espèces en moins dans les forêts gérées en comparaison à celles non gérées”

 

Des chercheurs ont étudié l’impact de la gestion des forêts, d’origine ou de plantation, sur leur biodiversité. Ils ont montré que les forêts gérées ont en moyenne une richesse spécifique – nombre d’espèces – de 29 % moins grande que celle des forêts non gérées (Chaudhary et al. 2016). Ainsi, les plantations établies pour la production de bois sont les moins diversifiées avec  un nombre d’espèces réduit de 40 % par rapport aux forêts non gérées. Ce qui n’est guère surprenant lorsque l’on sait que la quasi-totalité des plantations sont des monocultures.

Les modes de gestion sont également très importants en terme d’impact sur la biodiversité. Une coupe claire, qui consiste à raser intégralement une zone, diminue le nombre d’espèces présentes en forêt de 22 %.  La sélection conventionnelle en forêt tropicale, qui implique de ne couper que les arbres les plus grands et de meilleure qualité, le réduit de 13 %. Au contraire, la gestion par rétention – qui consiste à laisser sur-place quelques groupes d’arbres – ou encore, la sélection en forêt tempérée ou boréale – qui ne coupe que les arbres matures, créant des différences d’âge entre les individus  et l’exploitation à faible impact – qui revient à sélectionner chaque arbre à abattre et guider sa chute pour en limiter les dégâts, dans le cadre d’un plan précis –  altèrent beaucoup moins la biodiversité (Chaudhary et al. 2016).

 

“Gérer la forêt, c’est en modifier la structure d’âge des arbres, favoriser certaines essences, changer sa température, sa luminosité, son humidité, … des perturbations qui se répercutent sur tout l’écosystème”

 

Gérer la forêt, c’est en effet modifier la structure d’âge des arbres, favoriser certaines essences, mais aussi changer sa température, sa luminosité ou encore son humidité. Tous ces paramètres influent sur les êtres vivants qui la peuplent. Les perturbations se répercutent alors sur tout l’écosystème. Ainsi, des coléoptères, champignons, lichens et mousses participent à la décomposition du bois mort et dépendent de sa présence. Les souches et les branches coupées ou cassées forment pour eux des abris importants, mais également des moyens de déplacement ou des sites de nidification et d’alimentation pour d’innombrables oiseaux et mammifères. Dans les forêts boréales de Scandinavie, le retrait des résidus de bois sur le sol a réduit le nombre d’espèces de coléoptères (Gunnarsson et al. 2004) et affecté les espèces « spécialistes », dépendantes de ressources particulières (Nittérus et al. 2007). En effet, ces éléments, de moindre qualité pour l’industrie, sont de plus en plus souvent récoltés afin de produire de l’énergie ou bien des matériaux transformés comme le papier et les panneaux de particules. Pourtant, mieux vaudrait les laisser dans la forêt afin qu’ils jouent leur rôle pour la biodiversité (Bouget et al. 2012).

 

En attendant de pouvoir déterminer l’impact réel des labels FSC et PEFC sur la biodiversité, ceux-ci permettent tout de même à chacun d’encourager des pratiques plus durables dans ses achats de meubles en bois ou de papier (van Kuijk, Putz & Zagt 2009).

 

Le Forest Stewardship Council (FSC), association à but non lucratif créée en 1993 par des associations de protection de l’environnement, des commerçants et producteurs de bois et d’autres parties prenantes, offre un cahier des charges international. Initialement conçu pour les forêts tropicales, le label FSC s’applique désormais également aux forêts boréales et tempérées, et il se décline en trois catégories selon les produits : « 100 % issu de forêts bien gérées », « Mixte – papier issu de sources responsables » (mélange de bois issu de forêts FSC et de matériaux recyclés) et « Recyclé – fabriqué à partir de matériaux recyclés ».

 

Le Programme for the Endorsement of Forest Certification schemes (PEFC), fondé par des propriétaires forestiers européens en 1999, reconnaît quant à lui un ensemble de standards dont chacun est défini à l’échelle d’un pays.

 

En 2014, les forêts certifiées PEFC et FSC représentaient respectivement 6,3 % et 4,5 % des forêts du monde. Les forêts ne sont pas contrôlées directement par le FSC ni par le PEFC, mais par des organismes certificateurs indépendants. Les audits sont réalisés, pour chaque exploitation, tous les ans (FSC) ou bien de façon aléatoire (PEFC).

 

Action n°9 : Je préfère le poisson durable

Les Français consomment en moyenne plus de 30 kg par an de « poisson » (au sens commercial ou alimentaire, c’est-à-dire englobant poissons, mollusques et crustacés aquatiques). Dans l’Union Européenne, les ¾ de la consommation sont pêchés tandis qu’¼ est élevé, et à l’échelle mondiale, l’aquaculture assure un peu plus de la moitié de l’approvisionnement, le reste provenant de la pêche en eaux marines et continentales. L’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation (FAO)1 estime qu’1/3 des stocks2 halieutiques sont surexploités, c’est-à-dire soumis à une intensité de capture qui excède leur capacité à se renouveler. Si certaines espèces – telles que le thon rouge – se portent mieux grâce à des mesures de régulation de la pêche, d’autres sont au bord de l’effondrement et se retrouvent pourtant dans nos assiettes. Les travaux de recherche et rapports d’expertise scientifique peuvent cependant guider nos choix.

 

“Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation, 1/3 des stocks halieutiques sont surexploités.”

 

Préférer les poissons d’élevage à leurs équivalents sauvages n’est pas toujours une solution, car les seconds sont nécessaires pour nourrir les premiers. Plus précisément, plusieurs espèces de « petits pélagiques » sauvages (anchois, harengs, sardines, etc., aussi appelés « poissons fourrage ») entrent dans la composition de l’aliment des espèces carnassières d’élevage comme le saumon, ou encore les crevettes tropicales. Il faut un à plusieurs kg de poissons fourrage pour produire un kg d’une espèce d’élevage (dans le cas du saumon norvégien, environ 1 kg pour 1 kg). Les petits pélagiques « pèsent » près de 40 % des captures marines mondiales. Outre leur utilisation partagée, voire concurrente, entre fabrication d’aliments pour animaux d’élevage et consommation humaine (Majluf et al. 2017), ils sont aussi des proies indispensables aux prédateurs dans les écosystèmes marins.

 

Ainsi, la surpêche des petits pélagiques peut entraîner des conséquences dramatiques pour de nombreuses espèces de poissons, de mammifères et d’oiseaux marins comme le thon rouge de l’Atlantique, le manchot de Humboldt, le pétrel géant et la baleine à bosse (Pikitch et al. 2012, 2014). Or, les poissons fourrage, dont la vulnérabilité a été confirmée par des travaux scientifiques dans le cadre du projet Emibios, sont particulièrement affectés par les impacts combinés de la pêche et des changements climatiques (Travers-Trolet et al. 2014, Fu et al. 2018). Il ne faut cependant pas oublier que 30 % de la production aquacole mondiale de poissons d’élevage ne nécessite aucun apport d’aliment incluant du poisson fourrage : il s’agit en majorité de la carpe argentée et de la carpe à grosse tête. Il en est de même pour la culture des mollusques bivalves, principalement les moules, huîtres et palourdes.

 

Le maquereau et le hareng, ayant autrefois connu la surexploitation, auraient à présent des stocks suffisamment reconstitués pour que l’on puisse en recommander l’achat, d’autant plus que les qualités nutritionnelles des petits pélagiques sont avérées. Chez le poissonnier, plutôt que la dorade rose, classée comme quasi-menacée par l’Union internationale pour la conservation de la nature, il semblerait préférable de choisir la dorade grise ou la dorade royale3. Et plutôt que pour le thon rouge, dont l’état s’est certes amélioré mais reste fragile, mieux vaudrait opter pour la bonite à ventre rayé, également appelée « thon listao ». Les situations de ces espèces peuvent néanmoins basculer si les consommateurs ou les industriels se tournent trop massivement vers elles ! Pour acheter durable, le site www.ethic-ocean.org propose des guides pratiques et documentés, des fiches et une application mobile.

 

“Le label MSC est décerné aux pêcheries qui s’engagent à assurer une gestion durable des stocks afin d’éviter la surpêche.”

 

L’aquaculture étant assimilée à une activité agricole — ce qui n’est pas le cas de la pêche, les produits qui en sont issus peuvent être certifiés « Agriculture biologique », ce label ne tenant toutefois pas pleinement compte de leur incidence sur les écosystèmes marins. Concernant les poissons, mollusques et crustacés sauvages, le label MSC4 est décerné aux pêcheries qui s’engagent à assurer une gestion durable des stocks afin d’éviter la surpêche, et à ne pas détériorer les milieux aquatiques, par ailleurs très variés.

 

Car l’impact sur la ressource en elle-même n’est pas le seul qu’il faut considérer. Les fonds marins abritent les poissons dits « benthiques », à l’image des diverses espèces de raies, de soles et de plies (ou carrelets), ou encore de la baudroie commune, dont la queue est appelée « lotte ». D’autres poissons, dits « démersaux », vivent à proximité du fond, à l’instar du merlu commun5 et des différentes espèces de « gadidés », une famille de poissons dont le plus connu est la morue, ou cabillaud, et qui comprend également le merlan, le haddock et le colin d’Alaska (ce dernier atteignant le plus gros volume de capture parmi les poissons destinés à la consommation humaine).

 

La capture des poissons et de coquillages benthiques et démersaux nécessite des techniques qui raclent les sédiments marins (dragues et chaluts). La faune, constituée de coraux, d’éponges, de vers et de crustacés, est d’autant plus affectée que les engins pénètrent profondément dans le fond marin (Hiddink et al. 2017). Le temps mis par les écosystèmes pour se remettre des effets du chalutage varie entre près de deux ans et plus de six ans (Hiddink et al. 2017).

 

“La biodiversité de la petite faune est réduite de moitié dans les sédiments chalutés des grands fonds méditerranéens.”

 

Dans les sédiments régulièrement chalutés des grands fonds (-200 m et au-delà) du nord-ouest de la mer Méditerranée, la petite faune voit son abondance réduite de 80 % et sa biodiversité réduite de moitié (Pusceddu et al. 2014). Le renouvellement de la matière organique, processus crucial dans les écosystèmes benthiques, y est de 37 % plus lent. Or, le chalutage concerne des habitats toujours plus profonds, où l’impact est encore plus sévère et persistant (Clark et al. 2016). En Manche et au sud de la Mer du Nord, cette pratique affecte en particulier les espèces à durée de vie longue, du fait de leur croissance plus lente et de leur maturité plus tardive (Rijnsdorp et al. 2018). Cependant, pour certains poissons, plusieurs modes de pêche sont possibles. Mieux vaut alors choisir, par exemple, un bar de ligne plutôt qu’un bar de chalut.

 

Parmi les poissons dont les stocks sont largement surexploités figurent les espèces d’esturgeons (et leurs œufs, le caviar), l’espadon reconnaissable à son long rostre en forme d’épée, et surtout de nombreuses espèces de requins. D’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), un quart des raies et des requins sont fortement menacés d’extinction (Davidson et al. 2016, Dulvy et al. 2017). Il semble alors paradoxal que, selon la FAO, les débarquements (quantités rapportées au port) de requins et de raies aient décliné de près de 20 % en une décennie, après un pic en 20036.

 

“D’après l’UICN, un quart des raies et des requins sont fortement menacés d’extinction.”

 

En fait, si les pêcheurs capturent moins de requins et de raies, c’est bien parce que ces animaux se font plus rares dans les océans, et non parce que des mesures de régulation les y incitent ou obligent. En étudiant la situation dans 126 pays, des chercheurs ont en effet conclu que les débarquements de raies et de requins étaient étroitement liés à la demande des consommateurs, entraînant la pression de pêche sur les ressources, plutôt qu’à une meilleure gestion de leurs stocks. Ainsi, les pays présentant les plus forts déclins, Pakistan, Sri Lanka et Thaïlande, ont des côtes densément peuplées et exportent davantage de viande de raie et de requin (Davidson et al. 2016).

 

À l’heure où le commerce des produits issus de la mer est mondialisé et où 68 % des denrées alimentaires animales d’origine aquatique de l’Union Européenne sont importées (EUMOFA 2017), favoriser les produits locaux permet de diminuer le coût écologique du transport de l’océan à l’assiette. Et, à l’image des fruits et légumes, ils se consomment aussi de saison, selon leur période de reproduction (au cours de laquelle il faut éviter de les pêcher).

 

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1 Voir la récente édition du rapport biennal de la FAO (SOFIA 2018 : « La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture), publié dans les 6 langues de l’ONU et téléchargeable à l’adresse :
http://www.fao.org/documents/card/en/c/I9540FR.

2 Le stock correspond à l’ensemble des individus d’une espèce susceptibles d’être pêchés, dans une zone géographique donnée.

3 Espèce carnivore sauvage, la daurade royale est aussi, avec le loup (ou bar), un produit « phare » de l’aquaculture en Méditerranée.

4 Le Marine stewardship council (https://www.msc.org/fr) est une ONG fondée par une entreprise, Unilever, et par le Fonds mondial pour la nature (WWF), mais indépendante de ces derniers depuis 1999. Aujourd’hui, 315 pêcheries sont certifiées MSC dans le monde, dont une dizaine en France.

5 Les merlus sont aussi appelés « colins », même s’ils sont assez différents du « colin d’Alaska » (gadidé).

6 Les captures de requins et de raies sont souvent déclarées par groupes d’espèces et non par espèce. On connaît des exemples où l’effondrement de l’une ou de plusieurs d’entre elles a été masqué par un report d’effort sur d’autres (Iglésias et al. 2010)

Action n°8 : Je repense ma consommation de viande

Sur Terre, si l’on considère la masse totale des êtres vivants, sept oiseaux sur dix sont des volailles, et six mammifères sur dix appartiennent à la catégorie du bétail – principalement bovin et porcin (Bar-On Philips & Milo, 2018). Un constat saisissant et révélateur du poids de l’élevage au niveau mondial, en particulier pour la viande1. Tous les ans, plus de 65 milliards d’animaux domestiques sont abattus dans le monde, dont 1 milliard en France. Dès la fin de la seconde guerre mondiale, l’artificialisation, l’industrialisation et l’intensification ont touché l’ensemble des modes de production des aliments. Ainsi, la production globale de viande a quintuplé dans la deuxième moitié du XXe siècle, atteignant près de 330 millions de tonnes en 2016 (FAO, 2018). Et si la consommation a néanmoins baissé depuis quelques années en France, avec 84 kg par personne et par an (FranceAgriMer, 2018), ce n’est pas le cas dans les pays en transition, qui tendent à rattraper les tonnages consommés dans les pays du nord.

 

Parmi les alternatives à des régimes riches en produits carnés, outre les régimes de type végétarien (sans viande) et végétalien (sans aliments d’origine animale, y compris lait, œufs et leurs dérivés), le « flexitarisme » consiste à manger moins de viande mais à en privilégier la qualité. En effet, les cycles de production, plus lents dans les pâturages extensifs, ne sont pas suffisants pour que chacun puisse en consommer plus de deux à trois fois par semaine. Du point de vue de la santé, ce rythme correspond aux recommandations nutritionnelles de ne pas dépasser 500 grammes de viande rouge par semaine (ANSES2, 2017). Qu’il s’agisse de viande ou d’alternatives végétales, il est également possible de choisir de consommer des produits labellisés (agriculture biologique) ou issus de la vente directe à la ferme.

 

“L’élevage occupe 70 % de toutes les terres agricoles et 30 % de la surface terrestre globale, et motive une grande partie de la déforestation en Amazonie.”

 

Ces perspectives de changement du comportement alimentaire sont d’autant plus cruciales que la production de viande à grande échelle accapare les terres. À l’heure où la biodiversité subit la perte et la dégradation des habitats naturels, les animaux domestiques pâturent sur plus d’un quart de la surface des continents (hors glaciers), et un tiers des terres arables sont consacrées à cultiver leur alimentation. Au total, l’élevage occupe 70 % de toutes les terres agricoles et 30 % de la surface terrestre globale, et motive une grande partie de la déforestation dans des régions comme l’Amazonie (Steinfeld et al., 2006). Toutefois, cette activité constitue un moyen de subsistance important dans des territoires impropres à la culture de plantes comestibles pour l’Homme. En l’absence de grands herbivores, il s’agit aussi d’un mode de gestion de l’espace qui entretient des milieux ouverts, notamment en montagne.

 

“En moyenne, produire 1 kg de viande de bœuf revient à émettre plus de 46 kg d’équivalents CO2 dans l’environnement.”

 

Le pâturage trop intensif contribue néanmoins à la compaction et à l’érosion du sol, la dégradation des terres menaçant aujourd’hui directement la vie de plus de 3,2 milliards d’êtres humains (IPBES, 2018). En outre, l’élevage représente plus de 14 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial (Gerber et al., 2014) et 12 % en France (Peyraud, 2011). Ce secteur d’activité émet notamment du méthane, issu de la fermentation dans l’estomac des animaux lors de leur digestion, et du protoxyde d’azote, issu de la fertilisation des champs de blé, de maïs et de soja destinés à nourrir les animaux. En moyenne, dans le monde, produire 1 kg de viande de bœuf revient à émettre plus de 46 kg d’équivalents CO2 dans l’environnement (Gerber et al., 2014). Un chiffre deux à quatre fois plus bas en France et qui dépend fortement du mode d’élevage (Peyraud, 2011), mais toujours plus élevé pour la viande que pour les céréales, les légumes ou les œufs.

 

En plus de son rôle dans le changement climatique, l’élevage contribue à la disparition des  espèces sauvages par l’accaparement des ressources en eau. D’après l’Institut de l’UNESCO pour l’éducation relative à l’eau, en comptant l’eau bue par les animaux ainsi que le volume utilisé pour cultiver leurs aliments, il faut plus de 15 400 litres pour obtenir un kg de viande bovine, la plus gourmande en eau (Mekonnen & Hoekstra, 2010) [soit cinq à dix fois plus que pour les céréales, les légumes et les œufs], ou encore 550 litres d’eau, hors eau de pluie [soit 2,5 fois plus que pour les céréales] (Peyraud, 2011). Un chiffre plus faible lorsque l’animal se nourrit exclusivement d’herbe sur un terrain non irrigué. La production intensive de viande est également susceptible de générer des pollutions (voir encadré ci-contre).

 

“Il faut plus de 15 400 litres d’eau pour obtenir un kg de viande bovine, ou 550 litres hors eau de pluie.”

 

En compilant et en analysant 63 études scientifiques, des chercheurs britanniques ont identifié 14 régimes alimentaires qui réduiraient potentiellement l’occupation des sols et les émissions de gaz à effet de serre de 70 à 80 %, et diminueraient l’usage d’eau de moitié (Aleksandrowicz et al., 2016). Une alimentation végétarienne ou végétalienne serait ainsi bénéfique, de même que la substitution partielle de la viande et du lait par des produits d’origine végétale tels que les légumineuses (haricots, par exemple). Ces dernières ont l’avantage de contenir les acides aminés essentiels complémentaires de ceux renfermés par les céréales et nécessaires à un bon équilibre alimentaire. Or, leur empreinte écologique sur les ressources en eau est six fois plus faible que celle des protéines bovines (Mekonnen & Hoekstra, 2010).

 

“14 régimes alimentaires, végétarisme, végétalisme et flexitarisme, réduiraient l’occupation des sols et les émissions de gaz à effet de serre de 70 à 80 % et diminueraient l’usage d’eau de moitié.”

 

Cependant, d’autres chercheurs rappellent qu’évaluer la performance environnementale des régimes est complexe, puisqu’il faut prendre en compte les changements d’usage des terres, le stockage de carbone par le sol, et surtout, la variété des aliments consommés et la diversité des systèmes agricoles (Ridoutt, Hendrie & Noakes, 2017).

 

Une étude allemande a également démontré que le comportement alimentaire est influencé par les émotions, par les normes sociales et par la dissonance cognitive, c’est-à-dire lorsque les savoirs et les valeurs d’une personne sont en contradiction avec ses actes (Stoll-Kleeman & Schmidt, 2017). L’élevage et la consommation de viande font aussi partie des traditions culturelles dans de nombreux territoires. Les régimes diminuant ou excluant les produits carnés seraient donc plus faciles à adopter dans une société les ayant déjà intégrés dans ses pratiques ou son histoire, ou lorsque l’offre commerciale en alternatives attractives et équilibrées est suffisante.

 

Les pollutions de l’eau générées par l’élevage

La production intensive de viande est susceptible de générer des pollutions. Avec les effluents domestiques, les effluents agricoles constituent l’une des causes majeures des proliférations d’algues vertes (ou ulves) sur nos côtes. Les nutriments ingérés par les animaux se retrouvent dans leurs déjections, épandues dans les champs sous forme de fumier ou de lisier. Lorsqu’ils sont en excès, ces nutriments, notamment l’azote et le phosphore, ne sont pas absorbés par les plantes et se retrouvent soit dans les nappes phréatiques, soit dans les rivières, entraînés par les pluies ou par l’érosion des sols. Les rivières enrichissent alors l’océan, favorisant le développement excessif des algues vertes qui viennent ensuite s’échouer sur les plages (Pinay et al., 2017).

Par leur présence excessive, ces algues impactent la biodiversité en causant la disparition de certaines espèces de mollusques, de vers marins et de poissons. En émettant des gaz toxiques, méthane et hydrogène sulfuré, elles nuisent aussi aux activités telles que la conchyliculture et, potentiellement, à la santé humaine. Les écosystèmes ainsi affectés peuvent basculer brutalement dans un état difficilement réversible. La forte densité des cheptels, notamment de porcs et de volailles en Bretagne, accentue le processus (Pinay et al., 2017).

 

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1 L’action ici présentée est focalisée sur la viande d’animaux terrestres et exclut donc les poissons et autres organismes aquatiques, qui font l’objet d’une action distincte.

2 Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

Action n°7 : Je jardine sans pesticides

Près des ¾ des Français possédant un terrain jardinent régulièrement (Ifop / MEEDDM, 2010). Or, depuis janvier 20171, les collectivités locales et les établissements publics n’ont plus le droit d’utiliser de pesticides de synthèse pour entretenir les espaces verts dont ils ont la responsabilité2. Ainsi, en attendant l’interdiction de l’usage de ces substances par les jardiniers amateurs en 2019, ces derniers constituent la principale source de pesticides en milieu urbain. Une étude basée sur des données de sciences participatives s’est intéressée aux insectes qui visitent les fleurs des jardins privés. Selon celle-ci, les insecticides et les herbicides ont un impact négatif sur l’abondance des papillons et bourdons : les premiers atteignent directement les pollinisateurs, tandis que les seconds agiraient de façon indirecte en diminuant la disponibilité en ressources – nectar et pollen (Muratet & Fontaine, 2015).

 

« Les pesticides bio nuisent moins à la biodiversité, mais tout dépend des doses utilisées »

 

Pour préserver la biodiversité, serait-il alors préférable d’utiliser des pesticides autorisés en agriculture biologique ? Si ces produits nuisent moins à la biodiversité par rapport à leurs équivalents conventionnels, cela dépend toutefois étroitement des doses utilisées. Le cuivre de la bouillie bordelaise, par exemple, s’accumule dans les sols. Si l’on manque encore d’études sur son utilisation dans les jardins des particuliers, des travaux existent dans le cas des territoires agricoles. D’après l’expertise scientifique collective (ESCo) menée par l’Inra et par l’Institut technique de l’agriculture biologique (Inra / Itab, 2018), les sols viticoles européens contiennent jusqu’à 500 mg/kg de cuivre, contre 3 à 100 mg/kg dans les sols naturels. Les plantes cultivées peuvent alors en pâtir, de même que la biodiversité des sols : le cuivre fortement concentré nuit aux communautés de microbes et aux collemboles, des hexapodes proches des insectes.

 

Alors comment vaincre les ravageurs des cultures sans pesticides ? Le contrôle biologique peut faire partie des solutions, en utilisant des substances naturelles, comme le pyrèthre, insecticide extrait des chrysanthèmes, ou en favorisant des espèces « auxiliaires » qui parasitent ou consomment les ravageurs. Coccinelles, chrysopes, syrphes (mouches à bandes jaunes et noires), micro-guêpes, hérissons, vers nématodes sont d’utiles auxiliaires de culture. Il est possible d’en élever certains, comme les coccinelles, puis de les relâcher, mais sans certitude qu’ils resteront dans un lieu donné. En revanche, adapter le jardin et sa gestion pour qu’il leur soit favorable permet d’inciter les auxiliaires à venir chez soi et à y rester. Reste alors à diversifier les plantes de nos espaces extérieurs, et à former des réseaux de balcons et de jardins entre lesquels les organismes circulent librement.

 

« Des espèces « auxiliaires », coccinelles, chrysopes, syrphes ou hérissons, parasitent ou consomment les ravageurs »

 

D’autres solutions fondées sur l’observation des milieux s’avèrent aussi prometteuses. Des chercheurs suédois (Ninkovic et al., 2013) ont illustré la façon dont le comportement des ravageurs varie en présence de leurs prédateurs. Ainsi, les pucerons se laissent tomber au sol pour échapper aux coccinelles. En effet, ces dernières laissent derrière elles une trace chimique, telle une odeur, que détectent leurs proies. Les scientifiques ont donc placé des pucerons du merisier à grappes (Rhopalosiphum padi, un ravageur de céréales) au centre de boîtes de pétri dont seul un côté avait été mis en contact avec une ou plusieurs coccinelles à sept points (Coccinella septempunctata, l’espèce la plus commune en Europe). Il y avait alors significativement moins de pucerons du côté fréquenté par les coccinelles, un comportement d’évitement plus ou moins fort selon le nombre et le sexe des coccinelles ayant laissé leur odeur dans la boîte. La perspective de ce résultat permettrait d’envisager un jour de traiter les jardins et les cultures avec des odeurs de prédateurs.

 

Des techniques agricoles innovantes comme la permaculture visent également à cultiver autrement, sans produits de synthèse et sans utilisation de carburants fossiles (Guégan & Leger, 2015). Le concept de permaculture, développé dans les années 1970 par les australiens Mollisson et Holmgren, est issu de l’écologie scientifique et s’applique de façon concrète sur le terrain. Ses méthodes consistent à aménager et à piloter les écosystèmes dans une vision globale du site, de son fonctionnement et de sa dynamique, et ce en accord avec des aspirations sociales, écologiques et économiques. Des outils tels que ceux de la permaculture pourraient être adaptés aux jardins ou espaces verts urbains, afin d’élargir encore le champ des possibles pour jardiner sans pesticides.

 

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1 Plan français Ecophyto II, loi Labbé du 06 février 2014 et article 68 de la loi de transition énergétique.

2 Avec une exception pour certains espaces à contraintes particulières comme les installations électriques.

Chercheurs et gestionnaires d’espaces naturels protégés : des liens à construire

La FRB a mis en place en 2015 un groupe de travail “Espaces naturels protégés et recherche” associant ses deux conseils de gouvernance : le Conseil d’orientation stratégique (Cos) et le Conseil scientifique (CS). Dans le cadre de ce groupe de travail, une enquête a été menée afin de mieux connaître et faire connaître les collaborations gestionnaires/chercheurs et leur implication dans le développement des connaissances.

 

Un dépliant a également été conçu, sur la base de la publication, et met en avant des recommandations visant à conforter les espaces naturels protégés en tant que sites potentiels d’observation et d’analyse des rapports des sociétés à la nature. Elles ont également comme objectif d’en faire des sites références “sentinelles” où réaliser des suivis sur le long terme.

 

La publication et le dépliant sont consultables dans les ressources ci-dessous. 

Action n°6 : Je reste sur les « sentiers battus »

Que se passe-t-il pour une plante lorsqu’elle se fait marcher dessus ? La question peut sembler triviale, et pourtant elle fait l’objet de recherches scientifiques. Car dans les milieux les plus fragiles, notamment en montagne, toute activité humaine influence les écosystèmes. D’après une analyse qualitative de la littérature scientifique consacrée à l’impact du piétinement sur la végétation montagnarde (Martin & Butler 2017), les plantes les moins résistantes sont les arbustes qui, par leur taille, se retrouvent facilement sous les semelles des promeneurs mais dont la croissance est moins rapide que celle des herbes graminées (Yorks et al. 1997; Hill & Pickering 2009 dans Martin & Butler 2017). En marchant sur les plantes, les randonneurs les cassent, les écrasent et parfois les déracinent. Si certaines repoussent, d’autres meurent. Les plantes piétinées sont, en moyenne, moins hautes, et possèdent des feuilles moins grandes. Leur activité de photosynthèse est fragilisée et, par voie de conséquence, leur production de réserves nutritives également (Pickering & Growcock 2009 dans Martin & Butler 2017). En outre, elles produisent moins de graines, ce qui nuit à leur reproduction et donc, potentiellement, à la survie de leur espèce (Rossi et al. 2006, 2009 dans Martin & Butler 2017).

 

“La compaction du sol conduit au ruissellement des eaux à la surface, participant à l’érosion”

 

Si un piétinement modéré peut favoriser certaines plantes en éliminant celles avec lesquelles elles étaient en compétition, en revanche, le nombre total d’espèces observées – appelé richesse spécifique – diminue (Cole 2004). Le piétinement compacte également le sol dont la porosité se trouve réduite. En effet, le sol est à la fois composé de matière, mais aussi de vides appelés « pores », par lesquels l’eau de pluie s’infiltre. La compaction du sol conduit donc au ruissellement des eaux à la surface du sol qui emportent avec elles des particules de sol, participant ainsi à l’érosion. Ce phénomène est accéléré, en milieu montagnard, par la pente (Martin & Butler 2017). Des sols plus compacts sont aussi moins favorables à la germination et à la croissance de certaines plantes, puisque leurs racines peinent à circuler pour trouver des nutriments (Alessa & Earnhart 2000 dans Cole 2004). Par contre, ils en favorisent d’autres comme le rumex, la renoncule rampante, le pissenlit ou le chardon des champs (Ducerf 2013).

 

“La prévalence des maladies atteignant les coraux de Koh Tao est trois fois plus élevée dans les récifs régulièrement explorés par les touristes”

 

Dans l’eau aussi, les voyageurs causent des dégâts en s’éloignant des sentiers sous-marins ou en fréquentant des écosystèmes fragiles sans contrôle. La plongée sous-marine ainsi que le snorkeling ou randonnée palmée peuvent nuire aux récifs coralliens. Si les effets directement destructeurs de ces activités sont largement documentés par les scientifiques au moins depuis les années 1980, des travaux plus récents s’intéressent à des impacts indirects et moins évidents. Ainsi, des chercheurs australiens (Lamb et al. 2014) ont montré que la prévalence des maladies atteignant les coraux de l’île thaïlandaise de Koh Tao était trois fois plus élevée dans les récifs régulièrement explorés par les touristes que dans les récifs moins exposés. Et ce, en particulier pour une affection appelée SEB (skeletal eroding band), à laquelle les coraux abîmés sont plus vulnérables lorsqu’ils se trouvent dans des zones où la fréquentation est forte. Pour les auteurs, cela indique l’existence de facteurs de stress additionnels, causés par la randonnée palmée et la plongée, qui facilitent la progression de cette maladie. Limiter le nombre de visiteurs autorisés dans les espaces les plus sensibles s’avère donc parfois nécessaire. Pour préserver la biodiversité, tout particulièrement dans les aires protégées, mieux vaut rester sur les « sentiers battus », qu’ils soient terrestres ou marins.

Action n°5 : Je participe à un suivi de la biodiversité

« Je compte les papillons. C’est un peu comme une chasse au trophée, alors moins j’utilise d’insecticides, plus j’ai de chances d’en voir ». Ce témoignage provient d’une enseignante francilienne impliquée dans l’Opération papillons, un programme de sciences participatives lancé en 2006 par le Muséum national d’Histoire naturelle et l’association Noé dans le cadre de Vigie-Nature et qui a déjà rassemblé plus de 10 000 bénévoles. De tels programmes servent aux chercheurs en écologie à analyser un grand nombre de données recueillies selon des protocoles standards, et donnent lieu à des travaux scientifiques. Par exemple, l’Opération papillons a permis d’étudier les effets de l’urbanisation, de l’utilisation de pesticides dans les jardins privés et de l’aménagement du paysage sur les populations de lépidoptères (Muratet & Fontaine 2015). Mais leur point fort réside ailleurs : mieux connaître la biodiversité pourrait conduire à la protéger davantage.

 

“Un cercle vertueux : Plus les observateurs identifient les papillons, plus ils y font attention, et mieux ils les reconnaissent”

 

Selon une étude du Muséum national d’Histoire naturelle (Cosquer et al. 2012), 85 % des observateurs de papillons interrogés disent avoir appliqué des pratiques de jardinage bénéfiques aux lépidoptères, comme la plantation d’espèces de fleurs nourricières, la réduction du recours aux pesticides et de la fréquence de la tonte, ou encore la création de friches. Si les citoyens impliqués dans les suivis préservent les organismes qu’ils répertorient, cela a pour effet collatéral de biaiser les données. Cependant, ce biais peut-être pris en compte afin de garantir la rigueur scientifique. Si la plupart des contributeurs n’avaient aucune connaissance des papillons avant de commencer à les compter, leur participation à l’Opération leur a permis d’en acquérir et de devenir plus attentifs à leur environnement. Ils ont également pris conscience de l’appartenance de ces insectes à tout un écosystème, riche et dynamique. En outre, plus les observateurs sont capables d’identifier les papillons, plus ils y font attention, et plus ils parviennent à les reconnaître : un véritable cercle vertueux.

 

Comment tester si la contribution aux sciences participatives améliore les capacités d’observation ? Cette question a fait l’objet d’un article dans la revue Plos One (Kelling et al. 2015). eBird est un programme de suivi des oiseaux à l’échelle mondiale créé par le Cornell lab of ornithology aux États-Unis, dans lequel les observateurs remplissent et soumettent à une base de données en ligne la liste des oiseaux qu’ils ont repérés et identifiés en un temps et un lieu donnés. Or, à mesure du temps passé à observer les oiseaux sur un lieu, le nombre d’espèces listées par chaque participant augmente, jusqu’à un maximum qui correspond à la totalité des espèces présentes autour de lui. Mais la vitesse de cette accumulation varie, indiquant les compétences de chacun. Conformément à l’hypothèse des chercheurs, les différences entre les participants sont plus fortes dans le cas des oiseaux les plus discrets. Ils ont ainsi mis en évidence qu’une participation accrue à eBird augmentait cette vitesse, et donc les capacités d’observation.

 

Opération papillons, Observatoire des bourdons, Sauvages de ma rue… autant d’outils pour aider les scientifiques à suivre la biodiversité au cours du temps”

 

Opération papillons, mais aussi Opération escargots, Observatoire des bourdons, SPIPOLL (suivi photographique des insectes pollinisateurs), Sauvages de ma rue (plantes), Oiseaux des jardins et BioLitt (observatoire du littoral) constituent autant d’outils pour aider les scientifiques à comprendre et surtout à suivre la biodiversité au cours du temps, tout en transformant notre regard sur celle-ci. De nouveaux programmes de sciences participatives utilisent même des applications sur smartphone, à l’instar de BirdLab du MNHN et de NaturaList de la LPO. S’impliquer dans l’un d’entre eux est un excellent point d’entrée pour mieux comprendre et mieux aimer la biodiversité.

Action n°4 : Je refuse les plastiques, car le recyclage ne suffit pas

Souvent trop fins ou usés, 70 % des détritus plastiques ne sont pas recyclés (Commission européenne 2017). Une grande part finit alors dans les milieux aquatiques. Empruntant les cours d’eau, ou disséminés à partir de décharges littorales, ils rejoignent les océans et les déchets qui s’y trouvent déjà, tels que les filets de pêche. Des chercheurs ont simulé ce processus pour déterminer l’ampleur de cette contribution (Lebreton et al. 2017). Ainsi, ils estiment que les rivières drainent chaque année dans les océans entre 1,15 et 2,41 millions de tonnes de plastique. Les 20 rivières les plus polluantes constituent deux tiers de cette masse, la plupart d’entre elles se trouvant en Asie (Lebreton et al. 2017).

 

Dans le monde, la production globale de résines et de fibres plastiques est passée de 2 millions de tonnes en 1950 à 380 millions de tonnes en 2015. Sur cette période, 8,3 milliards de tonnes ont été produites au total, dont les trois quarts sont devenus des déchets (Geyer et al. 2017). Parmi les plastiques les plus couramment utilisés, aucun n’est biodégradable (Geyer et al. 2017). Les emballages en constituent une grande part, et leur recyclage reste à améliorer. Ainsi, on trouve des débris plastiques dans la totalité des principaux bassins océaniques.

 

“Dans les récifs envahis par les déchets plastiques, le risque de maladie des coraux est multiplié par 20.”

 

Certaines espèces, telles que les tortues marines, confondent ces déchets avec leurs proies. D’autres ingèrent des organismes eux-mêmes contaminés. Les récifs coralliens sont aussi particulièrement touchés par cette pollution plastique. D’après une équipe internationale dont les résultats sont parus cette année, le plastique favorise la colonisation des récifs par des microbes pathogènes (Lamb et al. 2018). L’étude, qui porte sur 159 récifs d’Asie et du Pacifique, montre que dans les récifs envahis par les déchets plastiques, le risque de maladie des coraux est multiplié par 20, accentuant ainsi la dégradation de cet habitat complexe qui héberge de nombreuses espèces de poissons (Lamb et al. 2018).

 

Rejetés à la mer, les grands débris de plastique sont soumis aux rayons UV, aux contraintes mécaniques des vagues et aux agressions biologiques qui progressivement les fragmentent en pièces de plus en plus petites (Cózar et al. 2014) : les « microplastiques » (moins de cinq millimètres), puis les « nanoplastiques » de moins d’un micron (millième de millimètre). Ces minuscules débris, formés d’une variété de composés1 et additifs2, agrègent des microorganismes et diverses molécules dont les polluants organiques persistants comme les PCB et certains pesticides. Ils sont facilement ingérés par les animaux marins, affaiblissant leur croissance et leur reproduction (Galloway et al. 2017). Des résultats expérimentaux récemment obtenus par des chercheurs américains (Allen et al. 2017) suggèrent qu’une espèce de corail filtre préférentiellement les particules de plastique non recouvertes d’un film microbien, les auteurs invoquant un effet « phagostimulant » (qui stimule l’alimentation).

 

“Les microplastiques sont facilement ingérés par les animaux marins, affaiblissant leur croissance et leur reproduction”

 

Les formes de vie microscopiques des océans réagissent également à la présence de ces déchets. L’expédition Tara Méditerranée, coordonnée par l’Observatoire océanologique de Villefranche-sur-mer (UPMC-CNRS), a recueilli un grand nombre d’échantillons marins. Dans une étude qui vient de paraître, des chercheurs de l’Observatoire océanologique de Banyuls (UPMC-CNRS) et leurs collègues ont montré, à partir de ces échantillons, que les débris plastiques en mer Méditerranée abritaient des communautés de bactéries différentes de celles qui vivent librement dans l’eau ou accrochées à des particules organiques (Dussud et al. 2018). Ces communautés forment un ensemble appelé « plastisphère ». Certaines bactéries ne peuvent vivre que sur des déchets plastiques et exploitent spécifiquement ce nouvel habitat (Dussud et al. 2018). De tels travaux sont essentiels pour mieux comprendre la façon dont les communautés microbiennes réagissent au plastique en milieu marin.

 

Les microplastiques

© Alexandra TER HALLE / IMRCP / CNRS Photothèque

“Microplastique, colonisé par une communauté bactérienne appelée biofilm, observé en microscopie électronique à balayage. L’image est colorisée. Le biofilm qui se développe sur le plastique est visible en couleurs. Les plus gros objets sont des diatomées. Ce débris de plastique a été collecté dans le gyre océanique de l’Atlantique nord, zone où s’accumulent les déchets plastiques flottants, en mai 2014 lors des expéditions 7e Continent. Le biofilm est une communauté bactérienne qui se développe sur les microplastiques flottant en mer, il a été baptisé “plastisphère”.”

 

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1 polyéthylènes (PE), polypropylènes (PP), chlorures de polyvinyle (PVC), polystyrènes (PS, dont expansé, EPS), polyuréthanes (PUR) et polytéréphtalates d’éthylène (PET). Au-delà de leur « durée d’utilité » variable selon l’usage – de relativement brève pour le packaging (PE, PP) à longue pour le bâtiment (PVC) –, ces matériaux deviennent des déchets à « longue durée de vie » omniprésents dans l’environnement en l’absence de recyclage.

2 tels que le bisphénol A, le nonylphénol et les phtalates.

Action n°3 : Je cultive des plantes favorables à la biodiversité

En près de trois décennies, les populations d’insectes volants ont chuté d’environ 80 % en Allemagne. Cette situation probablement très similaire à celle de notre pays a été dévoilée par une étude internationale en 2017 (Hallmann et al. 2017). Si l’agriculture est principalement mise en cause à travers l’usage de pesticides et d’engrais de synthèse, la destruction et la dégradation des habitats de façon plus large figurent en bonne place parmi les facteurs impliqués dans les pertes de biodiversité tant au niveau mondial qu’européen (IPBES 2018). Selon une étude fondée sur des données de sciences participatives (observatoire des papillons des jardins du Muséum national d’Histoire naturelle), l’urbanisation diminue fortement le nombre d’espèces et l’abondance des papillons (Fontaine et al. 2016). Mais à l’échelle locale, nos jardins et balcons pourraient changer la donne.

 

En effet, les plantes nectarifères et pollinifères produisent respectivement du nectar et du pollen. Aussi dites “mellifères” – car les abeilles domestiques peuvent transformer leur nectar en miel – elles favorisent également d’autres pollinisateurs comme les papillons. Les auteurs de cette étude (Fontaine et al. 2016) ont montré que les espèces de papillons les plus affectées par l’urbanisation étaient aussi les plus sensibles aux pratiques de jardinage. Planter des végétaux riches en nectar peut donc aider ces espèces vulnérables en contrebalançant en partie les effets délétères de l’urbanisation. Centaurées, lavande, ronces, framboisier, valériane, trèfles, lierre et plantes aromatiques forment alors des oasis pour les papillons dans un paysage globalement défavorable. D’autres plantes peuvent même être absolument indispensables lorsque l’espèce de papillons leur est inféodée, comme l’ortie, essentielle à des papillons tels que la petite tortue (Aglais urticae), le vulcain (Vanessa atalanta) ou, dans une moindre mesure, le Robert-le-Diable (Polygonia c-album). En revanche, le buddleia, une espèce exotique envahissante, attire les papillons mais ne leur offre pas autant de ressources alimentaires que les plantes citées précédemment.

 

“Les fleurs discrètes du lierre regorgent de nectar et de pollen avant l’hiver.”

 

Si de nombreuses plantes nectarifères et pollinifères exhibent des fleurs colorées ou parfumées telles que les chèvrefeuilles, la lavande, les bleuets et les digitales, d’autres essences parfois décriées recèlent de surprenants bienfaits. Ainsi, le lierre, une plante à la mauvaise réputation, fleurit en automne. Ses fleurs discrètes regorgent de nectar et de pollen avant l’hiver. Deux chercheurs britanniques se sont penchés sur le sujet en 2013 (Garbuzov & Ratnieks 2013). Outre les abeilles domestiques, dont près de 90 % du pollen collecté provenait du lierre, cette plante nourrit aussi une grande diversité de pollinisateurs sauvages. Parmi eux figurent des bourdons, des guêpes, des papillons et surtout des syrphes, ces mouches parfois confondues avec les guêpes dont elles imitent la forme et les bandes noires et brunes. En outre, les oiseaux affectionnent particulièrement les baies du lierre.

 

D’autres chercheurs britanniques ont mis en évidence la préférence des bourdons pour des espèces végétales méconnues du public, à l’instar de la ballote, ou peu appréciées par les jardiniers, à l’image du lamier blanc – souvent pris à tort pour une ortie et pourtant non urticant (Carvell et al. 2006). D’après leur inventaire, trois quarts des plantes fréquentées par ces insectes sont en déclin au niveau local, notamment les espèces les plus importantes comme le trèfle des prés (Carvell et al. 2006). Si les prairies non semées – qui se régénèrent naturellement – offrent parfois aux bourdons des ressources plus abondantes, celles qui sont entretenues selon un standard environnemental contiennent des plantes qui fleurissent plus tôt dans l’année, essentielles aux reines qui partent fonder leur nid (Lye et al. 2009). Chacun pourrait donc, dans son jardin, agir pour les pollinisateurs en favorisant deux types d’espaces complémentaires : des zones où l’on sème des plantes qui leur sont utiles, et d’autres laissées libres d’évoluer (friches).

 

“Jardins et balcons forment un corridor écologique pour les graines, oiseaux, arthropodes et petits mammifères.”

 

En plus des ressources alimentaires qu’elles offrent aux pollinisateurs, les plantes peuvent entrer dans un fonctionnement écologique à l’échelle des paysages. Les parcs urbains constituent par exemple des ensembles d’habitats dans lesquels des espèces animales et végétales vivent. Les jardins et balcons, adjacents ou proches les uns des autres, peuvent aussi former un «  corridor » permettant aux graines, oiseaux, arthropodes et petits mammifères de passer d’un ensemble d’habitats à un autre. Le tout forme un réseau connecté, parfois indispensable au bon équilibre écologique de ces milieux fragmentés par les activités humaines. En étudiant les araignées et les coléoptères dans quatre villes franciliennes (Vergnes et al. 2012), des chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle ont montré, en particulier pour l’une des familles de coléoptères étudiées, que le nombre d’espèces et l’abondance étaient moins élevés dans les jardins isolés que dans ceux connectés à un corridor. Ils ont ainsi mis en évidence le rôle des corridors écologiques pour maintenir la biodiversité « ordinaire » dans des paysages très fragmentés.

 

À l’heure où plus de la moitié de la population mondiale vit dans les villes, où les campagnes s’uniformisent du fait de l’intensification agricole et où la biodiversité s’effondre, nos espaces verts, jardins, balcons ou terrains privés pourraient devenir des « oasis » de biodiversité (dont l’association Humanité et Biodiversité s’est fait le porte-parole avec les Oasis Nature, rejoignant ainsi l’initiative des Refuges LPO initiée en 1921) qui permettraient à celle-ci de s’adapter, au moins pour partie, aux pressions anthropiques croissantes.

 

Valérianes (en haut à gauche), centaurées comme le bleuet (en haut au centre), lavandes (en bas à gauche), fleurs de lierre (en bas au centre) et ballote (à droite) attirent les papillons, les abeilles, les bourdons, les syrphes, etc. Avec une diversité de plantes sur les balcons et dans les jardins, chaque pollinisateur y trouve son compte.

Action n°2 : J’évite les crèmes solaires néfastes pour la vie marine

Depuis près d’une quinzaine d’années, l’impact des crèmes solaires sur les coraux est dans le viseur des chercheurs. La première étude d’envergure remonte à 2008 (Danovaro et al. 2008). Les scientifiques se sont notamment penchés sur les zooxanthelles, qui vivent en symbiose avec les coraux. Ces petites algues ont pour particularité de tirer leur énergie des rayons du soleil par photosynthèse, et d’apporter aux coraux des nutriments essentiels. Si les algues meurent ou quittent la colonie de corail, cette dernière blanchit et succombe. L’étude, réalisée en laboratoire et in-situ dans différentes mers du monde, conclut que quels que soient le lieu et la concentration testée de crème solaire, cette dernière a systématiquement abouti à un rejet par les coraux de mucus contenant des zooxanthelles, rejet suivi d’un blanchissement complet dans les 96 heures (Danovaro et al. 2008). Un phénomène d’autant plus rapide que la température du milieu était élevée.

 

“Les larves de coraux exposées à l’oxybenzone s’ossifient de façon anormale et s’enferment dans leur propre squelette.”

 

En testant séparément différents composants présents dans les crèmes solaires, les auteurs ont montré que certains d’entre eux, des filtres organiques à UV comme le butylparaben et l’oxybenzone, se révélaient particulièrement néfastes, sans toutefois en expliquer le mécanisme précis. Or, selon une étude de Downs et al. (2016), à la lumière, l’oxybenzone détruit directement les zooxanthelles tandis qu’à l’obscurité, les coraux se mettent à les digérer. En outre, lorsque les larves de coraux sont exposées à cette substance, elles s’ossifient de façon anormale et s’enferment alors dans leur propre squelette. De plus, l’oxybenzone induit des lésions dans leur ADN. Les filtres minéraux (oxydes de zinc ou de titane) sous forme de nanoparticules seraient eux aussi toxiques pour la vie aquatique, car ils produisent des molécules appelées ROS (reactive oxygen species) qui détruisent les cellules (Lewicka et al. 2013 dans Wood 2018). Des études sont en cours pour évaluer leur effet sur les récifs coralliens (Tagliati et al. non publié, dans Wood 2018).

 

Il reste à savoir si les concentrations de crème solaire dans l’eau autour des récifs, probablement plus faibles que celles testées par les chercheurs en 2008, sont suffisantes pour entraîner de tels effets. Des études sont en cours. Cependant, certains blanchissements dans le monde semblent déjà ne pouvoir être expliqués que par la fréquentation des récifs par des touristes (Wood 2018). De prochaines études devraient aussi s’intéresser aux effets de ces produits à l’échelle de récifs coralliens entiers, voire d’écosystèmes, et non seulement aux effets distincts de chaque molécule, mais plutôt à leur « effet cocktail » lorsqu’elles agissent en mélange, comme c’est le cas en milieu naturel. Ces recherches seront cruciales : elles devront permettre de caractériser le risque de diminution de la résilience des coraux spécifiquement dû à ce stress écotoxicologique, sachant que les récifs sont déjà affaiblis par le réchauffement, l’acidification, ou encore par les ravages causés par l’étoile de mer Acanthaster, un redoutable « brouteur » de corail.

 

“Les récifs sont déjà affaiblis par le réchauffement, l’acidification, ou encore par les ravages causés par l’étoile de mer Acanthaster.”

 

Les filtres minéraux, lorsqu’ils ne sont pas formulés en nanoparticules, pourraient constituer une option plus favorable aux récifs – ce qui reste à confirmer par la science. Aujourd’hui, des crèmes solaires sont ainsi déclarées spécifiquement sans composants nuisibles aux coraux. Si aucun label n’existe encore pour certifier ces allégations, celles-ci marquent une volonté de certains industriels de prendre en compte l’impact de leurs produits sur la biodiversité. Cette démarche est à saluer.

 

© Lauric Thiault

Les récifs coralliens n’occupent que 0,1 % de la surface des océans, et représentent pourtant 30 % de la biodiversité marine mondiale. Les filtres contenus dans les crèmes solaires peuvent causer le blanchissement des coraux. Cependant, ce sont bien les changements globaux, avec la hausse des températures des océans, qui menacent le plus les récifs sur notre planète.

Action n°1 : Je mange bio

En France, près des ¾ de la population consomment des aliments bio au moins une fois par mois (Agence Bio / CSA 2018). Si la motivation principale des acheteurs de produits bio est de “préserver leur santé” (69 % des répondants), la seconde est de “préserver l’environnement” (61 %). Mais l’agriculture biologique répond-elle à ces objectifs ? En 2014, une équipe de recherche (Tuck et al. 2014) a analysé près d’une centaine d’études publiées au cours des trois dernières décennies en comparant des systèmes d’agriculture biologique avec des systèmes agricoles conventionnels. En moyenne, le nombre d’espèces présentes dans le milieu, appelé richesse spécifique, est d’un tiers supérieur en bio par rapport à l’agriculture conventionnelle (Tuck et al. 2014). Il faut toutefois considérer ce résultat avec précaution, du fait de données hétérogènes. En effet, si le nombre d’espèces est toujours plus élevé en bio qu’en agriculture conventionnelle, il varie en fonction du type de cultures. Ainsi, la différence entre bio et conventionnel est plus élevée dans un champ de céréales – où les pesticides sont très fréquents – que dans un verger (Tuck et al. 2014).

 

Selon cette étude, les plantes présentes dans l’environnement  bénéficient davantage de l’agriculture biologique que les oiseaux, les arthropodes et les micro-organismes (Tuck et al. 2014), peut-être  en raison d’un usage plus massif d’herbicides dans les cultures conventionnelles. Cependant, d’autres éléments de biodiversité seraient probablement favorisés par l’agriculture biologique, en particulier les oiseaux, dont les pesticides diminuent les ressources alimentaires. De façon plus globale, sur les 38 études consacrées à l’impact de la réduction des engrais, herbicides et autres pesticides dans plusieurs pays européens répertoriées par des chercheurs, 34 ont montré un effet positif sur certains invertébrés, plantes et oiseaux (Dicks et al. 2018).

 

Si les pratiques de l’agriculture bio s’illustrent par l’interdiction ou la limitation stricte de l’usage d’engrais synthétiques et de pesticides, elles présentent aussi d’autres avantages pour la biodiversité. Les rotations de cultures permettent par exemple de contrôler les ravageurs, tandis que l’usage de compost, d’engrais animal ou végétal enrichit les sols.

 

“Il serait possible de nourrir plus de 9 milliards d’êtres humains en 2050 avec 100 % d’agriculture biologique, à condition de réduire le gaspillage alimentaire et de limiter la consommation de produits d’origine animale.”

 

Consommer bio permet donc bien d’agir en faveur de la biodiversité. Mais ce type de consommation pourrait-il se généraliser ? En effet, d’après ses détracteurs, l’agriculture biologique présenterait des rendements insuffisants pour subvenir aux besoins d’une planète à la démographie galopante (Connor 2008). Une idée répandue que réfute une étude publiée en novembre dernier par la revue Nature Communications (Muller et al. 2017). D’après les chercheurs, il serait possible de nourrir plus de 9 milliards d’êtres humains en 2050 avec 100 % d’agriculture biologique, à condition de réduire le gaspillage alimentaire et de limiter la consommation de produits d’origine animale. Par ailleurs, les travaux de Vincent Bretagnolle et son équipe sur la zone atelier « Plaine et Val de Sèvre » depuis 1994 démontrent que réduire les apports d’herbicides et d’engrais azotés de 30 à 50 % peut être effectué sans réduction des rendements (Gaba et al. 2016). De même, d’autres chercheurs ont estimé qu’il était possible, dans près de deux tiers des 946 fermes françaises étudiées, de réduire la quantité de pesticides de 42 % sans aucun effet négatif sur la productivité ni sur la rentabilité économique (Lechenet et al. 2017).

 

Il serait donc possible, en termes de rendement, de se tourner vers le bio. Outre le bénéfice pour la biodiversité, c’est aussi notre santé, voire même nos capacités mentales, que nous protégerions. Le quotient intellectuel (QI) de certaines populations humaines aurait baissé de deux points par décennie, d’après des études danoises et norvégiennes, dont une toute récente (Bratsberg & Rogeberg 2018). Or, une cause plausible d’une telle diminution réside dans l’interférence de certains polluants environnementaux – notamment des pesticides contenus dans les aliments – avec l’action des hormones thyroïdiennes (Bellanger et al. 2015). Ces dernières jouent un rôle crucial dans la myélinisation des nerfs, processus qui accélère la transmission entre les neurones. C’est pourquoi l’exposition à ces substances allonge probablement notre temps de réaction face aux situations. Selon Barbara Demeneix, professeure au Muséum national d’Histoire naturelle, interrogée par France Culture, manger bio constituerait une bonne solution en attendant d’adopter des mesures législatives contre ces polluants. En outre, manger bio préserverait notre système cardio-vasculaire. La proportion de personnes souffrant d’un syndrome métabolique – un ensemble de troubles, dont l’hypertension artérielle, qui augmentent les risques cardio-vasculaires et de diabète de type II – est d’environ 12 % chez ceux qui se nourrissent le plus fréquemment d’aliments bio, contre plus de 20 % chez ceux qui n’en consomment que très peu (Baudry et al. 2017).

 

En France, à la suite des États généraux de l’alimentation, le gouvernement a annoncé l’attribution d’une enveloppe de 1,1 milliard d’euros sur cinq ans pour financer le programme Ambition bio 2022. Objectif : atteindre 15 % de surface agricole utile cultivée en bio et 20 % de produits labellisés bio en restauration collective publique (ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation 2018). Des mesures nécessaires pour préserver notre environnement et notre santé.

 

 Les labels Bio


Derrière chaque label se cache un cahier des charges. AB France et Agriculture biologique européenne ont les mêmes exigences, interdisant l’utilisation des pesticides de synthèse. Ils fixent aussi un pourcentage maximum de 0,9 % d’OGM, et les produits transformés doivent contenir au moins 95 % d’ingrédients certifiés bio. D’autres labels, bio ou écologiques (“écolabels”), vont plus loin, en imposant par exemple une provenance nationale, des pratiques spécifiques favorisant la biodiversité, la fertilité des sols et le bien-être animal ou encore des revenus équitables pour les producteurs. Entre deux produits bio, préférons les denrées locales et de saison.

Plan d’action 2018-2021

Le Plan d’action de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) pour la période 2018-2021 s’articule autour de 3 objectifs et six sous-objectifs à atteindre d’ici à 2021. Étroitement liés, ces objectifs sont un ensemble cohérent et homogène qui confère à la FRB un cadre structurant, lisible, ciblé et déclinable en projets et activités opérationnels pour les quatre années 2018 à 2021. 

 

Consultez le document complet dans les ressources ci-dessous. 

Répartition globale de la biomasse au sein de la biosphère

La quantification de l’abondance de chaque composant individuel est essentielle pour décrire un système complexe comme la biosphère (c’est-à-dire les espèces ou les groupes taxonomiques plus larges). Les premiers efforts pour estimer la biomasse mondiale ont principalement porté sur des groupes uniques comme les plantes, les procaryotes1 (Whitman et al., 1998) ou les poissons avec une révision récente de leur biomasse grâce à de nouvelles techniques d’échantillonnage (Irigoien X et al., 2014). Il manque parfois des données sur des groupes importants comme les arthropodes.

Deux tentatives d’une comptabilité globale de tous les composants de la biomasse mondiale ont été publiées, celle de Whittaker et Likens au début des années 1970, qui n’incluait pas la biomasse bactérienne et fongique, et celle de Smil en 2013. Wikipedia fournit également une gamme d’estimations sur divers taxons. Mais aucune de ces études ne donne une vue complète et intégrée et c’est ce qui fait l’originalité du présent travail.

 

Le progrès des techniques de séquençage permet actuellement la détermination de la composition des communautés naturelles sur la base de l’abondance relative des génomes. L’amélioration de la télédétection autorise également une appréhension de l’environnement à l’échelle mondiale avec une résolution sans précédent. Enfin, les grandes expéditions comme l’expédition Tara Oceans ou les observatoires locaux (comme le Réseau national d’observatoires écologiques en Amérique du Nord) concourent aux efforts d’échantillonnage global et à la connaissance fine des habitats naturels.

 

La présente analyse est basée sur des centaines d’études portant sur les principaux groupes taxonomiques constituant le vivant. Les chercheurs ont choisi d’utiliser la biomasse terrestre comme mesure de l’abondance des différents groupes d’espèces (les taxons) et de leur importance relative au sein du vivant. Elle résume les connaissances actuelles sur la distribution de la biomasse mondiale.

 

Fronts de sciences 2018

Quelles sont les nouvelles avancées de la recherche sur la biodiversité ?

Quels sont les obstacles qu’elle rencontre ?

Y a-t-il des domaines qui n’ont encore jamais été explorés ?

 

Telles sont les questions que s’est posé le conseil scientifique de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) dans sa nouvelle publication intitulée “Fronts de sciences 2018”, téléchargeable ci-dessous.

 

 

Présenté sous forme de fiches, ce nouveau rendez-vous éditorial se poursuivra chaque année. Il vise avant tout à donner un aperçu de sujets en plein développement ou d’enjeux appelant de nouvelles recherches, ainsi qu’à éclairer l’actualité de la recherche sur la biodiversité pour un public non spécialiste.

La biodiversité favorise-t-elle la productivité des écosystèmes ?

Certains services essentiels à la vie et au bien-être humain fournis par les écosystèmes comme la production de nourriture, de combustibles, l’épuration ou la mise à disposition de l’eau, la production d’oxygène, la régulation des maladies sont le produit de processus biologiques rendus possibles par la diversité des organismes vivants qui les peuplent. À partir des années 1990, le déclin accéléré des espèces sauvages a suscité un effort concerté pour répondre à la question suivante : comment les changements dans la diversité biologique affectent-ils le fonctionnement des écosystèmes et la production de biens et services ?

Des méta-analyses réalisées sur la base de plus de 500 expériences montrent comment la diversité génétique, spécifique et fonctionnelle, influence le fonctionnement des écosystèmes. Elles ont pu mettre en évidence que des dispositifs expérimentaux incluant plusieurs espèces étaient, en moyenne, 50% plus efficaces et productifs que des systèmes mettant en jeu une seule espèce, et qu’ils étaient plus à même de fournir des biens et services essentiels.

 

L’idée que la biodiversité est le moteur du fonctionnement des écosystèmes, quoi qu’assez intuitive, n’avait pas encore été objectivée et pouvait dans certains cas rester controversée. Des critiques ont soutenu que les premières expériences réalisées ne contrôlaient pas de manière adéquate les variables confondantes, ce qui a conduit les chercheurs à améliorer leurs protocoles et leurs analyses au fil des années. Nonobstant ces améliorations, certains experts sont restés préoccupés par le fait que les expérimentations avaient été menées à des échelles trop petites, étaient trop limitées dans le temps et trop irréalistes dans leurs conditions pour être significatives dans le monde réel. D’autres ont suggéré que, bien que la biodiversité affecte les processus écosystémiques dans des expériences simplifiées, des effets similaires seraient peu probables dans la nature, ou seraient faibles comparés à la régulation de la productivité et de la stabilité des écosystèmes par les facteurs abiotiques, un processus bien documenté.

 

Les deux principales questions à résoudre restaient donc de déterminer :

  • ces différentes études sont-elles capables d’isoler statistiquement les effets de la biodiversité de ceux des autres facteurs environnementaux comme la variation du climat et des ressources qui contrôlent la fertilité des écosystèmes ?
  • est-ce que les effets de la biodiversité mis en évidence dans les expérimentations se produisent également dans la nature et, dans l’affirmative, sont-ils importants ou insignifiants ?

 

Ces questions étaient restées non résolues en partie parce que l’identification des causes, sans passer par des expérimentations, est notoirement difficile dans le cas de systèmes où les forçages sont complexes, en interaction et souvent non linéaires.

Pour lever ces interrogations, les auteurs présentent une synthèse de 133 estimations du rôle de la biodiversité dans la productivité des écosystèmes provenant de 67 études empiriques ayant mesuré la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes naturels dans 623 464 sites d’échantillonnage dans le monde.

Ces études ont bénéficié de nouvelles avancées analytiques pour quantifier les effets des espèces ou de la diversité fonctionnelle sur le fonctionnement des écosystèmes après contrôle statistique des co-variables environnementales. Les auteurs se sont concentrés sur la biomasse1 et la production à l’échelle des communautés en tant que fonctions écosystémiques, car ce sont les variables de réponse les plus fréquemment mesurées dans les expérimentations passées, et elles sont fondamentalement importantes pour la fourniture de presque tous les biens et services écosystémiques.

 

La synthèse de données a abordé trois questions :

  • les effets de la biodiversité sur la production de biomasse sont-ils détectables dans les systèmes naturels et, si oui, sont-ils en cohérence avec les prédictions des expérimentations et la théorie correspondante ?
  • les effets de la biodiversité dans les systèmes naturels sont-ils d’une ampleur comparable à ceux estimés dans des expérimentations contrôlées à petite échelle ?
  • comment les effets de la biodiversité se comparent-ils aux effets d’autres facteurs environnementaux majeurs à l’origine de la production de biomasse des écosystèmes ?

 

Premièrement, l’étude montre qu’une biodiversité plus élevée est communément associée à une production plus élevée de biomasse dans les écosystèmes naturels et que cette relation positive a tendance à être statistiquement plus significative lorsque les co-variables environnementales sont contrôlées.

Cette constatation va à l’encontre d’une critique courante des études de terrain reliant la biodiversité à la productivité, qui est que les corrélations entre la richesse spécifique et la biomasse des communautés pourraient n’être qu’un effet collatéral des conditions environnementales qui améliorent simultanément la diversité et la productivité. Si cette hypothèse de covariance était vraie, les effets apparents de la biodiversité sur la productivité devraient s’affaiblir ou disparaître lorsque les facteurs environnementaux sont pris en compte. Or, l’analyse montre le contraire. Parmi les études qui ne tenaient pas compte des co-variables, 69% ont détecté une relation significative entre la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes, tandis que cette proportion atteignait 82% lorsque les co-variables environnementales étaient contrôlées statistiquement. Pour tenir compte de la non-indépendance potentielle des données dans certaines études, les auteurs ont effectué 10 000 tirages au hasard et recalculé la proportion des études montrant des effets de diversité significatifs avec et sans prise en compte des co-variables. Ce test de ré-échantillonnage a confirmé qu’une proportion significativement plus élevée d’effets de diversité était détectée après la prise en compte des co-variables.

 

Deuxièmement, les auteurs ont constaté que, dans 75% des études, la relation entre la diversité et la production de biomasse était positive lorsqu’on contrôlait les co-variables, la plupart augmentant de façon monotone.

Ces résultats correspondent à des prédictions a priori de la théorie écologique ainsi qu’aux résultats de la plupart des expérimentations. Toujours selon une approche de ré-échantillonnage, la proportion d’études montrant des effets positifs de la diversité était significativement plus élevée parmi les études qui contrôlaient les co-variables environnementales, alors que les effets non significatifs étaient moins nombreux (P = 0,03) et que les effets négatifs sont restés inchangés (P = 0,33). Par conséquent, non seulement les observations reflètent qualitativement les résultats des expérimentations antérieures sur la biodiversité, mais l’accord entre les observations et les expérimentations augmente après la prise en compte des co-variables environnementales.

 

Après avoir réalisé un important travail afin de vérifier que les données des différentes études étaient comparables, les auteurs ont analysé l’intensité des effets de la biodiversité sur la productivité de la biomasse dans la nature. Malheureusement, dans de nombreux cas, les effets de la richesse spécifique sur la production de biomasse n’ont pas pu être croisées. Après élimination d’un certain nombre d’études les auteurs ont pu toutefois identifier des mesures comparables de l’incidence de la biodiversité pour quatre cas particuliers :

  • les effets de la richesse algale sur la production de biomasse phytoplanctonique ;
  • les effets de la richesse en plantes herbacées sur la biomasse des prairies ;
  • les effets de la richesse des essences forestières sur la production d’arbres ;
  • les effets de la richesse en invertébrés herbivores sur la biomasse algale dans les systèmes de zostères marines.

 

Les effets de la biodiversité dans les écosystèmes naturels se sont révélés plus forts que ceux documentés dans des expérimentations contrôlées pour les quatre comparaisons. Ce résultat résulte pour partie de l’éventail plus large de la diversité présente dans les études d’observation par rapport aux expérimentations.

Étant donné que les écosystèmes naturels présentent souvent des associations plus fortes entre la biodiversité et la production de biomasse que celles documentées dans les expérimentations, les auteurs ont étudié l’importance du rôle de la biodiversité par rapport aux facteurs abiotiques associés au changement global. Ils ont identifié 28 études de terrain qui ont fourni 65 estimations dans lesquelles les auteurs quantifiaient simultanément les effets statistiques de la biodiversité et des variables climatiques (généralement la température) sur la biomasse ou la productivité, et 10 études avec 22 estimations qui quantifiaient simultanément les effets de la biodiversité et la disponibilité des éléments nutritifs (généralement l’azote).

Lorsque les études séparaient statistiquement les effets, la biodiversité avait une incidence supérieure aux variables climatiques dans 51% des estimations de terrain et supérieure à celle des variables relatives aux éléments nutritifs dans 64% des estimations. Ces résultats restent robustes après la prise en compte de la non-indépendance des données (test de ré-échantillonnage). Étant donné que les travaux d’observation couvrent différentes aires latitudinales et longitudinales, la gamme des co-variables abiotiques n’est pas directement comparable dans toutes les études. Cependant, on note que plusieurs études qui vont de l’échelle continentale à l’échelle mondiale ont mis en évidence des effets de la biodiversité comparables ou plus forts que ceux du climat.

 

Compte tenu du scepticisme relatif à l’idée que la diversité des espèces puisse affecter la productivité des écosystèmes naturels, la force et la cohérence des résultats présentés ici n’étaient pas prévisible. Dans tous les cas, les auteurs ont démontré l’inverse des opinions exprimées pendant longtemps dans la littérature écologique. Les écosystèmes riches en espèces présentaient généralement une biomasse et une productivité plus élevées dans les données d’observation de terrain pour un large éventail de taxons et d’écosystèmes, y compris les plantes des prairies, les arbres, le phytoplancton et le zooplancton des lacs et les poissons marins.

 

Les associations positives observées entre la biodiversité et la production de biomasse dans la nature étaient :

  • plus fortes lorsque les co-variables étaient comptabilisées,
  • plus fortes que les effets de biodiversité documentés dans des expérimentations contrôlées,
  • et comparables ou plus fortes que les associations entre la productivité et le climat ou la disponibilité des éléments nutritifs qui sont considérés comme deux des facteurs majeurs influençant la structure et le fonctionnement des écosystèmes, et comme les principaux moteurs du changement global.

 

Ces résultats corroborent ceux d’une récente synthèse de données expérimentales, citée par les auteurs, démontrant que les effets de la biodiversité étaient comparables dans leur ampleur à ceux des principaux facteurs du changement mondial.

 

Ces résultats permettent d’étendre à un large éventail d’écosystèmes des conclusions similaires basées sur les données d’observation de forêts et de plantes de zones arides.

En effet, toutes les études incluses dans la présente synthèse ont utilisé des approches statistiques conçues  b. De plus, toutes les études incluses ici impliquaient des gradients de diversité résultants des processus d’assemblage de communautés naturelles, ce qui permettait de réfuter l’argument ancien selon lequel les effets de diversité sur la productivité sont des artefacts des combinaisons d’espèces aléatoires utilisées dans les expériences.

 

Comme pour toutes les analyses basées sur des données non expérimentales, on ne peut pas complètement exclure la possibilité que les études examinées aient négligé une ou plusieurs variables environnementales importantes augmentant la diversité et la production en parallèle, générant ainsi une corrélation parasite (non causale) entre elles. Les auteurs considèrent toutefois qu’il est peu probable que les différents écologues impliqués dans toutes ces études n’aient pas pris en compte les principaux moteurs de la production de biomasse dans les écosystèmes qu’ils étudient et connaissent bien.

Une limitation plus réaliste de cette synthèse est que, sauf rares exceptions, les études disponibles n’ont pas abordé le potentiel de rétroaction entre la richesse spécifique, la biomasse et les facteurs environnementaux tels que les ressources. De telles rétroactions pourraient générer des associations plus complexes entre la diversité et la productivité, et l’évaluation de leur fonctionnement dans la nature doit être un objectif pour les recherches futures.

 

En conclusion, la cohérence des résultats pour plusieurs taxons et écosystèmes au sein de centaines d’expérimentations et leur concordance avec les prévisions théoriques concourent collectivement à conclure que la biodiversité joue un rôle majeur en soutenant la productivité des écosystèmes terrestres.

Au regard de ces différents résultats et en lien avec l’utilisation de solutions fondées sur la nature, il est donc important que la biodiversité soit pleinement prise en compte dans les décisions de gestion et surtout dans les trajectoires de transformation de nos modèles agricoles, comme un facteur majeur de réussite de la transition agro-écologique.

 

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1. La biomasse est la masse des organismes vivants dans un biotope particulier. 

L’huître creuse du Pacifique : de l’assiette à la recherche contre le cancer

Malgré leurs capacités remarquables, les ostréiculteurs français font face, depuis le début du 20e siècle, à d’importantes vagues de mortalité chez les huîtres. Le responsable ? Un virus (ostreid herpes virus 1 OsHV-1) particulièrement virulent évoluant dans l’eau de mer. Pour pallier à ce problème, il a été décidé d’importer dans les années 1970 des huîtres creuses du Pacifique (Crassostrea gigas) : une espèce particulièrement robuste vivant dans l’estran, la zone du littoral agitée par les marées.

Si cette nouvelle espèce s’est révélée plus résistante au virus sous l’eau, la mortalité dans les élevages ostréicoles est restée élevée… alors que faire ?

 

Un poste est ouvert à l’Ifremer, dans les années 2000, pour mener des recherches et tenter de mieux comprendre à la fois le fonctionnement du virus et les stratégies de défenses mises en place par l’huître. C’est ainsi que la scientifique Charlotte Corporeau, après une thèse en embryologie humaine et 8 années de recherche en biologie médicale, a commencé à s’intéresser à Crassostrea gigas. Rapidement, elle découvre que l’animal survit dans ce milieu difficile notamment en activant et désactivant un mécanisme alternatif de croissance cellulaire qui permet au mollusque de poursuivre son développement aussi bien à marée haute qu’à marée basse. La découverte est double puisque ce même mécanisme est détourné par le virus meurtrier pour son propre développement !

 

L’”effet Warburg”, c’est ainsi qu’il se nomme, se met en place dans les cellules en situation de stress et leur permet de continuer à se multiplier lorsque les conditions du milieu ne sont plus favorables. Elles n’utilisent alors plus uniquement la respiration pour se diviser, mais également la fermentation, qui nécessite beaucoup plus de glucose, mais moins d’oxygène. Cet effet est par ailleurs bien connu en médecine humaine, puisqu’il s’avère être l’une des huit caractéristiques des cellules cancéreuses. À la différence de l’huître, l’Homme est incapable de désactiver le processus, ce qui entraine la prolifération des cellules “défectueuses”.

 

Ainsi, l’huître creuse du Pacifique, importée pour la consommation, est aujourd’hui devenue une piste de recherche dans le traitement du cancer ! Comprendre comment l’animal active et désactive l’effet Warburg et quels rôles jouent les facteurs physiques comme la température sont les deux questions auxquelles va désormais tenter de répondre Charlotte Corporeau, grâce au soutien de l’Ifremer et la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer.

[Synthèse] Production de bois-énergie et impacts sur la biodiversité européenne

Peut-on se passer des énergies fossiles et préserver la biodiversité ? Comme l’ont montré les échanges lors des journées FRB 2017 et de nombreux travaux de re- cherche sur le sujet, la réponse est loin d’être aisée. À l’occasion de la sortie du pro- chain rapport de l’IPBES sur l’état de la biodiversité en Europe et en Asie centrale, la FRB a synthétisé l’une des rares études à avoir compilé et analysé un ensemble de travaux sur la question de production de bois-énergie et de ses impacts poten- tiels sur la biodiversité européenne : Effects of fuelwood harvesting on biodiver- sity — a review focused on the situation in Europe de Bouget, Lassauce et Jonsell, 2012. Bien qu’il s’agisse d’une stratégie possible parmi d’autres, les auteurs se sont ici placés dans un contexte d’intensification de cette filière.

 

#ScienceDurable – De l’importance de la nature en ville pour notre santé mentale

Le monde qui nous entoure influence notre bien-être et notre santé mentale. D’après plusieurs travaux de recherche, les adultes exposés aux espaces verts sont moins sujets aux maladies mentales telles que la dépression, l’anxiété ou le stress. Les espaces verts pourraient devenir de véritables outils thérapeutiques face aux troubles mentaux (TDAH, dépression, troubles du comportement et troubles anxieux).
Face à ce constat, comment penser la ville de demain ?

 

L’article est consultable dans les ressources téléchargeables ci-dessous. 

Mieux connaître la biodiversité européenne pour mieux la protéger : l’exemple des récifs coralligènes méditerranéens

À l’instar des récifs coralliens des pays tropicaux, les récifs coralligènes, dénommés ainsi pour le corail rouge qu’ils abritent, ont tout pour devenir un emblème pour les pays côtiers Méditerranéens. En effet, la riche et belle biodiversité qu’ils abritent présente un intérêt de conservation en soi, mais aussi des avantages pour la pêche et le tourisme. Les connaissances sur ces écosystèmes sont longtemps restées par­cellaires, mais se développent aujourd’hui, soulignant la beauté et la vulnérabilité de ces habitats.

 

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La régulation de la pêche européenne a-t-elle sauvé le thon rouge ?

De nombreux stocks de poissons des mers et océans du globe ont longtemps été – et sont encore – surexploités, notamment en Méditerranée. Cette surexploita­tion représente un gaspillage des ressources naturelles et aussi une menace pour la biodiversité. Cependant, des travaux de recherche montrent qu’une partie des espèces pêchées vont mieux, grâce aux mesures de régulation de la pêche. C’est le cas pour les thons rouges de Méditerranée et de l’Atlantique Est. Ces bons ré­sultats ont d’ailleurs incité la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) a autoriser l’augmentation des quotas de pêche pour cette espèce . La question posée est alors : « le thon rouge peut-il supporter cette augmentation des quotas » ?

 

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L’exploitation des ressources halieutiques : pressions sur les écosystèmes marins, état des pêcheries, impacts sur la biodiversité et aménagement de ses usages

En 2015, l’offre de poissons, mollusques et crustacés (collectivement appelés « poisson ») a atteint le chiffre record de 20,3 kg par personne en moyenne. Le poisson demeure l’un des produits alimentaires de base les plus échangés au monde avec comme premier importateur l’Union européenne, devant les Etats-Unis, la Chine et le Japon.

 

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Des aires marines protégées en haute mer : l’Europe pionnière

La mise en place d’aires marines protégées est l’une des mesures phares de conservation de la biodiversité marine. Il s’agit principalement de définir un espace au sein duquel les activités humaines pourront être restreintes et la lutte contre la pollution renforcée, dans l’objectif de protéger un écosystème particulièrement remarquable ou sensible.

 

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Un trésor au fond du jardin… Les mares, “points chauds” de la biodiversité

Alors que le monde change en termes de climat, de paysages, d’usage de l’eau et de politiques environnementales, les mares sont des « points chauds » de biodiversité. Elles abritent en effet une grande diversité d’espèces et de caractéristiques, ou « traits », biologiques (cycle de vie, physiologie, morphologie, comportement, préférences, etc.). En outre, elles jouent un rôle essentiel dans la fourniture de services écosystémiques.

 

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De la pollution aux obstacles sur les cours d’eau : comment lever les barrages à la biodiversité ?

Des ruisseaux le long des jardins aux fleuves qui traversent les villes, les cours d’eau façonnent nos paysages et forment des habitats essentiels pour la biodiversité aquatique. Les milieux humides et les services qu’ils rendent ont fait l’objet d’une évaluation à l’échelle française (Efese) qui paraîtra au cours du premier trimestre 2018.

 

Jérémy Devaux, chargé de mission « Eau et milieux aquatiques » au ministère de la Transition écologique et solidaire a coordonné cette évaluation nationale et nous en présente ici, en avant-première, quelques éléments.

 

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Comment accroître durablement les ressources alimentaires marines ?

La Commission européenne, agissant dans le cadre du processus d’avis scientifique (Commission’s Scientific Advice Mechanism, SAM), a saisi son groupe de conseillers scientifiques de haut niveau sur la question “comment accroître l’extraction de nourriture et de biomasse d’origine marine sans compromettre les bénéfices des générations futures ?”.

 

Le groupe a entrepris ses travaux au début de l’année 2017 ; son rapport a été publié le 30 novembre 2017.

 

La note consultable ci-dessous comprend deux parties :

  • la première fournit des informations sur l’état et les tendances de la production d’aliments animaux d’origine aquatique, et rappelle quels sont les principaux impacts de la pêche et de l’aquaculture sur la biodiversité marine ;
  • la seconde commente les recommandations du groupe d’experts, spécialement au plan des incidences potentielles sur la biodiversité.

#ScienceDurable – Plaidoyer pour les forêts mélangées

La déforestation massive est une réalité sur l’ensemble des continents. Longtemps cantonnée aux forêts tropicales humides du bassin de l’Amazone et de l’Asie du Sud Est, elle concerne maintenant le bassin du Congo et même l’Europe, où la taïga russe est touchée. Dans son rapport de 2015 sur l’état de la ressource forestière dans le monde, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que 3,3 millions d’hectares de forêts sont perdus chaque année, soit 6 hectares ou encore 9 terrains de football chaque minute. Les sources non gouvernementales sont encore plus pessimistes, évaluant la perte de surface forestière à 30 millions d’hectares en 2016.

 

 

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Les zones humides : des réservoirs de biodiversité à préserver

Dans le monde, 64 % des zones humides ont disparu depuis le début du XXe siècle. Si les grands projets d’infrastructures et d’urbanisation ainsi que l’intensification de l’agriculture ont conduit à l’assèchement de ces zones, nos sociétés prennent aujourd’hui un peu plus conscience de la nécessité de les préserver. Ainsi, 74 % des Français se sont montrés favorables à l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, situé sur une zone humide. A l’occasion de la journée mondiale des zones humides et en lien avec le prochain rapport de l’Ipbes sur l’état de la biodiversité en Europe, Pierre Caessteker, chargé de mission à l’Agence française pour la biodiversité (AFB), revient sur les effets bénéfiques de ces écosystèmes, essentiels au cycle de l’eau et à la biodiversité.

 

L’article est consultable dans les ressources ci-dessous. 

Des chimpanzés pharmaciens

Au cœur des forêts congolaises et ougandaises, les chimpanzés malades se livrent à un véritable travail de pharmacien ; ils sélectionnent avec minutie des plantes qu’ils utilisent, selon le contexte, pour nettoyer leurs plaies, réguler leur digestion ou encore soulager leurs maux. Un individu infesté par des parasites s’éloigne de façon inhabituelle de son groupe pour mastiquer de l’écorce d’Albizia, un arbre qui ne fait pourtant pas partie de son régime alimentaire habituel. Peu de temps après, il est guéri et ses selles ne présentent plus de trace du parasite.

 

Les chimpanzés ne se contenteraient pas de se soigner ; ils pourraient également prévenir les maladies. Il leur arrive ainsi de mastiquer les feuilles très amères de Trichilia rubescens, celles-ci n’ayant pourtant aucune valeur nutritive. Ces feuilles contiennent des molécules qui peuvent les protéger du paludisme. Comme les plantes médicinales peuvent s’avérer toxiques lorsqu’elles sont consommées en grande quantité, il faut donc que les chimpanzés dosent la quantité ingérée en fonction de leurs besoins, de leur condition physique et des propriétés de la plante. Dans plus d’un tiers des cas, les plantes qu’ils sélectionnent sont similaires à celles utilisées par les Hommes en médecine traditionnelle dans des contextes semblables.

 

Ces quelques exemples témoignent de la capacité des chimpanzés à choisir des plantes ou parties de plantes qui contribuent au maintien ou à l’amélioration de leur santé, et à éviter celles qui pourraient empirer leur état. Ces conclusions ont pu être formulées grâce à la mobilisation de plusieurs expertises. Les analyses vétérinaires des fèces couplées à des observations comportementales fournissent ainsi des indications précieuses sur l’état de santé des animaux. En mettant ces données en relation avec celles issues de la récolte et l’analyse botanique, biologique et chimique des plantes sélectionnées par les primates, l’équipe de recherche de Sabrina Krief a mis en évidence la capacité d’automédication chez les grands singes.

 

La consommation de plantes médicinales se vérifie même dans le cas de chimpanzés orphelins élevés par l’Homme et relâchés en milieu naturel, ce qui amène à s’interroger sur l’origine de cette capacité. L’apprentissage se fait-il par transmission de savoir entre générations ou individus d’un même groupe ? Résulte-t-il d’un phénomène de mimétisme ou d’un apprentissage individuel par essai-erreur ? Quelle est la part innée de cette capacité ? Pour tenter de répondre à ces questions, Sabrina Krief et son équipe ont mené des études comparatives chez plusieurs espèces de grands singes africains, en milieu naturel comme en captivité. Celles-ci confirment l’existence d’essai-erreur individuel mais également l’importance de la transmission sociale dans le choix des substances à activités biologiques chez les chimpanzés.

 

Cette faculté des chimpanzés à adapter leur alimentation en fonction de leur état de santé est une belle découverte en matière de comportement animal ; elle s’avère également être une source d’espoir en termes de santé humaine. A ce jour, les Hommes n’ont en effet exploré qu’environ 10% des plantes à la fois pour leurs propriétés chimiques et biologiques. L’observation des choix médicinaux des chimpanzés permet de découvrir plus rapidement des plantes aux principes actifs intéressants, qui pourraient servir à la création de nouveaux remèdes. Encore faut-il que ces mêmes hommes ne détruisent pas les forêts tropicales, trésors de biodiversité et habitat des chimpanzés, aujourd’hui menacés de disparition dans un futur proche !

Sortir de la dépendance aux pesticides

Une étude récente publiée dans la revue scientifique Plos One a révélé que 75% de la biomasse des insectes volants a disparu en moins de 30 ans en Allemagne. L’intensification agricole et en particulier l’usage des pesticides est la cause probable de ce déclin vertigineux, loin devant d’autres facteurs de pression tels que le changement climatique, l’augmentation de la population humaine ou encore le changement d’usage des terres. Face à ce constat, est-il possible de réduire voire de se passer des pesticides sans impacter pour autant les rendements de la filière agricole ?

 

La Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) s’est penchée sur ces questions au travers de la Note : Sortir de la dépendance aux pesticides, consultable ci-dessous.

La revue systématique

  • Face à l’abondance d’informations, parfois contradictoires, comment faire le tri ?
  • Sur quelles connaissances faire reposer sa décision ?
  • Quelles solutions appliquer efficacement selon les circonstances ?
  • Comment sortir des querelles d’experts et des conflits d’intérêt ?

 

Une revue systématique consiste à collecter le maximum de connaissances, en réponse à une question structurée, puis à en réaliser une évaluation critique et une synthèse afin que son utilisateur puisse se faire une idée de l’état des savoirs et décider en toute connaissance de cause.

 

Consultez ci-dessous le livre de la FRB sur la revue systématique

 

La méthode Delphi

La consultation d’experts est une méthode très courante pour obtenir des avis et des arguments pour étayer une décision. Néanmoins, le faire sans méthodologie rigoureuse expose à des critiques ou favorise les querelles d’experts.

 

La méthode Delphi a été développée pour pallier ces risques. Elle permet de consulter individuellement et de façon anonyme un grand nombre d’experts (ou de parties prenantes) sur un sujet précis, tout en garantissant la libre expression de chacun. La méthode Delphi fait appel à l’intelligence collective : chaque expert prend connaissance des avis des autres et par ce processus peut revoir ses arguments et ses positions, mais chaque avis reste anonyme et les experts n’interagissent jamais directement. Ainsi se bâtit soit un consensus, soit l’évidence d’une diversité d’avis dont le décideur pourra tenir compte.

 

Consulter ci-dessous le livret de la FRB sur la méthode Delphi.

La maison est en feu

L’équipe a examiné attentivement la littérature scientifique, le financement de la recherche et les articles de presse des États-Unis, du Canada et du Royaume-Uni sur les changements climatiques et la biodiversité entre 1991 et 2016. Elle a constaté que la couverture médiatique du changement climatique est jusqu’à huit fois plus élevée que celle consacrée à la biodiversité, un écart que les différences entre les publications scientifiques sur l’un ou l’autre thème ne peuvent expliquer. Les chercheurs ont noté que la couverture médiatique sur le changement climatique est souvent liée à des événements spécifiques, du type plénière du Giec ou événement climatique exceptionnel, lien que l’on ne retrouve pas pour la couverture médiatique sur la biodiversité.

 

Les auteurs ont quantifié avec précision leurs observations et en ont dégagé des pistes d’action pour que les chercheurs et leurs services en charge de la communication puissent mieux communiquer les points saillants de leurs travaux au grand public et aux politiques.

 

Les coraux : de performantes machines à remonter le temps

Les coraux peuvent fournir des informations sur les variations de certains paramètres au cours du temps, tels que la température des eaux de surface, la salinité ou encore la présence de pollutions d’origine humaine. Comment de simples échantillons de coraux permettent-ils de recueillir autant d’informations ?

 

Les coraux massifs du genre Porites sp. sont les plus fréquemment utilisés en paléoclimatologie. Ces organismes, vivant à faible profondeur, sont particulièrement sensibles aux variations physico-chimiques de leur milieu. Leur squelette calcaire, qui peut atteindre plusieurs mètres de diamètre, incorpore tout au long de leur croissance des éléments chimiques contenus dans l’eau de mer environnante. La radiographie de ce squelette permet d’établir la chronologie de leur croissance. Celle-ci se matérialise, à la manière des cernes d‘un arbre, sous la forme d’une alternance saisonnière de bandes sombres et de bandes claires de périodicité annuelle. Ainsi, l’analyse des éléments chimiques suivant l’axe de croissance du corail apporte des informations sur les variations des paramètres environnementaux et des pollutions anthropiques au cours du temps.

 

Radiographie d’un squelette calcaire de Porites (© IRD-C.E. Lazareth)

 

L’originalité de l’utilisation des coraux par rapport à d’autres archives (carottes sédimentaires ou de glace, stalagmites, etc.) réside dans leur précision temporelle ; en effet, ils permettent d’obtenir des données à une résolution plus fine, à l’échelle mensuelle. Par ailleurs, les Porites forment des colonies très denses à durée de vie longue. Celles-ci permettent de reconstituer des séries temporelles des variations environnementales qui dépassent parfois les 100ans. Grâce à certains fossiles datant du Trias, il est même possible de retracer les conditions climatiques et chimiques des océans pour des périodes géologiques très anciennes. Cela permet de valider ou de réfuter les résultats des modèles servant à estimer les variations futures du climat.

 

Une raison de plus pour protéger ces témoins du passé !

Biodiversité et Agriculture : séparation ou réconciliation ? Une question centrale, des réponses contingentes

Le devenir de l’agriculture et de la biodiversité sont intimement liés. Les impacts de l’agriculture sur la biodiversité sont massifs : transformation des habitats, prélèvements de biomasse et d’eau (plus de 80 % des prélèvements dans ces deux cas), eutrophisation et écotoxicité, émissions de gaz à effet de serre.

Réciproquement, la biodiversité est indispensable à l’agriculture. Elle contribue au maintien de la diversité des ressources génétiques des espèces cultivées et élevées, elle est nécessaire au fonctionnement des agroécosystèmes, à la fertilité des sols et à la pollinisation. Elle offre par ailleurs des perspectives agronomiques majeures, en termes de maintien et d’amélioration du contrôle biologique des ravageurs, d’accroissement de la fertilité des sols, de contribution potentielle à la sécurité alimentaire, de réduction de la pauvreté dans le monde agricole et plus largement rural. En conséquence, si les enjeux liés à la conservation de la biodiversité n’apparaissent directement que dans l’ODD 15, on peut cependant retrouver leur présence indirecte dans près de la moitié des ODD, notamment ceux concernant l’agriculture (ODD 1, 2, 8, 10, 12 et 13).

 

Face à la diversité des enjeux qui lient agriculture et biodiversité, des réponses contrastées sont proposées. C’est notamment l’alternative entre séparation des espaces agricoles et des territoires dédiés à la biodiversité (land sparing en anglais) ou la réconciliation au sein des milieux ruraux des enjeux de production alimentaire et de conservation de la biodiversité (land sharing en anglais). Dans cet article, les auteurs reviennent brièvement sur ces deux options et examinent les points de controverse qui semblent représentatifs des enjeux de la transition écologique.

 

 

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Les aspects économiques et légaux de l’additionnalité des Paiements pour Services Environnementaux

Les Paiements pour Services Environnementaux (PSE) se sont imposés comme un des instruments-clé dans les politiques de protection de la nature. Derrière ces trois lettres maintenant bien connues, les PSE abritent néanmoins des concepts différents. L’article propose de distinguer entre la logique de “compensation” qui revient à payer les personnes pour qu’elles changent leur comportement et celle de “récompense” d’un comportement écologique vertueux. La première se rattache à l’efficience économique, autrement dit obtenir le plus de résultats à moindre coût, tandis que la seconde renvoie à des considérations de justice. Ces deux logiques sont intrinsèquement contradictoires. Nombre de PSE rémunèrent notamment les producteurs pour ne pas mener des activités prohibées, ce qui introduit une autre tension, entre la logique d’incitation et le principe d’égalité devant la loi. Les auteurs proposent une approche pour tenter de surmonter ces tensions.

L’APA pas à pas

Cette nouvelle réglementation encadre les activités de recherche et de développement réalisées sur les ressources génétiques prélevées sur le territoire français ainsi que celles menées à partir de connaissances traditionnelles associées, détenues par les communautés d’habitants présentes en outre-mer (Guyane et Wallis et Futuna).

 

Chercheur caractérisant des ressources génétiques en forêt ou en mer, biologiste en quête de nouvelles espèces aux propriétés intéressantes pour une entreprise cosmétique, microbiologiste travaillant sur des virus, bactéries ou parasites, sélectionneur de plantes, gestionnaire d’un centre de ressources diffusant des échantillons, ethnobiologiste recensant les pratiques médicinales d’une communauté d’habitants ou encore communauté autochtone et locale ayant des connaissances sur une plante, l’APA vous concerne.

 

Le guide “L’APA pas à pas” est consultable en ligne ou téléchargeable ci-dessous. Conçu sur la base du guide L’APA pas à pas, le dépliant téléchargeable également ci-dessous propose des repères pour la compréhension et l’application du principe d’accès et de partage des avantages par les utilisateurs.

Un remède qui fait mouche pour soigner la biodiversité

Finalement, c’est une petite abeille tout droit venue de Sumatra qui s’est avérée être le bon remède. Cibdela janthina, dite “la mouche bleue”, a suivi depuis 1997 toute une batterie de tests menés par le Cirad, avant d’être déclarée apte à soigner la biodiversité réunionnaise. Ce petit hyménoptère a la particularité de s’attaquer exclusivement au genre Rubus, dont fait partie la vigne marronne. Suite à son introduction sur l’île en 2007, les résultats ne se sont pas faits attendre ; 700 hectares autrefois colonisés ont aujourd’hui été rendus à la nature ! La vigne marronne ne prospère désormais plus qu’au-delà de 1 200 mètres d’altitude, dans les zones difficilement accessibles pour la mouche bleue.

 

La lutte biologique contre une population envahissante s’apparente au test d’un nouveau traitement. Elle doit être étudiée, adaptée, spécifique. Parfois c’est une réussite, comme ce fut le cas pour la vigne marronne avec la mouche bleue. Dans d’autres cas, le traitement agit de la manière voulue mais entraîne des effets secondaires désastreux.

 

Être en mesure de soigner la biodiversité sans jouer au savant fou est une des ambitions du projet Coreids, développé au Cesab et porté par le chercheur en écologie François Massol et Patrice David. Il analyse à la loupe le fonctionnement des écosystèmes ; quelles sont les différentes espèces qui contribuent à leur équilibre ? Comment interagissent-elles ? Quels pourraient être les effets d’un perturbateur comme ce fut le cas avec la vigne marronne ? Tous ces éléments permettront, à terme, de mieux comprendre et anticiper les menaces qui pèsent sur la biodiversité… pour mieux prévenir et moins guérir.

Les apports fondamentaux de la recherche sur la biodiversité aux négociations sur le climat

Souvent négligée dans les débats sur les leviers d’action pour le climat, la biodiversité doit pourtant être prise en compte selon trois axes essentiels pour que les actions pour le climat soient efficaces et ne s’accompagnent pas de conséquences négatives pour la biodiversité :

  1. Les impacts du changement climatique sur la biodiversité et les écosystèmes doivent être mieux compris, justifiant d’autant plus le besoin d’agir rapidement pour minimiser le changement et de repenser les actions de conservation in situ ;
  2. Les solutions apportées par la biodiversité pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique doivent être mieux connues et reconnues par les négociateurs comme les réponses les plus économiques, apportant de multiples bénéfices en termes de développement durable ;
  3. Les politiques et mesures pour le climat ne reposant pas sur la préservation de la biodiversité doivent faire l’objet d’une évaluation d’impact ex ante, pour s’assurer qu’elles ne sont pas contradictoires avec l’impératif de protection de la biodiversité.

 

Les travaux du Giec et de l’Ipbes contribuent ensemble à répondre à ces questions et fournissent aux décideurs des informations reposant sur les connaissances scientifiques existantes les plus solides à ce jour. Ils rendent évident que les changements climatiques et l’érosion de la biodiversité ne pourront être stoppés l’un sans l’autre.

 

Consultez, dans les ressources ci-dessous, les notes :

  • Biodiversité et climat : un même combat international
  • Articulation CDB – Ipbes – Giec

Énergie renouvelable et biodiversité : les implications pour parvenir à une économie verte

En raison de leur rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique, les filières de production d’énergie à partir de sources dites « renouvelables » sont souvent implicitement considérées comme favorables à l’environnement alors qu’elles ont toute des impacts, plus ou moins importants sur la biodiversité et les écosystèmes, ainsi que le démontre cette revue de la littérature qui a analysé plus de 500 références scientifiques.

 

Les impacts sont variés, mais ils seront d’autant plus importants que ces solutions énergétiques seront déployées à grande échelle pour permettre une transition rapide vers une économie verte. Si ces pressions varient considérablement entre les différentes filières et les contextes environnementaux dans lesquels elles opèrent, l’impact majeur, commun à toutes les filières, est la perte ou la modification des habitats. Mais d’autres effets négatifs existent comme les traumatismes parfois mortels, la pollution, l’émission de gaz à effet de serre, la compétition pour les usages de l’eau ou encore l’induction de comportement d’évitement, les invasions biologiques ou la modification des micro-climats locaux qui perturbent les écosystèmes.

 

Consultez la synthèse complète dans les ressources ci-dessous.

 

Le résumé des effets négatifs et positifs par filière listés dans la revue est présenté ci-après :

 

Énergie solaire

 

Effets négatifs sur la biodiversité

  • Perte ou fragmentation des habitats : c’est l’effet sur la biodiversité le mieux documenté
  • Collision des oiseaux avec les installations
  • Brûlures occasionnées aux oiseaux exposés aux flux solaires intenses. Ceci pourrait occasionner la mort de milliers d’oiseaux
  • Pollution des masses d’eau à partir de produits chimiques toxiques utilisés pour le traitement des panneaux solaires et des sols (herbicides)
  • Utilisation croissante de l’eau (en particulier dans les déserts)
  • Attraction et désorientation des insectes et des oiseaux causés par une lumière intense ou polarisée
  • Piège écologique en raison de mécanismes attracteurs cumulatifs
  • Perturbation du micro-climat local

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité

  • Fourniture de zones de couverture ou d’habitat et d’alimentation (par exemple, pâturages) pour certains animaux

 

Énergie éolienne terrestre

 

Effets négatifs sur la biodiversité

  • Collision d’oiseaux et de chauves-souris avec des éoliennes.Comme pour les oiseaux les risques ne concernent pas seulement les espèces locales, mais aussi les espèces migratrices
  • Traumatismes internes (barotrauma) chez les chauves-souris associés à des réductions soudaines de pression de l’air à proximité des pales
  • Perturbation des voies migratoires pour certaines espèces d’oiseaux et de chauves-souris : c’est une des incidences les mieux documentées et le plus étudiées

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité

  • Constitution de territoires favorables pour certaines espèces terrestres en raison de la réduction du trafic, de la disponibilité en ressources alimentaires et de la réduction de prédateurs

 

Énergie hydraulique

 

Effets négatifs sur la biodiversité

  • Disparition d’écosystèmes (lors de la mise en eau des barrages) y compris les réserves naturelles, fragmentation des habitats
  • Perturbation des flux hydriques en amont et en aval des installations hydroélectrique
  • Perturbation des voies migratoires de certaines espèces de poissons
  • Détérioration de la qualité de l’eau en raison des changements dans la charge en sédiments, la turbidité et l’eutrophisation
  • Émissions de GES par les réservoirs qui contribuent au changement climatique anthropique

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité

  • Création de nouveaux habitats ou de nouveaux écosystèmes

 

Bioénergie

 

Effets négatifs sur la biodiversité

  • Perte, fragmentation, simplification et homogénéisation des habitats en raison de la mise en place de monocultures intensives et pertes de biodiversité associées
  • Pollution du sol et de l’eau associée à l’utilisation d’engrais et pesticides qui provoque toxicité et eutrophisation,
  • Emissions de polluants dans l’air ambiant qui contribuent à l’acidification et à la formation d’ozone troposphérique, émission de GES pendant tout le cycle de vie de la production de bioénergie qui contribue au changement climatique anthropique
  • Modification des micro-climats locaux en raison des changements dans l’albédo et l’évapotranspiration
  • Concurrence avec la végétation indigène de certaines espèces utilisées comme matières premières (par exemple, Eucalyptus, Miscanthus)

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité

  • Fourniture d’habitat, alimentation et autres services écosystémiques de soutien par certaines surfaces recouvertes de plantes énergétiques (par exemple : Miscanthus, Panicum virgatum –switchgrass-)

 

Énergie des mers

 

Effets négatifs sur la biodiversité

  • Perturbations des milieux liées à la construction des installations d’énergie océanique, (par exemple pollution sonore qui affecte certaines espèces aquatiques, en particulier les mammifères marins)
  • Perte ou changement d’habitats associés à la mise en place des fondations des installations ancrés dans le fond marin, la mise en eau permanente des portions des estuaires situés en amont des structures marémotrices, la modification des processus hydrodynamiques et de sédimentation
  • Augmentation de la turbidité dans la colonne d’eau due aux perturbations des fonds marins, changements dans la salinité, afflux d’eau plus oxygénée dans les structures marémotrices
  • Pollution électromagnétique associée aux câbles sous-marins et chimique provenant de lubrifiants et peintures toxiques
  • Changement de composition des communautés de poissons benthiques en raison de pertes d’habitats
    Perturbation des déplacements et de l’alimentation des espèces locales et migratrices
  • Mortalités d’espèces dans les structures marémotrices, collision des oiseaux avec les éoliennes marines et des espèces aquatiques avec des dispositifs utilisant l’énergie des vagues
  • Mortalité des poissons tropicaux en raison des chocs thermiques générés par certaines installations

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité

  • Protection de la biodiversité par la création de zones interdites d’accès aux activités de pêche et de transport (par exemple les champs d’éoliennes marines)
  • Abris pour certaines espèces notamment autour des parcs éoliens marins et les infrastructures basées sur l’exploitation des vagues et des marées

 

Énergie géothermique

 

Effets négatifs sur la biodiversité

  • Perte d’habitat pendant la conversion des zones naturelles en installations géothermiques
  • Changement d’habitat au cours du déboisement du site, de la construction de routes, du forage des puits et des sondages sismiques qui affecte les processus de reproduction, de recherche de nourriture et de migration de certaines espèces
  • Émissions de polluants toxiques tels que le H2S, l’arsenic et l’acide borique qui peuvent défolier les plantes ou être incorporés par les organismes
  • Pollution par le bruit et la chaleur des installations géothermiques

 

La revue propose aussi pour chaque filière des mesures d’atténuation permettant d’éviter, minimiser, restaurer ou compenser les impacts, la plus emblématique d’entre elle étant la localisation des installations dans les zones à faible biodiversité, mais le choix de technologies moins impactantes, la planification en amont incluant des procédures de préservation de la biodiversité ou la mise en place systématique d’éléments favorables à la biodiversité au sein ou autour des infrastructures est aussi recommandé. Les auteurs préconisent également de profiter des emprises territoriales, parfois importantes, de ces infrastructures pour créer et maintenir des réserves naturelles dans lesquelles les activités humaines sont réduites.

Un important travail reste à conduire pour renforcer l’acquisition de connaissances sur les impacts réels de ces filières sur les différents compartiments de la biodiversité (des espèces aux écosystèmes) et développer des outils d’évaluation pertinents et efficients.

En effet, la transition énergétique ne pourra se passer de l’exploitation des ressources énergétiques renouvelables. Il est donc essentiel que son développement et les politiques publiques associées prenne en compte la biodiversité. Ceci est d’autant plus crucial que le développement à grande échelle de la transition vers une économie verte démultipliera, parfois de façon exponentielle les effets directs et indirects de ces filières sur l’environnement en général et la biodiversité en particulier.

Au gré des vagues : le voyage de l’albatros hurleur à travers le monde

Si vous vous allongez sur un matelas de mousse, les pieds qui pendent depuis une falaise haute de 200 mètres, sous un ciel sub-antarctique gris et venteux, vous entendrez le piétinement de l’albatros hurleur (Diomedea exulans) alors qu’il se prépare à décoller pour son long voyage. Le vent s’engouffre dans ses ailes d’une envergure de 3 mètres de long et élève l’oiseau gigantesque dans les airs, le propulsant pour un nouveau voyage dans les vastes étendues de l’Océan Austral.

 

Son incroyable voyage dure plusieurs mois pendant lesquels il fait le tour du globe. Pour nous, l’océan austral est un endroit difficile d’accès, dangereux même, mais pour les albatros, les conditions de vent extrêmes sont une aubaine. Leurs corps profilés et leurs longues ailes étroites leur donnent la possibilité d’utiliser le vent comme nul autre oiseau, extrayant l’énergie des vagues pour se maintenir aéroportés. Ce mode de locomotion est si efficace que les oiseaux peuvent voyager pendant des milliers de kilomètres sans battre une seule fois des ailes !

 

Que se passe-t-il pendant ce long voyage ? Comment l’oiseau navigue-t-il autour du globe ? Où trouve-t-il sa nourriture ?

 

 

Grâce à un petit enregistreur de données parfois relié aux satellites et qui est porté par l’oiseau, ces questions trouvent progressivement leurs réponses. L’appareil fournit des emplacements très précis plusieurs fois par jour. A l’aide de ces données combinées avec celles issues d’autres albatros, de phoques et de manchots, les chercheurs du groupe d’analyse et de synthèse « RAATD » pourront identifier quelles zones de l’immense Océan Austral sont particulièrement importantes pour tous ces animaux et, ainsi, mieux guider la conception de nouvelles stratégies de gestion pour protéger l’oiseau, ses descendants, et son écosystème pour de nombreuses générations à venir.

 

Renard et risque de transmission de la maladie de Lyme : un effet en cascade

Dans le monde, l’incidence des maladies dites vectorielles (c’est-à-dire transmises par un vecteur vivant à l’Homme ou à l’animal) a augmenté ces dernières décennies. C’est le cas pour les maladies à tiques dans le nord-ouest de l’Europe (maladies transmises par Ixodes ricinus) et dans le nord-est des États-Unis (Ixodes scapularis).

Certaines de ces maladies sont très invalidantes, comme c’est le cas pour la maladie de Lyme.

 

C’est ainsi que les résultats de recherche de l’équipe de Tim R. Hofmeester de l’Université de Wageningen menés sur 20 parcelles forestières aux Pays-Bas, démontrent que l’activité des prédateurs, en régulant les populations de rongeurs porteurs peuvent abaisser le nombre de tiques dans un écosystème et que moins il y a de tiques, moins elles sont elles-mêmes infestées par des pathogènes comme la bactérie responsable de la maladie de Lyme.

 

La mise en évidence de ce phénomène n’est pas nouvelle. Dès 2012, Levy et al.1 avait démontré que si l’émergence de la maladie de Lyme en Amérique du Nord était due à l’augmentation de la population de cerfs, l’augmentation rapide de l’incidence de la maladie dans le nord-est et le mid-ouest des USA ces 30 dernières années, était due à la diminution du renard roux prédateur spécialiste des rongeurs, hôtes privilégié pour la majorité des tiques.

Cette étude montre le rôle important des prédateurs dans la régulation des populations animales et les possibles effets en cascade induits par un déséquilibre de l‘écosystème. Il manquait néanmoins la confirmation de ces résultats par des données en situation réelle, sur le terrain, ce que s’est attaché à faire la présente étude.

Néanmoins cette étude est la première à établir, par des analyses de terrain, une corrélation négative entre l’activité des prédateurs, la densité totale des nymphes et la densité des nymphes infectées pour trois agents pathogènes transmissibles par les tiques. Elle confirme donc que des changements dans l’abondance des prédateurs ont des effets en cascade sur la transmission des pathogènes entre différentes espèces hôtes et que la protection des espèces prédatrices telles que le renard roux, la fouine ou le putois est une solution fondée sur la nature pour diminuer la prévalence des maladies transmises par les tiques.

 

  • Consultez la synthèse dans les ressources ci-dessous. 

 

 

Zoom sur la maladie de Lyme

La maladie de Lyme a été décrite pour la première fois en Suède en 1909 sous forme d’un érythème chronique migrant (une tâche annulaire rougeâtre qui grandit lentement). La première vraie épidémie associant polyarthrite et érythème migrant a été diagnostiquée en 1972 dans la ville de Lyme dans le Connecticut, mais il a fallu attendre 1982 pour qu’un médecin américain, Willi Burgdorfer isole la bactérie qui sera nommée Borrelia burgdorferi.

Les tiques vivent dans les zones boisées et humides et sont endémiques en France.

 

Chez l’Homme, la maladie se développe pendant plusieurs années, tout d’abord sous forme de symptômes cutanés (l’érythème migrant), puis neurologiques (raideurs de la nuque, céphalées, vomissements), avec éventuellement des douleurs articulaires ou des problèmes cardiaques.
Le nombre de cas avoisine les 27 000 chaque année, ce qui a conduit le ministère de la santé à publier en 2016, le plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques.

 

1. Levi T, Kilpatrick MA, Mangel M, Wilmers CC (2012). Deer, predators, and the emergence of Lyme disease. Proceedings National Academy of Sciences USA 109: 10942–10947.

Le rat taupe nu : l’habit ne fait (vraiment) pas le moine

En apparence, le rat taupe nu n’a rien pour plaire. Il n’est ni grand, à peine 33 cm de long, ni imposant, tout juste un petit kilo, ni beau avec sa peau fripée et ses dents saillantes. Par contre, sa physiologie est une énigme que les chercheurs tentent de décrypter depuis plusieurs années. En effet, non seulement il vit 10 fois plus longtemps que ses congénères murins, mais il reste fertile jusqu’à sa mort, résiste aussi aux polluants les plus agressifs et il ne développe jamais de maladies. Récemment, des scientifiques ont aussi démontré qu’il pouvait survivre près de 20 minutes sans oxygène.

 

L’ambition de la Fondation pour la recherche en physiologie, dont le siège est situé à Woluwe-Saint-Lambert en Belgique, est de créer le premier élevage de rat taupe nu au niveau mondial pour promouvoir les recherches sur les mécanismes de protection développés par cet animal.

En effet, cette petite souris nue qui vit dans les sous-sols de l’Afrique de l’est est un excellent modèle pour étudier les mécanismes du vieillissement, du cancer, des maladies cardiovasculaires ou neurodégératives et des maladies liées à l’âge pour à terme, lutter contre l’ensemble de ces pathologies chez l’Homme.

Ce petit animal est un bon exemple des extraordinaires services que la biodiversité peut rendre à l’humanité. Préserver le potentiel de découvertes scientifiques passe donc par la préservation de la biodiversité en milieu naturel.

Vertébrés continentaux : la sixième extinction est en marche

L’étude alarmante, publiée le 10 juillet dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) et qui conclue à l’accélération de la sixième extinction des vertébrés continentaux, a largement été relayée dans les médias.

 

Dans un résumé court et précis, Philippe Gros, directeur scientifique à l’Ifremer et membre du conseil scientifique de la FRB, revient sur les points scientifiques majeurs de l’article et le compare à celui de David Tilman et al. sur la Prédiction des menaces futures sur la biodiversité et pistes pour les réduire dont la synthèse a été réalisée par Jean-François Silvain, directeur de recherche à l’IRD et président de la FRB.

 

Consultez la synthèse dans les ressources ci-dessous. 

L’éclairage nocturne, une nouvelle menace pour la pollinisation

Les pollinisateurs sont en déclin dans le monde entier, ce qui génère des inquiétudes quant à la diminution, en parallèle, du service de pollinisation qu’ils fournissent à la fois aux cultures et aux plantes sauvages et qui est essentiel. Les facteurs anthropiques liés à ce déclin incluent les changements d’habitats, l’agriculture intensive, les pesticides, les espèces exotiques envahissantes, la propagation des agents pathogènes et le changement climatique.

 

Les conséquences de cette augmentation de l’éclairage nocturne sur le fonctionnement des écosystèmes sont généralement inconnues, or il a été suggéré récemment que l’augmentation mondiale et rapide des éclairages artificiels nocturnes pourrait constituer une nouvelle menace pour les écosystèmes terrestres.

 

L’article l’éclairage artificiel nocturne, une nouvelle menace pour la pollinisateurs d’Eva Knop et al montre que l’éclairage artificiel perturbe les réseaux nocturnes de pollinisation et a des conséquences négatives sur le succès reproducteur des plantes.

 

Si on éclaire artificiellement des communautés plantes-pollinisateurs, les visites nocturnes des pollinisateurs sur les plantes sont réduites de 62 % par rapport aux zones non éclairées. Il en résulte une réduction globale de 13 % du nombre de fruits d’une plante particulière, alors même que cette plante a également reçu de nombreuses visites de pollinisateurs diurnes.

 

Ces résultats démontrent également que l’éclairage artificiel de nuit affecte les pollinisateurs nocturnes au point d’entrainer une production de fruits plus faible des plantes qu’ils pollinisent, pouvant affecter en retour les pollinisateurs diurnes, étant donné que ces plantes représentent une source alimentaire importante pour eux.

 

L’article fournit des perspectives sur le fonctionnement des communautés de pollinisateurs et démontre que les pollinisateurs nocturnes ne sont pas redondants par rapport aux communautés diurnes.

 

Ces résultats contribuent à améliorer notre compréhension du déclin des pollinisateurs et de leurs services écosystémiques.

 

La pollinisation par les animaux est essentielle au fonctionnement des écosystèmes naturels, notamment aux communautés de plantes sauvages et apporte un service écosystémique crucial pour l’approvisionnement alimentaire mondial. 88 % de toutes les angiospermes en dépendent à des degrés divers et la valeur économique estimée de la pollinisation était de 361 milliards de dollars américains en 2009.

 

L’inquiétude porte sur le devenir de la pollinisation assurée par les insectes qui pourrait être menacée en raison d’une baisse mondiale des pollinisateurs sauvages et domestiques consécutivement aux activités humaines. Les principaux facteurs à l’origine de ce déclin sont la perte et la dégradation des habitats, l’agriculture conventionnelle intensive, incluant l’utilisation de pesticides, les espèces exotiques envahissantes, les organismes nuisibles et les agents pathogènes et les changements climatiques.

 

 

Le résumé de Philippe Gros et la synthèse de Jean-François Silvain sont téléchargeables dans les ressources ci-dessous. 

Néonicotinoides : des nouvelles connaissances scientifiques sur leur impact sur les abeilles

Les néonicotinoïdes sont des insecticides, c’est-à-dire des produits chimiques dont l’objectif est de tuer des insectes dit « cibles », ravageurs des monocultures commerciales modernes. Les molécules comme le thiamethoxam, l’imidaclopride ou le clothianidine sont des insecticides systémiques, c’est-à-dire qu’elles percolent dans les tissus des plantes traitées, soit directement par enrobage des semences, soit par épandage sur les sols.

 

Les connaissances sur la responsabilité des néonicotinoïdes au déclin des pollinisateurs sont de plus en plus nombreuses. Néanmoins, même si de nombreuses études ont démontré les effets toxiques des néonicotinoïdes sur les pollinisateurs et autres espèces animales, ou encore leurs effets négatifs sur la santé des abeilles y compris à des doses sub-létales, il est toujours délicat de discriminer leurs effets spécifiques de ceux d’autres pressions comme la perte des habitats, le changement climatique ou les pathogènes. Par ailleurs, si certaines études ont démontré que ces molécules augmentaient la mortalité des colonies d’abeilles domestiques en réduisant leur capacité à entretenir la ruche et le succès reproductif des bourdons sauvages et des abeilles solitaires, d’autres n’ont décelé aucun effet. Peu d’informations sont disponibles sur la survie des colonies sur le long terme dans un contexte d’exposition à ces pesticides. Il est en effet difficile de déterminer à quel point ces molécules affectent les abeilles et plus largement leurs colonies sur le long terme.

 

Les principales critiques portées aux études antérieurs sur les néonicotinoïdes étaient que les expérimentations n’avaient pas été conduites dans des conditions d’exposition réalistes, similaires à celles retrouvées au champ. De plus, les études toxicologiques n’utilisaient ni des doses d’insecticides ni des durées d’exposition réalistes, ces doses et durées n’ayant jamais été réellement quantifiées alors qu’elles constituent deux paramètres clés pour établir des liens de cause à effet. Ces différents éléments d’incertitude ont été repris dans l’évaluation relative à la pollinisation, les pollinisateurs et la sécurité alimentaire, publiée en 2016 par la plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques.

 

Dans ce contexte de présomption d’effets négatifs avérés des insecticides néonicotinoïdes sur les abeilles, qui a conduit à l’interdiction de ces produits en France (loi du16 aout 2016 pour la reconquête de la biodiversité), deux articles scientifiques ont été publiés le 30 juin dernier dans le journal Science.

 

Tsvetkov et al. ont ainsi démontré qu’au Canada, en zone de production de maïs, les abeilles domestiques étaient exposées aux néonicotinoïdes pendant quatre mois, correspondant à la majorité de leur période d’activité et ce, à des niveaux significatifs malgré l’obligation faite aux agriculteurs d’utiliser des lubrifiants pour réduire les émissions de poussières contaminées en pesticides. Ils ont mis également en évidence que ces molécules, aux doses de terrain, avaient de nombreux effets négatifs préoccupants pour les colonies d’abeilles domestiques expliquant leur affaiblissement, et à terme leur dépérissement : une mortalité précoce des butineuses de 23% supérieure à celle des colonies non contaminées, une propension à l’essaimage combinée à une difficulté à élever une nouvelle reine réduisant le temps efficace de ponte et une perte au fil du temps de la capacité hygiénique de la colonie. Enfin, les scientifiques ont établi qu’en présence du boscalide, (un fongicide commun utilisé notamment en association avec certains insecticides), la toxicité de deux néonicotinoïdes, la clorthianidine et le thiamothoxam étaient presque doublée.

 

En conduisant plusieurs études de terrain en Hongrie, Allemagne et Royaume Unis pour évaluer les effets des insecticides néonicotinoïdes sur trois espèces de pollinisateurs, Woodcock et al. ont, quant à eux, démontré que l’exposition aux néonicotinoïdes a des effets majoritairement négatifs sur le potentiel reproductif interannuel des insectes étudiés et que même si les taux d’exposition aux néonicotinoïdes sont faibles, ils provoquent des impacts sublétaux susceptibles de diminuer la survie à long terme des populations. Des effets négatifs associés au traitement par la clothianidine ont été observés chez les ouvrières d’Apis mellifera, en Hongrie, conduisant à des colonies plus petites au printemps suivant avec un taux de déclin de 24%. Quant aux espèces sauvages Bombus terrestris et Osmia bicornis les auteurs ont démontré que l’exposition aux résidus de néonicotinoïdes, principalement ceux stockés dans les nids et découlant de la contamination environnementale généralisée, diminuait pour les premiers la production de reines et pour les seconds la production d’œufs. Ces différents impacts altérant le succès reproducteur des populations de pollinisateurs domestiques ou sauvages réduisent la capacité de ces espèces à établir de nouvelles populations d’année en année et pourraient expliquer leurs déclins, actuellement largement documentés. Par ailleurs, les résultats obtenus dans trois pays différents démontrent l’importance des facteurs spécifiques et locaux qui expliquent probablement les résultats discordants des études antérieures conduites dans un seul pays ou sur un nombre de sites réduit.

 

Consultez, dans les ressources ci-dessous, les synthèses des deux articles. 

Lire l’avenir dans le marc de Broméliacées

Et si la biodiversité nous permettait de lire notre avenir ? C’est le constat de l’équipe de Régis Ceregino, chercheur à l’université de Toulouse qui étudie à la loupe les broméliacées. Nombre de ces plantes à fleur contiennent de petits réservoirs d’eau de pluie qui abritent algues, bactéries, champignons, larves d’invertébrés et petites grenouilles. Véritables versions miniatures des lacs, les broméliacées ont, entre autres avantages, de répondre rapidement au changement. Alors qu’il faut des dizaines voire des centaines d’années à un grand lac pour réagir à une mutation, les broméliacées répondent, quant à elles, en quelques semaines.

 

Ainsi suffit-il de manipuler leur environnement pour simuler une déforestation ou le changement climatique. De leur réponse, les chercheurs tirent des règles écologiques. Lorsqu’ils simulent le changement climatique où les pluies se font rares, les broméliacées s’assèchent. Les premières espèces à être touchées sont les petits prédateurs qui vont alors relâcher la pression sur leurs proies. Les conséquences vont être nombreuses, y compris pour l’homme. Dans ces systèmes stagnants se trouvent des larves de moustiques qui, en l’absence de prédateur, risquent de pulluler, et potentiellement transmettre des virus. La morale de l’histoire ? La biodiversité est un ensemble d’espèces en interaction. L’élimination d’espèces dans un contexte de changement global peut avoir des conséquences en cascade et un coût (très) élevé pour la société.

Un drôle d’objet rampant non identifié

Je vis dans les sous-bois et suis composé d’une seule cellule de 10 mètres carré, je ne suis ni un animal, ni une plante, ni un champignon, ni une bactérie, je résiste au feu, mais je crains la lumière ou la congélation, je cicatrise en deux minutes, j’ai 720 types sexuels et plus de 1000 espèces, je suis dépourvu de système nerveux, mais je sais résoudre des problèmes : qui suis-je ?

 

Il s’agit d’un amibozoaire du genre Physarum surnommé le blob.
Cet organisme primitif de un milliard d’années présente des caractéristiques extraordinaires y compris en terme d’apprentissage et de mémorisation qui lui permettent de résoudre des problèmes d’accès à la nourriture de façon extrêmement rapide et efficace.

 

Cet organisme est étudié depuis plusieurs années par Audrey Dussutour, chercheuse au CNRS (Université Toulouse III – Paul Sabatier) qui cherche à évaluer ses capacités “d’habituation”, une forme d’apprentissage rudimentaire qui semble être très développée chez les blobs.
Un ouvrage grand public est sorti fin avril 2017 aux éditions Equateur-science et présente sur un mode vulgarisé les dernières avancées scientifiques incroyables sur la biologie et les capacités d’adaptation de cet organisme très particulier.
(À se procurer ici ou )

Biodiversité – Une clé à destination des acteurs économiques

Au sommaire :

  • Qu’est-ce que la biodiversité ?
  • En quoi nous concerne-t-elle ?
  • Dans quel état est-elle ?
  • Quelle est sa dynamique ?
  • Comment évolue-t-elle ?
  • Comment la préserver ?
  • Pourquoi est-il nécessaire de mieux la connaître scientifiquement ?

 

Ce document, consultable ci-dessous, est particulièrement destiné aux acteurs économiques.

#ScienceDurable – Menaces futures sur la biodiversité et pistes pour les réduire

Les changements environnementaux associés aux activités humaines impactent la biodiversité terrestre. Aujourd’hui, 80 % des espèces de mammifères et d’oiseaux sont menacées par les pertes d’habitats associées à l’agriculture. En “Asie”1, en Afrique subsaharienne et en Amérique du Sud tropicale, ces espèces présentent des risques d’extinctions majeurs qui, sans important changement de pratiques, atteindront des niveaux sans précédent au cours des prochaines décennies. Ces menaces – mais aussi les pistes pour les réduire – ont été examinées par l’équipe de David Tilman dans l’article Prédiction des menaces futures sur la biodiversité et pistes pour les réduire paru dans la revue Nature au mois de juin. D’après les auteurs, la combinaison des solutions présentées pourrait annuler entre la moitié et les deux-tiers des risques prévus en 2060 pour ces animaux.

 

Deux facteurs principaux sont corrélés avec un risque d’extinction des mammifères et les oiseaux : l’accroissement des surfaces cultivées et le revenu par habitant. Ces facteurs sont étroitement liés à la croissance démographique à l’origine de l’augmentation de la demande en protéines animales et par voie de conséquence de la demande en terres agricoles, de la destruction des habitats et de leur fragmentation. La région « Asie », dont le PIB a été multiplié par 7 ces 30 dernières années, voit ainsi le risque d’extinction de ses grands mammifères porté à 62 % au cours des 5 prochaines décennies.

 

Par ailleurs, entre 2010 et 2060, la population humaine devrait croître de 3,2 milliards d’habitants, dont 1,7 milliards en Afrique sub-saharienne.

 

Les auteurs ont calculé la demande de terres pour chaque pays en 2060 et le taux de besoin de terres par pays, ceci sous l’hypothèse « business as usual ». Les Land Demand ratio les plus élevés sont attendus en Afrique sub-saharienne. Les pays de cette région devront disposer de 380 à 760 % de terres agricoles supplémentaires en 2060. 710 millions d’ha de terres agricoles seront nécessaires sur la planète dont 430 en Afrique sub-saharienne, une surface équivalent à celles des Etats-Unis.

 

Pour prévoir les risques en 2060, les auteurs ont réalisé une projection en prenant en compte ces taux de changement d’usage des terres et les prévisions de revenu par habitant envisagés pour 2060 pour les régions les plus à risques, c’est à dire l’Asie, l’Afrique subsaharienne et l’Amérique du Sud tropicale. Pour plus de la moitié des pays concernés de ces régions, les menaces d’extinction seront sans précédent. Selon les régions, et selon les tailles de mammifères et d’oiseaux les risques d’extinction devraient croître d’une à deux catégories de la liste rouge de l’UICN.

 

Dans l’objectif de réduire de tels risques, les auteurs distinguent deux grands types de mesures, d’une part la poursuite et l’expansion des pratiques de conservation basées sur les aires protégées et d’autre part des actions qui privilégient des changements de pratiques humaines susceptibles de réduire l’impact de l’homme sur la nature.

 

Quatre pistes sont présentées par les auteurs :

  • Poursuivre les programmes de conservation : ceux-ci ont permis de sauver 31 espèces d’oiseaux et 20 % des mammifères menacés au cours du siècle dernier. Il faut donc développer et mieux gérer les aires destinées à protéger les espèces, faciliter leur inter-connection et réduire la consommation de viande de brousse et le braconnage.
  • Augmenter les rendements agricoles pour rapprocher la production des besoins : 96 pays, en Afrique, en Amérique du sud et dans la région « Asie », ont des rendements inférieurs à la moitié de ce qui pourrait être obtenu avec des méthodes et des technologies adaptées.
  • Changer les régimes alimentaires : des régimes alternatifs riches en végétaux peuvent réduire la demande de terres agricoles et la propagation des maladies chroniques comme le diabète.
  • Spécialiser la production : des accords commerciaux pourraient diminuer la demande en terres agricoles en concentrant la production agricole dans les régions qui ont le potentiel de production le plus élevé.

 

Accédez à la transcription des éléments essentiels de l’article de David Tilman par Jean-François Silvain directeur de recherche à l’IRD et président de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité.

D. Tilman et al., Future threats to biodiversity and pathways to their prevention. Nature 546, 2017.

 

 

1. Dans le cadre de cet article, l’Asie comprend l’Asie du sud est, la Chine et l’Inde.

Biodiversité et néonicotinoïdes : revisiter les questions de recherche

Premières sur la liste des espèces pour lesquelles un effet négatif des néonicotinoïdes a été démontré, les abeilles domestiques ont depuis ouvert le chapitre à une pléiade d’autres groupes d’animaux comme les invertébrés terrestres et aquatiques, les poissons, les amphibiens, les reptiles ou encore les oiseaux insectivores, les rongeurs et les chauve-souris.

Par ailleurs, l’air, l’eau, les sols, les habitats naturels sont eux aussi contaminés. Des études ont également révélé des traces de ces insecticides dans les aliments. Les cultures non traitées ainsi que les plantes sauvages aux abords des cultures peuvent elles aussi contenir des néonicotinoïdes.

 

Le rapport souligne que la recherche sur les effets systémiques de ces substances et de celles issues de leur dégradation est aujourd’hui insuffisante. Ce qui induit une sous-estimation des conséquences néfastes pour la biodiversité. Le rapport invite à développer des recherches à des échelles d’organisation écologiques plus larges que l’individu : (1) les populations d’organismes et leur démographie, (2) les communautés d’organismes, (3) les écosystèmes.

 

Le rapport appelle à ce qu’une réflexion scientifique soit engagée sur les effets des néonicotinoïdes sur la biodiversité en général et non pas seulement au sein des agrosystèmes et sur des espèces cibles ou emblématiques. Les relations interspécifiques de compétition, prédation ou encore de mutualisme impliquent que l’effet direct d’un insecticide sur une espèce donnée se traduit nécessairement par des effets indirects sur des espèces en interactions avec cette espèce cible. Si les études se focalisent sur la contamination des insecticides sur des espèces cibles ou périphériques, les cascades trophiques déclenchées par les effets des insecticides sur celles-ci restent encore très largement inconnues.

 

En outre, le conseil scientifique de la FRB invite, à la lumière des effets déjà avérés de ces molécules sur la biodiversité, à soutenir de manière beaucoup plus active la recherche sur des alternatives aux néonicotinoïdes et plus particulièrement sur des alternatives non-chimiques reposant sur de nouvelles pratiques agricoles, relevant notamment de l’agro-écologie.

 

Le rapport est téléchargeable dans les ressources ci-dessous. 

Les acteurs français se mobilisent pour les pollinisateurs

Dans le cadre de l’évaluation thématique sur les pollinisateurs, la pollinisation et la production alimentaire adoptée en mars 2016 par les États membres de l’Ipbes, la FRB a souhaité mettre en regard des conclusions de cette évaluation et des mesures appliquées par des acteurs français. Elle a interrogé à cette fin les membres de son Conseil d’orientation stratégique et a recensé plus de 250 initiatives pouvant favoriser les pollinisateurs et réduire les pressions qu’ils subissent.

 

Consultez dans les ressources ci-dessous l’Expertise et synthèse regroupant ces initiatives. 

Les réserves marines peuvent atténuer les effets du changement climatique et favoriser l’adaptation des écosystèmes et des populations

Un article de synthèse signé par les plus grandes autorités mondiales en matière d’océanographie biologique – comme les scientifiques C.M. Roberts (Université d’York), J. Lubchenco, ancienne sous-secrétaire au commerce de l’administration Obama, D. Pauly (Université de la Colombie-Britannique) ou encore P. Cury (IRD et alors membre du conseil scientifique de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité) – démontrent comment les aires marines protégées contribuent à la fois à la préservation des espèces, à l’atténuation du changement climatique et à son adaptation. Pour que ces zones soient un outil efficace pour préserver les espèces et faire face au changement climatique, les scientifiques estiment qu’il faudrait protéger 30 % du domaine marin, or seuls 3,5 % sont actuellement couverts.

 

Les aires marines protégées ont un rôle majeur à jouer dans l’atténuation et l’adaptation aux changements globaux. En plus de préserver la biodiversité, une bonne gestion des réserves marines peut contribuer à l’adaptation des écosystèmes et des populations humaines aux cinq impacts majeurs du changement climatique sur les océans : l’acidification, la montée des eaux, l’intensification des tempêtes, les changements dans la distribution des espèces, la baisse de productivité et l’appauvrissement en oxygène. Les aires marines protégées peuvent même devenir des outils efficaces et peu coûteux pour réduire l’avancée du changement climatique. En effet, elles favorisent la séquestration et le stockage du carbone et constituent une « police d’assurance » pour les sociétés humaines en limitant les pressions directes sur l’environnement.

 

Parmi les effets positifs des aires marines protégées pour l’adaptation aux effets du changement climatique, on peut retenir que :

  • la protection des zones littorales humides (mangroves, marais, herbiers) maintient une forte activité photosynthétique qui, en utilisant le CO2, réduit l’acidification des eaux. Ces zones constituent des refuges pour les organismes calcifiants ;
  • la création d’aires marines protégées en haute mer favorise la préservation d’une grande abondance des poissons téléostéens méso-pélagiques qui jouent un rôle majeur dans le cycle du carbone ;
  • les aires marines protégées régulent les menaces telles que la surexploitation des milieux, l’urbanisation côtière ou le dragage non durable et sanctuarisent des zones tampons (zones humides côtières, les vasières et les récifs) qui protègent les infrastructures et les zones anthropisées contre l’élévation du niveau de la mer

 

Parmi les effets positifs des aires marines protégées pour l’atténuation du changement climatique, on peut retenir que :

  • les océans constituent un puits de carbone majeur. Les animaux jouent des rôles cruciaux dans les processus biogéochimiques. Les aires marines protégées contribuent ainsi à la préservation du rôle crucial des océans dans la régulation du climat ;
  • les aires marines empêchent le déstockage du carbone en limitant des méthodes de pêche hauturières intensives – comme le chalutage- qui participent à la remise en suspension du carbone sédimentaire ;
  • les écosystèmes complexes favorisent des processus comme la dispersion des pollutions, la protection côtière, ou encore la production alimentaire tout en évitant les changements de régime des écosystèmes aux conséquences graves et inattendues

 

La synthèse complète est téléchargeable dans les ressources ci-dessous. 

État des lieux et analyse des paysages des observatoires français de recherche sur la biodiversité

Déterminer l’état et la dynamique de la biodiversité pour modéliser et anticiper ses changements est essentiel.

 

L’enjeu scientifique repose sur la complémentarité des observations. En effet, la communauté scientifique a besoin de données multiples et pertinentes, collectées sur de longues périodes. Il s’agit de coupler des données biologiques mais également biophysiques et socio-économiques pour étudier des interactions et rétroactions complexes, les couplages entre les milieux, compartiments et facteurs anthropiques, et ce afin de dégager une compréhension fine des patrons et processus à l’œuvre.

 

Pour cela, la recherche française dispose de nombreux dispositifs d’observation et d’expérimentation qui collectent et gèrent des volumes de données de plus en plus importants, et pour des périodes de plus en plus longues, et qui se structurent sous l’influence de différents facteurs.

 

  • Comment est organisé le paysage national des observatoires ?
  • Quelles en sont les forces et les lacunes ?
  • Quels sont les leviers qui contribuent à sa structuration et à la diffusion des données

 

Telles sont les questions auxquelles répond l’état des lieux, téléchargeable ci-dessous.

Les solutions fondées sur la nature

Mise en avant par l’UICN depuis 2009, l’idée de « solutions fondées sur la nature » (SFN) invite à mieux s’appuyer sur des processus naturels, et pas seulement sur des moyens technologiques, pour répondre à des enjeux de société (changement climatique, santé et bien-être humains ou encore sécurité alimentaire). L’idée a été reprise par des instances de la politique de recherche à l’échelle européenne. La direction générale Recherche et Innovation de la Commission européenne a déjà lancé des appels à projets sur les Solutions fondées sur la nature. L’agenda stratégique de l’ERA-Net BiodivERsA comporte notamment un axe « biodiversité et Solutions fondées sur la sature ». Le conseil scientifique a mené des réflexions sur le potentiel de cette notion à inspirer de nouvelles recherches, ainsi que sur ses limites.

 

L’avis est à consulter dans les ressources ci-dessous. 

Réponses et adaptations aux changements globaux

Le Conseil scientifique de la FRB souligne dans sa dernière prospective pour la recherche française sur la biodiversité l’importance de la question de l’adaptation, au regard de changements environnementaux très rapides.

 

Ce rapport développe :

  • une prospective sur les recherches à mener sur l’adaptation aux changements globaux à différentes échelles, de l’organisme à la société. L’enjeu résulte de la nécessité de mieux comprendre – de l’échelle des individus à celle des espèces et communautés, jusqu’aux écosystèmes et socio-écosytèmes – les conséquences des changements globaux, dans un objectif d’anticipation des états futurs de la biodiversité ;
  • des exemples de recherches illustrant l’état des connaissances dans le domaine ;
  • l’identification de problématiques et axes de recherche prioritaires – et partagés.

 

Cette prospective est l’occasion de rappeler la capacité du vivant à évoluer et donc la responsabilité forte que porte nos sociétés pour maintenir cette capacité. Par les différents exemples donnés, l’ouvrage montre que si les mécanismes de renouvellement et d’évolution de la biodiversité sont maintenus, les capacités d’adaptation de la biodiversité face aux nouvelles contraintes environnementales seront mieux préservées. Ce document est ainsi une contribution à un changement des visions sur la biodiversité vue comme un processus dynamique.

Elle est à télécharger dans les ressources ci-dessous. 

Prospective 2015

Les activités de prospective représentent un cœur d’activité pour la FRB, à travers l’objectif 3 du plan d’actions 2015-2017 de la FRB : « Organiser et animer des réflexions stratégiques et des prospectives, associant chercheurs et porteurs d’enjeux, pour identifier les priorités de recherche sur la biodiversité ».

 

Pour remplir cette mission, elle mobilise à la fois le conseil scientifique et le conseil d’orientation stratégique.

 

De 2012 à 2014, le Conseil scientifique (CS), en collaboration avec le Conseil d’orientation stratégique (Cos), a travaillé à l’actualisation de sa prospective 2009, notamment pour tenir compte de la transformation du contexte politique, institutionnel et stratégique et de l’évolution des fronts de science. La prospective 2015, présentée au séminaire commun entre Conseil d’orientation stratégique et Conseil scientifique de mai 2015, constituera un socle pour les programmes d’actions à venir. Elle est à télécharger dans les ressources ci-dessous. 

Sols vivants – La face cachée de la biodiversité

Le sol est le support de la vie terrestre. Il est indispensable aux plantes et permet l’agriculture. L’essentiel de notre alimentation et celle d’une large partie des animaux terrestres en dépend donc. Il y a aussi de fortes interactions entre les sols et le changement climatique. Les enjeux autour des sols sont donc nombreux et très forts.

Mais comment fonctionne le sol et d’abord qu’y trouve-t-on ?

 

Consultez la Clé pour comprendre dans les ressources ci-dessous. 

Réflexions et recommandations sur le projet de loi relatif à la biodiversité

Le Conseil scientifique (CS) de la FRB a été amené à plusieurs reprises à évoquer le projet de loi relatif à la biodiversité au cours du processus d’élaboration du texte. Il présente dans le présent avis des réflexions consolidées concernant spécifiquement les champs de compétences de la FRB.

Le CS identifie, à travers des recommandations ou des demandes de précisions, différents points (généraux ou particuliers) qui l’interrogent plus particulièrement. Ces points sont listés dans l’avis, disponible dans les ressources ci-dessous, et classés par titre du projet de loi.

Climat et biodiversité – Synthèse de la rencontre avec les experts français du Giec et de l’Ipbes

Le 6 novembre 2014 s’est tenue à la Maison des Océans (Paris Ve) une conférence intitulée “Climat et biodiversité – Rencontre avec les experts français du Giec et de l’Ipbes”, organisée conjointement par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) et le ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie (MEDDE).

 

Elle a réuni un public nombreux (environ 400 personnes) et divers (chercheurs, étudiants, agents de la fonction publique, décideurs, professionnels et gestionnaires, membres d’ONG, journalistes, etc.) et s’articulait selon trois thèmes :

  • Les impacts du changement climatique sur la biodiversité, le fonctionnement des écosystèmes et sur les services écosystémiques : aspects terrestres et marins ;
  • Les interactions climat – biodiversité (rétroactions biosphère – climat) : aspects terrestres et marins ;
  • Les implications socio-économiques des interactions entre changement climatique et biodiversité Des scientifiques français de haut niveau, membres du GIEC ou de l’IPBES, sont intervenus pour présenter leur recherche et communiquer quelques messages clés.

 

La synthèse de cette conférence est téléchargeable dans les ressources ci-dessous.

La thématique “Biodiversité et agriculture” dans les projets de recherche et développement français

La FRB et l’ACTA ont noué un partenariat qui a permis de réaliser une analyse des projets de R&D agricole CASDAR* portant sur la biodiversité.

 

Ce rapport rassemble les principaux résultats, à travers une présentation :

  • de l’évolution de la prise en compte de la biodiversité et des approches adoptées dans les projets, depuis 2004 ;
  • des acteurs impliqués et de leurs réseaux de collaborations, dans le paysage global de la recherche à l’interface agriculture / biodiversité.

 

Cette étude souligne la grande diversité des structures impliquées sur ce thème, bien au-delà des seuls acteurs de la recherche publique académique. Elle met ainsi en évidence un vivier de partenaires potentiels, mobilisables dans les projets à venir.

 

Le rapport complet est consultable dans les ressources ci-dessous.

 

 

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* CASDAR : Compte d’affectation spéciale pour le développement agricole et rural

Scénarios de la biodiversité : Un état des lieux des publications scientifiques françaises

Une étude de profils Web of Science souligne l’expansion forte et récente de ce champ d’étude dans lequel la France participe à près de 7 % des publications internationales : la recherche française se situe ainsi au 6e rang mondial et au 3e rang européen en termes de nombre de publications sur les scénarios de la biodiversité.

 

Au-delà de cette étude de profils, une bibliographie fine de l’ensemble des travaux publiés ces quinze dernières années par la communauté scientifique française en matière de scénarios de la biodiversité – entendus comme “descriptions quantitatives ou qualitatives des devenirs possibles de la biodiversité et/ou des services écosystémiques associés” – est ici proposée.

 

L’analyse des 111 publications répondant strictement à cette définition révèle que les chercheurs français qui travaillent sur ce thème publient majoritairement des articles fréquemment cités, et ce, dans des revues à fort facteur d’impact. Ces publications sont pour la plupart le fruit de collaborations internationales. Une analyse détaillée des articles indique une forte représentation :

  • des scénarios exploratoires,
  • des travaux prenant l’espèce comme niveau d’étude de la biodiversité,
  • du climat comme facteur de changement, 
  • des milieux forestiers, agricoles et montagnards européens et français,
  • de l’échelle spatiale locale ou régionale,
  • et des approches quantitatives basées sur de la modélisation, avec une prédominance des modèles de niche.

À l’inverse, les scénarios concernant les micro-organismes et le niveau infraspécifique de la biodiversité sont très peu représentés. Les services écosystémiques dépendant de la biodiversité sont également relativement peu étudiés. Enfin, une très large majorité de publications n’associe aucun acteur de la société. Cependant, l’étude permet d’identifier des formes de collaborations « science-société » à la fois innovantes et pertinentes pour la co-construction de scénarios.

 

Téléchargez l’intégralité de l’étude dans les ressources ci-dessous. 

Les valeurs de la biodiversité #2 – un regard sur les approches et le positionnement des acteurs

Comment les acteurs de la société, au-delà des communautés scientifiques, se sont-ils emparés du thème des valeurs de la biodiversité ? 

 

Par le recueil et l’analyse des discours de porteurs d’enjeux de la biodiversité, l’étude présentée dans ce rapport tente de répondre à cette question, en apportant un regard sur trois points principaux :

  • les types de valeurs attribués à la biodiversité par les porteurs d’enjeux ;
  • l’influence du cadre politique et juridique sur la prise en compte des valeurs de la biodiversité ;
  • la manière dont les valeurs de la biodiversité peuvent être mobilisées dans les stratégies de positionnement des porteurs d’enjeux. 

 

Cette étude, téléchargeable dans les ressources ci-dessous, présente ainsi des éléments clés pour la compréhension des motivations des acteurs autour de la biodiversité, de ce qui fait sens et ce qui a de l’importance pour eux. En venant compléter l’état des lieux de la recherche française sur les valeurs de la biodiversité, elle contribuera à alimenter le dialogue entre l’ensemble des acteurs, pour identifier des voies de progrès et des questions de recherche. 

Les valeurs de la biodiversité #1 – un état des lieux de la recherche française

Comment les chercheurs abordent-ils la notion de valeur dans le domaine de la biodiversité ? 

 

Au cours des vingt dernières années, la recherche sur la biodiversité a connu une importante recomposition de ses cadres de pensée, avec l’arrivée de nouveaux concepts et de nouveaux outils, dans le contexte d’une montée en puissance de la gouvernance mondiale et d’une transformation des modes de gestion à l’échelle locale. Cela a constitué le terreau de nouvelles réflexions – et parfois de vives controverses – autour de l’évaluation de la biodiversité et des valeurs qui lui sont attribuées par les sociétés humaines. 

 

Ce rapport, consultable dans les ressources téléchargeables ci-dessous, analyse l’état et la dynamique de la recherche française autour des valeurs de la biodiversité à la lumière de ces évolutions. Il présente un tour d’horizon des questions abordées et des approches mobilisées par les chercheurs de différentes disciplines. Au fil de ce rapport, se dessine la structuration et la dynamique d’un champ de recherche en pleine évolution. 

La biodiversité dans le thème “Environnement” du 7e programme-cadre (2007-2010)

Au niveau européen, les projets de recherche sur la biodiversité peuvent être financés par une série d’outils, dont le septième programme-cadre pour la recherche et le développement technologique (7e PC) au sein duquel le thème « Environnement » est reconnu comme une source majeure de financement. En effet, la Commission européenne fournit un soutien financier important à une série de projets de recherche englobant plusieurs sous-activités, dont la biodiversité, dans le cadre de ce thème.

 

La biodiversité, un thème transversal, non identifié comme tel dans le thème « Environnement » du septième programme-cadre

 

Au sein du 7e PC, la biodiversité apparaît dans différentes sous-activités : « Pressions sur l’environnement et le climat », « Milieux marins », « Gestion durable des ressources », etc. mais il n’y a pas d’entrée unique et délimitée pour financer la recherche sur la biodiversité. Par conséquent, l’évaluation des résultats du financement du 7e PC pour la communauté de recherche sur la biodiversité et les problèmes associés sont complexes.

Pour surmonter cette difficulté, la FRB  a réalisé l’étude – téléchargeable en anglais dans les ressources ci-dessous – sur la base des résultats des projets soumis au 7e PC. L’objectif principal de cette étude est d’évaluer l’importance de la biodiversité parmi le thème « Environnement » par rapport aux sous-activités identifiées. Les tendances temporelles des financements sont également évaluées pour la période 2007-2010, et les performances relatives des pays participants sont comparées.

Pertinence et faisabilité de dispositifs d’APA en Outre-mer

L’étude avait pour objectifs de : 

  • définir les modalités d’un ou de plusieurs régimes d’APA en outre-mer, en particulier en Guyane, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, territoires ayant fait l’objet d’études de cas.
  • servir de base à une réflexion plus générale sur une législation sur l’APA au niveau national et alimenter les positions françaises dans le cadre des négociations internationales de la CDB.
  • L’étude sur la pertinence et la faisabilité d’un dispositif d’APA répond au plan d’action outre-mer de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité (SNB) de la France, qui prévoit d’une part une réflexion sur le sujet et une action sur la valorisation des savoirs locaux et pratiques traditionnelles liés aux ressources génétiques.

 

Retrouvez dans les ressources ci-dessous le rapport complet, le résumé (10 p.) ainsi qu’un document synthétique (4 p.).

Quels indicateurs pour suivre la diversité génétique des plantes cultivées ?

Face aux exigences d’une agriculture durable et aux changements globaux, nous devrons mieux préserver et utiliser la diversité génétique des espèces agricoles. Leur diversité est un élément clé du devenir des agroécosystèmes. Les principaux textes internationaux (CDB, FAO) et nationaux (SNB) portant sur la biodiversité, soulignent que les changements de diversité biologique restent mal caractérisés, notamment pour les plantes cultivée.

 

La FRB propose un « tableau de bord » d’indicateurs inédit : Pour la première fois, ce tableau de bord intègre des données génétiques et des données de répartition des variétés de blé sur le territoire français au cours du XXe siècle. Vous pouvez retrouver le rapport complet, le résumé de l’étude et les annexes en téléchargement ci-dessous.

 

  • Les résultats

 

Cette étude montre une homogénéisation de la diversité génétique cultivée, qui s’explique par la disparition de la diversité à l’intérieur des variétés cultivées au cours du XXe siècle. Cette homogénéisation concerne aussi la répartition des variétés entre et au sein des territoires marqués par leur histoire agricole. Elle pose la question de la fragilité des cultures de blé vis à vis des changements de l’environnement en cours et à venir (pathogènes, sécheresse, pratiques agricoles, etc.).

 

Ce type d’étude permet de retracer les conséquences de l’évolution de l’agriculture et des filières associées sur la diversité des plantes cultivées. L’application de ces indicateurs est un formidable outil pour éclairer les décideurs sur les actions visant à maintenir, aux échelles nationales et territoriales, la diversité des ressources génétiques cultivées.

Paroles d’acteurs

Biodiversité : paroles d’acteurs, rencontres avec le Conseil d’orientation stratégique (Cos) de la FRB.

 

Qui sont les membres du Conseil d’orientation stratégique de la FRB ? Quels sont leurs valeurs, leurs représentations, leurs ambitions ou encore leur mode d’action en matière de biodiversité ?

 

Téléchargeable dans les ressources ci-dessous, ce recueil de 45 rencontres pour permettre aux acteurs de la société civile de se découvrir et de créer du lien est aussi un éclairage unique sur la diversité des visions autour de la biodiversité. Un point de départ pour élaborer collectivement un vocabulaire commun, préalable indispensable à la structuration de réflexions et d’actions partagées.

 

 

Prospective scientifique 2009-2012

À la demande du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche et en vue d’alimenter le volet “biodiversité” de la Stratégie nationale recherche et innovation 2009-2014, le Conseil scientifique (CS) de la FRB a réalisé un document de prospective scientifique.

 

Cet exercice de prospective, qui concerne plus particulièrement la période 2009-2013, identifie les grandes thématiques et les modalités d’action pour les années à venir.

 

La biodiversité est ici considérée à tous les niveaux fonctionnels : de la molécule à l’écosystème, du paysage aux échelles globales. Les représentations, savoirs et pratiques des communautés humaines sont pris en compte dans une approche intégrative et pluridisciplinaire de la dynamique de la biodiversité.

 

Consultez, dans les ressources ci-dessous, le document complet ainsi que le résumé disponible en français et en anglais.